FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

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Anza
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

CHAPITRE 12

A bord du Nazaré

L’Océan s’ouvrait en gerbes écumantes à l’avant de la caravelle et Mendoza à sa barre était aussi majestueux qu’elle, la cape au vent, le regard incisif et un imperceptible sourire de satisfaction au coin des lèvres. Marinchè l’observait de loin avec une des suivantes de la Comtesse pour compagnie. La jeune femme était celle qui s’était chargée de remettre la fameuse lettre à Calmèque un mois plus tôt. Elle se nommait Catherine Fellowns et elle s’était tout de suite très bien entendue avec la sulfureuse Inca. Elles passaient à présent le plus clair de leur temps ensemble, comme deux bonnes copines.
A une vingtaine de mètre d’elles, Calmèque et Jiménez partageaient une conversation sur les bouleversements politiques incessants que connaissait l’Europe, tiraillée entre plusieurs grandes puissances qui ne cessaient de lier et défaire des alliances passagères aux grés de leurs ambitions du moment. Calmèque apprit de cette façon que la religion en Europe avait une telle influence qu’elle possédait son propre état, le Vatican, et que son chef suprême, Le Pape, dictait son dogme à tous les Grands de ce côté du monde, quel que soit leur nationalité. Un monothéisme qui, d’une certaine manière, était impressionnant, mais qui n’empêchait pas un climat tendu entre différents courants, la montée du Protestantisme, du Lutheranisme, et le Roi d’Angleterre qui avait rué dans les brancards pour avoir le droit de divorcer de son épouse, décrétant qu’il était le chef de l’église dans son royaume et que le Vatican ne lui dicterait plus sa loi. Cette anecdote fit rire l’Olmèque, qui trouva que la méthode dénotait d’une profonde hypocrisie quant à cette prétendue foi.
Jiménez, quant à lui, interrogea l’Olmèque, curieux qu’il était de comprendre d’où venait son étrange ethnie, mais de nature pudique, ses questions restaient générales et Calmèque y répondit sans détours. Au fil de leur conversation, Jiménez comprit que son interlocuteur était en fait un descendant des légendaires Atlantes et, s’il en fut impressionné, il ne cacha pas sa surprise quant au fait que Mendoza le disait « Olmèque ». Pourquoi ? Quel rapport ?
Le petit homme lui expliqua que les siens avaient investi le Nouveau Continent il y a très longtemps, à une époque où les Indiens locaux n’étaient que des tribus éparses. Aussi, les Atlantes devinrent la première civilisation complexe et organisée de la région. Les Indiens se mirent à les appeler « Olmeca » parce qu’ils s’étaient implantés dans une région où poussait des arbres dont la sève particulièrement collante et compacte était appelée Caoutchouc. Olmeca signifie « Les Gens du Pays du Caoutchouc » en langue Nahualt.
« Et ça ne te dérange pas qu’on ignore tes vraies origines ? » l’avait interrogé Jiménez un peu interloqué.
L’Olmèque avait haussé les épaules.
« Les habitudes ont la peau dure, et à vrai dire, la façon dont les autochtones nous appelaient ne faisait pas partie de nos préoccupations. » avait conclu ce dernier avec amusement.
L’Espagnol s’était alors contenté d’esquisser une vague expression circonspecte avant de passer à autre chose. Mendoza venait de l’appeler et lui demandait de venir le remplacer un moment à la barre, il fallait dire qu’il n’avait pas lâché celle-ci depuis des heures et qu’il commençait à ressentir un peu de fatigue tout à fait compréhensible. Jiménez ne se fit pas prier et quitta l’Olmèque après un bref salut de la tête.
Calmèque se perdit un moment dans ses pensées. Ils avaient faussé compagnie à La Myrta depuis plus d’une dizaine de jours déjà et le calme après l’agitation était rapidement revenu. L’atmosphère était à présent sereine et l’équipage réduit permettait une certaine convivialité fort agréable. Tout le monde se connaissait et semblait évoluer sans contrainte, vacant à leurs devoirs ou occupations respectives. Une ambiance idéale.

La jolie musicienne au teint diaphane parût sur le pont sans son instrument et se fit immédiatement taquiner par un matelot qui passait à sa hauteur.
– Alors ? Pas de musique aujourd’hui ?
La jeune femme le gratifia d’un sourire poli avant de poursuivre son chemin.
Elle s’accouda au balustre de tribord, à côté de l’Olmèque, sans dire un mot. Un peu de vent fit voleter ses boucles cuivrées et elle ferma les yeux.
Il la regarda, surpris de sa présence, et comme à chaque fois, il se retrouva dans l’impossibilité de la lâcher des yeux, puis il se reprit et détourna la tête, juste à temps, elle venait de rouvrir ses paupières.
Ils restèrent tous deux à fixer le large, sans mot dire, un moment qui sembla infini. Puis elle rompit le silence.
– L’Inca dit que c’est toi qui veut que je viens, fit-elle avec un accent qui dans la bouche d’une autre aurait pu être ridicule, mais dans la sienne c’était charmant.
Calmèque se jura de régler ses comptes avec Marinchè dès qu’il en aurait l’occasion.
– L’Inca a la langue bien trop pendue, lui répondit-il en souriant, un peu gêné.
– Oh… je vois…
« Que voyait-elle ??? »
L’Olmèque se sentit en devoir de rapidement s’expliquer afin de dissiper toutes idées embarrassante.
– Vous avez beaucoup de talent et… j’aime vous écouter et… je ne suis pas le seul, affirma-t-il. Il aurait été dommage de vous perdre… et…
– Je vois…, l’interrompit-elle, un air espiègle sur le visage.
Il se tut, convaincu que chacun de ses mots le trahissaient un peu plus et en proie à une furieuse envie de disparaître sous le plancher du pont.
« Marinchè, je vais te tuer… »
Il n’osait plus rien dire, espérant qu’elle finisse par changer de sujet ou mieux, qu’elle s’en aille. Mais elle n’en fit rien et après avoir laissé errer son regard de-ci et de-là comme si ses idées lui étaient soufflées par la brise, elle s’appuya avec plus d’aisance sur le bastingage et reprit.
– Tu venir du Nouveau Continent ?
« Mais qu’est-ce que ça peut lui faire ? »
Quelques secondes s’écoulèrent.
« Faut que tu répondes un truc là ou ça va faire louche ! »
S’écoulèrent encore…
« Ah bah voilà, trop tard, maintenant tout ce que tu pourras dire paraîtra bizarre et sera retenu contre toi… »
Mais elle sembla ne même pas s’apercevoir qu’il n’avait pas répondu et continua, la voix et le regard évanescents. Puis elle tourna sa tête vers lui, le détaillant avec attention.
– Tu es…, elle chercha ses mots un instant. « Intrigant », finit-elle par dire, contente d’avoir trouvé le mot adéquat.
« Intrigant ?!? »
« Cette fois faut que tu dises quelque chose ou en plus d’être intrigant, tu passeras pour attardé ! »
Il entrouvrit la bouche.
« Dis un truc, n’importe quoi, même une connerie, mais prononce quelque chose ! »
– Intrigant est certainement la façon la plus agréable qu’on ait eu de me traiter de bizarre, arriva-t-il à articuler sur un ton de plaisanterie qui semblait presque naturel.
« Super ! Voilà ! Reste concentré et si elle te pose une question, tu réponds simplement. C’est pas compliqué ! Tu vas y arriver ! »
Elle eut un sourire et pendant une fraction de seconde, il eut peur qu’elle ne soit en mesure de le percer à jour. Mais il se rassura intérieurement.
« Ne soit pas stupide Cal, tu sais bien que t’es le champion toutes catégories du planquage d’émotions, elle voit rien du tout ! Reste zen et tout se passera bien ! »
– Tu ressembles à un « elfe », lui dit-elle finalement avec amusement.
– Un elfe ? s’étonna-t-il tout haut plus vite qu’il ne l’aurait voulu.
– Mmm mmm, fit-elle affirmative, le sourire toujours vissé aux lèvres.
– Et c’est quoi ? s’inquiéta-t-il, s’attendant à tout.
– Des êtres de légende de mon pays.
Elle avait une façon très particulière de ne faire aucune liaison et de « pwononncéé les moots » qui donnait à chacune de ses phrases un côté à la fois agaçant et attachant.
– Des légendes sympas ?
Elle fit oui de la tête.
– Et bien ça me change, assura-t-il, moi qui ai plus souvent l’habitude qu’on me compare à un cure-dent avec une tête de chauve-souris, ironisa-t-il.
– Une what ? s’enquit-elle vivement, ne comprenant pas, de toute évidence.
– Une chauve-souris, répéta-t-il. Vous savez…
– Sou-ris, articula-t-elle. Comme « smile » ? fit-elle en souriant exagérément.
Calmèque la regarda incrédule un instant avant de percuter.
– Oh ! Non ! Pas ce « souris » -là. Non ! Heu… vous savez, des rats en plus petits.
– Rats ? dit-elle avec une expression déplaisante.
« Super ! Génial ! Elle te parle d’elfe tout mignon et toi tu lui parles de petits rats… bien joué ! Y’a pas à dire ! »
Il se mordit la lèvre inférieure et se serait bien tapé la tête contre le bastingage s’il avait pu.
Elle le regardait en plissant des yeux comme pour percer le mystère.
– Laissez tomber, tenta-t-il, mais c’était trop tard, elle restait à le fixer, cherchant à comprendre.
Cette nana avait une façon très dérangeante de scruter les gens, ne paraissant pas réaliser que passer un certain laps de temps, ça mettait très mal à l’aise.
– Ce sont des petites bêtes nocturnes qui ressemblent à des… souris volantes…, conclut-il, avant de tourner la tête, dépité par sa capacité à s’être enfoncé lui-même.
Il ne vit donc pas son visage s’éclairer.
– Oh yes ! fit-elle avec bonheur en comprenant enfin. « Bat ! »
Puis elle s’immobilisa, l’air compliqué.
– Oh… yes… un peu… acquiesça-t-elle en constatant que la ressemblance avec certaines chauves-souris était judicieuse. Mais…,fit-elle en discernant l’air déconfit de son interlocuteur, on va rester sur elfe, c’est plus… « lovely ».
Cette fois, c’est lui qui ne comprit pas et elle ne rajouta plus rien, se contentant de partir dans la contemplation de l’eau.
– Je m’appelle Erin, souffla-t-elle au seuil d’un long silence.
« Erin… » se répéta-t-il.
« C’est le moment là, faut que tu lui dises ton nom, toi aussi. »
Les voiles gonflées par un vent vigoureux semblaient faire voler la caravelle au-dessus des flots, tant elle était légère.
« Maintenant, ton nom, pas dans une semaine ! »
– Moi, c’est Cal…
Il hésita une courte seconde entre « mèque » et « hayan » et s’entendit dire le premier avant même d’en prendre conscience. Par habitude, sans doute. Après tout, les us et coutumes de son peuple, tout le monde s’en foutait complètement à présent, alors pourquoi s’acharner à respecter un protocole obsolète ? Nom usuel, prénom, branche d’origine… pour ce que ça lui avait apporté de respecter ces préceptes… lui qui n’avait même pas vraiment eu de nom avant d’avoir vingt-deux ans. L’absurdité de sa condition lui revint alors à l’esprit comme une gifle et l’instant qui avait été si irréel, si délicat, se disloqua misérablement. Pouvait-on être plus prisonnier de soi-même qu’il ne l’était ? Son visage s’assombrit tristement et il baissa les yeux. La jeune femme s’en aperçu et cru qu’elle avait dit quelques chose d’inopportun.
– Oh… je désolée. Je dis quelque-chose que faut pas ?
Sa question le ramena au présent et il se mit en devoir de la rassurer.
– Non non, ne vous en faites pas, juste de vieux souvenirs un peu pénibles.
– Je suis contrite si ces souvenirs venir à cause de moi.
– Je vous jure que vous n’y êtes pour rien. Sincèrement. Ne vous inquiétez pas.
– Je comprendre, lâcha-t-elle après quelques instants de silence. Moi aussi je fuir des choses. Mais l’ombre suit parfois même sans lumière.
Calmèque fut surpris par la jolie tournure « l’ombre suit parfois même sans lumière » et il sourit.
– Surtout sans lumière, renchérit-il avec ironie.
Il lui sembla qu’elle esquissa une petite expression ténue, mais il n’en était pas certain et l’instant d’après, Erin avait replongé ses pensées vers le large, semblant se soustraire à cette réalité. Il l’observa discrètement quelques minutes, se demandant où tout ça le menait. Puis il décida de lâcher prise et de s’abîmer, lui aussi, dans la contemplation de l’horizon, peut-être y trouverait-il des réponses, mais à vrai dire, tout ça le rendait un peu triste. Impossible pour lui de ne pas être réaliste, il savait à quoi il ressemblait et…

