COMÈTE | Isabella Laguerra

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
Avatar du membre
kally_MCO
Guerrier Maya
Guerrier Maya
Messages : 163
Enregistré le : 04 janv. 2018, 10:55
Âge : 21

COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par kally_MCO »

BONSOIR.
Allons droit au but, voulez-vous ? Cette histoire est un prequel centré sur le personnage d'Isabella Laguerra.
Bonne lecture confiturée !

P.S. : Ne vous arrêtez pas au prologue, il y aura bien évidemment de l'amitié, de l'amour, de l'humour (beaucoup), et une bonne dose de folie !



Prologue

13 février 1532.

— Je vais t'arracher les rotules, espèce de devergondée !

— Une phrase complète, il y a du progrès ! ricana-t-elle.

Ich schlage dich tot, du mieses Flittchen ! vociféra Hans, les veines tuméfiées.

Laguerra prit un air dépité, la peau scintillante, le cœur gorgé d'adrénaline. Cette caricature de cloporte l'avait déjà affublée d'une kyrielle d'injures plus drôles les unes que les autres. Son pauvre égo doit saigner de manière abondante.

— C'est dur d'entendre la vérité, hein ? Surtout quand elle sort de la bouche d'une femme.

L'Allemand grogna dans sa barbe imaginaire tandis que ses orbes gris foudroyaient Isabella, injectés d'une haine fumante. Ses vêtements étaient marquetés de formes ensanglantées et son visage n'était plus qu'un amas de couches de sueur. Il était semblable à un chiot enragé.

L'espionne jeta un coup d'œil au corps inerte du grand blond qui avait tenté de lui rompre la nuque. Une vraie tête brûlée doublée d'un poète.

Un cri guttural déchira l'air. Elle eut à peine le temps de tourner la tête et de porter la main à la dague cachée dans son corset noir qu'il s'était rué sur elle. Erreur d'inattention. Erreur de débutante.

Le criminel lui aggripa le cou par derrière, ses muscles d'acier pressés contre son dos, son poignard fondant vers son visage. Dents serrées, l'Espagnole lui écrasa brutalement le pied avant de planter un coude aiguisé dans sa côte gauche. Ses jambes nageant dans le vide, elle donna un coup de tête renversé à son assaillant, qui hurlait à s'en déchirer les cordes vocales. La sulfureuse brune s'arracha à son étreinte bestiale et roula sur le sol, le corps et les tympans lancinants. Elle avisa son arme à feu. L'air comprimé dans ses poumons jusqu'à lors quitta enfin son organisme. Tu tombes bien, toi !

— Je vais te tuer ! rugit le fondateur du SFG en l'attrapant par les cheveux.

Dix flèches de chaleur acide fendirent son crâne. Laguerra fut forcée de se relever. Les neurones engourdis, elle geignit lorsque son dos emboutit la table en bois cassée, achevant de la briser en deux. Ça, ça risque de laisser des marques.

Hans Schwarneidein la plaqua au sol, doté d'une force animalière, les yeux ravagés par une folie sans borne. Un mélange moiré de désespoir fulminant et de peur givrée. Pathétique. Une perle de sueur s'échoua sur la joue d'Isabella, qui grimaça aussitôt. Un haut-le-cœur la saisit.

— Je connais des cadavres qui sentent moins mauvais, face de crabe, cracha la señorita d'une voix ruissellante de dédain.

Sans crier gare, l'imposante arme blanche s'abattit sur elle. Les muscles de la guerrière se contractèrent d'eux-mêmes, une colère froide et maîtrisée les éperonnant, et sa main droite se referma sur le poignard. La machoire contractée, elle planta ses amandes de feu dans les billes du trentenaire. Ce dernier émit un mugissement, la pointe de son camarade affilé narguant le nez de la scientifique. Elle resserra sa prise, ses doigts blanchis écrasant ceux de l'Allemand, ses ongles tranchants enfoncés dans sa chair immonde. Il ne semblait plus confiant du tout, ses traits se fissuraient graduellement et son regard était baigné d'étonnement. Il ne comprenait pas, il ne comprenait plus. Les secondes s'écoulaient et il ne se passait rien. Comment une femme pouvait encore avoir la force de se battre - ou même de tenir debout - après... tout ça ? Cette question hantait les iris du criminel. Un sourire sardonique, glacial et impitoyable fleurit sur les lèvres de la fille du Docteur. C'est maintenant ou jamais, Isa, fini de jouer !

Elle planta sauvagement ses dents dans la main de Schwarneidein. Il se confondit en plaintes sonores, laissant tomber son arme. Aussi vive qu'une particule de lumière bleutée, Isabella écrasa son pied contre son entrejambe, lui arrachant un autre cri, et se releva. La morsure du coup avait fait bouger Hans, qui était dorénavant recroquevillé sur lui-même, les traits déformés par une douleur ardente. La grande brune le fixa, une satisfaction euphorique fusant en elle. Ce cafard aux allures de bandit avait indubitablement détruit, volé, égrugé la vie d'une centaine d'innocents. Cette vue valait tous les saphirs du monde.

Humectant ses lèvres pulpeuses, la bretteuse replaça une mèche humide derrière son oreille nue avant de gratifier le visage du Maître d'un coup de pied fouetté. Deux dents jaunes heurtèrent le sol, suivies de plusieurs gouttelettes rouges. Son gémissement retentit contre les quatre murs de la vaste pièce. Laguerra s'empressa de récupérer son serpent de sang, décidée à mettre fin à cet affrontement féroce.

Mais le criminel n'en avait pas fini.

Il saisit sa jambe droite et se jeta sur elle pour poignarder sa cuisse dans un geste barbare. La jeune femme jura entre ses dents, les yeux pressés. Une déchirante brûlure enserra cette partie de son anatomie.

— DIS AU REVOIR À LA VIE, GAMINE !

— Mais c'est qu'il sait vraiment parler, le coprolithe moustachu !

Animée d'une force électrisante, la duelliste lui brisa le nez avant d'envoyer la lame rutilante valser à l'autre bout de la sala de la Justicia. Elle se redressa, le souffle haché et la cuisse en feu, et recula de six pas. Schwarneidein la mima et se hâta d'attraper sa rapière au sol avec un rugissement, prêt à l'éventrer. Son regard luisant d'une intensité meurtrière, la brune ne perdit pas une seconde de plus et lui tira deux balles entre les cuisses, porphyrisant toutes ses chances de procréation. Il s'effondra, les mains refermées autour de son membre sanglant, le corps écartelé par les volutes d'une agonie sans pareille. L'Allemand jura, pesta, aboya. Sa fin était proche et il le savait. Il savait qu'il n'allait pas tarder à rejoindre ses compagnons. Isabella le voyait dans ses prunelles de fer. Elle caressa furtivement son arme du regard. Elle ne remercierait jamais assez son père de l'avoir créée.

— Tu me le paieras, gamine, souffla son assaillant en la regardant dans le blanc des yeux. Crois-moi, tu ne vas pas t'en sortir aussi facilement... Du wirst...

Facilement ?

— Fais de beaux rêves, champion, le coupa-t-elle abruptement.

Isabella reprit possession de sa rapière et sa fine lame transperça la gorge de Hans. Trois gargouillements, quelques convulsions et, enfin, une inspiration. Le souffle ultime, fragment d'air, d'oxygène, éternellement prisonnier de ce corps à jamais éteint. Son crâne percuta le sol dans un bruit sec, blasphémant le silence religieux qui tapissait le lieu du crime.

Dix sur dix. Mission accomplie.

La bretteuse remisa ses deux armes à leurs places habituelles, rhabillant son ceinturon. Elle laissa échapper une profonde expiration et survola ses bottes, puis ses bras, des yeux. Les manches de sa chemise ivoire étaient en lambeaux. Sa tresse épi, quant à elle, devait probablement illustrer ce à quoi ressembleraient les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Son regard finit par s'agglutiner à la forme sans vie qui gisait à ses pieds.

La jeune Espagnole ne se rappelait que trop bien du volcan émotionnel qui avait brûlé sa poitrine, déchiqueté sa conscience et broyé ses sens lorsqu'elle avait tué pour la première fois.

