Suite.
Bâillant à s'en décrocher la mâchoire, Mendoza ferma les paupières l'espace d'une minute.
Ne t'endors pas Juan. Raconte-moi.
Le capitaine fronça les sourcils. Était-ce un songe, ou bien Laguerra lui avait vraiment murmuré ces mots? Même si le sommeil se faisait rare, il avait du mal à faire le tri entre ses expériences vécues et ses rêves, de plus en plus étranges. Des images improbables, des gens qui pleurent, des enfants qui rient en lui montrant des papillons d'or dans le ciel. N'importe quoi! Un ramassis de clichés poétiques. Les yeux papillotant, il reprit:

: Sur ce bateau se trouvaient huit hommes. Enrique, las de ses échecs répétés, leur adressa pourtant la parole. À son grand étonnement, il se fit comprendre parfaitement cette fois. Ce fut la preuve que nous étions arrivés dans une région où l'on parlait malais. Cependant, les indigènes refusèrent de monter sur la nef et demeurèrent à distance respectable. Afin de les attirer, Magellan ordonna qu'on leur lance de la marchandise à troquer en insistant sur une chose: que les breloques soient attachées à une planche pour qu'elles puissent flotter à la surface de l'eau si par malheur elles n'atteignaient pas leur cible. Les autochtones s'emparèrent des présents avec une satisfaction évidente avant de repartir prévenir le souverain de l'île. Deux heures plus tard arrivèrent deux balangays*, dont le plus grand était surmonté d'une sorte de dais fait de nattes et dressé à la proue, sous lequel se trouvait le Radjah local. L'autre appartenait à un dirigeant de Mindanao* en visite à Mazaua. Enrique entama la conversation en invitant le roi à bord. Kolambu -c'était son nom- ordonna à quelques-uns de ses hommes de monter sur la caraque mais demeura lui-même sur son embarcation. Magellan leur offrit moult cadeaux avant qu'ils ne s'en retournent. Voyant cela, le Radjah voulut donner à son tour un lingot d'or et une corbeille de gingembre, que le Portugais déclina poliment.
L'espionne semblait déroutée.

: Pourquoi avait-il refusé?

: Afin de ne pas se montrer trop intéressé par ce métal précieux.

: D'accord, mais pourquoi dédaigner le panier d'épice?

: Nous étions en pleine Semaine Sainte. Comme je te l'ai déjà signalé, Magellan était un homme pieux, attaché aux croyances, aux devoirs et aux pratiques de la religion. Malgré les nombreuses privations durant le voyage, il respecta le Carême. Et puis, il avait autre chose en tête à cet instant. Antonio de Coca ayant été emporté par la fièvre dès notre arrivée, une autre inhumation en mer devait être organisée promptement. Alors que Kolambu et sa suite regagnèrent la terre ferme, le comptable de la flotte fut jeté dans les eaux de l'archipel Saint-Lazare.
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: Les heures passèrent et, en cette soirée du Jeudi Saint, les trois navires mouillèrent près de la demeure royale. Après le souper -précédé du
pedilavium*- le silence se fit. À bord de la
Trinidad, les marins restèrent en contemplation devant les rochers noirs qui brillaient sur la côte. Affleurant les eaux de la mer de Bohol, ils avaient au clair de lune quelque chose de fantastique. On aurait dit d'énormes monstres à demi-engloutis. Une brise légère se leva tout à coup puis retomba de manière aussi soudaine. On éprouvait une sensation de calme... d'expectative. Je revins au navire et à son personnel. Était-ce une illusion de ma part où régnait-il sur le pont le même calme fait d'attente? Comme au théâtre lorsque l'on guette l'entrée en scène du comédien principal. Mais le premier acte ne débuta que le lendemain matin... À peine le soleil levé, Magellan envoya à terre Enrique et Sancho de Heredia, son notaire. Il voulut à la fois assurer au souverain qu'il n'avait aucune intention hostile à son égard et qu'il souhaitait lui acheter toutes les vivres qu'il pouvait lui fournir. Un peu plus tard, vers la fin de la matinée, accompagné d'une petite dizaine de ses sujets, Kolambu consentit à embarquer dans la chaloupe des visiteurs pour se rendre à bord de la nef amirale. Après une accolade, il offrit à mon maître trois vases de porcelaine remplis de riz cru, deux grosses daurades et divers objets. Le capitaine-général lui donna en retour une tunique de soie jaune et rouge, confectionnée à la mode turque, et un bonnet fin d'écarlate. À ses hommes, on remit des miroirs et des couteaux. Puis un repas léger fut servi au cours duquel mon mentor se livra à un exercice complexe: tenter d'éviter à ses moustaches tout contact avec son potage. Pleinement satisfait de sa réussite sur ce point, il examina les convives en attendant la suite. Toujours dans le souci de ne pas laisser son invité à quia*, il chargea Enrique de renouveler ses vœux d'amitié et de lui montrer des draps et tissus, ainsi que du corail et d'autres babioles. Le riche et puissant Kolambu voyait bien que Magellan voulait faire affaire. Il lui indiqua que les meilleurs endroits pour engager des échanges commerciaux dans ce groupe d'îles étaient Ceylan*, Calaghan et Cebu. Cette dernière était la plus grande et la plus fréquentée. Là-bas régnait un monarque encore plus important: son cousin, le Radjah Humabon, qui entretenait un actif négoce avec les Chinois pour l'or, les esclaves, la porcelaine et le coton. N'ayant trouvé aucune terre dans le Pacifique, il était capital que mon mentor s'y rende le plus tôt possible. Pour lui, nouer des alliances avec des rois puissants était indispensable afin de faire fructifier sa fortune personnelle. Dans son esprit, je suis sûr qu'il devait échafauder de mirifiques plans d'avenir: redorer son blason auprès de notre roi, évangéliser les peuples rencontrés sur sa route. Mais pour l'heure, il avait bien l'intention de demeurer en ce lieu durant quelques jours.
Pensive, Isabella se rappela que, dans la
capitulación signée par Charles Quint le 18 mars 1518, il était stipulé qu'au-delà de six îles découvertes, Magellan pouvait en choisir deux dont il toucherait des revenus. Il était donc important pour lui d'en trouver autant que possible, mais qui possédaient aussi un réel potentiel d'exploitation. Mazaua et Cebu semblaient à ce titre particulièrement intéressantes. Flottant dans sa rêverie comme dans un nuage, elle médita quelques instants. Les phrases, en une langue admirablement châtiée, se succédaient sur les lèvres de son amant. Ce dernier était presque certain qu'elle ne l'écoutait que d'une oreille distraite. Un "
Je continue, Princesse?" la fit réagir.