On mangeait tous ensemble sur le pont aussi souvent que possible à bord du Nazaré, pas question de commencer à se la jouer hiérarchie à deux balles. Et ça semblait convenir à tout le monde. Les rares absents étaient la Comtesse, l’une de ses suivantes et les membres d’équipage en poste à ce moment-là.
Marinchè étira la soirée aussi longtemps qu’elle le put avant de céder à son envie de partir retrouver « sa » gargouille qui n’était pas reparue depuis la fin d’après midi. Elle l’avait vu discuter avec l’Irlandaise et mourait de curiosité. Elle tenta bien de se passionner pour les récits d’Ortega qui, une fois sorti de sa cuisine, devenait intarissable sur ses nombreux voyages. Il en était à sa dixième traversée en quinze ans et espérait bien remettre ça plus du double ! Du moment que les calles renfermaient du vin, il était prêt à aller au bout du monde ! Mais rien n’y fit et elle s’excusa auprès de chacun quand elle quitta l’assemblée au moment où les uns et les autres commençaient à houspiller la jeune violoniste pour qu’elle leur joue quelques morceaux. Les premières notes de l’instrument s’élevèrent dans la nuit quand l’Inca pénétra dans la coursive en direction de sa cabine.
Les lieux étaient exigus, bien plus que sur La Myrta, dont les proportions étaient sans égales avec Le Nazaré, mais personne ne s’en plaignait.
L’Inca referma la porte derrière elle. Elle avait frappé timidement, mais aucune réponse ne lui était parvenue. Dormait-il ?
Dans le noir de la petite pièce, elle discerna son ombre, immobile, assis sur la couchette. Elle hésita avant de venir s’assoir à côté de lui. Aucune accroche intelligente ne lui vint à l’esprit et elle espéra un moment qu’il brise la glace et lui facilite la tâche. Mais le silence persista, intense, lourd, beaucoup trop, et elle commença à ressentir une sorte de malaise. D’instinct elle remonta ses jambes sur le lit. Dès qu’elle se sentait mal, l’idée des rats s’imposait systématiquement à elle, et à plus forte raison si elle était dans le noir, comme un fantôme attendant le meilleur moment pour se rappeler au bon souvenir des vivants.
On entendait distinctement le violon de l’Irlandaise qui emportait avec lui une clameur de joie. Des bruits de pas martelant le sol allant crescendo en cadence avec la musique, quelqu’un qui improvisait une percussion soutenue sur un baril de vin et bientôt la plupart des passagers se mettraient à danser accompagnés en fond sonore par ceux qui préféraient frapper dans leurs mains ou chanter.
Cette bonne humeur contrastait avec le vide glacial de la petite chambre.
– Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.
Mais aucune réponse ne vint combler l’obscurité et le malaise s’enlisa.
Calmèque avait accusé un contre-coup très déprimant après sa petite discussion avec Erin. Il savait que les sentiments naissants qui l’animaient, et qui l’avaient pris de court, passés les premiers instants semblables à une douce ébriété, se transformeraient progressivement en morceaux de verre qui s’enfonceraient chaque jour un peu plus profondément dans son cœur et son âme, pour ne laisser que tristesse, regrets et dégoût de soi. Il avait envie de mourir.
Marinchè attendit. Un très long moment. Sentant bien que son compagnon de chambrée était particulièrement accablé.
Et puis, après que plus d’une demi-heure de silence n’ait temporisé sa présence, elle tenta une approche avec le plus de tact dont elle était capable.
– Je peux faire quelque chose ?
– Non, finit-il par lâcher d’un ton morne après une pose beaucoup trop longue. Personne ne peut rien alors fiche-moi la paix.
La Marinchè qui n’aimait pas qu’on lui marche sur les pieds se réveilla, un peu offusquée par la réflexion de l’Olmèque.
– Hey ho ! fit-elle sur un ton de rappel à l’ordre. Je sais pas ce qui se passe dans ta tête, mais j’y suis pour rien moi, alors te trompe pas d’ennemi ! Si tu veux un chien, à la prochaine escale, tu peux t’en acheter un, moi j’ai pas l’intention de tenir le rôle !
Et elle croisa les bras en détournant la tête et en maugréant à voix basse.
– Finalement vous vous ressemblez toi et Mendoza, vous avez le même défaut détestable ! Quand vous êtes malheureux, vous devenez désagréables avec tout le monde ! Vous faites chier !
Piqué au vif, Calmèque se tourna en direction de l’ombre qui grommelait sur sa droite et une salve de reproches se coinça dans sa gorge, mais il s’abstint de justesse… elle n’avait pas tort, le fond du problème n’était pas du tout de sa faute à elle. Il soupira profondément.
– Désolé, admit-il du bout des lèvres après plusieurs minutes tendues, tout juste audible. Mais…
– Mais ? fit-elle encore un peu sur la défensive, mais espérant qu’il l’éclaire enfin.
– Rien…
Mais bien décidée à ne pas battre en retraite si facilement et à lui tirer les vers du nez, elle fit mine de désarmer avant de tenter une percée par un autre flanc.
– Elle te voulait quoi la « ménestrelle » ? tenta-t-elle de plaisanter, espérant qu’un peu d’humour parviendrait à briser le mur derrière lequel l’Olmèque s’était réfugié.
Mais elle l’entendit se renfrogner de plus belle et il fit claquer sa langue en signe d’agacement.
« OK, sujet pénible, amorce difficile, on y reviendra plus tard… »
Du coup, elle se laissa tomber sur les draps en soufflant, prenant le parti de se taire. Inutile d’essayer de lui faire lâcher le morceau en l’attaquant de front, il était trop sur la défensive. Elle laissa le cours de ses pensées vagabonder distraitement, essayant de ne plus trop faire attention à sa présence. Lui, ne bougeait pas, toujours assis dans la même position, on aurait dit une poupée de chiffon sur une étagère. Au terme de longues minutes, elle tendit sa main dans sa direction et lui toucha le bras tout doucement, comme pour lui dire « Je suis là si t’as besoin. »
Il ne parût pas réagir, mais ne la repoussa pas non plus et encouragée par cette « porte entrouverte », elle poussa plus loin son geste et se rapprocha suffisamment jusqu’à pouvoir l’enlacer complètement, se tenant derrière lui. Il se laissa faire quand elle posa sa tête contre son épaule. Elle se tut, l’heure n’était plus aux mots et elle se contenta de le serrer un peu plus contre elle. Si on lui avait dit cinq ans plus tôt, qu’elle prendrait volontairement cet homme dans ses bras, elle en aurait sans doute eut la nausée, mais là, elle se sentait étrangement à sa place. D’un mouvement à peine perceptible, elle lui fit comprendre qu’ils seraient mieux allongés, et Calmèque se laissa entraîner lentement sur le lit en fermant les yeux.
Il n’aurait pas dû accepter cette situation, pas dû accepter cette proximité, pas dû s’habituer à ces gestes,… non, il n’aurait pas dû, mais il était las de se démener entre ce dont il avait besoin, ce dont il rêvait et ce à quoi il pouvait réellement aspirer… l’écart était trop grand et les déceptions trop douloureuses. Il la laissa faire, épuisé par tant d’années de contrôle, de refoulement et d’abnégation. Un instant de grâce au milieu d’une éternité, un presque rien qui était tout. Ca faisait un bien fou.
Et le temps s’étira comme un chat paresseux, doux et chaud, tendre et câlin, la méfiance en sommeil… pour un instant indéfinissable.
L’Inca entrouvrit la bouche et hésita. Puis se laissa aller, bercée par le moment et l’envie de se délester un peu de son propre fardeau.
– Je suis la fille d’un Seigneur nahualt, commença-t-elle dans un souffle. Née à la frontière entre le Mexique et le pays aztèque. A la mort de mon père, j’étais une toute petite fille et ma mère s’est remariée et a eu un fils, Otchi, un vrai petit con…
Calmèque ouvrit les yeux, étonné, mais attentif. Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle commence à lui faire des confidences. Elle continua d’une voix douce.
– Je suis rapidement devenue gênante pour les ambitions de mon demi-frère et il s’est débarrassé de moi en me vendant à des marchands d’esclaves mayas…
« Sympa le frangin… »
– Il y a une quinzaine d’années, j’ai été offerte aux Espagnols avec 16 autres filles, pour qu’ils puissent se satisfaire, dit-elle avec pudeur. Parmi eux, il y avait Hernan Cortes…
Calmèque cessa de respirer une fraction de seconde. Venant seulement de faire le rapprochement, il se tourna légèrement vers la narratrice qui se tenait toujours dans son dos, étroitement serrée contre lui.
– T’es celle que les Indiens Nahualts appellent « Malintzin » ?
Il n’en revenait pas, comment avait-il pu passer à côté de ça ?
Elle rit doucement, un peu à regret.
– Je suis si célèbre ?
Il reprit sa place en faisant la moue.
– Bah… tout de même… merde…, fit-il pour lui-même, un peu secoué par la révélation. T’es quand-même juste « La Malintzin »… LA…, il faillit dire « traitresse » mais se ravisa pour un mot moins corrosif… ou presque, LA… maîtresse de Cortes…
– Était ! coupa-t-elle sèchement. J’étais la maitresse de Cortes et disons que l’idée venait plus de lui que de moi ! ajouta-t-elle, le ton aigre. Tu crois vraiment qu’on m’a demandé mon avis et que les seize autres filles sont encore là pour en parler ?
Il se tut et se mordit l’intérieur des lèvres, gêné. Il semblait logique vu les circonstances qu’elle n’ait pas eu le choix, n’importe qui aurait sans doute fait pareil pour sauver sa peau. Sa grande beauté l’avait sauvée, pouvait-on le lui reprocher ? Pourtant « la rumeur » populaire la décrivait comme une vraie salope. Était-ce pour cette raison que Mendoza lui avait dit qu’à côté d’elle il était « un enfant de chœur » ? Bizarre que le Navigateur ait eu autant de compassion pour un peuple qui n’était pas le sien.
Marinchè s’était quant à elle attendue à cette forme de réaction, elle n’ignorait pas la triste réputation que les événements lui avaient fait et elle ne pouvait pas en vouloir à l’Olmèque. Aussi, attendit-elle quelques instants que la tension retombe avant de reprendre le cours de son récit.
– Deux ans après, une petite délégation envoyée par Charles Quint en provenance de Castille est arrivée au Mexique.
Elle marqua un temps.
– Nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre à la seconde où nos regards se sont croisés, fit-elle, la voix perdue au loin, songeuse.
« De qui parle-t-elle ? »
– Il était tout le contraire de Cortes, grand, bien bâti, le regard doux, calme,… avec une pointe de mystérieux qui le rendait irrésistible.
Un silence… et puis deux…
– Quand il fut renvoyé en Espagne, il a cru que c’était moi qui l’avait demandé et il m’en a énormément voulu, j’ai cru mourir de chagrin. Mais j’étais misérablement liée à Cortes tant dans l’intimité que sur le plan stratégique et je n’ai rien pu faire. Quand deux semaines après son départ, continua-t-elle, je me suis rendue compte que j’étais enceinte, impossible de savoir si l’enfant était de Cortes ou… de lui.
Deux trois recoupements rapides dans sa tête, Calmèque commençait à sentir arriver le pavé. Il se défit doucement des bras de la belle Indienne et s’assit en la fixant à travers les ténèbres.
– Marinchè, fit-il, ne me dis pas que le gars dont tu parles c’est Mendoza…
Elle sourit.
– Sans quoi ce serait pas drôle, assura-t-elle en plaisantant pour essayer de dédramatiser.
Il se laissa retomber sur le lit en se cachant le visage de ses mains.
– Je le sentais que c’était pas un hasard que tu sois sur ce bateau précisément…, se récrimina-t-il. Et je suppose que l’enfant ressemble plus à Mendoza qu’à Cortez ?
Elle ne répondit pas, mais son silence fut éloquent.
– Je le crois pas…, geignit-t-il.
Il se redressa à nouveau en désignant le plafond du doigt.
– Et je suppose qu’il est absolument pas au courant…
– Je n’ai pas encore trouvé le bon moment et puis…
– Et puis ?
– Ma relation avec Cortez s’est grandement dégradée avec les années et quand il est reparti pour l’Espagne cinq ans plus tard, il a emmené Martin, le fils que j’avais eu de lui et… Maria, qu’il croit être sa fille. Il me les a arrachés tous les deux juste pour me faire du mal et il m’a donnée en mariage à l’un de ses capitaines.
Une brusque et profonde tristesse vint étrangler sa voix.
– Ca va faire près de sept ans que je n’ai plus vu mes enfants, je ne sais même pas s’ils sont encore en vie…
– Et c’est pour tenter de les retrouver que tu vas en Espagne ? interrogea le petit homme d’une voix aussi douce que possible.
– Je n’avais plus rien qui me retenait au Mexique de toute façon…
– Mais, fit-il en essayant de mettre des gants, il y a cinq ans, vous ne sembliez pas vraiment dans le même camp
Mendoza et toi, alors que vous auriez peut-être pu mettre les choses au clair et… je sais pas moi…
Il cherchait ses mots, espérant ne pas la blesser.
– S’il avait su peut-être que… ?
Elle prit une mine désabusée.
– Mendoza est un homme orgueilleux et qui a la dent dure, il est convaincu que c’est moi qui ai demandé son renvoi en Espagne et que je me suis jouée de lui… il m’en veut beaucoup et reste hermétique à toute forme de « vraie » discussion. C’est pas faute d’avoir essayé…
Les yeux de l’Olmèque s’écarquillèrent en réalisant brusquement.
– Oh nom de dieu, Non ! Non, non, non, non !!! s’écria-t-il. Marinchè, tu n’espères tout de même pas que c’est moi qui vais aller jouer les négociateurs ? Ne me dit pas que toute cette histoire était juste destinée à me transformer en messager ?
« Tiens… je commence à entrevoir l’origine du mot « pigeon »… » se dit-il avec sarcasme.
A nouveau, la belle ne pipa pas un mot et se contenta de tordre ses jolies lèvres comme à chaque fois qu’elle éprouvait de la gêne, signe que le petit homme avait vu juste.
– Marinchè…, gémit-il. Mais pourquoi tu me fais ça ? Tu veux qu’il me trucide ? Tu sais ce que Gengis Khan faisait aux porteurs de mauvaises nouvelles ?
Le visage de l’Inca devint comique.
– C’est qui celui-là ?
– Laisse tomber, soupira Calmèque en se relaissant tomber sur la couchette, dépité. Laisse tomber…
Modifié en dernier par Anza le 08 juin 2021, 11:51, modifié 2 fois.
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

