Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Je consonne à l’analyse d’Isaguerra.
Très belle retranscription de l’épisode.
Oui, j’ai aimé la description de Zia.
Je suis quand même étonné que Mendoza ait pu entrer si facilement dans le palais.

NB : si la mitre d’Esteban est aussi précieuse que la couronne de la reine, à la place de Sancho et Pedro, je serais allé la récupérer !
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 53.

Sous les rideaux de brocatelle qui enveloppaient son lit, Zia sommeillait. Une grande fatigue s'était emparée d'elle.
Un peu plus tôt dans la soirée, après avoir accepté d'une servante une écuelle de bouillon de légumes, elle avait regardé Leonora de Mascareñas donner à manger à la petite princesse Marie, puis s'était retirée dans sa chambre, sans accepter qu'on l'aidât à se dévêtir. Une fois de plus, elle était aux prises de ce grand désir de solitude qui désolait tant la cour de l'Impératrice Isabelle. La seule idée de parler, d'écouter, de répondre lui était presque insupportable. Il lui semblait être un fétu de paille, un bouchon emporté sur les eaux tumultueuses du destin, sans qu'il soit accordé à sa volonté propre la moindre chance de s'exprimer. Il n'y avait rien d'autre à faire qu'essayer de trouver un peu de repos et, jetant sa robe et ses autres vêtements autour d'elle sans se soucier de l'endroit où ils tombaient, elle alla se glisser dans ses draps frais qui fleuraient bon l'iris et laissa son jeune corps s'y détendre jusqu'à ce que la nuit, s'insinuant entre les branches de la croix que formait le meneau de sa fenêtre, eût fondu dans la grisaille les vives couleurs du tapis de Smyrne étendu sur le dallage et envahi la pièce en y laissant pénétrer une fraîcheur annonciatrice de l'hiver.
Zia n'avait pas permis qu'on allumât le feu, toujours préparé dans toutes les cheminées du palais, pas plus que la veilleuse disposée à son chevet. Elle n'avait pas envie de lire, bien que le volume situé près d'elle fût le "Manuel du chevalier chrétien" d’Érasme, qu'elle aimait beaucoup. Ayant reçu une éducation studieuse lors de son arrivée en Espagne, elle n'avait plus la superstition du livre comme à l'âge de cinq ans, et n'attribuait plus du génie aux gens qui occupaient beaucoup l’attention du monde lettré. Mais à quoi pouvait lui servir la sagesse de l'humaniste Néerlandais, au cœur d'une ville perdue entre fleuves, mer et forêt, quand son esprit flottait à la dérive sans plus savoir de quel côté il convenait de se tourner?
La seule chose vivante, dans cette chambre, était la brise du soir qui passait par l'un des vitraux ouverts de sa fenêtre et lui apportait l'odeur de feuilles mouillées que la pluie récente avait étendue sur le jardin.
L'un après l'autre, les bruits familiers de l'immense bâtiment s'éteignirent. Zia entendit un domestique tirer de l'eau au puits de la cour pour que la cuisinière en eût quand, au matin, elle réveillerait le feu de ses fourneaux.
Puis ce fut le pas d'un garde faisant une dernière ronde, attendant d'être relevé par le veilleur de nuit avant de regagner son lit dans les communs.
Ensuite, celui des portes que la chambrière fermait l'une après l'autre en tirant les verrous. Le craquement de l'escalier de bois du second étage sous le poids de la cuisinière qui rejoignait sa chambre, suivi de celui- plus léger- de Philippe, le petit prince âgé de cinq ans, toujours prêt à défier l'autorité maternelle quand il s'agissait d'aller dormir. L'héritier voulait probablement rejoindre son compagnon de jeu, le petit Luis de Requensens.
Enfin, le faible grincement de sa propre porte quand la chambrière l'entrouvrit pour s'assurer que le "cadeau exotique" dormait. Dans la pièce voisine, la petite Marie pleura un peu et sa nourrice, Doña Leonora, fredonna quelques mesures d'une vieille berceuse pour l'endormir, puis Zia entendit craquer le lit sous le poids de la dame d'honneur. C'était fini: le palais avait cessé de vivre pour laisser entrer les bruits nocturnes de la nature environnante. Tout était en ordre, chacun des habitants de la demeure ayant emporté avec lui, pour la déposer jusqu'au retour du jour, sa charge de soucis et de peines. Seule Zia n'avait rien déposé, bien qu'elle essayât de toutes ses forces. C'eût été si bon d'oublier les tourments, les devoirs que lui créaient sa captivité pour n'être plus que ce qu'elle était: une enfant qui n'avait pas douze ans et qui ne connaîtrait plus jamais les câlins et l'affection d'un père, une âme trop meurtrie qui voulait vivre bien qu'elle n'en eût plus vraiment le courage. Qu'attendre d'une vie où il n'y aurait plus le rire de Papacamayo dont elle croyait entendre encore, en fermant les yeux, le son mélodieux et doux lorsqu'il jouait avec elle.
La pensée de la mort lui revint, comme elle lui venait trop souvent depuis qu'elle avait rencontré le capitaine général de la Nouvelle-Castille, Francisco Pizarro, et, ce soir, elle s'imposait avec plus de force que jamais. Si Zia disparaissait, ceux avec qui elle vivait et qu'elle aimait malgré tout continueraient à demeurer dans ce pays où ils se sentaient si bien. On l'enterrerait près de la chapelle Notre-Dame de la Victoire, afin qu'elle pût reposer en terre bénite, et l'Impératrice, ou l'une de ses suivantes, chaque matin, viendrait fleurir sa tombe avec des bouquets de lilas, de pivoines, de roses et de chèvrefeuille, d'œillets, de pervenches ou de perce-neige, selon les saisons. Oui, ce serait la meilleure des solutions, à condition que la mort vînt naturellement. Un suicide ne ferait que jeter l'opprobre sur la famille royale, à moins que sa disparition ne ressemblât à un accident? Les pêcheurs du pays disaient que le Llobregat avait d'étranges tourbillons, des courants violents et des creux profonds. Plus d'un imprudent s'y était perdu en se baignant.
Bien sûr, la saison ne se prêtait plus guère à la baignade. Les matins étaient frais et déjà brumeux si les couchers de soleil gardaient un peu de chaleur dans leurs pourpres et leurs ors. Ce serait tellement simple, tellement facile! Presque agréable? Juste un peu de courage pour faire les premiers pas, et puis s'étendre dans l'eau fraîche et se laisser emporter, rouler par elle jusqu'aux portes de l'infini.
Zia ferma les yeux pour mieux savourer l'idée qu'elle se faisait de cette façon de quitter le monde et ne s'aperçut pas que, à force de s'imaginer dans l'anéantissement fatal, elle finissait par s'endormir...
Une heure plus tard, à ce qui lui semblait, un bruit inhabituel la réveilla.