: Mais je t'écoute, Juan. Je t'écoute!

: Je disais que lorsque le déjeuner prit fin, un tour complet du navire permit au souverain local d'admirer les armes à feu et les canons, que l'on fit tirer, à la grande épouvante des autochtones. La pâleur de l'effroi marquant encore leurs traits, mon maître fit ensuite revêtir une armure complète à l'un de ses hommes, qui fut subséquemment attaqué par trois autres. Kolambu, étonné, fit dire qu'un soldat équipé de telle manière pouvait combattre cent adversaires. Magellan ajouta qu'il avait sur ses navires deux-cents marins pouvant être équipés de cette façon.
Une expression étrange se posa comme un masque sur le visage de la bretteuse. Elle fronça les sourcils tandis que sa bouche écarlate forma une courbe tombante.

: Je me demande si Magellan voulait simplement impressionner son invité, ou bien lui montrer que sa puissance était bien supérieure à la sienne et qu'un éventuel conflit entre eux n'aurait qu'une issue possible. Ainsi pouvait-il s'assurer l'
amitié de Kolambu. Dans tout les cas, c'était bien là une curieuse façon de confirmer ses intentions pacifiques!
Mendoza, sourire sardonique, songea que sa donzelle avait oublié d'être sotte. Décidément, elle en avait sous le chignon. Il remua un peu sur son siège.

: À la fin de la visite, les commensaux furent conduits au château arrière où on leur montra des cartes et des boussoles. On leur expliqua comment et par où nous étions arrivés, et combien nous avions passés de lunes sans voir la terre. Le souverain en resta coi avant de demander à son hôte si deux de ses hommes pouvaient le suivre à terre afin de leur montrer son royaume.
La jeune femme regarda son interlocuteur en clignant des yeux comme avec une mine de hibou.

: Pourquoi seulement deux? Et pourquoi n'avait-il pas invité directement Magellan?

: Peut-être Kolambu craignait-il de voir débarquer trop d'hommes en armes.

: Je suppose que l'interprète fut l'un des deux à s'y rendre.

: Perdu! D'après Ginés de Mafra, Enrique ne fut d'aucune utilité durant le séjour à Mazaua car il le passa à manger et s'enivrer avec les autochtones. Ce fut Pigafetta et un marin qui furent désignés.
La voix du Catalan restait sur une prudente réserve. L'espionne eut l'impression qu'il ne se livrait pas entièrement.