D'abord, une paralysie temporaire des fonctions cérébrales : le choc, la confusion et le refus inconscient d'y croire embrument l'esprit, on ne réalise pas ce qu'il vient de se passer. Ensuite, l'accélération anormale du rythme cardiaque : la détresse vernie de culpabilité, la panique et l'horreur emplissent le cœur, la réalité explose avec une violence foudroyante. Enfin, la dissipation des hormones et l'émoussement des émotions : l'acceptation, les flammes des ténèbres dévorent une partie de la sensibilité humaine, transformant progressivement le siège des sentiments en une forteresse de glace chamarrée d'épines ensanglantées.

Chaque être était différent, personne ne réagissait de la même manière face à ce genre de situation, mais les esquisses de ces trois grandes étapes étaient communes à la plupart des mortels.

Laguerra se mordilla distraitement la lèvre. Oh que oui, elle se souvenait parfaitement de ce chapitre de sa vie. Mais tout cela était désormais derrière elle. Tuer était devenu un acte presque aussi naturel que respirer. Le cadavre qui jonchait le sol la laissait de marbre, la louve de Charles V ne ressentait rien, à la réserve d'une pincée de dégoût embaumée de soulagement.

Et dire que Pierre le Cruel rendait ses jugements dans cette salle, songea-t-elle en laissant traîner un coup d'œil circulaire sur la pièce. De plan carré, elle arborait des murs percés de niches dont la partie supérieure était recouverte de beaux stucs. Deux grandes portes se faisaient face.

Une onde de douleur saisit sa fine jambe musclée. Reprenant contact avec son corps, Isabella jaugea sa blessure du regard, les traits crispés. Elle s'empressa de déchirer la manche droite de sa chemise - ou du moins, ce qu'il en restait - et l'enroula autour de sa cuisse, ignorant la décharge qui la scia au moment où elle dut nouer le bout de tissu. Ça devrait suffire, pour l'instant.

L'aventurière s'adossa au mur avec un soupir, ses perles de chat rivées sur le poignard à l'éclat vermeil.

Sa cinquième mission venait de toucher à son terme, et c'était tout ce qui comptait : Laguerra avait abattu dix criminels expérimentés et s'en était sortie avec une seule entaille et quelques hématomes. Don Juan d'Autriche, fils illégitime de l'Empereur et de Barbara Blomberg, était en sécurité. Elle allait pouvoir rentrer chez elle et profiter d'une accalmie, en attendant sa prochaine mission.

À ce moment là, la fille de Fernando était très loin de se douter que si elle avait su à l'avance ce qui l'attendait, elle ne l'aurait jamais acceptée.
Modifié en dernier par kally_MCO le 14 déc. 2021, 01:48, modifié 2 fois.
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Comète

Message par TEEGER59 »

13 février 1532...
C'était un mardi... :x-):
0...PNG
(8.5 Kio) Pas encore téléchargé
Aussi plaisant à lire que la première fois.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 09 déc. 2021, 00:07, modifié 3 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Avatar du membre
Xia
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 2862
Enregistré le : 03 déc. 2016, 14:53
Localisation : Les semaines paires avec Athanaos, les semaines impaires avec Mendoza et compagnie
Âge : 31

Re: Comète

Message par Xia »

:x-): :x-): :x-):

C'est cette fanfic que tu avais oublié sur le feu ? En tout cas, elle commence bien ! Hâte de lire la suite !
La terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre (Tatanka Iyotaka)

Ma fanfic sur la préquelle des Mystérieuses Cités d'or, c'est par ici

MCO 1 : 20/20
MCO 2 : 14/20
MCO 3 : 15/20
MCO 4 : 19/20
Avatar du membre
Tina3008
Guerrier Maya
Guerrier Maya
Messages : 239
Enregistré le : 25 déc. 2020, 21:22
Localisation : en train de griffonner avec les alchimistes à Chambord
Âge : 22

Re: COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par Tina3008 »

Génial!😍 Vivement la suite!!

tu m'a donné envie de faire un nouveau dessin de Laguerra!^^
Avatar du membre
Atlanta
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1226
Enregistré le : 01 juin 2021, 19:48
Genre : Femme
Localisation : Chez moi, en train de jouer avec fluffy
Contact :

Re: COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par Atlanta »

kally_MCO a écrit : 08 déc. 2021, 19:51 la louve de Charles V ne ressentait rien, à la réserve d'une pincée de dégoût embaumée de soulagement.

Oh ce surname :-@ :-@ Rien que pour ça j'ai envie de continuer
Man sieht nur mit dem Herzen gut. Das Wesentliche ist für die Augen unsichtbar Le petit prince, le renard
Il n'est pas venu le jour où une femme me donnera des ordres !
:Gaspard: Et bien si justement ! Il faut une première à tout !
✨Tyrias ✨
Avatar du membre
kally_MCO
Guerrier Maya
Guerrier Maya
Messages : 163
Enregistré le : 04 janv. 2018, 10:55
Âge : 21

Re: COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par kally_MCO »

Atlanta a écrit : 10 déc. 2021, 17:32
kally_MCO a écrit : 08 déc. 2021, 19:51 la louve de Charles V ne ressentait rien, à la réserve d'une pincée de dégoût embaumée de soulagement.

Oh ce surname :-@ :-@ Rien que pour ça j'ai envie de continuer
Haha, c'est gentil, contente qu'il te plaise :')
Tina3008 a écrit : 09 déc. 2021, 09:33 Génial!😍 Vivement la suite!!

tu m'a donné envie de faire un nouveau dessin de Laguerra!^^
Eh bien, tant mieux, il n'y en a jamais trop :tongue:
Xia a écrit : 08 déc. 2021, 20:21 :x-): :x-): :x-):

C'est cette fanfic que tu avais oublié sur le feu ? En tout cas, elle commence bien ! Hâte de lire la suite !
En quelque sorte... :tongue:
Merciii, vais essayer de ne pas cramer la suite, justement, ahem.
TEEGER59 a écrit : 08 déc. 2021, 20:12 13 février 1532...
C'était un mardi... :x-):
0...PNG
Aussi plaisant à lire que la première fois.
... un mardi ? Eh bah :shock:
Merci, chouquette !
— Regarde toi : la finesse d'une enclume et la loyauté d'un bigorneau !
— Et toi, capitaine Mendoza, tu fais quoi d'honorable à part chasser les mouches avec ta cape ?!
Avatar du membre
kally_MCO
Guerrier Maya
Guerrier Maya
Messages : 163
Enregistré le : 04 janv. 2018, 10:55
Âge : 21

Re: COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par kally_MCO »

1. Il était une fois...

23 février 1532.

— Doux Jésus... Señorita, je ne sais pas quoi dire... Je n'ai pas les mots... Non, c'est trop, je ne peux pas accepter une telle somme d'ar...

J'insiste, et vous êtes très bien placée pour savoir qu'il est inutile d'essayer de me faire changer d'avis. Ces enfants ont davantage besoin de cet argent que moi.

La bouche de Violetta refusait toujours de se défaire de cette maudite ligne hésitante. Sourcils froncés, elle finit par capituler devant le regard transcendant d'Isabella. La quadragénaire accepta les quatre cents ducats d'or, prenant congé le temps de les mettre en lieu sûr. Le regard vagabond, la grande brune posa sa sacoche en cuir sur la table avant de se fondre dans le mur. Tout était propre et bien rangé, rien n'avait changé. Enracinée au cœur de Barcelone, cette immense maison faite de marbre, de couleurs nacrées et de poignées de porte dorées rayonnait d'un éclat chaleureux. Enfantin. Très agréable.

La señora émergea de nouveau après quelques minutes, un sourire bienveillant incurvant les coins de sa bouche rosée. Elle lui proposa une tasse de thé noir. À son tour, Laguerra la gratifia d'un léger sourire. La jeune femme nourrissait, et ce depuis l'adolescence, un amour inconditionnel pour le thé et l'alcool - le thé noir et le vin blanc faisant partie de ses cinq péchés mignons.