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Une angoisse subite la dressa assise sur son lit, le cœur battant et la sueur au front. La chambre était obscure, mais le vent s'était levé et le battant de la fenêtre tapait contre le mur. La jeune Inca rejeta le drap qu'elle avait gardé serré contre elle et voulut se lever pour aller refermer. Elle n'eut pas le temps de mettre les pieds à terre: le choc étouffant d'une couverture s'abattit sur elle et, aussitôt, elle sentit que quelqu'un l'encerclait et s'efforçait de la maintenir tandis qu'une corde se resserrait sur ses bras. Elle se débattit avec une énergie sauvage, hurla:
:Zia: : Au secours!... À l'aide!... Haaaaa!
Cherchant sa gorge à tâtons, des doigts étouffèrent ses cris, puis une voix masculine murmura:
:?: : Tiens-toi tranquille!
:Zia: : Non! Pour l'amour de Dieu!
À travers l'épaisseur de la couverture, Zia entendit encore la voix lui dire:
:?: : Laisse Dieu en dehors de ça! Je ne te veux aucun mal, alors ne bouge pas et tais-toi!
Comme la pression qui la maîtrisait semblait s'être relâchée, elle réussit à se débarrasser de l'épaisse étoffe. Les mains de l'inconnu s'abattirent en même temps sur les bras de Zia qui vit se pencher sur elle, attentif, le visage brun de son étrange agresseur. En dépit d'une bouche un peu forte, l'homme était beau grâce aux plus jolis yeux noirs que l'Inca eût jamais vus. La courbure de son nez avait de la fierté, comme d'ailleurs tous les traits de son visage, et il dégageait une odeur de marjolaine inattendue, car cette plante vivace ne supportait pas l'humidité combinée au froid.
Elle voulut de nouveau appeler à l'aide mais, au premier son, les doigts qui avaient lâché sa gorge se resserrèrent, étranglant le cri. Elle suffoqua, cependant qu'un voile vert tombait devant ses yeux. Avec un brutal désespoir, elle pensa qu'elle allait mourir là, étranglée par un quelconque bandit, bien que ce personnage semblait plus avide que cruel. Elle trouva tout juste la force d'un dernier gémissement avant de sombrer dans une totale inconscience.