: Lequel?
Dans son effort pour rassembler ses souvenirs, le mercenaire plissa le front. Restant silencieux un instant, il finit par avouer:

: C'est bien difficile. Tu comprends, c'était il y a plus de dix ans. Et sans mon journal...
Il réfléchit encore, puis secoua la tête:

: Non, je ne m'en souviens pas! Mais soit, ce n'est pas le plus important. En tout cas, ce sont bien deux membres de la nef amirale qui eurent le privilège de suivre Kolambu qui, d'après l'Italien, était un très bel homme. Le chroniqueur raconta qu'il avait le corps tatoué, bien huilé, qu'il portait beaucoup de bijoux. À la cour du Radjah, Pigafetta passa surtout du temps à festoyer et apprendre du vocabulaire local. Il nous donna une curieuse description de l'habitation royale, des banquets auxquels il assista, des mets qui entraient dans leur composition, des cérémonies auxquelles on procédait toutes les fois qu'on vidait une tasse de vin. D'ailleurs, son acolyte avait surtout bu sans retenue jusqu'à s'enivrer.
Avisant la bouteille bien entamée sur la table, Isabella contempla le conteur avec le genre d'attention méditative qu'elle aurait accordée à une espèce inconnue de coléoptère. Son ton se fit insinuant et demanda avec un sourire en coin:

: Ce marin, ce n'était pas toi, par le plus grand des hasards?
Mendoza jeta un coup d'œil de son côté. Une ride vint lui barrer le front, puis, d'une voix de rogomme, il fit preuve d'une vive indignation:

: Ah non, pas du tout!

: Vraiment? C'est tout de même étrange que tu ne te souviennes plus de l'homme qui avait accompagné le chroniqueur à ce moment-là!
Le Catalan se redressa soudain sur son siège. Les mots lui jaillirent des lèvres en un long flot chuinté:

: Pigafetta a omis de le mentionner. Moi aussi j'ai oublié, voilà tout! Tu vas ergoter comme ça pour si peu?
Laguerra était la proie d'émotions contradictoires. Elle se sentait profondément gênée mais en même temps très agréablement émoustillée. Elle aussi aimait le mettre sur le gril et le faire enrager pour des riens. Lui tapotant la cuisse, elle lui fit remarquer sur le ton de la plaisanterie:

: Voilà un phénomène que j'ai rarement eu l'occasion d'observer: le capitaine Mendoza se fâcher pour des vétilles. Allez, je me moque bien de savoir si c'était toi ou un autre. Quoi qu'il en soit, en voilà trois pour qui s'abstenir de toutes espèces de plaisirs et jouissances durant le Carême devait être au-dessus de leurs forces!
Voyant une lueur d'amusement passer dans le regard de sa compagne, l'Espagnol parut perdre de sa pétulance. Il en vint même à sourire avec bonne humeur et ne marquait plus aucune contrariété. Il reprit:

: Détrompe-toi, Antonio en fut fort contrit. Il en parle même dans son journal.
Laguerra jeta un coup d'œil au manuscrit.
"Quand j'eus débarqué, le roi leva les bras au ciel et se tourna vers nous deux, et nous fîmes la même chose que lui. Après cela il me prit par la main, et un de ses principaux gens prit celle mon compagnon, et nous conduisit sous un endroit couvert de cannes, où il y avait un balangay, c'est-à-dire un bateau de quatre-vingts pieds de long environ. Nous étions assis avec le roi à la poupe, conversant toujours avec lui par signes, et son peuple se tenait autour de nous, avec ses épées, ses lances et ses boucliers. Je lui donnai quelques objets sans valeur que j'avais sur moi. Là, je notai plusieurs choses comme ils les nomment dans leur langue, et quand le roi et les autres me virent écrire, et que je leur dis leur façon de parler, ils furent tous étonnés. La collation à bord de la nef ayant été chiche, le roi ordonna qu'on lui apporte de la viande et du vin. On lui servit deux grands plats de porcelaine, dont l'un était plein de riz, et l'autre de chair de porc, avec son bouillon et sa sauce. Leur façon de boire est la suivante: ils lèvent d'abord les bras vers le ciel, puis prennent le récipient à boire dans leur main droite et étendent la gauche fermée vers le peuple. C'est ce que fit le roi, de sorte que je crus qu'il voulait me frapper. J'ai fait la même chose avec lui, ainsi, avec cette cérémonie et d'autres signes d'amitié, nous fîmes un banquet ensemble. Je mangeais de la chair le Vendredi Saint, ne pouvant faire autrement. À chaque bouchée, nous buvions une coupe de vin, et avec ce qui restait dedans, bien que cela arrive rarement, était mis dans un autre vase. Mon compagnon a tellement apprécié la nourriture et les boissons qu'il s'est saoulé. Puis nous nous rendîmes chez le Radjah."