MY FIC : https://tinyurl.com/4we7z2j7
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IsaGuerra
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par IsaGuerra »

Chapitre 11
Calmèque fronça les sourcils, il n’aimait pas trop l’idée que Mendoza soit en nette infériorité numérique : Mais c'est qu'il s'y attache au navigateur !
→ J'ai bien ris avec le coup du chat ! :lol:

Chapitre 12
→ Marinchè aurait-elle osé dire à la rouquine qu'elle plaisait à Calmèque ?
Calmèque commençait à sentir arriver le pavé : Moi aussi j'en sens venir un gros là :roll:
→ Bon et bah ça c'est fait ! Non j'avoue c'est bien trouvé

Bon évidemment je ne relève pas tout ce qui me marque ou me fait rire parce qu'on en aurait jamais fini mais en tout cas c'est une belle fic !
Et avec tout ça, je commence à apprécier un peu plus Calmèque (et c'était pas gagné ça mdrr)
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

« J'ai de bonnes raisons de faire ce que je fais » Isabella Laguerra
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TEEGER59
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par TEEGER59 »

RÉACTION:

Miss Marmotte :arrow: :x-):
Calmèque fronça les sourcils, il n’aimait pas trop l’idée que Mendoza soit en nette infériorité numérique, même si Diaz ne lui ferait aucun mal tant que la caravelle n’aurait pas trouvé preneur. :arrow: Comme l'a précisé IsaGuerra, la crevette commence a apprécié son "maître".
:Marinche: : Tu me laisses dormir avec toi durant deux semaines :arrow: Ça, c'est vraiment louche! :tongue:
Calmèque: M’assurer qu’on va récupérer Mendoza en un seul morceau... :arrow: Mais où est-il passé, celui-là?
...une vraie cours des miracles. :arrow: J'adore l'allusion!
... il vit Calmèque grimper et se hisser sur le sommet de la bâtisse avec une facilité déconcertante. :arrow: On se souvient effectivement que les Olmèques sont de véritables acrobates.
Ils passèrent de gouttières en gouttières, de terrasses en balcons... :arrow: MIAOOOUUUU !!!
Calmèque: « Miaou » :arrow: Qu'est-ce que je disais! :lol: :lol: :lol:
:Mendoza: : Si je te retrouve sur mon chemin, sale chien, je prendrai plaisir à t’étriper moi-même. :arrow: Voilà ce qui a le mérite d'être clair!
Diaz gémit pitoyablement et les trois hommes virent son entrejambe s’assombrir. Il venait de se « faire dessus ». :arrow: C'est ce qu'on appelle un "pipi d'émotion"! :x-):

:Pichu: :Pichu: :Pichu:

CORRECTIONS:

CHAPITRE 11.

... elle est en possession d’un sauf-conduit royal qui pourrait bien nous être utile.
... tu vas retrouver Jiménez sur le pont dès que nous aurons touché terre.
... mais que ces hommes demanderont à être payés afin d’être certains de ne pas se retrouver floués dans l’aventure.
:Mendoza: : Il faudra aussi bourrer les cales du Nazaré de vivres. Envoie des hommes acheter discrètement ce qu’il manque...
:Marinche: : Je ne sais quels ont été les mots exacts de Don Mendoza dans sa lettre...
Des gars qui connaissent leur boulot et qui sont pas des tire-au-flanc. (invariable).
Calmèque aperçu Ortega et Andrés qui revenaient de leurs courses et qui faisaient signe à quelques marins de venir leur prêter main-forte afin de monter les nouvelles denrées à bord. (invariable également).
...mais il fut coupé dans son élan par la voix de Jiménez.
Les passants désireux de ne pas avoir d’ennuis avaient fui les lieux comme une traînée d’huile et il faisait étrangement calme.
...et quand le jeune homme lui remit l’excédent d’argent, l’Olmèque le salua avec reconnaissance...

:Pichu: :Pichu: :Pichu:

Un chapitre fort sympathique mais j'arrête là pour ce soir. Je continuerai demain.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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TEEGER59
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par TEEGER59 »

Bon, finalement, je continue. L'histoire est tellement prenante... ;)

RÉACTIONS:

L’Océan s’ouvrait en gerbes écumantes à l’avant de la caravelle et Mendoza à sa barre était aussi majestueux qu’elle, la cape au vent, le regard incisif et un imperceptible sourire de satisfaction au coin des lèvres. :arrow: Belle image!
Calmèque et Jiménez partageaient une conversation sur les bouleversements politiques incessants que connaissait l’Europe, tiraillée entre plusieurs grandes puissances qui ne cessaient de lier et défaire des alliances passagères aux grés de leurs ambitions du moment. :arrow: C'est tout à fait ça! De vraies girouettes, ces monarques. En particulier François Ier et Henri VIII. Ça rejoint ma dernière fanfiction... ;)
Les Indiens se mirent à les appeler « Olmeca » parce qu’ils s’étaient implantés dans une région où poussait des arbres dont la sève particulièrement collante et compacte était appelée Caoutchouc. Olmeca signifie « Les Gens du Pays du Caoutchouc » en langue nahualt. :arrow: Véridique! Un petit cour d'histoire ne fait jamais de mal. ;)
Calmèque: « Marinchè, je vais te tuer… » :arrow: Mais fais-le crévindiou!
-Tu venir du Nouveau Continent ? :arrow: Ah! Je viens de comprendre la faute précédente: L’Inca dit que c’est toi qui veut que je viens. Elle est volontaire. Mea culpa!
Il se mordit la lèvre inférieure et se serait bien tapé la tête contre le bastingage s’il avait pu. :arrow: Facepalm! :x-):
... pas question de commencer à se la jouer hiérarchie à deux balles. :arrow: :x-): :x-): :x-):
:Marinche: : Finalement vous vous ressemblez toi et Mendoza, vous avez le même défaut détestable ! Quand vous êtes malheureux, vous devenez désagréables avec tout le monde ! Vous faites chier ! :arrow: Pas sûre qu'ils connaissaient cette expression, à l'époque! :x-):
Calmèque: « Sympa le frangin… » :arrow: Tu m'étonnes, Simone! :lol:
:Marinche: : Il y a une quinzaine d’années, j’ai été offerte aux Espagnols avec 16 autres filles, pour qu’ils puissent se satisfaire, dit-elle avec pudeur. Parmi eux, il y avait Hernan Cortes… :arrow: Encore un fait historique.
Pourtant « la rumeur » populaire la décrivait comme une vraie salope. :arrow: Bah, c'est le cas, non? :lol:
Deux trois recoupements rapides dans sa tête, Calmèque commençait à sentir arriver le pavé. :arrow: Moi aussi!
Calmèque: Marinchè, fit-il, ne me dis pas que le gars dont tu parles c’est Mendoza… :arrow: BINGO !!! Je savais qu'on allait avoir une petite explication...
Ma relation avec Cortez s’est grandement dégradée avec les années et quand il est reparti pour l’Espagne cinq ans plus tard, il a emmené Martin, le fils que j’avais eu de lui et… Maria, qu’il croit être sa fille. Il me les a arrachés tous les deux juste pour me faire du mal et il m’a donnée en mariage à l’un de ses capitaines. :arrow: Ça aussi, il me semble l'avoir lu quelque part... Je ne me souviens pas d'une fille mais l'histoire de deux demi-frères, est-ce exact?

:Pichu: :Pichu: :Pichu:

CORRECTIONS:

... à une époque où les Indiens locaux n’étaient que des tribus éparses.
Ils avaient faussé compagnie à La Myrta depuis plus d’une dizaine de jours déjà...
... tu sais bien que t’es le champion toutes catégories du planquage d’émotions...
Du moment que les cales renfermaient du vin...
Sentant bien que son compagnon de chambrée était particulièrement accablé.
... elle n’avait pas tort, le fond du problème n’était pas du tout de sa faute à elle.
... non, il n’aurait pas dû, mais il était las de se démener entre ce dont il avait besoin, ce dont il rêvait et ce à quoi il pouvait réellement aspirer… :arrow: Quel dilemme!

:Pichu: :Pichu: :Pichu:

Bien, bien, bien! Ça promet de belles choses pour la suite. J'ai hâte. Cette histoire est superbe!
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
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Anza
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

Bonjour IsaGuerra, bonjour Teeger,

Je lis toujours avec bonheur vos retours, comme une gamine qui déballe ses cadeaux au pied du sapin :)

Pour Teeger, oui, j'ai fait pas mal de recherches historiques (et puis j'avoue qu'au moment où j'ai commencé à écrire cette fic, je matais la série "Les Tudors" (que je devrais remater d'ailleurs, plutôt sympa cette série ! - j'ai à ce propos été jeter un oeil à ta fic et... je peux me tromper mais au bas d'une de tes illustrations, je crois qu'il y a un mauvais nom - t'as mis le nom d'une meuf alors que sur le tableau, on est plutôt sur le damoiseau MDR ), mais aussi des recherches sur les réels types de bateaux utilisés à cette époque, c'est comme ça que j'ai appris que "nef" était le terme exacte pour la majorité des navires espagnols (donc bien joué BS, on peut leur laisser ça !) et que les caravelles étaient portugaises ;), mais aussi les parties de bateau, les types de voilures,... (oui, je suis le genre à me prendre un peu la cabeza MDR)
Quant à "La Malintzin" (qui signifie "La Petite Marine" en Nahualt (on sait que les Espagnols appelaient Marinchè : Marina - Doña Marina, même, dans certains écrits lol - maintenant, qt à savoir si "Marinchè" est la version nahualt déformée de "Marina" ou si c'est l'inverse ?!? ) d'après mes recherches elle a bel et bien eu un fils avec Cortes : Martín ( se prononçant "Martine" avec l'accent tonique sur le i) et María (Marïa) et Cortes les a effectivement ravis l'un et l'autre quand il est reparti en Espagne, offrant Marinchè à un des ses officiers... j'ignore si elle a eu des enfants avec cet officier, peut-être le demi-frères dont tu parles ?
A creuser ! :)
De toutes manières, je n'écris qu'une fic sans prétention aucune, mais il me semble, vu le contexte dans lequel cette femme a réellement vécu, que j'aurais peut-être bien fait la même chose qu'elle pour sauver ma peau, si mon physique me l'avait permis. Et puis, n'oublions pas, que l'Histoire s'écrit à l'encre des vainqueurs. Comment savoir, des siècles plus tard, ce que cette Indienne a vraiment fait ou pas ? Quelle est la part de vérité ? Quand je vois déjà à quel point mes voisins sont capables de déformer mes propos anodins, fait 2 jours plus tôt, à propos de leur potager... je préfère ne pas statuer sur les faits qui se sont réellement produits à cette époque. Cette Marinchè était-elle la traitresse qui a été décrite ? Peut-être. Mais peut-être aussi a-t-elle juste manoeuvré pour sauvé sa vie et celle de ses enfants. Peut-être y avait-il un mélange... (nous ne sommes que des nuances de gris prisonniers de nos décors ;) )
Je te conseille, à ce propos, de regarder le film : "La Comtesse", si tu ne l'as pas vu. Ca parle d'Erzebeth Báthory et ça illustre, oh combien à merveille, le fait que l'Histoire déforme pas mal les histoires au gré de ceux qui l'écrivent ;)
Sinon, le livre "Nos ancêtres les Gaulois et autres fadaises" est aussi un florilège de rectificatifs d'idées reçues, écrites dans nos livres d'Histoire, des plus jouissif !