☼☼☼

Après avoir perpétré son forfait, Mendoza descendit d'un étage, portant sans effort apparent un paquet sombre sur l'épaule. Inutile de rejoindre le rez-de-chaussée et risquer de tomber nez-à-nez avec un soldat en passant devant la salle de garde. Il espérait que la porte donnant sur ce palier-là serait possible à ouvrir. Il se souvenait d'avoir remarqué plus tôt dans la journée, alors qu'il évoluait parmi la foule, un balcon qui devait donner sur les appartements royaux.
S'il pouvait atteindre cette loggia que l'on utilisait pour suivre les spectacles de la rue, il réussirait peut-être à se laisser glisser jusqu'à terre. Mais il fallait y arriver.
Avec un luxe extrême de précautions, il pesa sur le grand loquet orfévré. La porte s'ouvrit facilement et sans bruit. Au delà, se trouvait une grande salle, mal éclairée par un chandelier posé sur une table miroitante, et qui semblait s'enfoncer à l'infini. Il s'y avança avec précaution, mais sans être obligé d'étouffer le bruit de ses pas. D'épais tapis couvraient un dallage sombre sur lequel les flammes des chandelles se miraient comme dans un étang. Le haut plafond était peint à la ressemblance d'un ciel étoilé et il ne manquait qu'un peu d'air pour imaginer que l'on était dehors. Partout des divans dorés, des coussins étoilés d'or eux aussi, et Juan se souvint d'avoir entendu son oncle vanter certaine "salle des étoiles" où la reine Isabelle donnait de somptueuses fêtes.
La traversée de cette pièce magnifique lui parut durer un temps infini. Pourtant, il y voyait assez clair pour ne heurter aucun des sièges ou autres meubles qui s'y trouvaient éparpillés.
Les appartements de l'Impératrice ne ressemblaient à aucun autre et le capitaine crut entrer de plain-pied dans l'un de ces fabuleux palais d'Orient décrits, jadis, par le voyageur Vénitien Marco Polo, et d'autres conteurs plus récents, ayant pu approcher les fastes turcs du Sultan. De son Portugal natal marqué par la splendeur des rois Maures, l'héritière de la dynastie des Aviz avait apporté le goût des pavements précieux, des plafonds sculptés et peints comme évangéliaires, des couleurs éclatantes. Les insignes de son époux- les deux colonnes d'Hercule et l'aigle à deux têtes de la maison des Habsbourg- frappaient le dessus des portes et le cuir des sièges. Partout, ce n'étaient que tapis précieux, coussins énormes, tentures de brocart et lits de parade tendus des plus riches étoffes. La vaisselle d'or, d'argent ou de vermeil, les aiguières et les coupes enrichies de pierreries surchargeaient les dressoirs et les crédences au point de fatiguer le regard. Et Mendoza, qui avait pu contempler à loisir le faste guerrier du roi Henri Tudor et sa splendeur pleine de majesté, finit par trouver que ce palais-là, si éloigné de l'élégance Anglaise, faisait un peu nouveau riche.
Le bretteur se souvint que son oncle, le cardinal Íñigo López de Mendoza, lui avait donné un écho de l'ambiance où vivait l'épouse de Charles Quint pendant l'hiver:
ILM: En ce qui concerne la façon dont se nourrit l'Impératrice, je te dirai, Juan, qu'elle mange froid et dans le froid, seule et sans parler, tandis que tous la regardent. Ce sont là cinq conditions dont une seule suffirait à me couper l'appétit.
On servait à la reine d'Espagne des melons d'hiver, des soupes, des pigeons, des abattis de porc, des canards et des chapons rôtis. Mais elle mangeait peu et buvait, une seule fois pendant le repas, de l'eau rougie. Trois dames la servaient à genoux à la manière Portugaise.
Cette existence compassée était orchestrée par le majordome, Don Pedro Gonzales de Mendoza, un homme guindé, extrêmement économe qui avait toute la confiance de Charles Quint. Il veillait sur la suite de l'Impératrice, formée de soixante-dix pages et de quarante dames d'honneur, toutes de très haute naissance. Parmi elles, il y avait la Portugaise Leonora Castro, épouse du chambellan royal François de Borgia, marquis de Lombay, héritier du duché de Gandie. Doña Leonora de Mascareñas, également Portugaise, amie d'enfance de l'Impératrice, veillait sur les deux enfants du couple. Le prince Philippe lui était très attaché et lui témoignait une grande affection.
Enfin, cessant d'égrener ses souvenirs, le mercenaire sentit sous sa main libre les bronzes d'une porte et faillit crier de joie: celle-ci ouvrait directement sur la loggia.
Mendoza avança lentement, rasant le mur peint à la fresque dans la crainte d'être aperçu de la rue, mais un silence total régnait au-delà de la balustrade de pierre sculptée. Il s'en approcha, se pencha mais ne vit rien. La longue artère, qu'éclairaient vaguement les deux pots à feu allumés au grand portail du palais de chaque côté du blason à l'aigle de pierre, semblait déserte et aucune lumière ne brillait sur le port. C'était assez rassurant, mais la hauteur où se trouvait la méniane l'était moins. L'obscurité donnait au Yeoman l'impression d'être au bord d'un abîme sans fond où il allait se briser. Mais il n'avait pas le choix et il n'était plus possible de retourner en arrière. Il fallait faire quelque chose même si, à première vue, le geste semblait dérisoire.
Déposant son fardeau afin de décrocher un rideau, il le déchira en deux sur toute la longueur, attacha les deux bouts aussi solidement que possible, puis noua le tout à la balustrade. Après quoi, il jeta Zia sur son épaule comme un sac de grains, enjamba le balcon en tournant le dos à la rue et saisit le voilage avec des mains qui tremblaient un peu... Les jambes aussi, d'ailleurs! Bien qu'il ait l'habitude de ce genre d'exercice, c'était une autre paire de manche avec un otage inconscient sur les bras. Il commença à descendre doucement. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Le premier étage d'un palais Espagnol, comme toute autre demeure seigneuriale, était d'au moins trois toises et la corde improvisée ne devait pas mesurer plus d'une toise et demie, compte tenu des nœuds qu'il avait fallu faire. Dans un instant, il faudrait sauter et le sol de la rue, pavé des cruels cailloux ronds du Llobregat ou du Besòs, n'était pas tendre.
Il fallut même sauter plus vite qu'il ne pensait. L'étoffe était en soie et le nœud central se défit quand il l'atteignit.
Ce fut la chute.
Épouvanté, Mendoza eut tout de même la présence d'esprit de protéger la tête de l'Inca et de ne pas hurler. Et pourtant, quelqu'un cria car, à sa surprise, il atterrit sur quelque chose de mou, ce qui adoucit beaucoup son arrivée.
Vivement relevé sous un déluge d'imprécations, il considéra avec stupeur l'homme qui s'était couché le long du mur du palais, à l'abri du vent, et sur qui il venait de s'écraser. Debout lui aussi, il montrait un visage rubicond hérissé de poils roux et des yeux furibonds.
:Mendoza: : Ciarán?
Ciarán: Juan?
:Mendoza: : Je... Je t'ai fait mal?
Ciarán: Plutôt, oui! Qu'est-ce qui te prend de me tomber dessus comme ça? Où étais-tu?
Mendoza était en droit de lui poser la même question. Connaissant l'oiseau, il devinait qu'avec le retour du soleil en fin d'après-midi, Poil-de-carotte était parti prendre l'air, sans doute en quête de quelques mignonnes à impressionner. Macken était un fin renard, son visage respirait la ruse. Pourtant, lorsque passait devant lui n'importe quel petit bout de femme, inévitablement, le renard se faisait paon.
:Mendoza: : Je n'étais pas loin... Ça fait longtemps que tu m'attends?
Ciarán: Pour sûr! Tu exagères! J'avais pourtant dit: "rendez-vous ce soir sur le port, à l'heure des complies". Voici belle lurette que le soleil est couché, mais je n'allais pas plier bagage sans toi, Hombre! Et ça, c'est quoi? Qu'est-ce que tu transportes encore?