: En cette fin d'après-midi, tandis que Pigafetta et son compère firent de formidables bombances, Magellan décida de se rendre à terre pour voir Kolambu. Étant dans une politique de conquête, il avait une idée derrière la tête. Quelques instants plus tard, il fut introduit par un serviteur qui l'annonça avec l'intonation sépulcrale de rigueur. Mon maître fut accueilli avec déférence et empressement par le Radjah en personne. L'attitude de ce dernier fut parfaite. Il le reçut avec une affectueuse attention, le guidant à travers son palais. Celui-ci était semblable à une grange à foin, couvert de feuilles de figuier et de palmier. Il était construit sur de grandes poutres au-dessus du sol, et il fallait y monter des marches et des échelles. Alors le roi le fit asseoir sur une natte de rotin, les jambes croisées comme c'était l'usage. Mon mentor avisa l'état d'ébriété du marin et fit la moue. Le supplétif avait semblé être bien plus raisonnable. Au cours de cette entrevue, Magellan avait dans l'idée de fraterniser avec Kolambu, de sceller leur amitié naissante par un pacte de sang. C'est mon mentor qui avait initié la cérémonie car il avait entendu parler de cette coutume répandue en Asie du sud-est, connue sous le nom de
casi casi. Il souhaitait sympathiser avec les locaux en partageant leurs us tout en revendiquant la propriété des îles pour le roi Charles Quint. En ce vendredi de la croix, les deux hommes exécutèrent le rituel en s'entaillant la poitrine.
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: Tout en noircissant les pages de son compte-rendu, les yeux du chroniqueur allèrent de l'un à l'autre. Leur sang fut récupéré dans une coupe, on y mêla du vin et, avec les mêmes signes enseignés aux deux Européens quelques heures auparavant, ils en burent chacun la moitié.
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: Les nouveaux amis, après avoir dûment célébré l'amitié indéfectible qui les unissait, s'étaient étreints avec chaleur. Des cadeaux furent échangés entre les deux parties à la fin de la célébration. L'heure du souper approchait. Bientôt, le lieu se trouvait rempli de monde. Non pas qu'il fût le seul endroit pour se restaurer mais il demeurait le plus prisé pour se trouver au plus près du monarque. Au bout d'une demi-heure, des serveurs au pied léger et à la main adroite s'activèrent en apportant plusieurs plats de poisson rôti en morceaux, du gingembre frais cueilli à ce moment-là et du vin. Sur ces entrefaites, le fils aîné du roi fit son entrée. Son père l'invita à s'asseoir près de mon maître, ce qu'il fit. Le Portugais répondit aux présentations par une inclinaison de la tête. Il détailla le jeune homme tout à son aise durant un moment et convint qu'il était ce qu'on pouvait appeler un beau garçon. La soirée s'étira. Le repas, succulent, se passa très agréablement et Magellan exprima sa satisfaction au roi qui esquissa un sourire. Mais bientôt, la fatigue s'empara du monarque. Éreinté, Kolambu fit signe qu'il voulait aller se reposer et laissa son hôte avec le prince. L'Amiral était lui aussi impatient de s'éclipser, mais pour ne pas paraître rustaud, il resta encore un peu. Habituellement, il se couchait vers dix heures. Une prolongation jusqu'à onze heures fut pour lui un devoir. Cependant, il sentit poindre les prémices de l'épuisement: nuque raide, paupières lourdes, bâillements discrets mais répétitifs. Voyant ces signes, l'héritier lui fit comprendre qu'il pouvait rester ici pour la nuit mais Magellan était comme moi, il ne dormait jamais aussi bien qu'à bord d'un navire. Fortifié par le souper, il remercia chaleureusement le prince et prit congé, laissant Pigafetta et l'outre à vinasse sur une natte de rotin...
La tête du Catalan s'abaissa jusqu'à ce que son menton vînt toucher sa poitrine. Il garda le silence durant une bonne minute, ne bougeant pas d'un pouce si bien que l'aventurière pensa qu'il s'était endormi pour de bon. Et, tout d'un coup, après être resté aussi figé qu'une statue de cire, elle le vit plisser le front, se redresser sur son siège et prendre l'attitude d'un orateur prononçant une conférence:

: Sur la
Trinidad, les marins avaient choisi de demeurer à bord pour pleurer l'un des leurs: le Portugais Fernando Rodrigues Martins, emporté par la maladie. Rester ensemble paraissait le meilleur moyen de lui rendre hommage. À peine rentré, l'Amiral profita de cet instant pour fixer le départ au lundi suivant.
Une inflexion particulière dans la voix du capitaine retint l'attention de l'aventurière. Elle le scruta intensément sans parvenir à comprendre pourquoi il avait eu ce changement d'intonnation en fin de phrase. La jeune femme se recentra sur la suite du séjour à Mazaua.

: Le lendemain, un coq lança son premier chant matinal. Cependant, ce n'était pas le cocorico du volatile qui me réveilla, mais Estéban. Ses pleurs signifiaient qu'il réclamait à manger. Je rassemblai mes facultés éparses, ouvris les yeux et les leva vers le ciel en constatant que la matinée était belle. Dès qu'il entendait ma voix, le fils du soleil arrêtait toujours de pleurer. Il grandissait de jour en jour, sain et robuste. Il ne parlait pas encore, même s'il lançait des gazouillis qui me donnaient la chair de poule.
Isabella éprouva des difficultés à contenir son impatience:

: C'est attendrissant mais tu peux revenir à l'essentiel? Tu as laissé Pigafetta et son comparse chez le Radjah. J'aimerais connaître la suite.
Le mercenaire s'arracha de ses réflexions avec un sursaut. Ses yeux brillèrent en croisant ceux de sa compagne.

