Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Une séquence romantique.
Un bon repas.
Enfin un peu de paix.
Et bientôt de nouvelles aventures.
Mais un projet de vengeance tenace digne du Comte de Monte Cristo.
Beau chapitre. « Je ne dirais pas mieux ».
Modifié en dernier par yupanqui le 11 juil. 2020, 13:51, modifié 2 fois.
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Message par Este »

Vivement la suite !!
Saison 1 : 18/20 :D
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Message par TEEGER59 »

yupanqui a écrit : 11 juil. 2020, 10:21 Correction automatique : déclarer sa flamme et non sa flemme !!! :x-):
Oh, purée! C'est fait, merci.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

TEEGER59 a écrit : 11 juil. 2020, 10:35
yupanqui a écrit : 11 juil. 2020, 10:21 Correction automatique : déclarer sa flamme et non sa flemme !!! :x-):
Oh, purée! C'est fait, merci.
Moi je déclare ma flemme pour ma fanfic !! Mais bon...
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

S’il déclare sa flamme à sa femme...
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Message par Este »

Qui elle-même a la flemme...
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Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 26.

Espagne, Catalogne, la cité couronnée.

Le portail les transporta immédiatement à l'intérieur de la capitale. Une atmosphère froide et sombre attendait les deux hommes. Ils pouvaient sentir dans l'air des odeurs de bois, de fer et de chanvre. Théophraste jubila:
Théo: Comme je l'avais dit!
:Mendoza: : Enfin presque... Nous sommes dans les arsenaux royaux. Et heureusement, à cette heure, les Reials Drassanes sont fermés.
Théo: Morgane a sans doute voulu que notre arrivée se fasse de la façon la plus discrète possible, à l'abri des regards. Tu vas pouvoir te repérer?
:Mendoza: : Je connais bien la ville. J'y ai vécu, il y a longtemps. Merci de ton aide, Théo, je n'oublierai pas.
Tout en parlant, ils avancèrent de quelques pas. Les splendides entrepôts, exempts de colonnes, aux plafonds élevés et aux arcades géantes, hébergeaient la construction de navires de guerre.