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Laconique, il répondit:
:Mendoza: : Une jeune fille.
Ciarán: Tu joues les convoyeurs, maintenant? À qui est-elle destinée?
Pour toute réponse, le mercenaire se courba et l'enleva dans ses bras. Macken était certain, sans savoir pourquoi, que le capitaine ne l'accompagnerait pas. Il voyait que quelque chose avait changé chez son ami. Il comprit qu'il avait raison quand celui-ci commençait à chercher ses mots:
:Mendoza: : Je...
Ciarán: Allez, sois franc. Tu ne vas pas rentrer avec moi, c'est ça? Tu reprends ta liberté?
:Mendoza: : En quelque sorte...
Ciarán soupira:
Ciarán: Enfin!
:Mendoza: : Tu es content de me voir partir?
Ciarán: Voilà des jours que j'espérais cela! Et où vas-tu?
L'Espagnol haussa ses larges épaules.
:Mendoza: : Vers qui pourrait avoir besoin de moi. Peut-être le gouverneur Pizarro...
Ciarán: C'est peu d'importance, en fait. Ce qui compte, c'est que tu trouves ton bonheur...
L'Espagnol hocha la tête et esquissa un sourire. Il semblait écouter mourir en lui-même l'écho des dernières paroles de l'Irlandais. Ce dernier s'exclama:
Ciarán: Mais j'y pense! Que vais-je dire à Brandon?
:Mendoza: : Je ne sais pas moi...
Ciarán: Mmmm! Laisse-moi réfléchir... Je pourrai lui raconter que tu as passé l'arme à gauche.
Le mercenaire le regarda avec surprise. La stupeur le laissa sans voix un court instant.
:Mendoza: : Quoi? Qu'est-ce que cette fable? Moi, mort?
Ciarán: Ainsi, tu seras libre d'aller où bon te semble, sauf revenir à la cour d'Angleterre. Sinon, nous serions branchés tous les deux comme traîtres...
:Mendoza: : Mort... Mais dans quelle circonstance?
Ciarán: Et bien, le climat de Barcelone est malsain, tout le monde sait cela. Tu peux très bien avoir été victime de la fièvre des marais... Ou alors, imaginons qu'un homme se soit présenté au Conseil des Cent en t'accusant de t'être mis au lit avec sa femme pour trinquer du nombril. Évidemment, tu t'es défendu en disant que c'était faux, et l'autre t'a provoqué en duel. Suite à une lutte acharnée, tu as succombé en défendant ton honneur...
Juan ferma les yeux et secoua la tête.
:Mendoza: : Charles Brandon n'avalera jamais ça!
Ciarán: Quoi donc? Que tu te sois amouraché d'une femme mariée?
:Mendoza: : Non! Le fait que je sois mort lors d'un combat.
Ciarán: Et pourquoi pas? Après tout, si je n'avais pas été là, le gros Diricq de Melo t'aurait tué...
:Mendoza: : C'est vrai...
Les deux Yeomen restèrent pensifs quelques instants. La situation commençait à devenir gênante. Ils essayaient de bavarder amicalement, mais la nuit sentait les adieux et, entre deux phrases, ils évitaient de se regarder. Jusqu'au moment où le Catalan lança:
:Mendoza: : Ciarán, jamais je ne retrouverai un ami de ta trempe, si fidèle, toutes ces années durant. Tu me manqueras, bougre d'Irlandais! Mais peut-être un jour, un beau jour, nous nous reverrons, toi et moi...
Ces mots furent comme une grande bouffée d'air pur et vivifiant. Macken versa une larme contre la joue de Mendoza qu'il étreignit avec une profonde émotion.
:Mendoza: : Fais bon voyage...
Ciarán: Toi aussi.
Comme si c'eût été un effort immense, Macken se hissa sur son cheval. En un instant, ses épaules s'étaient voûtées et il eut dix ans de plus. Une fois en selle, il se retourna vers l'homme qui le regardait dressé au milieu de la chaussée.
Ciarán: Adieu, Hombre. Je ne peux rien te souhaiter de mieux que la paix du cœur mais il faut pour cela changer de route...
:Mendoza: : C'est ce que je m'apprête à faire... Adieu, Poil-de-carotte!
Au moment où ils allaient se séparer, l'Irlandais ajouta:
Ciarán: Une dernière chose, Juan. Là-bas, j'espère que tu y trouveras de la bonne chère, des vins comme tu les aimes et surtout des pouliches à ton goût!
L'Espagnol s'efforça d'essuyer, d'un mouvement d'épaule, la larme qui coulait le long de sa joue. L'heure de se quitter était venue.
Tout fut rapide ensuite.
Ayant franchi le portal Sant Daniel où les soldats de garde saluèrent son tabard d'un geste familier, l'Irlandais mit son cheval au galop pour le plaisir trop longtemps attendu de sentir le vent fouetter son visage. La campagne s'ouvrait toute grande devant lui, coupée par le tracé incertain de l'ancienne Via Augusta, la vieille route Romaine qui, partant de Cadix, passait via Barcelone pour rejoindre les Pyrénées et dont les dalles disjointes indiquaient le chemin, mais le rendaient dangereux pour les jambes équines. Aussi Macken préféra-t-il emprunter le large talus herbeux. Après quelques minutes de ce train d'enfer, monture et cavalier passèrent le Besòs en trombe, puis Ciarán serra les rênes pour calmer l'allure, et s'arrêta même afin de se retourner un instant. Il voulait s'accorder le plaisir de regarder une dernière fois la cité couronnée. En même temps, il envoya une dernière pensée chaleureuse, un regret même, car il ne le reverrait sans doute plus jamais, à Juan-Carlos Mendoza qui était son ami contre vents et marées...