! Ah, Princesse! Je crois qu'avec l'âge, je deviens affectif. Ce matin-là, saisissant la main de l'Italien, Kolambu lui proposa ainsi qu'à son acolyte de prendre un déjeuner. Mais comme une chaloupe était venue les chercher, ils déclinèrent l'invitation. Le dirigeant de Mindanao, Siagu, manifestant le désir de visiter la
Trinidad, vint avec eux à bord, accompagné de trois de ses hommes. Magellan le reçut et l'invita à sa table. Siagu avança sur le pont d'une démarche souple et féline. Pigafetta le décrivit ainsi: son visage impressionnait. Avec ses traits typiquement Visayans, il avait l'air d'un pruneau hâlé. Ses cheveux très noirs descendaient jusqu'aux épaules, avec un drap de soie sur la tête. D'après Enrique, Siagu parlait un vieux malais plein d'aisance, à peine marqué d'une pointe d'accent. Il se révéla être le frère de Kolambu, mais également Radjah de Caraga et de Butuan. Il disait que son pays regorgeait d'or, qu'on y trouvait des pépites aussi grosses que des noix rien qu'en retournant le sable. Elles étaient si nombreuses qu'il se vantait de posséder des vases et du mobilier de maison ornés de ce métal précieux. Cet homme paraissait effectivement très riche, en témoignaient ses anneaux d'oreilles en or, le manche de son épée du même métal, ses vêtements de soie l'enveloppant de la taille jusqu'aux genoux. Même ses dents étaient partiellement recouvertes d'or, ce qui effrayait Estéban lorsqu'il lui souriait.
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: Il était également parfumé car des senteurs de storax et de benjoin flottaient agréablement autour de lui. Pigafetta le peignit comme le plus élégamment et luxueusement vêtu de tous les insulaires. L'île de Mazaua semblait, d'après les dires de Siagu, être l'endroit où Kolambu et lui se rendaient lorsqu'ils avaient besoin de se rencontrer. En fait, les deux frères étaient des pirates très habiles qui contrôlaient les mers des Visayas. Ils imposaient respect et crainte. Grâce au concours de l'interprète Malais, un discours volubile s'ensuivit. Quand il fut achevé, ce que Magellan aurait pu encore ignorer des activités de Siagu, de ce qu'il possédait, de ses opinions sur le continent Asiatique et la plupart des îles de l'archipel, avoisinait le néant. Avec un homme comme lui, il n'y avait aucun effort à fournir pour obtenir des renseignements. Ils jaillissaient comme d'une fontaine. Son visage souriant, un peu puéril, éclatait de contentement de soi quand, sur un dernier geste plein d'éloquence, le Radjah de Caraga et de Butuan marqua une pause pour s'essuyer le front du revers de sa main. À la fin du repas, Siagu se leva et, escorté de ses hommes, retourna sur Mazaua rejoindre son frère. Suite à son départ, les heures passèrent sans fait notable. En revanche, la soirée fut consacrée au rituel de la Veillée pascale.

: Fais-moi grâce des détails, je sais comment ça se déroule.
Le capitaine lui lança un coup d'œil et acquiesça.

: Le service s'acheva vers trois heures du matin. Le prêtre Pedro de Valderrama n'eut guère le loisir de se reposer beaucoup. En ce dimanche de Pâques, Magellan décida d'organiser une grande messe en plein air. Tôt le matin, il l'envoya à terre avec quelques hommes pour s'atteler aux préparatifs. Dans le même temps, Enrique se rendit chez le Radjah pour lui demander l'autorisation d'organiser une cérémonie religieuse sur son sol, à laquelle seraient convoqués les matelots disponibles.
L'espionne se pencha en avant, comme une chatte qui s'apprête à sauter sur une souris:

: Pour un homme jugé inutile car passant tout son temps à ripailler, je trouve que l'interprète fut souvent sollicité!

: Ce n'était que l'opinion personnelle de Ginés de Mafra. Enrique était dévoué corps et âme à son maître. Il aurait fait n'importe quoi pour lui.

: Et le dévouement, ça n'a pas de prix! C'est dans le don de soi, dans l'abnégation qu'on trouve la vraie récompense, la santé physique et morale, le véritable bien-être.
L'Espagnole s'inclina davantage et effleura son front de sa bouche.

: En quel honneur, ce baiser?

: Béni soit le jour où, au plus beau comme au plus digne des capitaines, le glorieux bonheur m'est consenti d'offrir le tribut de mes lèvres, avant que je lui partage la grandeur de ma situation et les tendresses de la famille...
Après avoir embrassé son âme, elle prit une large inspiration.