Elles dévisèrent de futilités apaisantes avant de s'abîmer dans une longue discussion. Violetta lui posa quelques questions plume sur sa vie, sachant que la scientifique était de nature renfermée. Cette dernière contourna habilement l'interrogation portant sur sa "disparition temporaire" - secret professionnel oblige - et orienta leur échange vers la situation financière de Thomas Carvallo. L'époux de la jolie châtain était toujours endetté et ils avaient récemment accueilli des jumeaux malades. Le cœur froid de l'escrimeuse se replia sur lui-même, étreignant sa poitrine d'une douleur acide. Ce couple était un modèle de bonté et de générosité : deux gemmes rares qui avaient transformé leur logis en refuge pour enfants malades et-ou abandonnés. Leur incapacité à procréer ne les avait pas accablés, bien au contraire, et l'espionne ne pouvait que louer leur force et leur sagesse. Leur société assimilait la stérilité à un handicap sévère, un défaut méprisable, une anomalie damnée, dépouillant certaines femmes de leurs droits rudimentaires.

Elle en savait quelque chose.

— Ils sont adorables, deux petits génies inépuisables. Thomas ne les a toujours pas rencontrés. Il faut dire qu'il passe le plus clair de son temps avec sa famille en ce moment, il est en conflit avec son père...

La señora Carvallo marqua une pause, les sourcils légèrement froncés, l'expression évanescente. Elle finit par secouer la tête, sourire aux lèvres :

— Tout finit toujours par s'arranger, il nous faut garder ça à l'esprit.

Les traits de la duelliste brûlaient d'envie de former une grimace. Non, tout ne finit pas toujours par s'arranger, c'est même l'inverse.

— Sûrement, dit-elle en posant sa tasse sur la table. Comment s'appellent les deux nouveaux champions ?

— Diane et Aaron.

Un petit sourire étira les lèvres framboise d'Isabella. La tête inclinée, elle lâcha :

— Beaux prénoms.

Sans crier gare, deux petits arcs-en-ciel firent irruption dans la pièce.

— ISA ! s'exclamèrent-ils en la voyant.

La concernée reconnut la crinière brun miel de Kiara et les diamants caramélisés de Raul. Ils se ruèrent sur elle, leurs rires bondissant dans l'air, la prenant de court.

— Tu es revenue nous voir ! Et waouh, tu es encore plus belle que dans mes souvenirs ! lança le garçon, le visage ensoleillé.

— Tu nous as beaucoup manqué ! renchérit sa meilleure amie, les bras refermés autour des jambes fuselées de la señorita. Ton collier est magnifique !

La bouche entrouverte, les cils battant, Laguerra mit quelques secondes à assimiler les dernières informations qu'avait réceptionnées son cerveau. Attendrie, elle finit néanmoins par s'accroupir, laissant les deux orphelins l'éteindre. Fidèle à lui-même, son corps se raidit, mal à l'aise.

— Hé, champion, comment vas-tu ? demanda-t-elle en ébouriffant les cheveux de Raul.

— Oh, moi, ça va ! rit-il. Et toi ? Où est-ce que tu étais passée ? Ça fait plus de deux mois qu'on ne t'a pas vue...

Il fit la moue, ce qui arracha un rire à la fille du Docteur.

— Un voyage qui a mal tourné, désolée.

— Comment ça ?

— Quatre fois rien... La totalité de l'équipage a servi de repas aux poissons et j'ai dû me débrouiller toute seule. Je suis dorénavant sûre de deux choses : la première, que je ne suis pas faite pour le métier de navigatrice ; la seconde, que mon mal de mer me poursuivra jusqu'en Enfer. Vomir mes entrailles au beau milieu d'une tempête ne m'a pas franchement aidée... Charmant, je sais.

Les deux enfants clignèrent des yeux avant de pouffer de rire.

— Waouh, et tu es toujours en vie ! intervint Kiara, les prunelles brillantes. Bon, c'est un peu triste pour les marins, mais... quinze marins de plus ou quinze marins de moins... on s'en moque.

— Kia ! la sermonna Violetta, luttant contre un éclat de rire.

— Bah quoi ? Isa a raison : à part faire mumuse sur l'eau douze mois sur douze et vider des bouteilles d'alcool en se clamant utiles pour la société, ils ne servent pas à grand-chose. Qu'ils crèvent.

La señorita arqua un sourcil, un demi-sourire ourlant ses lèvres, pas peu fière de l'influence qu'elle avait sur cette diablesse aux iris ensorceleurs. Kiara était une enfant brillante, indéniablement promise à un bel avenir.

— Tout juste, championne.

Elle tendit le poing vers elle. Celui-ci ne mit pas longtemps à entrer en collision avec la main de la petite artiste.

— Doux Jésus, souffla exagérément la châtain en secouant la tête, amusée.

La jeune Espagnole emprisonna ses doigts entre les siens et lui déposa quatre baisers. Un baiser sur chaque doigt. La douleur pulsait désormais dans la cage thoracique d'Isabella. La même douleur qui avait incisé ses os lors de leur rencontre, un an en arrière. La nature est une chienne.

— Je dois y aller, annonça-t-elle en se relevant.

— Quoi ? Déjà ? Mais pourquoi ? fit Raul de sa voix éraillée, le visage déformé par une moue triste.

Son amie fronça les sourcils, les traits affaissés. Craquelés.

— Mais je promets de revenir vous voir dans la semaine, se hâta-t-elle d'ajouter, rongée par un sentiment que seuls ces enfants arrivaient à faire éclore en elle.

— D'accord...

— Et je ferai tout pour vous amener Vivi...

Leurs beaux visages s'illuminèrent, chamarrés de sourires éclatants. La Lune est de retour !

— Bien, reprit la jeune fille, l'air sérieux, bras croisés. Mais à une condition : vous passerez la nuit ici, avec nous. C'est non-négociable, compris, Isabella Laguerra ?

— Vos désirs sont des ordres, Kiara Camara, fit l'intéressée en roulant des yeux, l'amusement perçant dans sa voix. Autre chose, championne ?

— Hum... je te demanderais bien un câlin, mais ma fierté d'enfant rebelle m'en empêche. Et puis, je sais que tu n'aimes pas ça... alors je suppose que ce sera tout pour aujourd'hui.

— Eh bien, ça en fera plus pour moi, intervint l'orphelin, les orbes en forme de cœur. Enlace-moi, Isa !

Si mignon... Il va en avoir, du succès, plus tard. Le garçon avait fêté ses huit automnes et force était de constater que le temps ne cessait d'accentuer sa beauté brune virginale. En outre, il avait remarquablement gagné en assurance depuis leur rencontre mémorable. Il s'était retrouvé au sol après l'avoir percutée, un livre à la main. Les joues empourprées, il avait hurlé "Moron, pastel, sphinx, Dora !" avant de prendre ses jambes à son cou. Elle avait su à cet instant qu'ils s'entendraient bien.

— C'est bien parce que c'est toi...

L'escrimeuse le prit dans ses bras, un sourire-grimace dessinant ses lèvres. La quadragénaire et la brunette se firent violence pour ne pas s'esclaffer.

— On dirait qu'elle est constipée, chuchota cette dernière, un poing contre sa bouche.

— Tu trouves ? Moi, j'ai plutôt l'impression qu'elle est sur le point de faire un malaise, répliqua Violetta dans un gloussement avalé.

Isabella pinça la fesse droite de Raul, ce qui le fit couiner et rougir jusqu'à l'os, avant de briser leur étreinte. Elle lui adressa un petit clin d'œil, attrapa sa sacoche noire et marcha jusqu'à la porte, accompagnée de la jolie châtain. Elle se stoppa brusquement, une main refermée autour de la poignée, et fit volte-face avant de se délester de son collier en argent. Elle revint vers Kiara, posa un genou sur le sol fraîchement lavé et passa le bijou autour du cou de la jeune artiste. Une teinte écarlate vint remplacer la couleur naturellement rosée de son visage rond. Ça, c'est une première.

— Mais... euh... qu'est-ce que tu... Non ! balbutia l'orpheline en fichant ses billes grises dans les iris de l'Espagnole.

— Oh, pas de ça avec moi, Kia. Et puis, il te va beaucoup mieux à toi qu'à moi et s'accorde très bien avec tes yeux.

La brunette mordilla sa lèvre pendant de longues secondes avant de souffler bruyamment, paupières fermées, et de renverser la tête.

— Tu m'énerves, Isa, tu m'énerves ! Bon... tu as intérêt à... MERCI ! Voilà.