☼☼☼

Le froid de l'eau qu'on lui jetait au visage ranima Zia. Elle toussa et voulut porter les mains à son cou qui la brûlait, mais les liens qui lui maintenaient les bras dans le dos l'en empêchèrent. Ouvrant péniblement les yeux, elle vit qu'elle se trouvait dans une pièce obscure et entièrement faite de planches qui lui donnaient assez l'air d'une énorme boite. Il y avait des tonneaux un peu partout. Une chandelle posée sur l'un d'eux coulait et fumait en dégageant une odeur âcre. Découpée sur un côté, une petite ouverture carrée laissait passer un peu de brume. Elle était couchée près d'une caisse, à même le sol, toujours vêtue de la chemise dans laquelle elle dormait. Une couverture, peut-être celle dans laquelle on l'avait ficelée, recouvrait le tout.
L'eau coulait le long de ses joues et de son cou, mouillant désagréablement ses cheveux noirs. Elle tourna la tête pour voir d'où elle lui était venue et poussa un cri de frayeur en essayant de reculer le plus loin possible mais la caisse de bois l'en empêchait: ce qu'elle découvrit était une ombre qui lui parut gigantesque à travers ses larmes.
:Zia: : Qui êtes-vous? Que voulez-vous?
De cette ombre vint une voix extraordinaire. Profonde comme la mer, elle avait l'épaisseur onctueuse d'un baume.
:Mendoza: : Parler, petite, simplement parler. Nous avons une longue route à faire ensemble. Elle sera ce que tu décideras: relativement agréable... ou très pénible. De toute façon, tu seras gardée étroitement et je ne te laisserai pas la moindre chance d'évasion.
:Zia: : Encore une fois, qui êtes-vous et où m'avez-vous amenée? On dirait que nous sommes dans la cale d'un bateau?
En effet, le cube de bois derrière elle bougeait imperceptiblement et l'on entendait au-dehors un friselis léger qui pouvait être celui de l'eau glissant contre une coque.
:Mendoza: : Bien deviné! Nous sommes en effet sur l'Esperanza, un honnête galion destiné aux échanges avec les colonies, sur lequel personne n'aura l'idée de te chercher, en admettant que l'on courre après toi!
Le ton sarcastique de l'homme à la cape bleue passa comme une râpe sur les nerfs tendus de Zia:
:Zia: : Ceux du palais? Qu'en avez-vous fait? Le prince Philippe n'est pas...
:Mendoza: : Mort? Pour qui me prends-tu? Quant à ceux du palais, comme tu dis, à l'exception d'un garde et d'un jeune énergumène aux cheveux filasses que j'ai dû assommer, bâillonner et enfermer, les autres se portent aussi bien que l'on peut se porter quand on dort comme un bienheureux. Je n'ai croisé personne car j'ai attendu que tout le monde soit endormi.
:Zia: : Vous avez enfermé Luis de Requesens? Mais il n'a que quatre ans!
:Mendoza: : Et alors? Il s'en remettra! J'espère pour lui qu'au matin, quelqu'un viendra le délivrer. Et si j'ai un conseil à te donner, c'est d'oublier tous ces gens. Il passera beaucoup de temps avant que tu ne les revoies... si même tu les revois un jour!
Zia se tordit pour essayer de libérer ses mains, mais réussit seulement à se faire mal. Son ravisseur vint se planter devant elle, plastronnant, les jambes écartées et les mains crochées dans le ceinturon qui lui serrait la taille, avec la satisfaction arrogante du brigand qui a réussi un beau coup. Il se pencha sur elle:
:Mendoza: : Si tu es prête à te tenir tranquille, je te libérerai... Mais pas maintenant... D'ailleurs, je te l'ai dit, tu seras surveillée jusqu'à ce que l'on quitte le port.
:Zia: : Alors, pourquoi m'avoir attachée?
:Mendoza: : Pour que tu comprennes mieux ce que tu risques!