: Donc, le Malais fut en charge de prévenir que des hommes allaient débarquer...

: C'est cela. En précisant bien que ce n'était pas pour attaquer mais pour célébrer la Résurrection du Christ. Après qu'Enrique ait expliqué en quoi consistait ce rituel, le Radjah montra son consentement en fournissant deux porcs, en vue sans doute d'un sacrifice. Un peu plus tard, alors que Magellan et une cinquantaine d'hommes habillés proprement et armés d'une seule épée approchaient, une salve de six canons fut tirée en signe de paix. Radjah Kolambu et son frère Siagu se présentèrent pour accueillir mon maître et l'encadrèrent pour l'accompagner jusqu'au lieu où devait se dérouler la messe, non loin du rivage. Imitant les Européens, tantôt à genoux, tantôt debout, les deux frères embrassèrent la croix et participèrent à l'eucharistie, faisant d'eux les premiers
sauvages à rencontrer le christianisme. D'autres îliens se joignirent à leur souverain pour cette commémoration, sans que l'on sache si l'initiative venait d’eux-mêmes ou à la demande de leur Radjah.

: Oui, je me le demande aussi. Ils avaient face à eux des gens armés, en nombre, et qui avaient tendance à faire tonner les canons pour un oui pour un non. S'étaient-ils pliés au rituel de la messe par curiosité, par amitié pour vous, ou tout simplement parce qu'ils avaient peur de ce qui pourrait advenir s'ils ne se montraient pas conciliants?

: Le mystère demeure, même pour moi.

: Seul le journal de Pigafetta, forcément partial, décrit les évènements. Vous ignoriez ce que pensaient les deux Radjahs. Le texte du chroniqueur est une fois encore trop candide pour être complètement crédible. On le savait dévot, et pour lui, il était évident que la magie chrétienne opérait sur ces peuples peu civilisés...
Le capitaine dodelina et poursuivit:

: Pour clore la messe, l'artillerie donna de nouveau de la voix. Certains marins profitèrent de l'occasion pour communier. On fit ensuite amener une croix garnie de clous et d'une couronne d'épines devant laquelle tout le monde s'inclina, y compris les insulaires. Magellan, toujours par le truchement d'Enrique, expliqua aux deux Radjahs qu'elle lui avait été confiée par son propre souverain afin qu'il la plante là où il débarquerait car elle était le glorieux symbole de la religion de tous les marins. Il demanda donc l'autorisation de l'ériger sur l’île de Mazaua, arguant qu'ainsi, tous les vaisseaux Européens qui passeraient dans les parages sauraient qu'ils étaient en territoire ami. Il ajouta que cela les protégerait de tout vol ou toute violence. À l'avenir, les locaux n'auront qu'à montrer ladite croix pour que leurs soient rendus leurs biens ou leur liberté. Pour remplir son office, elle devait être placée sur la plus haute montagne des environs, pour qu'on la vît de la mer, et adorée chaque matin. Elle les protégerait alors en outre de l'orage et de la foudre. Kolambu et Siagu acceptèrent. Étonné que l'Évangélisation se passe sans heurt, Magellan s'enquit de leur croyances. Étaient-ils Maures ou Kâfirs? Ils répondirent qu'ils ne pratiquaient aucune autre adoration, mais qu'ils joignaient seulement leurs mains, levant les yeux vers le ciel, et qu'ils appelaient leur Dieu Aba. En entendant cela, mon maître fut ravi. Afin de se montrer amical, il leur demanda s'ils avaient des ennemis dans la région, auquel cas il se joindra à eux avec ses hommes et ses navires pour les vaincre. Kolambu confirma qu'il était en conflit avec deux îles, mais jugea inopportun de les attaquer maintenant. Il expliqua que son peuple, au courage et à la haine implacable envers ses ennemis, vendait cher sa vie et pouvait la sacrifier avec héroïsme plutôt que de se laisser emporter captif. Le Radjah remercia néanmoins le capitaine-général de sa sollicitude. Mon mentor lui promit que si Dieu lui permettait de revenir ici dans un avenir prochain, il amènerait tant d'hommes qu'il les mettrait de force sous son obéissance...
Le navigateur s'arrêta, hors d'haleine.

: Dans l'après-midi, nous retournâmes à terre pour planter cette fameuse croix au sommet de la plus haute colline. Le roi de Mazaua et le roi de Butuan étaient encore présents pour l'événement.

: Eh bien, ce dimanche de Pâques fut plus festif que celui de l'année précédente!

: Certes, mais le premier avril, il nous arriva encore un drôle de tour... Au matin, alors que l'armada s'apprêtait à lever l'ancre, le Radjah Kolambu informa Magellan qu'il était disposé à servir lui-même de pilote jusqu'à Cebu. Cependant, le souverain se devait de demeurer en son pays quelques jours afin d'assurer les récoltes.

:
C'était donc ça, ce changement de ton...