Elle déposa un baiser sur la pommette de son modèle, profondément touchée. La fille de Fernando afficha un rictus amusé, satisfaite et attendrie.

— Je sais, je m'adore aussi.

Ceci étant dit, l'escrimeuse et la señora Carvallo quittèrent la pièce et gagnèrent le seuil de la grande porte d'entrée. Un sourire chaleureux parait la bouche de Violetta.

— Très joli, fit-elle en désignant ses interminables cascades chocolatées - il lui fallait impérativement couper tout ça - et sa chemise en soie noire. J'aime beaucoup.

Laguerra se pinça les lèvres. En dehors d'Ivoire - qui était sa meilleure amie, confidente et sœur de cœur -, elle n'était pas habituée à recevoir et à faire des compliments. De vrais compliments.

— Eh bien... euh, hum... merci ? finit-elle par lâcher, un sourire maladroit plaqué sur le visage.

Son interlocutrice émit un rire mélodieux.

— Mais je vous en prie, señorita Laguerra. Et encore merci pour... enfin, vous savez... Vous faites beaucoup pour ces petits joyaux, les mots me manquent... Je ne saurais exprimer toute ma gratitude.

Isabella voulut lui dire que c'était à elle de les remercier, qu'elle aimerait pouvoir faire plus, que ces enfants méritaient tellement mieux, qu'ils lui donnaient l'impression - ou l'illusion ? - d'être une bonne personne, de faire quelque chose de bien...

Néanmoins, ses lèvres refusèrent de s'entrouvrir et son expression demeura indéchiffrable. Elle se contenta donc d'un hochement de tête.

Niveau relations humaines, je crois bien qu'on vient de toucher le fond du fond, lui lança sa conscience, l'air désabusé.

C'est drôle, je me disais exactement la même chose !

Encore heureux, le contraire aurait été plus que préoccupant.

Oh, silence !


Après un dernier regard échangé, la jeune alchimiste s'engagea dans les rues fourmillantes de Barcelone. Le ciel azurin était chamarré d'un Soleil timide et orné de quelques nuages gris argent. J'espère qu'il va pleuvoir...

Une vingtaine de minutes plus tard, elle était arrivée. Ses quatre rochers mobiles - ou les quatre soldats chargés de garantir sa sécurité - la saluèrent poliment, mais l'espionne les ignora avec hauteur et referma brutalement la porte derrière elle, causant plusieurs sursauts. Le monarque avait tenu à prendre certaines mesures suite à leur dernière entrevue, préoccupé du "danger" que courait son meilleur élément. C'était ridiculement agaçant : le troupeau de Hans avait été neutralisé, et quand bien même il viendrait l'idée absurde de venir jusqu'en Espagne pour venger ces pauvres larves en la tuant à un frère caché ou une fiancée déchue, la duelliste savait se défendre. Elle n'avait assurément pas besoin de l'aide de militaires en quête de reconnaissance et, de toute manière, ces honorables bouts de métaux n'étaient pas de taille à affronter des criminels allemands.

Mais aussi fougueuse, têtue et fière fût-elle, Laguerra ne pouvait pas s'opposer à la volonté de son roi.

Une fois dans sa chambre, elle jeta sa sacoche sur le lit en désordre, attacha ses cheveux en une queue de cheval haute et troqua son pantalon moulant et sa chemise pour un ensemble en cuir. La señorita avait diablement besoin de se dépenser, de bouger, de transpirer, de frapper, de fendre. De retrouver son essence et son oxygène, en somme.

Lorsqu'elle ne s'entraînait pas, elle lisait des ouvrages en tout genre. Lorsqu'elle ne lisait pas, elle souillait les pages de son journal intime. Lorsqu'elle n'écrivait pas, elle s'entraînait. Cette routine lui avait manqué : ce mode de vie lui convenait parfaitement et elle ne le modifierait pas pour tout l'or du monde.

La brune replaça une mèche de cheveux derrière son oreille percée et gagna hâtivement sa salle d'armes. L'esprit aérien, dorénavant munie de son fouet et de sa splendide rapière, elle verrouilla la porte et se dirigea vers la bibliothèque. Elle passa distraitement les doigts sur sa cuisse droite. Je dois faire attention. Mais quelle canaille.

Son regard fut soudainement attiré par un livre bleu posé sur la petite table en marbre. Son cœur fit un tour sur lui-même, alourdi, et elle eut grande peine à avaler sa salive. Il s'agissait d'un cadeau de Léonard de Vinci, ou la définition même du terme "polyvalent"... Le fondateur de l'Ordre du Fumier. Une colère noire pulsait désormais dans ses veines, alimentant la décharge cuisante qui longeait son épine dorsale.

— Non, souffla-t-elle en secouant la tête.

La scientifique inspira, expira, respira à grandes goulées, les yeux pressés, la tête rejetée en arrière. Ses doigts massèrent sa nuque, ses tempes, s'engouffrèrent dans sa chevelure nouée. Sa bonne humeur désagrégée, Isabella planta ses molaires dans la face interne de sa joue avant de faire claquer sa langue. Il ne lui restait que quelques heures pour s'entraîner, rendre visite à Ivoire et se préparer pour aller à cette maudite réception...

Une nouvelle mission impossible.

Sans crier gare, comme si cette ordure de Destin s'était levé du bon pied pour la première fois de sa vie, une tornade blonde survola les escaliers et se rua sur elle pour l'enlacer. Une fragrance de lilas et de violette imprégna son odorat. Tout sourire, sa meilleure amie lui chuchota un "je t'aime" qu'elle garda près de son cœur réchauffé. La fille du Docteur la serra dans ses bras, souriant à s'en décrocher la mâchoire. Elle n'avait pas réalisé à quel point son absence s'était fait ressentir de la plus douloureuse des manières...

Ivoire s'écarta pour jouer avec ses mèches rebelles. Elle passa ensuite les mains sur ses joues, son cou, ses bras, ses orbes noisette détaillant patiemment chaque parcelle de son corps ceint de cuir.

— Bien... Tu es en vie, en un seul morceau, belle en diable et sur le point de mourir... Quand ?

Le sourire de la bretteuse devint crispé.

— Cette robe blanche te va à ravir, Vivi !

— C'est ça, moque-toi de moi, répondit-elle, mains sur les hanches.

Lèvres pincées, Laguerra s'adossa au mur et avoua :

— Un peu plus d'une semaine...

La belle blonde fronça les sourcils.

— Et il ne t'est pas venu à l'esprit de venir me voir ? l'interrogea-t-elle de sa voix légère. Me faire parvenir un message ? Figure-toi que j'étais inquiète et en manque de remarques sarcastiques ! Oh, viens là.

Elle l'entoura de ses bras rassurants. Ce fut plus fort qu'elle, la guerrière sourit. Ivoire était magique. Dans tous les sens du terme.

— Si, bien sûr que si, s'empressa-t-elle de dire. Mais tu n'étais pas chez toi et le señor La-Vache...

— La Vacante, Lia, la corrigea son amie dans un rire, brisant leur étreinte.

— Peu importe, il a une tête à claques, de toute façon. Il m'a dit que tu étais chez ta mère... et que tu semblais extrêmement occupée.

Ses fentes inquisitrices s'étaient soudées aux perles translucides de la créatrice de produits cosmétiques. Cette dernière soupira, le visage maquillé de rides soucieuses, le regard vide. Ah, il y a donc bien un problème.

— C'est... compliqué. C'est ma mère, elle... Et mon grand-père qui... Enfin, ce n'est pas...

Un rire sans joie roula dans sa gorge diaphane.

— Aiguille. Parlons plutôt de toi... Rassure-moi, tu sais que quatre beaux gosses ont décidé d'installer leur campement devant ta porte ?

Traduction : On en discutera après minuit.

L'espionne haussa une épaule.

— Ordres de sa Majesté. S'ils te plaisent, je t'en fais cadeau.

— Quelle générosité ! J'ai toujours rêvé de participer à un plan à cinq ! s'exclama ironiquement la blonde, faisant pouffer son amie dont les prunelles s'étaient mises à briller d'une lueur qu'elle ne connaissait que trop bien. Plus sérieusement : cela a-t-il un rapport avec la mission-sauvons-Juanito ?

