26.09.2003 : Interview de Jean CHALOPIN
Comment s'est faite la rencontre avec les Japonais dans la conception d'Ulysse 31 et étiez vous vous-même client de la japanime de l'époque ?
Il faut remettre les choses dans le contexte de l'époque : les quelques rares dessins animés arrivant du Japon sur nos écrans étaient qualifiés de "Japoniaiseries" par la presse et la plupart des dirigeants de chaînes. Pourtant nous étions conscients que nous avions tout à apprendre des Japonais qui savaient produire des séries alors que nous ne savions que les concevoir. Il fallait donc convaincre les chaînes françaises et la presse qu'avec un alibi culturel (Ulysse) et notre imaginaire, associé à la capacité japonaise, nous pourrions faire une oeuvre d'exception qui pourrait rencontrer un grand succès populaire et une reconnaissance des médias. Une fois encore c'est Hélène Fatout, avec l'accord et le soutien de Claude Lemoine, qui a accepté de nous faire confiance. La première rencontre avec TMS s'est faite au MIP. Mes relations avec Yukata Fujioka et toute son équipe sont très vite devenues très bonnes. Je me suis retrouvé à travailler sur les scripts de "Nobody's Boy" (Rémi). Bientôt DIC allait ouvrir sa filiale KKDIC, notre propre société au Japon. Bernard et moi sommes allés nous installer là-bas, avec armes, famille (dans le cas de Bernard) et bagages. Et comme notre staff Japonais ne parlait ni anglais ni français et que je ne pouvais pas passer mon temps à utiliser des traducteurs, j'ai appris le japonais. C'est à la même époque que nous avons commencé à travailler avec Mitsuro Kaneko et NHK pour "Esteban Tayo no ko" plus connu en France sous le nom des "Mystérieuses Cités d'Or".
Deux ans après Ulysse 31, démarre une nouvelle collaboration avec les Japonais sur une série qui fera encore parler d'elle 20 ans après : Les Mystérieuses Cités d'Or. Comment vous est venue l'idée d'adapter le roman de Scott O'Dell et surtout de le compléter avec la création de personnages comme Tao par exemple ?
Le travail sur les Cités d'Or commence en fait en même temps qu'Ulysse 31, mais le projet, principalement du fait que toutes les chaînes françaises de l'époque avaient refusé de le co-produire (c'est finalement la CLT qui a accepté de le faire pour nous soutenir), n'a pu vraiment démarrer que vers la fin 1981. L'idée d'adapter (très, très, très librement) le livre de Scott O'Dell est venue, encore une fois, du besoin d'un alibi culturel, cette fois-ci vis à vis de NHK. En fait Kaneko San avait déjà l'idée avant même de trouver l'ouvrage de O'Dell. C'est NHK qui a suggéré ce titre. En fait nous n'avons presque rien utilisé du livre, si ce ne sont les noms de trois personnages : Mendoza, Zia et Esteban - car en fait nos personnages n'ont rien de commun avec l'oeuvre de Scott O'Dell. En fait "Les Mystérieuses Cités d'Or" sont une oeuvre de pure imagination résultant du travail créatif commun entre l'équipe Japonaise de MK Prod et du Studio Pierrot et de DIC - c'est à dire de notre côté Bernard et moi.
Ulysse 31 et Les Mystérieuses Cités d'Or sont vos deux seules co-productions avec le Japon. Ces deux séries ont un aspect éducatif indéniable. On découvre la mythologie grecque avec Ulysse et avec les Cités d'Or, l'histoire des civilisations Incas ou Maya notamment grâce aux documentaires de fin. Est-ce un pur hasard ou alors vouliez-vous donner ses lettres de noblesse à la japanime ?
Je crois l'avoir dit plus haut : nous avions besoin d'un alibi culturel pour que les chaînes acceptent nos programmes. Les choses ont changé très vite, et l'audience est devenue le seul critère, mais cela ne nous a pas empêchés, sur Gadget ou Les Entrechats, par exemple, d'avoir des petits "tags" éducatifs et distractifs à la fois en fin de bande - de notre propre chef !
On parle sans cesse d'une suite des Cités d'Or. Vous avez d'ailleurs confirmé au Japan Expo de 2003 que tout était prêt mais il ne manquait plus que le financement des chaines françaises qui refusent de suivre notamment du fait qu'il s'agit d'une série avec des épisodes dépendants les uns des autres. Comment expliquez-vous que les chaînes françaises soient plus frileuses que dans les années 80 surtout après le bilan positif de la rediffusion de la série sur France 5 récemment ?
Notre projet de suite n'a pas trouvé preneur auprès des chaînes françaises, c'est vrai. Je crois que ce type de série ne correspond plus à leurs attentes - de plus le feuilleton fait peur aux diffuseurs. Kaneko San avait trouvé des investisseurs pour 50% au Japon, mais malheureusement notre projet s'est écroulé. Comme vous le savez, nous envisageons maintenant de développer et produire un long métrage d'animation.
À ce propos que pensez-vous du projet d'AK vidéo qui propose une suite basée plus sur le livre d'origine des Cités d'Or ?
Je ne connais pas assez ce projet pour en parler, mais une chose est certaine : AK ou qui que ce soit ne peut utiliser les droits de la série sans l'accord de Mitsuru Kaneko, NHK, CLT, Bernard Deyriès et moi - et je peux vous assurer qu'aucun des ces partis ne donnera son accord au projet d'AK car il est contraire aux intérêts des ayant-droits de la série d'origine et à mon avis contraire aux intérêts du public qui risque fort de se faire duper en achetant un produit qui n'aura aucun rapport avec leur attente. Le nom même des "Cités d'Or" ne peut être utilisé par AK - ni aucun de nos personnages dans leur aspect physique, et aucun des personnages et situations que nous avons créées en écrivant la série. De plus, comme je vous l'ai dit, il n'y a qu'un bien lointain rapport entre le livre de Scott O'Dell et la série que vous connaissez bien.
Pour bon nombre de musiques de vos séries on retrouve l'équipe de Saban, notamment Shuki Levy qui a signé un très belle BO avec les Cités d'Or. Pourquoi Saban ?
D'abord parce que Haïm Saban, Shuky Levy et Noam Kamiel étaient et sont toujours des amis proches; parce que travailler avec Shuky et Noam me donnait une vraie liberté créatrice sur le plan sonore, car ceux-ci acceptaient de faire et refaire cent fois la musique jusqu'à temps que je trouve celle qui me convenait; enfin aussi parce que Haïm contribuait financièrement au coût de la série en nous achetant d'avance les droits d'édition musicale, ce qui pour certaines séries était plutôt bienvenu.
Aujourd'hui bon nombre de vos séries sont sorties en DVD comme Jayce, les Cités d'Or ou bien encore Ulysse 31. Que pensez-vous de ces éditions DVD et avez-vous eu votre mot à dire ?
J'en suis ravi, malheureusement les droits ne m'appartiennent plus ...
Si on ne devait garder qu'une série de toutes celles que vous avez produites, laquelle prendriez-vous et pour quelles raisons ?
Impossible de demander à un père de choisir parmi ses enfants ! Chaque série a son histoire et ses anecdotes. Certaines ont échouées, d'autres sont devenues de grands succès, mais elles ont toutes été le fruit de la passion et du bonheur de faire ce métier avec des équipes fabuleuses.
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