Enlevant d'une main la couverture qui couvrait la jeune fille, il tira sa dague de l'autre et fendit la chemise trempée depuis le haut jusqu'en bas. Le tissu soyeux glissa de chaque côté, révélant le corps de Zia dans sa presque nudité. Seuls des caleçons d'une toile de Flandre d'assez belle qualité l'habillaient désormais. Instinctivement, elle ferma les paupières en les serrant très fort pour ne plus rien voir: ce qui était une réaction infantile, rien de très surprenant pour son âge. Elle ne voyait rien, en effet, mais elle sentit... Elle sentit les doigts durs de cet homme sur ses poignets. L'Inca se tordit pour échapper à ces mains qui prenaient possession d'elle et hurla:
:Zia: : Laissez-moi! Je vous défends de me toucher.
:Mendoza: : Ne dis pas de sottises! Tu es très mignonne mais bien trop jeune pour moi! Et puis tu vaux beaucoup d'or! Mon employeur a dit: vivante et en bonne santé! Pas de blessures, pas de mauvais traitements, sinon, il ne me paiera pas. Je voulais juste couper les liens de tes poignets pour que tu puisses te vêtir convenablement. Tu vas attraper la mort si tu restes dans cette chemise mouillée. Tiens! Tes vêtements et le reste de tes affaires sont là.
Zia soupira de soulagement et frotta ses chairs meurtries avant de se rhabiller. Elle passa ses bas, sa robe de tiretaine orangée, puis des chaussures qu'elle reconnut pour être celles qu'elle avait ôtées en allant se coucher. C'était loin d'être le Pérou, mais ainsi vêtue, elle se sentit mieux, et surtout plus en sécurité.
Mais ce sentiment ne dura pas car l'homme lui attacha de nouveau les mains derrière le dos.
:Mendoza: : À présent, tu vas entrer là-dedans!
Mendoza désigna la caisse de bois avec un sourire narquois que la jeune fille jugea parfaitement détestable. Elle protesta:
:Zia: : Mais pourquoi? Je suis déjà ligotée.
:Mendoza: : En effet mais hormis mes hommes et moi, personne ne doit savoir que tu es là. Sois sans crainte, cela ne durera pas.
Il n'y avait aucun moyen de refuser, le rapport des forces n'étant vraiment pas en sa faveur.
:Mendoza: : Et puis, je dois m'absenter. J'ai donné rendez-vous à quelqu'un sur le port. Un garçon ayant à peu près ton âge et possédant le même médaillon que toi. Il viendra te rejoindre un peu plus tard... s'il se montre. Allez! Assez posé de questions. Hop!
Les yeux de l'Inca n'étaient plus qu'une interrogation angoissée. Elle tremblait à la fois de froid et de peur, car ce sombre visage n'avait rien de rassurant, pourtant ses bras avaient beaucoup de douceur lorsqu'il la souleva pour la déposer dans la boite. Ramassant la couverture, il l'en recouvrit ensuite.
:Zia: : Merci... Me direz-vous qui vous êtes et quel...
:Mendoza: : Ne parle pas! Dors!
:Zia: : Comment pourrais-je dormir dans la situation où je me trouve? Ne comprenez-vous pas...
:Mendoza: : Tu vas dormir. Avec ça.
Pendant que, dans la chambre du père Rodriguez, Estéban se relevait sur un dernier signe de croix, le Yeoman tira de son aumônière une petite boite d'argent d'où il sortit une pilule brune qu'il mit dans la bouche de la jeune fille. Puis, prenant un pot d'eau posé dans un coin, il lui en fit boire une gorgée. Ensuite, il répéta:
:Mendoza: : Dors! Je ne serai pas loin.
La drogue devait être puissante car à peine l'eût-elle avalée que Zia sentit son corps se détendre sous l'influence d'une torpeur qui n'était pas désagréable. Avant de fermer les yeux, elle eut le temps de sentir un bâillon recouvrir sa bouche et voir l'homme à la cape bleue refermer le couvercle de la caisse sur elle.

☼☼☼

Il était plus de minuit, à présent. Pourtant, en dépit de la journée harassante qu'il venait de vivre, consécutive à quelques autres qui ne l'étaient pas moins, Mendoza ne pouvait pas encore aller dormir. Il était là, sur le port, attendant devant l'étambot de l'Esperanza, regardant le grand ciel bleu sombre, piqueté d'étoiles, dans lequel l'ombre des arsenaux royaux tout proches découpaient un ruban scintillant. Avec une certaine appréhension, il respirait à pleins poumons l'air humide qui charriait des odeurs de poisson, d'huile et de bois brûlé en se tenant le menton.