— Tout juste, Vivi. Cet idiot a trempé dans des affaires on ne peut plus brumeuses et s'est mis un dangereux groupe de criminels à dos. Je les ai envoyés au Paradis, ils étaient dix. Don Juan est en vie et bien au chaud chez Papa tandis que moi, je dois supporter ces armoires à muscles et garder mes questions pour moi. Je me demande ce qu'il a bien pu faire pour s'attirer toutes ces foudres...

Et j'espère le découvrir.

Ivoire la regardait fixement, impassible, tranquille, apaisante. Elle détestait la violence, mais ne l'avait jamais jugée et ne la jugerait jamais. Elle était la seule personne au courant de ses activités professionnelles et pouvoir discuter de ça avec quelqu'un avait un effet libérateur, Laguerra ne pouvait le nier.

— Bien, je vois... Allez, viens, on va dans ta chambre. Je brûle d'envie de voir l'ampleur des dégâts, pauvre maison.

Elle prit sa main et les entraîna dans la grande pièce.

— Hé, je dois aller m'entraîner !

— Tu t'entraîneras un autre jour. On a beaucoup de choses à se dire, j'ai de nouveaux produits à te faire essayer et tu dois impérativement te préparer à éblouir la noblesse espagnole, alors exécution !

— Tu ne veux pas y aller à ma place ? geignit la belle brune.

— Il en est hors de question, Lia, rit la señorita Grajera. Maintenant tais-toi.

— D'accord, maman.

— Tu vois quand tu veux !



Les lueurs sanglantes du couchant s'écoulaient avec une lenteur hypnotisante.

La cour d'Espagne. Prison dorée aux barreaux argentés. Une noblesse dont l'arrogance n'avait d'égale que l'hypocrisie. Les parures d'un luxe aveuglant, une kyrielle de couteaux scintillants et une explosion de couleurs... Du grenat, du noir, de l'ocre et des teintes bronzées qui engloutissaient ducs, marquis et comtes, sinuant entre silhouettes soigneusement parées et chefs-d'œuvre culinaires. Sourires pincés, regards suant d'envie et vins aux reflets ensorceleurs animaient ce décor sublimement guindé, représentatif de cet univers mobile.

La réception était à son point culminant. Tout avait été brillamment mis en place pour célébrer l'arrivée imprévue de son Excellence Don Juan en Espagne. Sans oublier sa survie.

Isabella avançait, la mine impavide. Elle avait opté pour une robe dont l'argent semblait avoir été conçu pour cueillir la moindre particule de lumière. Un beau décolleté complimentait sa poitrine pigeonnante, le tissu du vêtement glissait sur ses courbes lascives comme une rivière de diamants et la soie qui couvrait son dos paraissait presque transparente. Naturellement ornées de filaments auburns, les spirales parfaites de ses cheveux accompagnaient chacun de ses pas. Son fin visage, quant à lui, avait été maquillé par Ivoire : un rouge à lèvres pourpre pour colorer sa bouche pulpeuse et un fard à paupières charbonneux pour souligner la profondeur de son regard - dernières créations de la blonde.

La sulfureuse brune était l'indécence même. Tout chez elle aurait pu provoquer de véhéments scandales, mais elle agissait toujours avec un tel naturel, une telle assurance, que personne ne trouvait jamais rien à redire. Il n'y avait qu'elle pour se vêtir et se mouvoir de la sorte, la pudeur féminine étant une règle des plus sacrées.

Centre de toutes les attentions, Laguerra se sentait lorgnée, détaillée, admirée, de toutes parts, comme à l'accoutumée. Objet de convoitise, fantasme exquis, énigme étourdissante...

Vivement la fin. Retenant un soupir, l'aventurière se posta devant une magnifique table en chêne et se servit un verre de vin, les pupilles en mouvement. Son champ de vision fut très vite accaparé par le couple royal. Son souverain lui adressa un signe de tête et elle lui rendit instinctivement la politesse. L'Espagnole n'avait pas eu l'occasion de le revoir depuis leur entrevue datant de neuf jours. L'impératrice la scruta pendant quelques secondes, l'expression sereine, avant de lui offrir un sourire. Sa chevelure dorée était coiffée en un chignon sophistiqué et son corps ceint d'une robe en velours noir. Charles Quint, quant à lui, était vêtu d'un ensemble absolument grotesque qui le seyait à merveille. La relation qui liait la duelliste au roi constituait un mystère autour duquel gravitaient mille et une rumeurs. Selon l'une d'elles, la scientifique serait la maîtresse cachée du monarque.

Ridicule. Et répugnant. Ridiculement répugnant. Leur relation avait toujours été strictement professionnelle. Laguerra préférait mourir de la plus atroce des manières que de cracher ainsi sur ses principes et sa dignité de femme indépendante. En outre, la fidélité de Charles de Habsbourg était irréprochable, nonobstant ses nombreux voyages : il était profondément amoureux de sa reine, même s'il était loin d'être un époux exemplaire.

Le mariage, quelle horreur.

Isabella finit de boire son nectar blanc au moment où les premiers couples de danseurs commençaient à se former. Elle fixa la bouteille des yeux, hésitante, avant de se détourner en soufflant. Le regard de la bretteuse se mit à arpenter l'immense salle, sondant furtivement chaque visage rencontré. Ses iris le cherchaient et...

Trouvé. Les billes de Roméo Encinas se heurtèrent aux siennes, lumineuses. Drapé dans un costume en soie bleu nuit, il était nonchalamment appuyé contre un mur, un sourire radieux animant son visage. La señorita et lui s'étaient croisés par trois fois, lors de réceptions comme celle-ci, et un jeu de regards s'était naturellement installé entre eux. C'est le moment, on a suffisamment tourné autour de l'écurie.

La belle brune lui sourit avec insolence et sensualité, ce qui ne fit qu'agrandir son propre sourire. Elle se mit à combler la distance qui séparait leurs deux corps, le devançant, indifférente aux autres invités. Il paraissait légèrement surpris.

Arrivée à sa hauteur, l'aventurière jeta l'encre de son regard dans le lac étincelant de ses prunelles. Le jeune homme la surplombait d'une demi tête et semblait avoir le même âge qu'elle.

— Isabella.

— Roméo.

Laguerra était heureuse de constater qu'il n'était pas le genre d'homme à s'encombrer de mondanités affectées.

— Je vois que tu es bien renseignée...

— Ton nom et ton prénom ne sont un secret pour personne ici, beau gosse, répliqua-t-elle, un rictus ironique déformant ses lèvres.

Il rit, et son sourire effleura les étoiles.

— Mon nom est moins connu que le tien, ça, c'est sûr.

Un silence agréable s'étendit à l'infini. La fille du Docteur humecta ses lèvres, laissant traîner un léger coup d'œil sur l'Inconnu-au-sourire-indélébile, tandis que ce dernier saluait brièvement une connaissance.

Par tous les Diables... Force était de constater qu'il était encore plus attirant vu de près.

Ses cheveux noirs semblaient plus soyeux que les siens ; très courts sur les côtés, tout en boucles prononcées sur le dessus. Sa pomme d'Adam ondulait dans sa gorge chaque fois qu'il parlait, se roulant et se déroulant avec une fluidité envoûtante. Les pupilles de l'Espagnole dévorèrent la ligne saillante de sa machoire, sa bouche charnue, puis la couleur uniformément brune de sa peau. Ses grands yeux mordorés formaient deux amandes, électrisants, et Isabella s'imagina effleurer les trois grains de beauté tatoués sur le côté gauche de son cou.

Un chapelet de frissons lui mangea l'échine. Je n'aime pas ça.

Inutile d'essayer de mentir à sa satanée conscience : son physique était un chef-d'œuvre. La duelliste ne croyait en aucun dieu, mais si cette créature existait bel et bien, elle aurait sans aucun doute le visage et le corps du señor Encinas.

Mettant fin à sa contemplation, les traits glacés, la nièce d'Athanase de Pylos et Ambroise de Sarle arqua un sourcil. Roméo la buvait du regard, comme s'il cherchait à la déshabiller par la seule force de ses pensées. Une partie d'elle avait envie qu'il la déshabille...

Bon sang d'engraulidé.

— Excuse-moi, il s'agit d'un ami de mon père. Tu veux boire un verre... ? finit-il par dire.