"Diaz gémit pitoyablement et les trois hommes virent son entrejambe s’assombrir. Il venait de se « faire dessus ». :arrow: C'est ce qu'on appelle un "pipi d'émotion"! :x-): "
Oh, dit comme ça, ça rend son accident urinaire presque tout mimi :x-): :x-): :x-): :x-): :x-):
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

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Anza
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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

IsaGuerra a écrit : 04 déc. 2020, 15:27 Chapitre 11
Calmèque fronça les sourcils, il n’aimait pas trop l’idée que Mendoza soit en nette infériorité numérique : Mais c'est qu'il s'y attache au navigateur !
→ J'ai bien ris avec le coup du chat ! :lol:

Chapitre 12
→ Marinchè aurait-elle osé dire à la rouquine qu'elle plaisait à Calmèque ?
Calmèque commençait à sentir arriver le pavé : Moi aussi j'en sens venir un gros là :roll:
→ Bon et bah ça c'est fait ! Non j'avoue c'est bien trouvé

Bon évidemment je ne relève pas tout ce qui me marque ou me fait rire parce qu'on en aurait jamais fini mais en tout cas c'est une belle fic !
Et avec tout ça, je commence à apprécier un peu plus Calmèque (et c'était pas gagné ça mdrr)
Oui, moi aussi l'idée du minou m'a fait rire quand je l'ai trouvée :lol: :lol: :lol:

Quant à savoir si Calmèque commence à apprécier Mendoza, bah, en réalité, la logique voudrait que Mendoza ait plus de griefs à son encontre que l'inverse. Pour Calmèque, Mendoza fut un ennemi (mais rien de personnel), deux hommes dans des camps opposés. Alors que pour Mendoza, Calmèque est LE sale 8-x 8-x 8-x qui s'est rendu coupable d'actes abjectes (il sait que le Gd-Prêtre était la papa d'Esteban et dans ma fic, n'oublions pas qu'Athanaos est bien mort) !
En gros, pour Calmèque, Mendoza est un "empêcheur de tourner en rond" mais rien de plus.
D'autre part, il n'est pas dans l'intérêt de Calmèque que Mendoza disparaisse, il serait dans la merde, d'une certaine façon, l'Espagnol est à la fois son "maître" mais aussi sont "protecteur". Donc,... stratégiquement, s'assurer que Le Navigateur reste en vie est dans son intérêt. Après on peut y lire les nuances qu'on veut ! Bien évidement que plus le récit avancera, plus les 2 gus finiront par se trouver des affinités (NON ! pas à l'horizontale ! MDR)
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

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Re: FANFIC : "Au-delà des Mers" - republication

Message par Anza »

CHAPITRE 13

Apuchi


Ca faisait presque dix ans que les frères Men-Ator avaient investi la vieille base d’Apuchi.
On leur avait octroyé une véritable petite armée pour se protéger des autochtones, et pouvoir mener à bien leur projet. Ils étaient secondés par une équipe de scientifiques très pointus, et Loumen était comme un poisson dans l’eau, consacrant son énergie toute entière à ses travaux. Il avait ressorti ses vieilles théories et en explorait sans cesse de nouvelles. Malheureusement, son orgueil excessif, son côté autoritaire et son intransigeance avaient tourné à l’imbuvable et il ne cessait d’avoir des accrochages avec son équipe. Et celle-ci s’amenuisait petit à petit, ses collaborateurs jetant l’éponge les uns après les autres, regagnant Sitnalta. Mais Loumen n’en avait cure, il se félicitait de se défaire de ce « leste » comme il se plaisait à appeler ceux qui le fuyaient. Kiémen, lui, assistait impuissant aux crises de colère intempestives et souvent injustifiées de son ainé. Et prétextant de travailler sur des projets parallèles, il s’était aménagé un petit laboratoire à l’écart dans les sous-sols de la base. De plus, il n’avait jamais trop cru à cette histoire d’immortalité. S’il avait suivi le train au début, il ne partageait pas l’enthousiasme de son frère. Il ne voyait pas l’intérêt de faire survivre un peuple par ce procédé improbable. Pour lui, c’était une ineptie et dès qu’il en avait eu l’occasion, il s’était dédouané de cette affaire. Il restait accroché à l’idée que la seule vraie solution était le métissage. Loumen ne s’en plaignait pas, il supportait de moins en moins le côté trop émotif de son cadet lors des expériences in vivo sur différents sujets, et il était bien content qu’il vaque de son côté à ses propres recherches, loin des siennes. De toutes façons, pour avoir travaillé sur le sujet plus de vingt ans, pour Loumen le dossier était classé et il était convaincu que Kiémen n’arriverait à rien malgré son acharnement. Aussi le laissait-il « faire sa popotte » dans son coin sans interférer, comme on cède au caprice d’un enfant pour ne plus l’avoir dans les pieds.
Le petit laboratoire était austère, comme le reste de la base, taillée à même la roche. Le silence régnait en maître et seul ronronnait le bruit des machines. Il faisait éternellement froid et humide malgré le chauffage. Kiémen frissonna, cette atmosphère mettait son organisme frileux à rudes épreuves. Il aurait donné n’importe quoi pour sortir un peu au soleil et respirer l’air libre. Il avait l’impression de vivre comme un rat… Il leva son nez un moment de son moniteur et s’étira en se tenant le bas du dos.
-Misère… cinquante-trois ans et je ne suis déjà plus que rhumatismes…
Un petit rire amusé teinta derrière lui.
A quelques mètres, penché sur des fioles aux couleurs diverses, une jeune Atlante ne cachait pas sa bonne humeur. Il s’appelait Kannan. C’était un jeune laborantin que le généticien avait pris sous son aile. Tout à fait sous-exploité selon lui, il en avait fait son assistant après que Loumen l’ait renvoyé suite à une très grosse altercation. Avec le temps, il s’en était pris d’affection et avait entreprit de lui transmettre son savoir.
Brillant, d’une gentillesse et d’une humilité qui contrastait avec son tyran de frère, Kiémen se félicitait chaque jour d’avoir récupéré le jeune homme.
« De vraies vacances de travailler avec ce garçon ! »
-Toujours rien ? interrogea celui-ci après quelques minutes.
Kiémen s’était levé et venait à sa rencontre en gémissant.
-Je ne serai bientôt plus qu’un puzzle…
Kiémen avait un petit côté théâtral qui faisait beaucoup rire le jeune homme, contrairement à Loumen, d’ailleurs, qui n’avait jamais supporté ce côté de la personnalité de son frère…
-Non, finit par répondre le généticien. Toujours rien. C’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin.
L’utilisation de l’ADN et des cellules reproductrices du plus ancien des Élus - L’Alpha - , n’avait pas amélioré les résultats. Pourtant la théorie était de leur côté, rien ne semblait devoir être un obstacle. L’Alpha avait été mis en stase 429 ans plus tôt, bien avant qu’Atlantes et Hivians ne soient plus génétiquement compatibles. Les anales faisaient d’ailleurs état de nombreuses naissances d’ « Impurs » à cette époque. Alors pourquoi ? Kiémen en était venu à une possibilité encore non envisagée. Ils s’obstinaient à vouloir faire naître des métisses en laboratoires par le biais de fécondations in-vitro et d’incubateurs. Or, durant la grossesse, la mère et l’enfant partagent des anticorps communs, de la nourriture, du sang, des cellules, de l’oxygène et quantité d’autres choses indispensables… Kiémen en était donc venu à la conclusion que la clef était peut-être dans un processus plus naturel. La fécondation d’une Hiviane au profil génétique précis et une grossesse naturelle jusqu’à la naissance…
Kiémen et Kannan avaient, pour l’occasion, mis au point, avec l’aide d’un ingénieur, une sorte de tout petit drone qui survolait les environs et dont le rôle était de repérer les femmes et de leur implanter une sorte de minuscule sonde. Le sujet ressentait comme une piqure d’insecte tandis que la sonde transmettait ses données génétiques en quelques minutes. Après quoi, le minuscule appareil cessait de fonctionné et finissait par se dissoudre complètement au bout de quelques semaines. On pouvait difficilement moins invasif pour autant d’informations !
Le dispositif fonctionnait à merveille, mais le profil recherché était peu fréquent et Kiémen passait ses journées depuis des semaines à compulser une quantité incroyables de données à la recherche de la perle rare.
Pour le moment sans grand résultat.
-Je ne doute pas que nous finissions par trouver, c’est juste une question de temps, assura Kiémen.
-J’en suis sûre, répondit le jeune homme d’un ton rassurant.
Kiémen lui sourit. Ca faisait du bien d’être soutenu.
-Arrêtons pour aujourd’hui, nous avons tous deux besoin de repos.
Le jeune homme acquiesça silencieusement et reposant ce qu’il tenait en main, il commença doucement à rassembler ses affaires et à ranger ses éprouvettes multicolores.
-De toutes façons l’ordinateur continue de compiler les infos qui ne cessent d’arriver. Si quelques chose d’intéressant se pointe, on sera bipé, fit le généticien plus pour se convaincre lui-même de lâcher prise qu’autre chose.
L’autre lui répondit par un clin d’œil.


Une nuit.
La sonnerie répétitive de son bip l’extirpa lentement de ses nimbes.
Le généticien peinait à sortir de son sommeil et c’est les idées peu claires qu’il attrapa machinalement le petit appareil sur sa table de chevet pour le consulter. Il mit un moment à réaliser qu’il ne s’agissait pas de son réveil… mais quand il comprit enfin, il fut sur pied d’un bond ! Frénétiquement, il se saisit de son communicateur et appela son collaborateur tout en enfilant son pantalon dans une position à l’équilibre improbable. A l’autre bout du fil, uns voix ensommeillée et pâteuse.
-Quoi ?...
-Ca y est ! fit-il tout excité.
-Hein ?
-Le profil ! On l’a trouvé !
Un court silence suivit de bruit d’empressement, de froissements de vêtements, d’un coup sourd donné par accident dans un meuble, suivi d’un petit cri de douleur puis d’un juron…
« J’arrive ! » entendit Kiémen juste avant le claquement d’une porte.
Ils arrivèrent presqu’en même temps dans le petit laboratoire sous-terrain. Il faisait froid. Le cristal, couplé à la géothermie, qui procurait l’énergie nécessaire à la base, n’arrivait pas à fournir un rendement suffisant et des coupures énergétiques secondaires étaient réalisées toutes les nuits, afin d’alléger la charge. Le chauffage en faisait partie. D’habitude, Kiémen passait la première heure de la journée à maugréer sur la température mais pas cette fois. Ils furent tous les deux devant l’écran de l’ordinateur en quelques enjambées sans même prendre le temps d’allumer le reste.
Deux silhouettes fantomatiques se découpaient dans la lumière bleutée de l’écran. Celui-ci était figé sur des données aux allures complexes. Succession de graphiques où s’alignaient traits, couleurs, piques, courbes, se répétant encore et encore… G, A, T, C,… presqu’à l’infini… les données ADN d’une Hiviane parfaitement compatible avec L’Alpha. Kiémen et Kannan n’en revenaient pas, on avait l’impression que l’Hiviane avait été « créée » pour l’occasion. Mais d’un coup le visage du généticien se rembrunit.
-C’est une plaisanterie…
-Quoi ? s’inquiéta Kannan qui n’avait rien remarqué de problématique.
Kiémen tourna vers lui un visage livide en pointant du doigt une donnée que le jeune homme n’avait sans doute pas encore lue. Kannan se décomposa.
-Merde… elle a que trois ans…
-Putain ! s’exclama le généticien en balayant d’un revers de main ce qui traînait sur le bureau.
Kannan sursauta.
-On en trouvera une autre… hasarda le laborantin.
-Une autre ? s’indigna le savant. Une autre ? Mais sais-tu à quel point les chances de trouver un seul profil aussi compatible tient déjà du miracle ? Et tu crois qu’on va en trouver d’autres ?
Kannan ne l’avait jamais vu aussi contrarié, la déception était cuisante. Il baissa la tête. Impuissant. Il entendit le savant taper du poing contre le mur de rage avant de réprimer un cri, ce faux espoir venait de lui assener un terrible coup au moral, puis il se laissa tomber sur une chaise et Kannan l’entendit doucement se mettre à sangloter.