59.PNG

Les rayons de la lune qui filtraient par les fenêtres reflétaient la poussière suspendue, de petites particules de bois qui ne tardèrent pas à faire tousser le mage.
Théo: Avant que nous nous séparions, mon ami, dis-moi... Qui es-tu vraiment? Que viens-tu faire ici? Je devine quelque chose d'important et je brûle de curiosité. Nos aventures t'ont démontré que tu pouvais me faire confiance. Si j'avais voulu te nuire, j'aurais déjà amplement pu le faire. Mon aide, que tu as toi-même évoquée, mérite bien cette petite récompense, non?
L'Espagnol hésita un moment avant de livrer la vérité. L'instinct l'avait emporté sur la raison:
:Mendoza: : Mon vrai nom est Juan-Carlos Mendoza...
Agitant les mains, le mage l'interrompit aussitôt:
Théo: Mendoza... Ce nom me dit quelque chose... Mendoza... Mendoza... Non! Je n'y crois pas! Celui que l'on appelait Moustique! Alors ça, c'est la meilleure! Si je m'attendais... Une sombre affaire, si je me souviens bien. Lors de mon passage en Espagne, afin de rencontrer les Alumbrados*, on avait annoncé ta mort et celle de Jaume Fiella, le doyen du siège de Barcelone. Mais le Conseil des Cent avait réussi à étouffer la chose sans jamais donner de détails. Toutes ces années... Où étais-tu donc passé?
Mendoza se permit d'en dire plus. Il ne se reconnaissait plus.
:Mendoza: : Depuis dix ans, j'ai vécu comme capitaine des gardes, au service de la maison Tudor. Je suis aujourd'hui revenu ici, chez moi, afin de démasquer le véritable assassin de l'abbé Fiella. Le traître qui m'a fait accuser à sa place et qui a cru me tuer!
Paracelse siffla d'étonnement. Pendant quelques instants, lui d'ordinaire si volubile, ne parvenait à trouver ses mots, et dut se contenter d'agiter ses doigts en silence. Il parvint pourtant à retrouver sa contenance, la malice illuminant son regard:
Théo: Par Herta! Et puisque tout le monde te croit mort, personne ne devrait se douter de ton retour. Tu peux compter sur moi pour ne rien révéler! Cela dit, j'ai bien envie de rester pour assister à la suite, qui risque d'être... sportive! Je ne peux toutefois échapper à mes responsabilités. Je vais donc rentrer chez Morgane et emmener ma petite troupe dans les forêts du pays de Vaud. Et tout de suite après, je m'occuperai de Macumba et de son installation chez les Suisses. Si elle daigne m'accorder son attention, qu'il va être difficile de capter, je gage! Et ça ne sera pas mieux avec Hans. On va bien rire en rentrant, Peter et moi. On pourra toujours jouer aux dés, encore qu'il ait retrouvé son loup... Tant pis! J'en profiterai pour me reposer et ensuite, je reprendrai la route, seul. De toute manière, j'avais l'intention de me rendre à Appenzell.
Le mage, ayant retrouvé sa faconde habituelle, poursuivit sous le regard amusé de son interlocuteur.
Théo: Je prends une telle confidence de ta part pour une marque de confiance, Juan-Carlos. Elle m'honore.
:Mendoza: : Tu ne m'en veux pas de t'avoir "menti" durant tout ce temps?
Théo: Ce n'était pas vraiment un mensonge. Disons plutôt une demi-vérité. Tu n'as fait qu'angliciser ton nom. Pas besoin d'avoir fait de grandes études pour s'en apercevoir. Mais un conseil: Ne sois pas un autre si tu peux être toi-même*. Une dernière chose: sache que je n'ai rien contre les Anglais. Eux et les Suisses ne sont pas impliqués dans les luttes de pouvoir, enfin pour ce que j'en sais. Nous sommes un peu des cousins, pourrions-nous dire. Un peu comme toi et moi. J'espère que lorsque nous nous reverrons, il ne sera question que de fêter cette chance!
:Mendoza: : Pour un médecin, tu es un sacré personnage, Théo!
Théo: Pourquoi? Parce qu'en tant que tel, je ne porte ni la robe ni le bonnet rouge qui sont pourtant les attributs de mon rang? Parce qu'en plus de mes compétences, j'ai acquis un mode de vie auquel je resterai toujours attaché, mais qui est si inhabituel qu’il me cause beaucoup de tort, surtout de la part de mes confrères? Il faut dire que je leur ressemble si peu que je les mets constamment mal à l’aise.
Comme il le disait lui-même, Théophraste ne supportait pas les rubans et les fioritures: c'étaient des manières de femme ou de courtisan… Surtout, il avait su garder une simplicité de parole qui pouvait être interprétée comme de la provocation. Mendoza pouvait comprendre facilement cette habitude: à la guerre tout était urgent, on n’avait pas le temps de mâcher ses mots. Sous le tir de l’ennemi, le savoir-vivre bourgeois n’avait pas sa place, seule l’efficacité comptait. Et il fallut bien reconnaître que, si tout lui était reproché quant à la forme, bien peu de ses opposants osaient l’attaquer sur ses résultats.
Ce fut sans doute en Angleterre que le savant réalisa les possibilités d’étude qu’offrait une armée en campagne, pour celui qui désirait approfondir et mettre en pratique ses connaissances médicales. En effet, les cours d’anatomie, à l’université étaient nettement insuffisants et le médecin moyen était particulièrement démuni, face aux blessures graves. C’est pourquoi Paracelse, faisant fi du mépris qu’avaient les Docteurs pour cette profession jugée subalterne, s’était engagé comme barbier chirurgien. C’est l’armée Hollandaise qui l’avait accueilli tout d’abord. Au cours des déplacements de celle-ci, il avait approfondi ses connaissances sur le terrain, d’une part, et, de l'autre, il avait recueilli ici et là toute l’essence d’une médecine ignorée des milieux officiels. Des médicaments chimiques ou alchimiques aux secrets ésotériques et mystiques sur la guérison spirituelle, en passant par les conjurations, les contre-envoûtements des sorciers de villages et les remèdes de bonnes femmes, de l’utilisation des plantes courantes aux substances précieuses et presque introuvables, il avait tout recueilli minutieusement, avec le respect de celui qui sait que le médecin ne devait rien rejeter à priori et que même le moyen le plus incompréhensible ou le plus inattendu pouvait parfois sauver une vie. Chaque jour, à chaque bataille, pendant huit ans, il avait travaillé avec acharnement. C’est sans doute des observations qu’il fit pendant cette période que naîtra un de ses ouvrages majeurs : La Grande Chirurgie, qu’il publiera en 1536.
Théo: Prends garde à toi, Moustique! Surveille tes arrières. Tu vas mettre les pieds dans un sacré nid de serpents!
Le visage de Juan s'illumina d'une joie sauvage, presque sanguinaire.
:Mendoza: : Si tu savais comme j'ai attendu ce moment... C'est mon obsession, depuis dix ans! Mais c'est mon affaire. Va en paix, Théo...
Avant que le mage ne puisse répliquer, Mendoza disparut derrière la coque d'une galère.
Le savant haussa les épaules devant cet adieu soudain. Il frémit, songeant à l'expression impitoyable qu'avait pris le visage du mercenaire. Soudain, le psaume 76 de la Bible lui vint à l'esprit:
"Toi, toi le Terrible! Qui tiendra devant ta face, sous le coup de ta fureur? Des cieux tu fais entendre la sentence. La terre a peur et se tait quand Dieu se lève pour le jugement..."
À aucun prix, il n'aurait voulu se trouver à la place de ceux que le farouche Espagnol tenait pour ses débiteurs. En aucune façon!
Il en avait fini avec cette cité. Il lui tardait de se retrouver hors de ces murs, qu'en bon campagnard, il trouvait aussi inutiles qu'étouffants. Théophraste retourna au portail et le franchit sans plus attendre pour rejoindre la vallée de ses deux amies. Peut-être resterait-il un morceau de ce succulent gâteau?