La guerrière pressa les lèvres. Elle repensa à la promesse qu'elle avait faite à Ivoire, indécise. Ce ne sont que quelques verres... et puis, je vais bien. Je suis belle, je suis forte, je suis heureuse. Ce vin est divin, ce serait dommage de ne pas en profiter en sa compagnie...

En excellente comédienne, Laguerra esquissa un sourire énigmatique et s'approcha de la grande table, ondoyant inconsciemment des hanches. Elle se servit un second verre, qu'elle porta à sa bouche. Son rouge à lèvres en recouvra le bord. Le regard incandescent d'Encinas ne la quittait pas.

Planté à sa droite, il lâcha :

— C'est rare.

Elle souleva un sourcil interrogateur.

— Oh, tu sais... Les femmes entreprenantes. Je ne m'attendais pas vraiment à ce que tu sois celle qui fasse le premier pas, chica.

— Si ton but est de me séduire, alors laisse-moi te dire que tu t'y prends très mal.

Le sourire de Roméo se fit carnassier.

— Tu es éblouissante.

Nous avons un comique !

— C'est de pire en pire, murmura-t-elle en faisant danser son verre, une moue désabusée sur le visage. Heureusement que ton costume est là pour adoucir le massacre...

L'air amusé, son interlocuteur baissa furtivement les yeux sur sa tenue avant de reprendre la parole :

— Heureux d'apprendre qu'il te plaît. C'était soit ça soit ma superbe nudité. Hors de question que je porte l'un des vieux costumes poussiéreux de mon père.

Isabella pencha la tête sur le côté, laissant ses boucles d'oreilles pendantes venir chatouiller son cou délicat. Ses perles d'ambre glissèrent instinctivement sur le corps couvert du beau brun.

— Dommage... Je suis persuadée que le spectacle n'aurait pas déplu aux deux vieillards qui te lorgnent depuis tout à l'heure.

La jeune louve pointa du doigt deux hommes aux cheveux grisonnants, la mine narquoise. Les concernés sourirent à Encinas, le regard concupiscent et les sourcils dansants. Ce dernier leur adressa un petit signe de la main. Son expression crispée valait toutes les émeraudes de l'univers. L'aventurière ravala un éclat de rire.

— C'est flatteur, mais je les préfère plus jeunes, guapa...

— Et avec plus de formes, je me trompe ?

Sa question était purement rhétorique.

— Pas forcément.

La bretteuse fronça les sourcils. Roméo enchaîna :

— Pas de vin rouge ? Tu devrais goûter, il est délicieux.

— Je ne bois pas de vin rouge, répondit placidement l'espionne.

Ce fut au tour de l'Espagnol - était-il d'origine espagnole ? - de froncer les sourcils. Ses traits dénotaient une surprise emperlée d'incrédulité.

— Sacrilège, souffla-t-il en secouant la tête. Essaie celui-ci, tu ne seras pas déçue.

— Hors de question. Tu sais, je tiens très bien l'alcool. Inutile de gaspiller ton énergie à essayer de m'enivrer, beau gosse.

Le jeune homme éclata d'un rire communicatif. Bon sang de salmonidé, mais combien de dents a-t-il, au juste ?

— T'enivrer ? Il y a une chose que tu dois savoir à mon sujet, Isabella Laguerra : je n'ai jamais eu besoin d'autre chose que mes fossettes pour étourdir une femme.

La grande brune croisa les bras, paupières plissées. Plaisantait-il ? Était-il sérieux ? Peu importe, je ne vais certainement pas lui donner raison, son ego semble déjà frôler la Lune.

— Idiot.

— C'est ce qu'elles disent toutes... mais elles finissent toujours par en redemander.

Sa réplique fut agrémentée d'un clin d'œil. Son expression transsudait des corolles d'effronterie. Laguerra leva les yeux au ciel et hydrata son verre pour la troisième fois de la soirée. 

— D'ailleurs...

— Un conseil pour les paedocypris progénétiques dans ton genre : évitez d'ouvrir la bouche. Tu verras, c'est magique. Sur ce, bonne fin de soirée, señor Encinas.

Elle lui offrit son plus beau sourire avant de tourner les talons, lui faussant compagnie, son verre à la main.

Il avait beau être séduisant, brun et aussi direct qu'un coup de poing, elle ne coucherait pas avec cet idiot.



Embrasse-moi, idiot.

Était-ce les quatre pauvres verres d'alcool qu'elle avait bus ? Après tout, ce breuvage avait pour habitude d'exalter sa libido et de sucrer son mauvais caractère.

On se rassure comme on peut, ricana sa conscience.

L'ennui ? Le rictus amusé de Roméo ? Son obstination, sa façon de parler de son aralusian ? La chaleur ?

Oh, oui, la chaleur. Laguerra avait chaud. Très chaud. Terriblement chaud. Et les mains électriques du beau brun avec lequel elle était en train de danser n'arrangeaient rien.

Comment en étaient-ils arrivés à se mouvoir si proches l'un de l'autre ? Comment en était-elle arrivée à désirer sa bouche avec impétuosité ? Comment en était-elle arrivée à vouloir qu'ils s'oublient dans une danse voluptueuse ?

Je le déteste !

Et tu ne le détestais pas il y a deux heures ?
railla sa traîtresse de conscience.

Tais-toi !

Les pouces de Roméo caressèrent sa taille, ses mains glissant jusqu'à ses hanches, ce qui la fit tressaillir malgré elle. Tout son corps était en feu dans l'attente d'un baiser. La jeune femme enroula ses bras autour de son cou tandis qu'il resserrait son étreinte, hypnotisé par le renflement de ses lèvres et le dessin de ses taches de rousseur.

Sa poitrine toucha son torse et leurs bassins se frôlèrent, crépitants. Isabella déglutit péniblement, Encinas ne souriait plus.


La mâchoire de Juan se contracta alors que ses doigts se resserraient dangereusement sur son verre à moitié vide. Le cœur ravagé par une jalousie lancinante, il observait le couple de danseurs impudiques qui avait magnétisé toute la salle. De nature à animer une kyrielle de langues pendues, ce spectacle allait indubitablement obséder la noblesse espagnole pendant plusieurs semaines.

Mais qu'est-ce qu'une femme comme Isabella Laguerra pouvait bien trouver à un homme tel que lui ? Ils semblaient drastiquement différents et le fils du roi en avait vu assez pour pouvoir affirmer que la majorité des mâles présents en cette soirée ne méritaient pas un centième de son attention. L'espionne lui avait largement prouvé sa valeur, gagnant son respect éternel. Il lui devait littéralement la vie, mais ce n'était pas tout : la sulfureuse brune avait trouvé ancrage dans son cœur de bronze - un exploit miraculeux. De ce fait, Jeromín la voulait pour épouse et n'allait pas tarder à la faire sienne. "Père" me doit bien ça...

Isabelle de Portugal lui décocha un doux sourire qu'il ignora.


— Charlito est à un doigt de nous congédier, murmura le partenaire de Laguerra, son souffle titillant l'oreille de cette dernière, son nez effleurant sa joue.

Oh, et puis zut.

— Sortons d'ici, lui susurra-t-elle en retour.

Des étincelles affluèrent dans les billes étonnantes du jeune homme, qui avala difficilement sa salive. Son regard brûlant comme braise était le parfait reflet du sien.

Les doigts de la guerrière saisirent sa main chaude. Elle les entraîna à l'extérieur, ayant perdu toute retenue.

Une fois dehors, Laguerra ne perdit pas une seconde de plus et empoigna le col de Roméo pour aller pêcher la pulpe de sa bouche. Cette dernière s'ouvrit instantanément, répondant à son assaut charnel. Il gémit en la plaquant contre un mur, son bras puissant entourant sa taille fine. Leurs langues s'apprivoisèrent avec douceur et assurance, se taquinèrent avec sensualité, s'emmêlèrent avec effronterie. Celle d'Encinas avait le goût du vin rouge. Il exhalait des senteurs de fruits en tout genre.

Délicieux.

Sa peau s'embrasa, son cœur éclata et ses seins s'alourdirent, recouverts de chair de poule.

— Oh mon Dieu, haleta le beau brun, ses lèvres mémorisant la courbe de son menton.