: Il invita d'ailleurs mon maître à lui fournir des hommes afin d'accélérer le processus. Le capitaine-général accéda à sa demande et envoya des marins.

: Mais je lis ici qu'il s'avéra que kolambu et Siagu avaient tellement festoyé qu'ils furent incapables de donner quelque ordre que ce soit:
"soit que leur santé en eût été altérée, soit par suite d'ivresse", dixit Pigafetta.

: Oui, nous nous trouvâmes désœuvrés pour la journée. Les récoltes, notamment de riz, allaient au final se dérouler durant trois jours.

: Tel que décrit par Antonio Pigafetta, ceci ressemblait fort à un habile stratagème du Radjah. Que kolambu se proposait de vous accompagner était forcément vu avec intérêt par ton mentor: mieux valait arriver dans une nouvelle contrée accompagné d'un souverain local qu'avec ses sous-fifres. Tout ceci présentait un caractère plus officiel, et vous fûtes d'autant mieux reçus présentés par le Radjah de Mazaua. Et ça, nul doute que Kolambu le savait très bien.
La jeune femme frotta son menton d'un air songeur.

: J'en arrive à penser que lorsqu'il précisa qu'il aimerait venir mais ne le pouvait pas à cause des récoltes, il força la main du Portugais. La demande d'aide se révéla en réalité une obligation pour Magellan s'il désirait que le Radjah l'accompagne. Ainsi, cette anecdote semble montrer que les autochtones n'étaient pas des gens de delà l'eau*, de
bons sauvages comme le présentait Pigafetta. kolambu sut ici se montrer fin négociateur et ce fut clairement lui qui contrôlait la situation. Témoin le fait que la récolte prit une journée de plus parce que son frère et lui avaient pris une biture*. Ils n'étaient pas pressés, car le gain qu'ils allaient obtenir grâce à votre aide allait compenser ce retard.
Mendoza leva sur elle un regard perçant.

: Le lendemain, Magellan réunit ses pilotes et maîtres de bord afin de décider de la suite du voyage. Les officiers l'incitèrent à partir au sud-ouest pour atteindre les Moluques*, mais mon maître décida de continuer à explorer l'archipel.

: Le fait que le capitaine-général demanda l'avis de ses hommes, pour ensuite décider seul d'agir autrement, ne fut pas nouveau... Durant la traversée de l'Atlantique, il me semble que les trois capitaines mutins n'eurent pas tellement voix au chapitre! Sa volonté d'explorer plus avant ces îles était claire comme de l'eau de roche. Antonio Pigafetta relata deux anecdotes qui démontraient que l'or était présent en abondance dans la région.

: Peux-tu me rafraîchir la mémoire?

: Voici la première:
"Un jour, un autochtone nous apporta une jatte de riz et des figues, demandant en échange un couteau. Au lieu de cela, Magellan lui offrit des pièces, notamment en or. L'homme refusa et préféra obtenir un couteau."

: Et la seconde?

:
"Un autre indigène voulut échanger un lingot d'or contre six fils ornés de billes de verre. Cette fois-ci, ce fut Magellan qui refusa: il craignait que les insulaires se rendent compte que pour nous, l'or avait une bien plus grande valeur que tout ce que nous pouvions transporter dans nos cales."

: En effet! Magellan avait envisagé que la nouvelle pourrait se répandre, et que la balance dans de futurs trocs se modifierait en conséquence. Tous les échanges se firent en sa faveur car les bibelots qu'il offrit ne valaient rien en Europe, au contraire de l'or.
L'alchimiste se frotta le nez.

: Avec le recul, ton mentor réfléchissait ici avec une logique de marché, et voulait à tout prix prévenir une hausse du cours de l'or en masquant ses intentions.

: C'est bien cela... Nous restâmes une semaine à Mazaua. Durant les récoltes, nous eûmes à déplorer deux décès supplémentaires: Baldasàrre Pallano, le maître de bord du
Santiago qui, après le naufrage du navire fut incorporé à l'équipage de la
Victoria comme pilote et Juan Villalón, soldat Andalou officiant également sur la
Victoria.
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: La flotte, guidée par Kolambu, quitta finalement Mazaua le jeudi 4 avril 1521. Naviguant vers l'ouest en direction de Cebu, nous contournâmes l'île de Bohol assez largement pour éviter ses hauts-fonds, longeant plutôt Ceylan. Nous glissâmes doucement sur l'eau le long des gros rochers noirs et une brise légère nous éventait le visage. De son balangay, le Radjah admirait l'adresse avec laquelle nous dirigions les trois navires. Tout était calme lorsque nous passâmes près de l'île de Canighan*.
Comme beaucoup, Mendoza aimait les voyages, ces escapades qui vous faisaient l'offrande d'une parenthèse, voire d'une excursion fugitive hors du monde. Les pensées s'y mouvaient mollement, fuyant les écueils. Les yeux mi-clos, son esprit esquivait encore pour le moment le naufrage douloureux de Magellan et tournait autour de ces lieux enchanteurs.