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:Mendoza: : Toujours rien! Il ne vient pas...
De dépit, il se tourna face à la mer.
:Mendoza: : Et dans quelques heures, ce sera l'aube.
Le reflet de la lune scintillait depuis l'horizon jusqu'à la rive et se perdait dans l'écume des vagues qui se brisaient sur la plage, située un peu plus loin.
Le navigateur laissa le murmure des rouleaux l'envelopper.
Les quais étaient déserts. Aucun bruit ne se faisait entendre en ville. Barcelone était silencieuse comme si elle retenait son souffle. On n'entendait ni le vol d'un oiseau, ni l'aboiement d'un chien, sinon le grincement d'une porte mal fermée qui battait quand le vent soufflait un peu plus fort.
Combien de temps resta-t-il ainsi, les sens aux aguets, écoutant la tramontane s'engouffrer sous les arcades ouvertes servant de passage et bordant les rues de la cité? Il était impossible de l'évaluer mais, de toute façon, il ne fermerait pas les yeux avant que viennent Estéban et le jour... Et puis, tout à coup, dans le silence qui bourdonnait, il y eut un faible bruit.
Mendoza fit volte-face.
:Mendoza: : Hein!
Rien. Le marin balaya le port du regard, du Puig des Falsies à Santa Clara. Son attention revint sur la calle del Mar.
Depuis le temps qu'il était là, ses yeux s'étaient accoutumés à l'obscurité et il distingua vite une forme noire, plus noire encore que la nuit, qui courait dans sa direction.
C'était Estéban, venant vers lui comme un voyageur perdu et découvrant soudain une étoile dans le ciel noir. Tout sourire, regard assuré et nez au vent, le garçon ne sentait pas l'air froid lui caresser le visage et il eût aussi bien traversé les flammes pour atteindre son but tant était grande sa certitude que ce voyage le mènerait à son véritable père.

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Le Yeoman sourit.
Quand il fut devant l'adulte, l'enfant ne dit pas un mot, mais leva la tête vers lui en haletant, encore sous le coup de sa course. Il fallait à tout prix qu'il retrouvât son souffle et qu'il laissât à son cœur le temps de se calmer.
Le dominant de sa haute taille, Mendoza fit:
:Mendoza: : Tu as pris la bonne décision, Estéban!
Tournant son regard vers la poupe du bateau, il porta le pouce et l'index à sa bouche et siffla.
Une aussière fut lancée depuis la dunette et le capitaine l'attrapa au vol.
:Mendoza: : Allez, vas-y, grimpe!
Avec décision, Estéban sauta pour attraper la corde. Il releva les jambes et la coinça entre ses chevilles puis vérifia la solidité de ses torons, ce qui fit sourire le marin. Le jeune garçon se mit à escalader. Il y arriva sans trop de peine. Parvenu en haut, deux inconnus le réceptionnèrent.

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Réduisant la longueur de corde, le marin s'élança dans les airs. À mi-chemin, il prit appui sur le gouvernail et termina sa course sur le pont de dunette.
Mendoza jeta négligemment la corde. Estéban garda le silence tandis que l'homme ressemblant à un singe annonça:
:Pedro: : Ça va. Tout le monde dort à poings fermés.
L'autre renchérit:
:Sancho: : Il faudrait un caca... un canon pour... pour les réveiller.
Se penchant vers l'enfant, le mercenaire expliqua:
:Mendoza: : Hier soir, nous leur avons distribué assez de vin pour qu'ils dorment profondément.
S'emparant d'une lampe à huile, il invita le fils du soleil à l'accompagner:
:Mendoza: : Allez! Suis-moi, Estéban!
:Esteban: : Oui.
Ils descendirent un premier escalier, donnant sur le gaillard d'arrière, Mendoza faisant sonner le plancher sous le talon ferré de ses bottes, puis, un second. Au milieu du navire, des marins, de pauvres diables avinés, gisaient sur le pont, contre les parois ou le long des prélarts*. L'Élu enjamba l'un d'eux avec prudence.
Le capitaine se présenta devant l'ouverture menant aux ponts inférieurs. Sans qu'un seul mot ne franchisse ses lèvres, il désigna au gamin l'échelle qui descendait d'un seul jet jusqu'à la cale.
Estéban passa donc le premier et entendit toujours sonner derrière lui les pas du navigateur. C'est escorté de sa présence vigilante qu'il arriva en bas. Ici, on n'entendait plus que les craquements sinistres du navire.
:Mendoza: : Nous allons appareiller dans quelques heures... Reste ici. Après notre départ, je viendrai te chercher. On ne pourra plus te débarquer.
:Esteban: : D'accord.
:Mendoza: : À tout à l'heure.

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Livré à lui-même pour la première fois, Estéban s'employa à faire le tour du propriétaire. Mais il faisait noir comme dans un four et lorsqu'il se cogna contre une caisse, il ne s'aventura pas plus loin et s'assit, attendant patiemment que le sommeil vienne le cueillir.