Il ondula lascivement du bassin contre elle, jurant des choses qu'elle ne comprenait pas. La brune émit un geignement de plaisir, tandis que des flammes imaginaires léchaient l'intérieur de ses cuisses. La langue hardie de l'Espagnol dévala la pente de son cou et c'était plus que ce qu'elle pouvait supporter.

Unique témoin de leur étreinte, la Lune les couvait de ses superbes faisceaux argentés.

— Tu sens terriblement bon, chuchota-t-il, les yeux mi-clos.

— Tais-toi.

— Méchante.

Joueuse, la señorita le repoussa légèrement et caressa son membre bombé. Encinas frémit violemment, laissant échapper un grognement rauque. C'est le bruit le plus excitant que j'aie jamais entendu.

Sa main dans ses cheveux - cet abruti a vraiment des cheveux parfaits ! -, son pouce retraçant distraitement le contour de son oreille, elle demanda sans préambule :

— On va chez toi ?

Les pupilles dilatées de son partenaire fixaient ses lèvres gonflées et humides. Déshabille-moi. Déshabille-moi. Déshabille-moi. Leurs souffles libéraient des tourbillons électriques.

— J'ai bien cru que tu ne le demanderais jamais, lança-t-il en embrassant sa paume, son regard coulant sur sa poitrine.

Boom boom
Boom boom


Un sourire se peignit sur le visage de la bretteuse. En cet instant, elle ne regrettait absolument pas d'avoir délaissé ses livres, ses armes et son journal pour venir à ce simulacre comique de fête.

Enfin, presque.

— Tu veux que je te porte ?

— Non, contente-toi d'avancer, beau gosse.

— Tu gâches tout, geignit Roméo avant d'attraper sa main, entrecroisant leurs doigts. Ta peau est si froide...

— Tais-toi et marche, grogna son interlocutrice, ce qui lui valut un soupir théâtral.

— Ça va, ça va...

Le trajet était très court, mais le temps semblait s'étendre à l'infini, les secondes se muant en longues heures.

Les sensations de l'espionne s'éparpillaient. Son désir pour cet homme était tel qu'il lui cisaillait le ventre. Puissant. Douloureux. Urgent.

La bouche du jeune homme mangeait la sienne, insatiable. L'obscurité les avait engloutis tel un étau, décuplant leurs sens. L'aventurière ne savait même pas comment ils réussirent à monter les escaliers menant à la chambre de sa conquête. Avait-il fermé la porte ? Où étaient passés ses chaussures ? Quelle heure était-il ?

Son dos embrassa de nouveau un mur. Leur baiser n'avait aucun sens. Suave et enflammé. Éperdu et sauvage. Fiévreux et incontrôlable. Les mains froides de la scientifique étaient partout : dans ses boucles, sa nuque, le long de ses bras, sur son visage, ses fesses... Les gémissements de Roméo se superposaient aux soupirs d'Isabella.
Les doigts joints dans son dos, il se pressa contre elle, son excitation battant contre son ventre plat. Le cœur et l'entrejambe palpitants, la fille du Docteur lui suçota la langue en ondulant des hanches. En retour, l'Espagnol lécha la commisure de ses lèvres, le souffle haché, lui arrachant une plainte langoureuse.

La main droite de Laguerra alla explorer les muscles de son ventre. Son corps était bouillant à son contact et... bon sang, ce magnifique abruti avait des abdominaux en topaze. Il n'était pas aussi musclé que les hommes qu'elle avait l'habitude de côtoyer, mais c'était loin de lui déplaire. Ni trop ni pas assez, un juste milieu harmonieux. Les grands corps excessivement musclés ne l'attiraient pas.

La bouche de son partenaire se referma soudainement sur son lobe. Une grimace chatouillant son expression, la grande brune se dégagea et guida ses lèvres vers sa gorge à l'aide de ses doigts plongés dans ses cheveux. Ses lèvres coulèrent sur sa peau tendue, brûlantes. Sa jambe emprisonnant celle de Roméo, la duelliste pressa les paupières et mordit sa lèvre inférieure lorsqu'il déposa un baiser sur son sein gauche.

Isabella se décolla du mur et empoigna sa main. Ils s'engouffrèrent dans la chambre, les jambes bourdonnantes. Tout juste entrée, la jeune femme referma la porte et le poussa brutalement sur l'immense lit. Ce dernier écarquilla les yeux avant de papillonner des cils.

— Quelle force... murmura-t-il.

Petite nature.

L'espionne grimpa sur ses genoux et entreprit de lui retirer le haut de son costume. Le beau brun voulut allumer quelques bougies, mais elle l'en empêcha.

Boom boom

S'il paraissait déçu, il n'insista pas. Merci.

Ses lèvres aspirant les siennes, Roméo se mit à redessiner chacune de ses formes à travers le fin tissu de sa robe échancrée. Un bruit plaintif perça la plénitude de la nuit. Il sourit.

Repoussant ses mains clandestines, sa partenaire promena ses doigts électriques sur ses épaules sculptées, son cou, les vagues capiteuses de son torse, redescendant tout doucement...

Un détour pour toucher ses pectoraux, taquiner ses mamelons.
Puis son nombril.
Plus bas.
Toujours plus bas...


La brune déboutonna son pantalon, exposant sa virilité. La bouche d'Encinas s'ouvrit d'elle-même et ses hanches se soulevèrent pour rencontrer sa main audacieuse. Sa pomme d'Adam disparut dans sa gorge et ses ongles courts s'enfoncèrent dans les fesses pleines de Laguerra. Cette dernière le caressa d'abord lentement, son visage lové dans le creux de son cou. Sa bouche embrassa, butina, lapa l'antre de celui-ci, tandis que sa main glissait, alternant entre rythme lent et rythme saccadé.

— Seigneur, grogna-t-il douloureusement. Tu es merveilleuse...

Ses lèvres s'incurvèrent. Il était à sa merci.

Le jeune homme se dégagea subitement. Il se releva, saisit sa main et la plaqua contre lui. Ses iris pénétrèrent les siens. Il ne lui laissa pas le temps de réagir et la retourna pour la délester de sa robe. Une mare d'argent se forma à ses pieds.

Son corps n'était plus que chair de poule et brûlures.

Boom boom

Roméo lui baisa l'épaule avant de l'allonger sur son lit et de se placer au-dessus d'elle. Il embrassa chacun de ses seins, patient et appliqué. Il les lécha, les mordilla, les aima. Un frisson exquis fit trembler la guerrière. Nom d'un chat. Il les choya d'une façon révérencieuse qui l'enflamma au plus haut point. Lentement. Isabella se cambra sur le matelas, la respiration sifflante, des plaintes de plaisir se bousculant dans sa gorge, sur sa langue.

Ses billes se rouvrirent au moment où son partenaire plongea sa langue dans son nombril.

— Tu as un corps de folie, susurra-t-il contre son ventre, si proche que ses cils l'effleurèrent.

Sa voix était étouffée par un orage de désir.

Ses baisers se prélassaient sur sa peau dorée. Roméo s'empara ensuite de ses jambes et lui mordit les orteils avant de les embrasser une à une, de ses chevilles à l'intérieur de ses cuisses. La señorita gémit, la colonne vertébrale traversée de frissonnements glacés.

— Roméo...

Les lèvres du concerné se posèrent sur son centre de gravité. Elle se raidit, l'esprit fourmillant de jurons.

— Tu veux que j'arrête ? la questionna-t-il dans un murmure.

Oh, au point où on en est, autant continuer !

— Surtout pas, souffla-t-elle.

— Dans ce cas, détends tes muscles, championne.

Un grondement lui répondit.

— J'ai un prénom, arrête avec ces satanés surnoms !

— Et quel prénom, lâcha Encinas d'un air rêveur.

Le regard meurtrier, la fille du Docteur se redressa, l'agacement vibrant dans ses veines. Sans crier gare, Roméo attrapa ses hanches et la fit glisser jusqu'au bord du lit. Les orbes de l'aventurière s'agrandirent. Agenouillé sur le sol, il plaça précautionneusement ses jambes sur ses épaules.

Laguerra n'avait aucune idée de ce qu'il était en train de faire, mais cela incluait sa langue et ses doigts. Le plaisir enflait, enflait, enflait... jusqu'à l'inonder. La jeune femme plaqua un oreiller contre sa bouche afin d'étouffer son cri d'extase, le corps en lambeaux, des volutes de délices imprégnant toutes ses cellules.