: On était quelques heures plus tard. Le jour déclinait. Debout sur le pont, je regardai droit devant. La
Trinidad marqua un arrêt à Satighan* où nous pûmes observer d'impressionnantes chauve-souris, grosses comme des rapaces. Nous en capturâmes et en mangeâmes une, lui trouvant un goût de poulet.

: Ce que tu dis est tout à fait exact. Pigafetta raconte la même chose lors de cette brève escale:
"Dans cette île se trouvent une espèce d'oiseaux appelés Barbastigly*, qui sont aussi grands que des aigles. Parmi eux, nous en avons tué un seul, car il était tard, que nous avons mangé, et il avait le goût d'une volaille. Il y a aussi dans cette île des pigeons, des tourterelles, des perroquets et certains oiseaux noirs gros comme une poule, avec une longue queue. Ils pondent des œufs gros comme ceux d'une oie, qu'ils enterrent à une bonne coudée de profondeur sous le sable, au soleil, et ainsi ils éclosent par la grande chaleur produite par le sable chaud. Et quand ces oiseaux éclosent, ils émergent. Et ces œufs sont bons à manger.

: De l'île de Mazaua à celle de Satighan, nous avions parcouru vingt lieues. Le lendemain, nous repartîmes vers l'ouest mais dûmes de nouveau nous arrêter car l'embarcation de Kolambu ne parvenait pas à tenir l'allure de nos vaisseaux. Ce n'était certes pas une mince besogne que d'accompagner un étranger de marque. Mais le Radjah s'était proposé de le faire et il tenait sa promesse. Nous fîmes escale près de trois îles appelées Polo, Ticobon et Pozzon* afin d'y passer la nuit.
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: Lorsque Kolambu nous rejoignit un peu plus tard, Magellan l'invita à monter à bord de la
Trinidad avec des personnes de sa suite, ce dont ils furent très contents. Le jour suivant, nous allâmes donc à Cebu, qui se trouvait à quinze lieues de Satighan...
À suivre...
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*Balangay: C'est l'un des premiers mots autochtones que les Espagnols ont appris aux Philippines. Quand Antonio Pigafetta s'est rendu à terre pour discuter avec le souverain de Mazaua, ils se sont assis ensemble dans un bateau amarré sur le rivage que l'Italien a appelé un balangay. Les premiers dictionnaires Espagnols indiquent clairement qu'il a été prononcé "ba-la-ngay".
*Mindanao: Historiquement, l'île était connue sous le nom de "Grandes Moluques". Pour ne pas faire d'amalgame avec les îles aux épices, but du voyage de Magellan, j'ai utilisé son nom actuel. Pour aller plus loin, le nom Mindanao est une corruption Espagnole du nom du peuple Maguindanao (peuple du lac) pendant la période coloniale qui a eu lieu plus de quarante ans après l'arrivée de l'Amiral Portugais.
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Pedilavium: Acte rituel accompli en mémoire du lavement des pieds des apôtres par Jésus-Christ la veille de sa Passion, avant de se mettre à table pour la cène.
*À quia: Dans l'état d’être réduit au silence.
*Ceylan: Il ne s'agit pas du Sri Lanka actuel, qui se trouve au sud de l'Inde, mais de l'île de Leyte aux Philippines.
https://en.wikipedia.org/wiki/Leyte
*Gens de delà l'eau: Expression du XVIème siècle désignant des personnes crédules, naïves.
*Biture: Expression du XVIème siècle, toujours d'actualité. Elle est née dans l'argot des marins car l'arrivée au port était l'occasion de ripailles et de beuveries.
*Moluques: Les îles aux épices se trouvent en réalité au sud-sud-est de Mazaua. Magellan ignorant leur position exacte (et son équipage avec lui), cela explique cette erreur de cap.
*Canighan: Son nom actuel est Canigao. C'est un îlot inhabité dont les parties ouest et nord sont placées sous protection naturelle en tant que sanctuaire.
*Satighan: Son nom actuel est Gatigan, qui vient du Visayan katigan signifiant un bateau à balancier. L'emplacement de cette escale n'a pas été déterminé de manière concluante par les historiens.
*Barbastigly: Le terme Barbastella vient d'un dialecte transalpin de la région de Bologne dans lequel il tient le rôle de nom générique pour chauves-souris. Morphologiquement, barba.stella signifierait "étoile barbue". C'est une espèce dont la taille du corps est comprise entre quatre et six centimètres, ce qui n'a rien à voir avec celle décrite par Pigafetta. Aux Philippines, ce sont des roussettes géantes (ou renards volants) avec une envergure de près d'un mètre!
*Polo, Ticobon et Pozzon: Il s'agit des îles Camotes: Poro, Talong et Ponson.
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