Des mois passèrent encore.
Ils finirent par trouver un profil qui pourrait faire l’affaire. Il était loin d’être aussi parfait que celui de la petite Hiviane de trois ans, mais ils s’en contenteraient… en attendant.
Les deux profils furent appelés H1 et H2.
H2 avait 24 ans et habitait un village tout proche. La problématique fut de trouver le moyen d’enlever H2 de la façon la plus « souple » possible sans éveiller les soupçons du village. La jeune femme fut surveillée une longue période et dès qu’elle s’éloigna un peu trop de siens, elle fut sédatée et emmenée. Sur les lieux du rapt, une petite mise en scène destinée à faire croire que la jeune femme avait été attaquée par un jaguar… et le tour fut joué. Kiémen et Kannan n’étaient pas fières de ce procédé et ils auraient préféré ne pas voler la vie d’une jeune femme, mais la survie de leur peuple en dépendait. De plus, afin de minimiser au maximum l’impact de leurs expériences sur la jeune femme, H2 allait être maintenue dans une sorte de semi coma, de telle sorte qu’elle n’ait pas conscience de ce qui se passe et que sa grossesse se déroule aussi calmement que possible. Ce procédé permettait aussi, si les expériences ne donnaient rien, de la relâcher un jour sans trop de dégâts psychologiques.
Les premières implantations furent des échecs et les fœtus ne se développèrent même pas. A la sixième tentative, un mieux, une grossesse presque à terme, mais un enfant mort-né. Il fallut plusieurs mois avant que Kiémen et Kannan ne se remettent de cet échec. Très abattus, les deux hommes, commençaient à sincèrement désespérer.
Il fallait croire que Mère Nature avait ses secrets et qu’une suite de chiffres et de formules bien agencés ne pouvaient pas palier à « la sélection naturelle » et au miracle de la vie. Dans le processus de la fécondation naturelle, qu’ils étaient obligés de zapper, la nature recalait les mauvais spermatozoïdes, et peut-être aussi les mauvaises associations. Dans le doute ils avaient aussi tenté d’utiliser la semence d’autres Élus. Toujours rien…
Tous les espoirs des deux scientifiques se tournèrent alors vers H1, qui grandissait.


NOA


-Noa ! Noa !
Une femme un peu enveloppée et d’un certain âge évoluait tant bien que mal le long d’un abrupte rocheux en appelant alentour, la voix agacée. Soucieuse de ne pas se rompre un membre en glissant son pied à un endroit malencontreux, elle tâchait de ne pas trop perdre de vue les irrégularités du sol, malgré sa recherche.
-Cette enfant va me rendre dingue ! Noa !
Les deux mains placées en cornet autour de sa bouche, la femme appela encore l’enfant une vingtaine de fois avant de jeter l’éponge. Retournant sur ses pas, la femme maugréa.
-Je vais devoir en parler avec Hayotzli, c’est plus possible !
En peu en contrebas, trois barques de cérémonies étaient amarrées dans une sorte de toute petite crique. La femme emprunta un sentier creusé à même la roche qui serpentait vers le sommet d’une petite montagne. Le soleil serait couché d’ici moins d’une heure et la température commençait à chuter. La femme, se retourna une dernière fois afin de balayer des yeux la berge et les flancs de la montagne qu’elle distinguait encore. Rien. Elle soupira et poursuivit sa route.
Une heure plus tard, elle avait demandé audience auprès du Grand-Prêtre. La discussion se transforma vite en doléances. La femme, qui était la prêtresse en chef chargée de l’éducation de la petite, ne savait plus comment faire pour se faire respecter.
-Elle ne s’intéresse en rien aux choses occultes. Elle dit que ce sont des fadaises et que je lui fais perdre son temps !
Hayotzli était un homme de belle stature dont émanait beaucoup de calme et de sérénité. Arborant les attributs de sa haute fonction, il n’en demeurait pas moins quelqu’un de très simple.
-Ne t’emporte pas Okana, ce n’est qu’une enfant. Elle finira par comprendre les enjeux.
-En attendant je n’y arrive pas ! Je ne sais plus comment la prendre. Elle ne cesse de se dérober et de disparaître. Je ne l’ai pas vue de la journée et elle a détruit ses codecs d’apprentissage de lecture !
Hayotzli ne put s’empêcher d’esquisser un petit sourire discret.
-C’est sa façon de te dire qu’elle n’en a plus besoin.
-Notre système d’écriture est très complexe et elle n’a que cinq ans, il est impossible qu’elle n’en ait plus besoin, s’offusqua-t-elle. Je sais que tu la tiens pour très intelligente, mais tu la surestimes !
-Je ne surestime rien du tout, assura le Grand-Prêtre, non seulement elle maitrise parfaitement notre système d’écriture, mais elle en maitrise bien d’autres. Je l’ai surprise à fouiner plus d’une fois dans la grande bibliothèque. Et…, ça ne regorge pas vraiment de livres d’images, plaisanta-t-il.
Okana fit la moue. C’était une femme de petite taille, au visage sévère et à la voix aigre, mais elle n’était pas aussi dure que son physique pouvait le laisser imaginer. Au bout d’un moment, elle se radoucit.
-Je suis sincèrement dépassée Hayotzli, admit-elle. L’autre jour je l’ai surprise à chanter dans l’enceinte du temple… chanter, appuya-t-elle outrée,… alors que des générations entières de prêtresses y ont fait vœu de silence. Elle se tut et se laissa tomber sur un siège, dépitée.
-Elle m’a répondu qu’il y avait « une bonne acoustique »…
Le Grand-Prêtre se mit à rire.
-Et ça te fait rigoler ? s’offusqua la prêtresse en secouant la tête de gauche à droite. Impuissante.
Hayotzli vint s’assoir à côté d’elle.
-Noa est une enfant hors normes, tu ne peux pas espérer l’intéresser avec du conventionnel. Pense autrement, surprends-la.
Okana planta ses yeux vers le sol. Plus lasse que contrariée.
-Je ne sais pas Hayotzli, je ne me sens pas capable. Elle ne croit pas aux dieux et juge la fonction pour laquelle on la prépare grotesque. Je peux lui enseigner des choses, mais je ne peux pas lui inculquer une croyance contre laquelle elle se défend de tout son être.
Le Grand-Prêtre lui tapota amicalement l’épaule.
-Je vais lui parler, Okana. Je te le promets.
La prêtresse tourna vers son interlocuteur un regard reconnaissant.
-Merci.

Tapie non loin de la porte principale, Noa attendait que le garde parte faire se ronde pour se faufiler à l’intérieur. La porte était immense, se découpant dans la montagne en une tache de couleur, et en son centre, on pouvait distinguer le symbole du soleil magnifiquement ouvragé. Derrière cette entrée pharaonique se dressaient l’antichambre de Sheila et la Grande Bibliothèque où elle aimait se cacher la nuit et compulser à la lueur d’une bougie, quantité d’ouvrages plus intrigants les uns que les autres. Elle fut parcourue d’un léger frisson, il commençait à faire froid en ce début de nuit et elle espérait que le garde lui laisse le champ libre rapidement. Elle ne dut plus attendre très longtemps et moins de dix minutes plus tard, elle put se glisser dans l’édifice à pas de loup. Elle connaissait l’endroit par cœur, ses recoins où se dissimuler, les zones d’ombre, les tours de garde,… il lui fallu moins d’un quart d’heure pour tromper la vigilance des gardiens et parvenir dans la bibliothèque. Ca sentait le vieux papier et ça piquait un peu le nez, et elle du réprimer un petit éternuement, mais elle ne se lassait pas du spectacle, ces centaines de rayonnages de livres de tous horizons, sur tous les sujets, dans toutes les langues, du sol au plafond, sur des mètres et des mètres… un trésor inestimable, juste là… sous ses yeux,… bientôt sous ses doigts,… pour une nouvelle nuit,… rien que pour elle…
Mais la lumière centrale de la Grande Bibliothèque s’alluma brusquement, la faisant sursauter. Elle se retourna et reconnu le Grand-Prêtre, qui la regardait calmement, la main sur l’interrupteur et le sourire aux lèvres.
-J’étais sûr de te trouver ici, Noa.
La petite fille, se renfrogna, prise la main dans le sac.
Elle avait cinq ans et était plutôt petite pour son âge, mais ses yeux abritaient une étincelle d’intelligence et de maturité que peu d’adultes atteignaient un jour. Elle avait la peau et les yeux très clairs, l’iris d’un violet presque translucides, quant à ses cheveux, blonds et lisses, ils achevaient de la rendre particulièrement atypique pour la région.
-Je voulais regarder les livres, se défendit-elle avec une voix de toute petite fille qui dénotait avec la profondeur de son regard.
Hayotzli se sentit fondre, il adorait cette petite qu’il avait vu grandir et qu’il considérait un peu comme sa fille.
Il s’approcha d’elle à pas très lents.
-Okana est venue me trouver. Tu la tourne en bourrique, réprimanda tendrement le Grand-Prêtre.
La petite se laissa tomber à même le sol, les jambes en tailleur et les coudes posés sur les genoux. Elle appuya sa tête sur ses mains, boudeuse.
-Elle veut que je croie à ces histoires de dieux et de réincarnations et c’est des bêtises. Ca m’intéresse pas, affirma-t-elle.
-Je sais, fit l’adulte en arrivant près d’elle et en s’asseyant de la même façon qu’elle afin de pouvoir lui parler d’égal à égal. Okana fait ce que je lui ai demandé, rien de plus. Ton destin a été scellé il y a bien longtemps et ta place est ici. Que tu ne crois pas aux dieux, je peux le concevoir, poursuivit-il, mais la réincarnation… la chimie n’enseigne-t-elle pas, que rien ne se perd dans l’univers et que tout se transforme ?
L’enfant le gratifia d’une expression dubitative.
-C’est quand-même très tiré par les cheveux.
-Pourquoi cela ? Pourquoi ne pas envisager que l’âme après la mort de nos corps puisse survivre par-delà la matière et intégrer une nouvelle enveloppe à moment donné ?
-Parce que ça n’a rien de scientifique, lui opposa-t-elle très sûre d’elle.
-En es-tu certaine ?
La petite fut surprise de cette réponse.
-Penses-tu vraiment que l’ensemble des découvertes ait été réalisées en ce monde et que tout ce qu’il y a à savoir se trouve dans ces livres ? Ne penses-tu pas qu’il y ait encore quantité de choses à comprendre de ce qui nous entoure et qui nous échappe toujours ?
L’enfant avait perdu son petit air désabusé et buvait à présent les paroles d’Hayotzli. Pas forcément qu’elle y ait cru, mais qu’enfin on lui opposait un argument intelligent et digne d’intérêt.
-L’Univers est encore bien loin de nous avoir livré tous ses secrets, conclut le Grand-Prêtre avec sérénité.
Les yeux de Noa s’étrécirent, signe qu’elle réfléchissait.
Et puis, enfin, elle lui sourit, d’un sourire heureux, reprenant l’espace d’un instant l’apparence toute simple d’une toute petite fille. Hayotzli lui adressa un sourire paternel et l’attira à lui pour la faire assoir sur ses genoux. Il enroula ses grands bras autour d’elle et lui parla très doucement, comme s’il racontait une histoire à une enfant pour l’endormir. Sa voix feutrée lui fit baisser toutes formes de défenses et Noa écouta avec attention.
-Celle que nous appelons « Origine » n’était pas une déesse, Noa, notre croyance veut qu’elle ait été un être de chair et de sang tout comme toi. Et que sa merveilleuse nature lui ait permit d’insuffler la vie à cette planète. Nul ne sait d’où elle venait, mais tout ce qui vit ici-bas aurait pris vie grâce à elle. Elle serait l’énergie première, le souffle primaire… l’ADN d’Origine qui donna naissance à toutes les formes de vies que nous connaissons aujourd’hui, du plus petit organisme, au plus gros, humains, animaux, plantes, poissons, oiseaux, amibes, microbes,… La légende veut que régulièrement Origine se réincarne pour en quelque sorte veiller au grain et suivre l’évolution de sa création. Les Incarnations d’Origine sont reconnaissables à leur physique si particulier.
Il posa sa tête ave tendresse sur celle de la petite fille et continua.
-Plus tu grandiras, plus tu prendras conscience de ta nature et de ton importance. Tu seras gardienne d’une forme d’équilibre naturel… D’ici-là, tu dois te préparer à cette destinée particulière qui sera la tienne et nous sommes là pour t’y aider. Tous ces livres sont là pour que tu apprennes, oui, mais aussi pour te permettre de voir où en est ta création et quels sont les problèmes qu’elle a pu rencontrer et qu’elle a surmonté. Une mémoire en quelque sorte. Et quand le moment sera venu, quand tu seras assez forte, il te faudra aussi protéger le Grand-Héritage et veiller à ce qu’il ne soit pas mal utilisé, le cas échéant.
La petite leva ses grands yeux d’améthyste en direction du Grand-Prêtre.
-Qui a créé le Grand-Héritage ?
-La légende prétend que l’Empereur de Mu, qui se prénommait Ramu, et le Roi atlante Zayan ont uni leur science pour fabriquer le réceptacle, et ton Incarnation de l’époque, Mizati, y a placé l’énergie du soleil… C’était il y a bien longtemps.
Un petit silence prit place dans une atmosphère ouateuse.
-Okana dit qu’Origine ne s’était plus incarnée depuis plus de sept cent ans, remarqua l’enfant d’une voix studieuse.
-C’est exacte, Noa, c’est exacte. Et c’est pourquoi tu es si importante. Nous t’avons attendue si longtemps. C’est aussi pourquoi tu dois être patiente et compréhensive avec Okana… elle a voué son existence à l’éventualité de ta venue, comme l’avait fait sa mère et la mère de sa mère avant elle et ce depuis des générations… alors que rien ne garantissait ta venue. Alors sois indulgente Noa. Et laisse-lui la fierté d’accomplir sa tâche et d’honorer la mémoire de ses ancêtres, ne lui donnes pas l’impression qu’elle ne sert à rien. Je sais que tu n’es encore qu’une enfant, mais… sois grande dans le cœur Noa et respecte celui des autres.
La petite fille sourit avec douceur, les yeux plein de bonté.
-Je comprends, je ferai de mon mieux Grand-Prêtre. Mais…, osa-t-elle.
-Oui ?
-Pourrais-je continuer à venir ici la nuit ?
Hayotzli rit affectueusement.
-Je vais même faire transférer ta chambre ici juste à côté, comme ça, tu pourras consulter ces ouvrages aussi souvent que tu le voudras et… fais-moi plaisir…
Il s’interrompit et la regarda avec amusement.
-Quand tu maitrises un enseignement, dis-le plutôt que de ruer dans les brancards et de partir bouder dans ton coin.
La petite fit la moue.
-D’accord…, obtempéra-t-elle en se tortillant les lèvres. D’accord…
-Une dernière chose, fit le Grand-Prêtre en la soulevant pour la remettre sur ses pieds et se lever à son tour. Okana m’a dit que tu avais chanté dans le Temple d’Origine…
Noa baissa la tête, contrite.
-Y’a une super acoustique dans le temple…
Hayotzli dut faire un effort pour ne pas à nouveau rire à la réflexion de la jeune incarnation.
-Viens avec moi, Noa, je vais te montrer quelque chose.
Le Grand-Prêtre prit l’enfant par la main et la conduisit à pas lents en direction d’une petite porte au fond de la bibliothèque. Noa avait déjà vu cette porte, mais elle était toujours close et elle n’avait jamais vu personne y accéder. Aussi sentit-elle une certaine excitation la gagner. Hayotzli sortit une petite clef et ouvrit le mystérieux accès. Celui-ci donnait sur une pièce aux dimensions impressionnantes qui contrastaient avec la petitesse de son entrée. Les yeux de Noa furent émerveillés par ce qu’ils découvrirent, il y avait là, à l’instar de la pièce adjacente, qui elle était orientée sur la connaissance, un exemplaire de chaque instrument de musique qui ait existé et existait encore depuis le début de l’humanité. C’était absolument fantastique. La petite lâcha la main du Grand-Prêtre pour se perdre dans la salle à la découverte de ce trésor. Elle passa en revue tous les instruments, les scrutant, les effleurant, les touchant, en détaillant leur nature, leur son, texture… à cordes, à vent, à percussion, pincés, frappés, de bois, de cuivre, d’ivoire, ou de cuire,… jouant d’instinct des uns et des autres, un monde de sonorités illimitées, infinies, un monde étonnant et nouveau qui ouvrait de nouvelles perspectives d’émotions, de sensations et d’apprentissage. Une nouvelle raison de respirer plus intensément.
Cette nuit-là, Noa comprit où son cœur aimerait venir se blottir quand il aurait mal, où elle viendrait poser son âme quand elle aurait besoin de se ressourcer. Et où elle viendrait se perdre si un jour… la lumière ne lui importait plus.
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CHAPITRE 14