Son
cœur
vermeil
allait
exploser.


Les paupières frétillantes, elle revint à la réalité du monde matériel comme un poulain tentant de se mettre debout pour la première fois. Avec difficulté. Son partenaire s'était intégralement déshabillé et son faciès avait retrouvé ses couleurs habituelles : sourire idiot, regard lubrique et... un air affamé. C'est reparti.

La scientifique le fit basculer sur le matelas et le surplomba, ses jambes bloquant sa taille. Il la regarda. Elle le regarda. Ils se regardèrent. Le souffle du beau brun s'accéléra, si bien qu'il emplissait les oreilles d'Isabella. Sans un mot, elle se courba et l'embrassa suavement, les sens en alerte. Douces et humides, les lèvres d'Encinas se fondirent aux siennes. Sa langue enhardie caressa l'intérieur de cette bouche souriante, coulissa sur son palais, tandis que celle de sa conquête se faisait de plus en plus dure. Son bassin toucha le sien et...

Le fruit d'Adam s'ancra dans celui d'Ève.

Laguerra frémit véhémentement, chavirant avec volupté. Cela faisait près de trois mois qu'elle n'avait touché aucun homme. Le brun laissa échapper un chapelet d'absurdités obscènes, les traits contractés. Il la sentait autour de lui, soyeuse et étroite, et cette sensation des plus jouissives l'incendia tout entier. Une main collée à son torse, l'espionne se mit à monter et descendre sur toute sa longueur. Ses mouvements étaient fluides, tantôt vigoureux et rapides, tantôt très lents. Roméo ondulait en rythme, les muscles bandés. Les râles gutturaux de ce dernier se joignirent à ses plaintes sensuelles, une délicieuse chaleur humidifiant leurs corps imbriqués. Il lui attrapa les hanches, elle renversa la tête. Leurs bassins se rencontraient dans une danse parfaitement orchestrée, diversifiant les angles, la pression et l'intensité.

Ils gémissaient de concert, esclaves ravis de leurs propres pulsions, de leurs envies, de leur soif de plaisir et de partage. Mâle et femelle, succube et incube respectueux... Victimes d'Himéros que le typhon du désir avait immergées dans l'enchevêtrement des sensations divines.

Oublieuse de ses responsabilités et de ses démons, Isabella continuait de se déhancher sur Roméo qui avait plaqué une main sur sa nuque pour kidnapper ses lèvres. Sa bouche descendit pour couvrir sa clavicule de baisers, vénérer sa poitrine, la menant doucement aux portes de l'agonie. La jeune femme mordit l'intérieur de sa joue et accéléra l'allure. Elle le sentait battre et gonfler en elle, et dire qu'elle n'aimait pas ça serait l'un des plus grands mensonges du siècle. Le plaisir s'épanouissait au fil des minutes qui suintaient, ravageur, grisant... merveilleux.

Encinas enroula ses cheveux autour de son poing, rouvrant momentanément les yeux.

— Doux Seigneur Christian Joseph Canardeo des plaines roses du Chapiteau...

— Mais tu vas la verrouiller, ta bouche ? siffla la señorita.

Un sourire insolent fendit les lèvres de son partenaire.

— Je préférerais que ce soit toi...

Elle le fit taire d'un baiser féroce, enfonçant ses dents dans sa lèvre inférieure. Le gémissement qui s'extirpa de ses cordes vocales n'avait rien à voir avec la douleur.

— Si l'envie de me mordre te reprend... surtout n'hésite pas, chuchota-t-il.

Il a de sérieux problèmes psychologiques.

Soudain, la jouissance fusa. Le corps et l'esprit de Laguerra éclatèrent en mille morceaux, transcendés par un orgasme déflagrant qui aspira toute son énergie, constellant son être de perles de volupté. Le dos creusé, une main plaquée contre le cœur de Roméo, elle poussa un rugissement étiré. Le jeune homme embrassa le bout de ses doigts, son extrémité à lui remontant son entrecuisse pour aller dorloter son intimité, la faisant sursauter de plaisir. À son tour, il se laissa envahir par un déluge de délices diaprés, des coulées de lave embrasant ses os, son sang et sa chair. Son explosion fut accompagnée d'un mugissement. C'était si bon et intense qu'il crut voir des licornes s'imprimer sur ses rétines.
Agréablement alanguie, les membres tremblotants, la fille du Docteur se laissa tomber sur le corps de l'Espagnol. Sa joue et son oreille se collèrent à son pectoral droit, tandis que sa main caressait distraitement son bas-ventre. Le souffle du señor se prélassait sur le haut de son crâne.

Par toutes les constellations boréales... Pas mal... pas mal du tout. C'est même l'un des meilleurs ébats de ma vie. Cette folle effervescence de sensations...

— C'était... licornéen.

La grande brune cligna des yeux avant de froncer les sourcils.

— Je te demande pardon ?

— Oh... Intense, exquis, incroyable, magique, resplendissant, enchanteur... Comme tu veux, à toi de voir et de choisir, tout dépend de ta perception des choses, du contexte et de la relation que tu entretiens avec les licornes, lui expliqua-t-il avec un naturel déconcertant.

Ah, d'accord.

— Tu veux manger quelque chose ? reprit-il après quelques secondes de silence immaculé, la voix rauque, ses doigts enfoncés dans sa crinière. Tarte, crème, sorbet, pain fruité ou gâteau aux cerises vanillées ?

Cette fois-ci, Isabella releva la tête vers lui, interdite.

— Tu viens de quelle planète, au juste ?

Un large sourire mangea la moitié de son visage taillé au burin. Quelle femme.

— Vénus. Toi, tu viens de Mars, c'est bien ça ?

Ne souris pas.

— Ne bouge pas, je reviens dans trois minutes.

Nu comme une couleuvre, Roméo se leva et quitta la chambre. L'aventurière ne perdit pas une microseconde de plus : elle se dressa sur ses jambes, ramassa sa robe, se rhabilla et passa une main dans ses ondulations humidifiées. Après s'être essuyée le visage avec les draps, elle griffonna un petit billet, qu'elle laissa sur le matelas.

Désolée pour les draps. Bon appétit, bonne nuit et bonne continuation, beau gosse.

Ceci étant fait, Laguerra sortit de la pièce, dévala les escaliers deux à deux et quitta la grande maison en prenant soin de refermer la porte derrière elle, aussi discrète qu'un papillon lune.

Une fois dehors, elle jaugea les alentours du regard, faisant appel à son sens de l'orientation nocturne, avant de jeter un dernier coup d'œil au sanctuaire de Roméo Encinas.

Ils avaient tous les deux obtenu ce qu'ils voulaient : il était hors de question de passer la nuit avec lui. Ils n'allaient quand même pas créer un élevage de mouches et de brebis ensemble.

Elle se mit en route.
Modifié en dernier par kally_MCO le 24 déc. 2021, 12:43, modifié 7 fois.
Avatar du membre
Tina3008
Guerrier Maya
Guerrier Maya
Messages : 239
Enregistré le : 25 déc. 2020, 21:22
Localisation : en train de griffonner avec les alchimistes à Chambord
Âge : 22

Re: COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par Tina3008 »

Il va falloir passer la fanfiction en 🔞😂😂

Sinon j'ai hâte d'avoir la suite!😉
Avatar du membre
kally_MCO
Guerrier Maya
Guerrier Maya
Messages : 163
Enregistré le : 04 janv. 2018, 10:55
Âge : 21

Re: COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par kally_MCO »

Tina3008 a écrit : 16 déc. 2021, 17:35 Il va falloir passer la fanfiction en 🔞😂😂

Sinon j'ai hâte d'avoir la suite!😉
Mais non :tongue:
Merci, haha !
— Regarde toi : la finesse d'une enclume et la loyauté d'un bigorneau !
— Et toi, capitaine Mendoza, tu fais quoi d'honorable à part chasser les mouches avec ta cape ?!
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: COMÈTE | Isabella Laguerra

Message par TEEGER59 »

Je relis tout ça et je donne mes impressions après.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 17 déc. 2021, 20:47, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Répondre