☼☼☼

Quand Zia rouvrit les yeux après un temps impossible à évaluer, l'étroite cellule de bois était éclairée par un rayon de soleil rouge et horizontal qui annonçait son lever. Mais à l'intérieur de sa prison, l'obscurité était totale. Enfouie sous sa couverture, elle pouvait néanmoins aspirer l'air tiède toujours chargé de senteurs marines.
Sa bouche sèche et une pénible sensation de nausée la rappelèrent à une pesante réalité. Il fallait qu'elle trouve un moyen de quitter ce bateau et d'échapper à ces ennemis inconnus qui l'emmenaient on ne sait où. Peut-être en Afrique? L'homme, hier, avait parlé d'un galion, de colonies et avait dit qu'elle valait beaucoup d'or. Se pouvait-il que ces gens l'eussent enlevée pour la vendre comme esclave à quelque Sarrasin?
Pour évaluer ses chances, elle se redressa. Le couvercle de la boite était fermé, bien sûr, mais ne semblait pas très solide. Il avait cet aspect fragile, un peu branlant des battants qui ne tiennent que par un loquet. Peut-être serait-il possible de le soulever en poussant avec son dos.
Isocrate avait écrit quelque part: "Il ne faut pas se décourager quand on doit s'exposer au danger pour une juste cause." Se souvenir de cette phrase lui apporta un réconfort. Ses chers philosophes Grecs savaient toujours ce qu'il fallait dire et ils correspondaient bien davantage à son tempérament combattif que les préceptes résignés de l'Évangile. Platon disait qu'il fallait fuir sans se retourner la compagnie des méchants alors que le Christ, ce Dieu qui à présent était le sien, recommandait d'aimer son prochain comme soi-même. Or il était impossible à Zia d'avoir pour son ravisseur des sentiments amicaux.
La jeune Inca fit une première tentative. Sans qu'elle ne le sache, la secousse et le bruit qu'elle produisit réveillèrent le garçon qui dormait à l'extérieur. Estéban se redressa et se frotta les yeux. Quelques secondes plus tard, le même grabuge recommença. Assis en tailleur devant la caisse, il tourna la tête à droite et à gauche, cherchant d'où pouvait provenir un tel raffut. Il se rendit compte que cela venait de derrière lui et tressaillit.
:Esteban: : Ah!
Le couvercle bougeait de plus en plus.
:Esteban: : Mais...mais...mais qu'est-ce que c'est?
Il déglutit, se releva et tenta d'ouvrir la boite.
:Esteban: : Y'a quelqu'un?
Le fils du soleil reprenait courage, empoigna les bords et souleva de toute la force de ses petites mains le panneau de bois. C'est alors qu'une chose informe surgit. Éprouvant une seconde de peur, le garçon recula et hurla comme une femme nerveuse jette un cri.
Puis, la couverture glissa, révélant la personne qui se trouvait en-dessous.

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Pliant sur ses jambes et se laissant tomber à genou, Estéban pointa cette inconnue du doigt et, d'un ton mal assuré, bégaya:
:Esteban: : T-t-t-t-toi!
Posté sur le gaillard d'avant, Mendoza se retourna en arborant un sourire en coin.

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Ses deux protégés venaient de faire connaissance.
Estéban allait certainement satisfaire la curiosité de Zia quant à leur destination. Le navigateur espérait seulement qu'il n'en dévoile pas trop.
Décidé à quitter l'Espagne, il fit quelques pas en direction du mât de beaupré et leva les yeux vers le ciel. Un ciel d'un bleu délicat que l'incandescence du soleil, prêt à prendre ses quartiers, n'avait pas encore blanchi. La journée promettait d'être belle. Elle avait ce matin la gloire triomphante de la jeunesse. C'était un temps pour aller se promener dans Barcelone, un temps pour lire de jolis vers à l'ombre d'un arbre ou simplement pour respirer les roses en tenant par la main la dame de son cœur... un temps pour le bonheur et la joie de vivre, enfin...
Mendoza éprouva immédiatement une intense fatigue, rançon obligatoire de l'emploi de ses réserves, dont le prix aurait pu lui sembler bien doux à payer, s'il n'avait eu autant envie de dormir. Il avait trop tiré sur la corde, ces derniers temps.
Il gagna sa cabine et parvint tout juste à retirer sa cape et ses bottes avant de s'écrouler sur son lit. Il sombra instantanément dans un sommeil profond, n'entendant même pas le feu d'artifice, tiré pour le départ.
La première partie de sa nouvelle mission allait pouvoir enfin débuter. Et celle-ci consistait à rejoindre Tumbes en un seul morceau. Mais il était écrit sur le grand livre du destin qu'il n'était pas encore au bout de ses peines...

FIN... (si on peut dire...) ;)

*
*Prélarts: Bâches goudronnées dont on se sert pour préserver de l’eau des marchandises.

Voilà! Je ne vais pas écrire la suite de l'histoire, vous la connaissez déjà...
J'espère avoir pu vous divertir avec ce préquel en attendant la diffusion de la saison 4.
Portez-vous bien!
Modifié en dernier par TEEGER59 le 23 nov. 2020, 22:19, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par IsaGuerra »

Et bien voilà une "fin" bien réglée ^^
Philippe, le petit prince âgé de cinq ans, toujours prêt à défier l'autorité maternelle quand il s'agissait d'aller dormir. -> Sur le coup j'ai cru que c'était lui qui avait été assommé au chapitre précédent
La partie enlèvement de Zia est franchement bien faite bien joué ;)

Encore une jolie fic ! ;)
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Bravo Teeger pour cette nouvelle fanfiction menée à son terme.
Un récit rondement mené et captivant qui nous aura fait faire un beau voyage historique et géographique et découvrir la genèse bien imaginée du capitaine.
Une fiction passionnante qui nous aura fait patienter et tenir en haleine jusqu’à la saison 4.

J’ai bien aimé aussi ce dernier chapitre.
Un joli dessin original de Zia avant sa capture.
Un adieu émouvant avec l’Irlandais.
Pedro avec une tête de singe...
Et pas touche à Zia !

Merci pour ce très long travail de rédaction.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Tika »

Great ending to a great fanfic. I really like the way zias kidnapping was handled. :-@

Why is he such an expert at strangling people? Did he learn that in yeoman training? :lol:
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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Thank you very much, Tika.
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