Rabibochage


Ils avaient passé une nuit presque blanche, entrecoupée de longs moment de calme où l’un et l’autre s’interrogeait sur la suite des événements.
Calmèque ne cessait de se demander quelle allait être la réaction de cet imprévisible Navigateur. S’il y avait bien quelque chose qu’il avait appris à propos de l’Espagnol, c’est qu’il pouvait avoir des réactions « compliquées ».
C’était ce que Marinchè appelait « quelque chose de mystérieux qui le rendait irrésistible »…
Calmèque aurait plutôt dit « quelque chose de tordu qui le rendait imprévisible » !
Et ne nous voilons pas la face, Marinchè le savait très bien, ce n’était pas pour rien qu’elle lui avait refilé la patate chaude. Il soupira intérieurement et se fit la réflexion que décidément, il passait son temps à servir les intérêts d’un autre. Il y avait toujours quelqu’un pour le trouver pratique. Et il se demanda s’il finirait un jour par avoir le droit de profiter un peu de sa propre personne ?
Marinchè quant à elle était un peu inquiète. D’une part, il y avait le voyage qui touchait à sa fin et d’ici-là, il lui faudrait avoir convaincu l’Espagnol de l’aider, sans quoi, retrouver ses enfants ne serait pas une tâche facile pour une Indienne seule en terre ibérique. D’autre part, elle n’avait pas prémédité le fait d’envoyer l’Olmèque au front, et elle s’en voulait un peu. Si après ça il ne la voyait plus que comme une vile manipulatrice, elle ne l’aurait pas volé. Mais elle ne pouvait s’empêcher de regretter. La relation qu’elle avait avec Calmèque lui faisait du bien. Il ne s’en doutait sans doute pas du tout, mais elle et lui partageait un problème commun mais aux origines parfaitement opposées. Il n’avait pour ainsi dire jamais connu le moindre témoignage de tendresse ou d’affection de par la particularité de son espèce, quant à Marinchè, belle comme le jour, elle avait passé sa vie à servir de putain ou de trophée sous les assauts d’hommes cherchant uniquement un plaisir égoïste. Marinchè était une femme « qu’on mettait dans son lit, mais pas dans sa vie ». Il n’y en avait qu’un qui ait pris le temps de l’aimer. Du coup, la relation tacite, tendre et complice qui s’installait entre elle et l’Olmèque lui apportait quelque chose dont ils avaient désespérément besoin tous les deux. Et de ce fait, la peur d’avoir mis cet équilibre fragile en péril la taraudait.
Il regardait le plafond de leur cabine sans rien dire depuis plus d’une demi-heure. A quoi pouvait-il penser ?
Calmèque avait cette particularité désarçonnante de pouvoir passer de l’hyper expressivité à l’inexpressivité la plus totale. Comme s’il rentrait en lui-même et que l’enveloppe extérieur ne lui servait plus à rien. Même sa respiration devenait minimaliste. Tout juste perceptible. Marinchè détaillait la temporaire statue de cire allongée auprès d’elle en lui caressant doucement le bras, laissant glisser ses doigts avec lenteur sur la surface glabre.
La première fois qu’elle l’avait touché, elle avait été très surprise, la texture de sa peau était sensiblement différente. Elle semblait, plus lisse, plus fine, plus douce aussi. Une peau qui au premier abord aurait pu paraître plus fragile, mais qui étrangement ne l’était pas. Elle se souvenait qu’au cours du combat contre les pirates, il avait été entaillé au bras droit. Rien de bien méchant, mais la plaie aurait du laisser une cicatrice encore visible moins d’une quinzaine de jours plus tard. Or, elle passait son doigt à l’endroit même où la blessure avait été infligée et… rien, pas une trace. Le satin de sa peau était d’une régularité étonnante.
-Cal ? l’appela-t-elle doucement sans le quitter des yeux.
Elle le vit prendre une inspiration plus profonde et ses paupières s’animer. Il tourna la tête dans sa direction.
-Quoi ?
-T’es fâché ?
Il la regarda sans répondre, comme s’il se posait précisément cette question.
-Non, finit-il par lui dire d’une voix neutre. Pas fâché.
-Déçu ?
Une petite moue apparut.
-Je ne sais pas… peut-être un peu.
La belle Indienne prit un air chiffonné.
-Je te demande pardon. Vraiment. C’était pas prémédité, je te le jure, se défendit-elle. Mais au fil de mon récit, je me suis rendue compte que toi, peut-être, Mendoza t’écouterait… Mais je te promets que lorsque j’ai commencé à te raconter je…
-Tu pensais qu’en me racontant ta vie, je te raconterais la mienne parce que tu es une incorrigible curieuse, la coupa-t-il sans animosité.
Elle en fut une seconde ébranlée mais s’efforça de ne pas trop le laisser paraître.
-Ca t’arrive de faire quelque chose qui ne soit pas calculé ? lui demanda-t-il, la voix toujours calme.
Là, elle se décomposa.
-Crois pas ça… je t’en prie.
Elle avait sincèrement l’air contrite.
-C’est que… elle ne poursuivit pas. Je sais pas… pardonne-moi, gémit-elle. S’il te plait. J’ai besoin de ton aide.
Un air sceptique se peignit sur le visage de Calmèque et il inclina la tête.
-Tu me mets dans une drôle de situation quand-même, tu le sais ça ?
Elle baissa la tête.
-Mendoza me tolère tout juste, on n’est loin d’être pote, ajouta-t-il.
-Je sais. Mais moi je vois vraiment pas comment le lui dire.
-Bah et moi ? Je lui dis ça comment ? s’exclama-t-il. Je me pointe et je lui lance : Tiens au fait Mendoza, vous savez que Machiavel et Taciturne ont une fille ?
Elle fut prise de court par une brusque pouffée de rire et elle dut se retenir parce qu’elle n’était pas certaine que l’Olmèque plaisantait. Elle tenta donc de rester sérieuse alors que ses yeux se plissaient sous l’envie de rigoler.
Calmèque la regardait d’un air légèrement réprobateur, à la façon d’un professeur réprimandant un enfant turbulent. Puis il céda et sourit à son tour, toujours allongé sur la couche. Cette nana avait l’art et la manière de l’amener pile où elle voulait, que pouvait-il y changer ? S’il la laissait faire, c’est qu’il devait y trouver son compte après tout.
La belle se détendit ne cachant plus son soulagement.
-Merci ! fit-elle.
Et elle voulu le prendre dans ses bras, mais il eut un mouvement d’esquive in extremis.
-Une seconde, infâme manipulatrice !
Il brandit son indexe, comme s’il s’apprêtait à émettre une condition.
-Tout ce que tu veux, promit-elle.
-Je ne veux plus jamais, et il la fixa intensément, que tu joues les entremetteuses entre moi et qui que ce soit !
L’Inca prit un air perplexe.
-Bah j’ai rien fait, assura-t-elle.
L’Olmèque parut dubitatif.
-Oui et ben, c’était déjà trop !
Marinchè aurait eu un millier de choses à lui dire ou à lui demander, mais sans vraiment trop comprendre ce qu’il lui reprochait exactement, elle préféra acquiescer, préférant éviter toutes possibilités de nouvelles frictions avec sa gargouille alors qu’ils venaient tout juste de planter le drapeau blanc.
-Ok…
Il baissa son doigt et hocha de la tête.
-On est d’accord…

Il devait être un peu moins de midi, le soleil était bien haut dans le ciel et il tapait méchamment.
Des effluves de nourritures provenant de la cuisine commençaient à réveiller les estomacs et Jiménez qui tenait la barre fit signe à l’un de ses hommes pour qu’il vienne le reprendre un instant. Le marin s’empressa d’obéir et l’Espagnol, les deux mains libres, pu consulter une carte. Il vérifia quelques mesures et comparant ses calculs au compas et la position de l’astre du jour, il parût satisfait.
-Gracias Montoya. Je reprends la barre, tu peux y aller.
Montoya, qui était un marin d’assez grande taille et bien bâti, les cheveux poivre et sel en broussaille et le regard intelligent, avait les faveurs du Capitaine en Second. Ils avaient déjà fait route ensemble à plusieurs reprises et Jiménez avait une totale confiance en lui.
-Dis-moi Montoya, lança Jiménez avant que l’autre ne se sauve. As-tu vu le Capitaine ?
Il voulu lui répondre mais à cet instant précis, Mendoza parut sur le pont en contrebas et adressa à son Second un discret salut de la main. Jiménez en fut ravi, et fit comprendre à ce dernier qu’il souhaitait lui parler.
D’un pas lent, Mendoza répondit à l’invitation de son Second et vint le rejoindre à la barre.
-Capitaine, commença Jiménez. Vous tombez bien. Je voulais vous faire part d’une légère inquiétude quant au cap.
L’autre adopta immédiatement une attitude sérieuse et déroula machinalement la carte, encordée à la barre pour éviter qu’elle ne s’envole, afin de la consulter pour voir où se trouvait le souci.
-Non non ! le rassura le premier, il n’y a pas péril en la demeure. Juste que ça fait deux fois que je passe par ce secteur et par deux fois j’ai essuyé un grain épouvantable sorti de nulle part, la seconde fois a même failli nous envoyer par le fond. Du coup…
Il pointa une zone de la carte et suivi un tracé imaginaire du doigt.
-Je passerais plutôt par-là, c’est un peu long, trois ou quatre jours de mer supplémentaires, mais… c’est plus sûr.
Mendoza consulta quelques inscriptions et fronça les sourcils en signe de concentration.
-Tu as peut-être raison. Et puis, c’est pas comme si on était pressé, s’amusa-t-il.
Jiménez acquiesça simplement, content de constater une fois de plus que son Capitaine ne nourrissait pas d’égo idiot et que la prudence honorait son caractère.
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CHAPITRE 15

Plan de bataille

La Comtesse Elizabeth de Messy tendit le sauf-conduit au Capitaine du Nazaré avec cette grâce qui lui était propre. Mendoza s’en saisit sans brusquerie et le parcourut posément.
C’était effectivement un document des plus officiels, de la main de sa Majesté Charles V, Roi d’Espagne et du Saint Empire Germanique. La Comtesse lui expliqua qu’elle était l’épouse d’un certain Comte de Valezco, cousin de Charles Quint qui fut envoyé sur le Nouveau Continent en tant que conseiller du Vice Roi de Nouvelle Espagne. Malheureusement son époux était décédé voici deux ans et La Comtesse avait émis le souhait de s’en retourner dans son pays natal, l’Angleterre.
Elle était aussi en possession d’un second document émanant cette fois de Catherine d’Aragon, fille de ses Majestés Isabelle et Ferdinand et épouse d’Henri VIII, Roi d’Angleterre et d’Irlande, dont elle avait été dame de compagnie.
Pourvue de ces deux missives, il ne faisait aucun doute que la Comtesse pourrait regagner son pays sans encombre et trouver sur le chemin les gens qui pourraient l’escorter.
Alors pourquoi avait-elle jeté son dévolu sur Mendoza ?
Cette question ne cessait de le tarauder même si, il fallait l’admettre, ça l’arrangeait plutôt bien.
-Nous n’avons pas encore vraiment eu l’occasion de nous entretenir pour fixer les modalités et… vos honoraires, Don Mendoza, engagea l’aristocrate après que l’Espagnol lui ait rendu les deux documents et qu’elle les ait rangés précieusement.
-Il est vrai, consentit le Navigateur.
-Alors ? Dites-moi. Quelles sont vos conditions ?
Mendoza y avait réfléchit à plusieurs reprises déjà et il lui apparaissait clairement un dilemme.
Contourner l’Europe par la mer et rejoindre les îles Silly et ensuite les côtes du sud de la Grande-Bretagne avant de poursuivre par la terre ou alors passer par les terres des Royaumes d’Espagne, de France, et de Bourgogne avant de pouvoir rejoindre l’Angleterre ?
Ce chemin était beaucoup plus long voir même plus dangereux, mais… il offrait l’avantage d’être inattendu et si la Comtesse voulait « échapper » à quelqu’un, il y avait fort à parier que personne n’imaginerait qu’ils aient décidé de prendre cette route.
Il fallait donc que Mendoza sache où il mettait les pieds. Une Comtesse anglaise désireuse de retrouver son pays après la mort d’un époux, de toute évidence jouissant d’une excellente situation, qui avait besoin de deux sauve-conduits royaux pour assurer sa sécurité et qui voulait s’adjoindre les services à n’importe quel prix d’une sorte de mercenaire… ça sentait l’histoire louche.
La logique aurait voulu que cette dame de qualité fasse route sur un navire royal aux couleurs du Roi de Nouvelle Espagne et que son rapatriement soit entièrement pris en charge et pensé avant son départ. Alors que là, elle semblait voyager le plus discrètement possible, avec seulement trois dames de compagnie, une quantité de bagages grotesque et rien ne semblait avoir été préparé à l’avance, on aurait dit qu’elle était partie dans la précipitation et qu’elle improvisait pour la suite.
Et il entendait bien essayer d’y voir plus clair.
-Et bien, commença le Navigateur, mes honoraires dépendront de l’itinéraire que nous déciderons d’emprunter.
Il laissa sa phrase finir de s’évanouir complètement sans poursuivre, comme la laissant s’imprégner dans l’esprit de la Comtesse, espérant que celle-ci réagisse et donne son assentiment, mais elle n’en fit rien, restant en apparence à l’écoute de l’Espagnol.
Il continua donc.
-Et cet itinéraire dépend en grande partie de… il prit soin de bien choisir ses mots, l’idée étant d’essayer d’en savoir plus sans trop lui laisser l’impression qu’il avait des doutes quant à sa bonne foi,… des éventuels ennuis que nous pourrions avoir à éviter… ?
La Comtesse resta beaucoup trop sereine quant à cette phrase, qui aurait du au minimum la pousser à s’inquiéter de savoir à quels « ennuis » le Navigateur faisait allusion.
Mais elle demeura le visage inchangé, à la fois calme et altier.
Puis un ravissant rictus vint soulever le côté gauche de ses lèvres délicates.
-Peut-être faudrait-il envisager un voyage sous le sceau de la discrétion, admit-elle.
Et elle le gratifia d’un sourire doux et glacial à la fois.
Mendoza comprit que les choses étaient bien telles qu’il avait craint : compliquées, et que La Lady n’était pas l’oie blanche qu’elle laissait paraître.
Le Navigateur croisa les bras.
-D’éventuels poursuivants auront tendance à penser que nous avons pris la mer, c’est pourquoi je préconise de traverser le territoire à cheval sous le couvert d’un petit convoi banal, sans attirer l’attention. Nous arrêtant dans des auberges peu fréquentées et sans faire montre de nos identités.
La Comtesse hocha la tête en silence.
-C’est aussi ce que j’avais envisagé et c’est pourquoi la présence de votre « Atlante » à l’allure si particulière m’inquiète un peu, il ne nous aidera pas à passer inaperçus.
Mendoza fut surpris d’entendre la Comtesse parler de Calmèque en tant qu’Atlante, bien que ce fut parfaitement exacte, il avait tellement pris l’habitude qu’il soit pour lui un « Olmèque » que cette dénomination lui faisait bizarre.
Mais il chassa ce détail sans grande importance de son esprit avant de répondre.
-Il est vrai, mais je pense avoir une idée à ce propos.
-Je vous laisse régler ce genre de détails, Don Mendoza, assura-t-elle. C’est en tout état de cause que j’ai accepté sa présence, qui au vu de son savoir peut nous être d’une grande utilité, et je ne compte pas revenir sur ma parole. Je sais que vous ferez ce qu’il faut. Quant à vos honoraires. Votre prix sera le mien.
Et elle planta ses yeux de biche dans ceux de l’Espagnol avec un aplomb impressionnant.


Le Navigateur avait rejoint le pont où il prit quelques instants pour faire le point, la moue aux lèvres.
Absorbé par ses pensées, il ne vit pas arriver le petit Olmèque et il ne le découvrit que peu après, se tenant debout un peu en retrait.
Il le détailla rapidement.
« Oui, va falloir faire quelque chose. »
-Tu tombes bien, lui lança le Navigateur.
Dans un premier temps, Calmèque se tut. Il n’était pas obligé de mettre sur la table le jour-même le problème de la « Progéniture surprise », mais plus tôt serait sans doute le mieux et si l’Espagnol voulait lui parler, peut-être fallait-il qu’il saisisse la balle au bond.
-Un souci ? demanda-t-il simplement.
-Je ne sais pas encore, hasarda le Navigateur toujours un peu pensif.
Puis Mendoza se tourna en direction de la poupe où Jiménez tenait la barre.
-Va demander à Jiménez de mettre Montoya à la barre une heure ou deux et retrouvez-moi dans ma cabine. On doit discuter.
Calmèque inclina très légèrement la tête en signe d’approbation tandis que Mendoza faisait volte-face en se dirigeant vers la cabine qui dominait le château arrière du navire.
Quand il fut éloigné, l’Olmèque laissa échapper un profond soupir. La tâche s’annonçait funambulesque. Ca lui rappelait les situations peu enviables qu’il avait eu à désamorcer plus d’une fois quand il était sous les ordres de Menator. Il courait, certes, moins de danger avec Mendoza, mais il n’avait pas encore parfaitement cerné le taiseux conquistador et il savait qu’il pouvait avoir ses « humeurs » et qu’il faudrait amener les choses avec beaucoup de diplomatie.
Sans attendre d’avantage, il se dirigea vers la barre où Jiménez l’accueillit de sa plus parfaite inexpressivité.
L’homme taillé au couteau cilla à peine à son arrivée, ce qui chez lui était signe de bonne humeur. Calmèque avait pu remarquer qu’en ses rares cas d’humeur contrariée visibles, l’Espagnol adoptait un petit tic faciale en serrant les dents, ce qui donnait à sa mâchoire une ligne plus tendue encore qu’à l’accoutumée.
Mais là, il était bien.
-Mendoza voudrait nous parler, fit l’Olmèque sans s’encombrer de salamalecs.
L’Espagnol hocha simplement la tête. Et la seconde d’après, il héla l’un de ses homme pour qu’il aille lui chercher Montoya.
Le grand marin à la tignasse en broussaille apparut moins de cinq minutes plus tard et monta les rejoindre.
Un regard, un lâcher de barre, un pointage de menton et sans échanger un mot, Montoya comprit instantanément ce que son supérieur attendait lui, et il attrapa l’épaisse roue de bois alors que Jiménez et Calmèque descendaient vers la cabine en contrebas.
Par politesse, Jiménez frappa trois coups sonores sur la porte sombre et la voix de Mendoza les invita à entrer.
Sans les regarder, Mendoza leur montra deux chaises vides. Il était pour sa part debout, les yeux braqués au travers de la fenêtre de sa cabine, sur les flots et l’écume en bataille que le Nazaré délaissait derrière lui à chaque seconde. Songeur.
Jiménez et Calmèque attendirent patiemment en prenant place.
-Jiménez, fit Mendoza au bout d’un assez long moment. Quels sont tes projets une fois que nous auront atteint Barcelone ?
L’homme prit son temps pour répondre.
-En principe, j’avais envisagé de regagner mes terres près de Valence. Mon père, poursuivit-il, est mort voici quelques années et ma mère qui commence à se faire vieille, désire que je reprenne les rennes du domaine. Nous possédons de très belles vignes et notre vin a su trouver sa place sur les plus grandes tables d’Espagne et même à la cours, conclut l’Espagnol avec une pointe de fierté dans la voix.
-Je vois, fit Mendoza.
-Quelle est le fond de ta pensé ? interrogea Jiménez qui se doutait bien que son Capitaine ne lui demandait pas ça innocemment.
-Le fond de ma pensé, c’est que je me demandais si moyennant un confortable dédommagement, tu accepterais de nous accompagner les quelques mois nécessaires à notre voyage en Angleterre ? J’aurais besoin de toi.
Le visage de Jiménez se fendit d’un sourire discret.
-J’avoue Mendoza, que je ne me suis jamais senti l’âme d’un cultivateur…
Le Navigateur ne cacha pas sa satisfaction. Voilà qui allait simplifier les choses.
Sur la table, une carte d’Europe avait été déroulée et était maintenue en place par deux objets lourds à chaque extrémité. Mendoza se mit à la regarder, l’air absent.
-Notre Comtesse, commença-t-il, semble devoir échapper à des poursuivants.
Et le Navigateur jeta nonchalamment une besace de cuire contenant quantité de pierres précieuses vertes au milieu de la table.
Voilà un argument qui, à n’en pas douter, devait avoir beaucoup de poids auprès des Européens, se dit Calmèque.
-Voici un maigre acompte qui m’a été remis ce matin par notre fuyarde.
-Qui est à ses trousses ? demanda Calmèque.
-C’est pas encore très clair, avoua Mendoza. Mais il fallait se douter qu’une aristo voulant s’adjoindre nos services à n’importe quel prix pour rejoindre sa patrie, devait forcément cacher quelque chose.
Jiménez n’avait pipé mot, un peu comme à son habitude, mais il regardait le tas de pierres avec suspicion.
-Moins facile d’écouler de la verroterie que de l’or, affirma-t-il. Mais je connais quelqu’un de confiance à Valence qui nous en offrira un bon prix. Si on paye avec ça à nos différentes escales, on va vite se faire remarquer et attiser les convoitises de bandits. Et puis… va remettre la monnaie sur une émeraude, ironisa-t-il.
Mendoza acquiesça silencieusement.
-En combien de temps penses-tu que ta connaissance puisse réunir l’argent ?
-Ca ne devrait pas être très long, il a les réseaux qu’il faut, assura Jiménez.
-Très bien. Ca, c’est réglé, fit Mendoza, content d’avoir déjà résolu deux problèmes en peu de temps.
Il écarta la besace d’émeraudes sans grand ménagement et s’appuya avec ses deux mains sur la carte. Prêt à entrer dans le vif du sujet.
-Barcelone, fit-il en pointant la ville du doigt sur la côte nord-est de l’Espagne. On ne s’y arrêtera pas.
Le doigt de l’Espagnol continua de descendre le long des courbes ibériques pour s’arrêter à mi-hauteur.
-Valence tombe très bien. On y jettera l’ancre.
Calmèque observa la carte un moment.
-Valence est un port important ? demanda-t-il.
-Pas énorme, admit Jiménez.
L’Olmèque fit la moue.
Mendoza se mit à sourire en détaillant son air sceptique. Cette petite expression, cet air « de pas y toucher », il commençait à la connaître.
-A quoi penses-tu ?
Le petit homme pointa un chapelet d’îles en regard de Valence.
-Je me rends pas bien compte, c’est éloigné de combien ces îles-là par rapport aux côtes espagnoles ?
-Les Baléares ? s’étonna Mendoza.
-Une centaine de kilomètres, répondit Jiménez sans comprendre où l’Olmèque voulait en venir.
-Ok. Bon, on peut imaginer que notre aristo doit être coursée par quelqu’un d’influent, sans quoi avec le pognon qu’elle a, il ne lui serait pas bien compliqué de faire disparaître le problème.
Mendoza et Jiménez hochèrent la tête de concert, parfaitement d’accord sur ce point.
-Donc, je me disais qu’en se pointant avec une caravelle en provenance du Nouveau Monde dans un port peu important, on risquait d’attirer l’attention et c’est justement ce qu’on voudrait éviter, non ?
Les deux autres, le laissèrent poursuivre même s’ils commençaient à comprendre.
-Du coup, si on jetait l’ancre plutôt sur une de ces îles, on serait moins exposé.
-Et ensuite affréter un petit bateau plus passe-partout pour rejoindre Valence en toute discrétion ? continua Mendoza. Oui… admit-il. C’est pas bête.
Le Navigateur parut absorbé par la carte une longue minute.
-Un proche ami de mon père est un marchand influent basé à Minorque, conclut-il en guise d’approbation et pointant la seconde plus grande île de l’archipel. On y sera en sécurité.
Jiménez approuva en opinant du chef.
S’en suivit l’exposition du plan de Mendoza pour couvrir leurs arrières et brouiller les pistes. Il comptait remonter par les terres à partir de Valence, histoire de se faire remarquer un minimum et de semer les assaillants de la Comtesse.
Mendoza demanda si Jiménez pouvait leur fournir des chevaux. Il sembla que ce ne fut pas un problème.
On s’attendait à ce qu’ils contournent l’Europe en bateau et il fallait éviter toute prévisibilité. De plus, par les terres, ils pouvaient louvoyer sur des centaines de kilomètres et se fondre plus facilement dans le décor.
Jiménez fit remarquer que la donzelle devrait, à un moment donné, leur en dire plus sur ses poursuivants et que fuir une devinette n’était pas des plus plaisants.
Mendoza lui donna raison et lui promis qu’il avait l’intention d’en savoir plus au plus vite.
La petite réunion se termina et le Navigateur fit comprendre à ses deux associés qu’ils pouvaient disposer.
Mais tandis que Jiménez quittait les lieux, Calmèque resta en retrait et referma la porte, demeurant dans la cabine.
Mendoza en fut étonné et lui lança un regard interrogateur.
-Un souci ?
Calmèque prit un air embêté.
-Ca dépend. Quelle est votre définition du mot souci ?
Croisant les bras avec lenteur, le Navigateur toisa son Olmèque sans animosité.
Le petit homme en était encore à se demander s’il valait mieux dire ce qu’il avait à dire très vite, comme pour arracher un pansement, ou au contraire manœuvrer très souplement jusqu’à l’annonce fatidique.
Mais l’Espagnol, toujours bras croisés, commençait à tapoter son biceps gauche de son indexe en signe d’impatience.
Calmèque sut qu’il était temps de se jeter à l’eau.
« Par où commencer ? »
-Vous connaissez Cortes ? Enfin, je veux dire, vous avez eu l’occasion de le croiser ? commença-t-il.
Mendoza se figea, l’air interdit.
« Quel rapport ? »
-Oui, répondit platement le Navigateur. J’ai eu l’occasion de croiser ce sinistre individu.
-Oh ! fit Calmèque surpris par le ton coupant que l’espagnol avait utilisé pour désigner le célèbre conquistador. C’est pas le grand amour, constata-t-il.
-C’est le moins qu’on puisse dire, siffla Mendoza. Et c’est assez réciproque.
Voilà qui semblait logique.
-Pourquoi ? tenta de questionner Calmèque conscient qu’il jouait un peu avec le feu.
Mais si Mendoza avait pu amener le sujet de sa rivalité avec Cortes lui-même, ça lui aurait grandement facilité les choses.
Au lieu de ça, il vit le regard de Mendoza virer à l’orageux.
De toute évidence peu enclin à se lancer dans des confidences, l’Espagnol contourna la table et vint se placer à la hauteur de son interlocuteur, plantant ses yeux dans ceux de l’Olmèque, lui faisant comprendre qu’il s’aventurait en terrain dangereux.
-Contre toute attente Calmèque, lui dit-il d’une voix froide et incisive, je t’aime bien. Et je ne voudrais pas faire, sous le coup de la colère, quelques chose que je pourrais regretter par la suite, alors, joue pas avec mes nerfs.
« Sujet décidément sensible… tu m’étonnes qu’elle m’ait envoyé au casse-pipe à sa place… »
-La seule chose que nous ayons en commun Cortes, moi… et toi…, poursuivit-il. C’est de s’être tapé Marinchè. Et tu sembles parfaitement au courant, alors quelle que soit ma définition du mot « souci », je te conseille d’en venir au fait !
Calmèque tenta de protester.
-Y’a erreur, entre moi et Marinchè c’est pas…
-Tais-toi ! cassa Mendoza sur un ton glacial qui ne laissait aucune place à la tergiversation.
Il préféra ne pas insister.
-Je te l’ai dit Calmèque, ce que tu fais ou non avec Marinchè m’indiffère au plus haut point !
« Tu parles ! »
-Alors ? questionna Mendoza en proie à cette colère froide qu’il ne nourrissait qu’en certaines circonstances en rapport avec l’Indienne.
L’Olmèque pesa rapidement le pour et le contre.
Il fallait qu’il le dise maintenant même s’il sentait que cette révélation n’allait pas passer sans douleur.
Et comme il tardait à répondre, le Navigateur dégaina son épée.
Le petit Olmèque tressaillit.
« Il est sérieux là ? »
-Calmèque je te jure que pour ton bien-être dans les secondes qui vont suivre, tu ferais mieux de cracher le morceau !
Et la pointe de l’épée de l’espagnol vint menacer la gorge du petit homme à qui une situation vaguement similaire, remontant cinq ans plus tôt, lui revint en mémoire.
Et comme cinq ans plus tôt, il se demanda un instant si l’Espagnol mettrait sa menace à exécution.
Et comme cinq ans plus tôt, il comprit rapidement que l’obstruction ne ferait qu’aggraver son cas.
Il se lança.
-Il semblerait, amorça l’Olmèque, la voix peu assurée, mais assez convaincu que l’Espagnol était plus sur le coup de la colère et de l’intimidation qu’autre chose. Que Marinchè ait eu une fille après votre départ dont vous seriez… le père.
Voilà ! C’était dit !
Étrangement, Mendoza ne réagit pas de suite et Calmèque en profita pour se saisir rapidement du plat de la lame entre ses deux paumes pour la mettre à bonne distance de sa carotide.
Mendoza, visiblement assommé par la nouvelle, contra à peine la manœuvre et quand l’Olmèque parvint, par un mouvement infaisable par toute autre personne que lui-même sous peine de se démettre toute la colonne, à s’extirper de l’emprise du navigateur et à sortir in extremis, le Navigateur mit encore quelques secondes avant d’émerger de sa torpeur et de se jeter sur la porte en vociférant.
Mais trop tard, de l’autre côté, Calmèque était parvenu à coincer le lourd battant avec une solide hache qui traînait providentiellement sur le pont, et quand Mendoza se jeta à plusieurs reprises de tout son poids contre la porte, celle-ci résista sans problème.
Le reste de l’équipage, Jiménez à en tête, vint, médusé, assister à la scène.
De l’autre côté de la porte, Mendoza hurlait qu’il allait massacrer l’Olmèque dès qu’il serait dehors.
Calmèque adressa à Jiménez un signe notifiant que tout allait bien et celui-ci ne se formalisa pas trop. Il eut juste un signe de tête interrogatif en direction de la cabine.
-Faut juste qu’il se calme un peu…, rassura le petit homme.
Si Jiménez n’avait eu une totale confiance en Calmèque, il aurait sans doute libéré son Capitaine séance tenante, mais il considéra que la dispute devait être d’ordre privée et qu’elle n’avait rien à voir avec une quelconque mutinerie. Il décida donc d’accorder foi à l’Olmèque et de faire comme s’il n’avait rien vu.
Et il intima aux membres de l’équipage de reprendre leurs postes.
Non loin de là, Marinchè, qui avait elle aussi assisté à la sortie en trombe de l’Olmèque, s’inquiéta. Et s’approchant prudemment, sursautant à chaque fois que Mendoza essayait d’enfoncer lourdement le battant, elle sonda l’Olmèque du regard.
-Il l’a bien pris, assura Calmèque un poil ironique.
Modifié en dernier par Anza le 08 juin 2021, 11:53, modifié 1 fois.
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

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Message par Anza »

CHAPITRE 16

Le bonheur des uns...

Après plus d’une heure de cris, menaces et autres tentatives infructueuses d’enfoncement de porte, le silence revint progressivement.
Assis dos à la porte, l’épée posée sur ses genoux, épuisé, Mendoza avait retrouvé son calme habituel et un vague à l’âme avait remplacé cette colère contenue trop longtemps et qui, enfin, avait pu s’exprimer.
Des souvenirs perdus loin dans le passé se réinvitaient sans permission.
Pas seulement ceux liés à Marinchè, mais tout ce qu’il avait refoulé au cours de sa vie semblait avoir profité de la brèche pour s’échapper. La mort de sa mère, les amis perdus sur des champs de batailles trop nombreux, sa fuite en avant pour oublier, Esteban auquel il s’était attaché quasiment comme un père et qui lui manquait si souvent, ses regrets tels un chapelet de tristesses et maintenant ça…
Il avait la sensation d’être passé à côté de tout ce qui avait pu être réellement important dans sa vie, refusant de s’avouer qu’il n’était qu’un homme et qu’il pouvait souffrir… qu’il devait accepter de souffrir pour guérir ses douleurs et panser ses plaies.

Côté pont, Calmèque et Marinchè étaient conjointement adossés à la porte, eux aussi. Attendant.

La nuit tombait doucement et l’équipage avait allumé quelques lanternes, Ortega aidé de quelques marins commençait à monter les plats du repas. Rien d’extraordinaire, on restait sur un bateau avec des produits à la conservation facile, mais c’était toujours un moment de la journée que chacun attendait pour sa convivialité et la détente qu’il apportait.
Même La « De Messy » semblait vouloir se joindre à l’équipage ce soir et Calmèque se fit la réflexion qu’elle avait intérêt à s’habituer à côtoyer les petites gens, parce que tel que Mendoza envisageait leur voyage… on n’allait pas faire dans le « cinq étoiles » !
Pas un mot ne s’était échappé des lèvres de l’Inca et elle regardait elle aussi, l’effervescence qui prenait vie sur le pont. Songeuse.
C’est à ce moment que la voix, tout à fait calmée, de Mendoza leur parvint au-travers de la porte.
-Elle s’appelle comment ?
Marinchè parût reprendre pieds après une longue absence et mit du temps avant de répondre.
-« Maria ».
Un frottement contre le bois.
-Oh…, fit Mendoza, touché. Tu as respecté la tradition ? Tu lui as donné le nom de ma mère ?
Marinchè se mordit les lèvres et lança à Calmèque une mine ennuyée.
-La mère de Cortes s’appelle Maria aussi, lui glissa-t-elle tout bas.
Mais n’ayant pas le cœur de contredire le Navigateur, elle lui répondit que oui, la voix tremblante digne d’une tragédienne. Et Calmèque se pinça l’arrête du nez en secouant lentement sa tête de droite à gauche.
-De toutes façons la moitié des femmes en Europe s’appellent « Maria »…, se justifia-t-elle en confidence auprès de son complice.
Sur ce, l’Olmèque fit la grimace, se leva et lui sourit. Il était temps pour lui de prendre congé et de les laisser colmater au mieux les brèches de leur improbable histoire.
-Je vais manger, argua-t-il en chuchotant.
Et il s’en fut à reculons en lui faisant comprendre qu’il était temps qu’elle se démerde seule.


Des heures plus tard, quand l’Olmèque regagna sa cabine, il ne fut pas surpris de la trouver vide. Marinchè et Mendoza ayant fini par s’éclipser tous deux derrière la fameuse porte pour une solide discussion et plus si affinités retrouvées.
Il considéra le lieu vide, essayant de se convaincre qu’il y gagnait en place, mais il ne put s’empêcher d’avoir un petit regret. Et il soupira en enlevant le gros de ses vêtements et en se rafraichissant un peu avant de se coucher.
Une fois allongé, il sentit sur le drap, un discret effluve de parfum provenant d’un onguent à la senteur très fleurie que Catherine avait donné à Marinchè, et dont l’Indienne adorait s’enduire.
A plusieurs reprises, Calmèque lui avait reproché d’abuser de ce cosmétique trop odorant, mais là… il aurait donné n’importe quoi pour que cette senteur ne disparaisse jamais.
Et il eut du mal à trouver le sommeil, un peu abattu.
Modifié en dernier par Anza le 08 juin 2021, 11:54, modifié 1 fois.
8) Fane absolue de la 1ère saison, certes imparfaite, mais avec tant de qualités qu'on peut lui passer beaucoup de choses !
Perso préféré : Calmèque, cherchez pas, mon psy a jeté l'éponge ! MDR

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