À suivre...

*
*Alumbrados: Société secrète apparue en Espagne vers 1509, imprégnée d’une philosophie particulière, sorte de synthèse ésotérique entre le Soufisme et le Christianisme. Pour la petite histoire, il faut signaler que beaucoup de partisans de cette école de pensée furent brûlés vifs… https://fr.wikipedia.org/wiki/Alumbrados
*Citation de Paracelse.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 14 juil. 2020, 00:20, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
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Message par yupanqui »

Mendoza dit ses secrets !
Bel intermède.
Et un petit couplet historique sur l’histoire de Paracelse.
Modifié en dernier par yupanqui le 14 juil. 2020, 14:29, modifié 1 fois.
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Message par Este »

Rien à rajouter yupanqui !!
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Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 27.

Sortant des arsenaux construits adossés aux secondes murailles médiévales de la ville, à la manière d'une grande fortification militaire, Mendoza se retrouva devant la façade maritime.

60.PNG

Quelques feux de joie brûlaient non loin, autour desquels des gardes étaient postés. Du couvent de Framenors jusqu'à la tour Regomir, les bateaux se dressaient, silencieux, illuminés par la lune, regroupés sur la plage. Et, cette nuit, ils étaient tous là. Tous! Les petits: felouques, esquifs et gondoles. Les moyens: chaloupes, barques castillanes, tafureas, calaveras, saetias, galiotes et barquants, puis pour finir, quelques grandes embarcations: nefs, navetes* et galères, qui malgré leur taille devaient arrêter de naviguer, par interdiction royale, entre les mois d'octobre et d'avril.
Ornée de guirlandes, de drapeaux, de rubans et autres multiples décorations pour les trois semaines de la Feria de Santa Lucía, la cité couronnée rayonnait comme une jeune mariée le soir de ses noces.
Juan-Carlos Mendoza était de retour là où tout avait débuté. Il allait pouvoir passer aux choses sérieuses. Enfin! Longtemps jugulé, le désir irrépressible de vengeance qui couvait jusqu'ici prit de l'ampleur, étendit ses ailes griffues, vrillant chacun de ses nerfs. Sa mission de Yeoman n'était plus si importante à présent. Elle se trouvait remisée au second plan, même si le mercenaire espérait encore accomplir l'une et l'autre. Les deux étaient liées, en effet. Elle faisait partie d'une stratégie d'ensemble, élaborée par le seigneur Charles Brandon sur les suggestions du Catalan. Un dû pour Mendoza, en quelque sorte. Le jour de leur rencontre, en 1523, alors que les Anglais envahissaient la Picardie, le duc de Suffolk lui avait promis qu'il pourrait bientôt prendre sa revanche. Il tenait enfin parole, après dix ans de bons et loyaux services à la cour d'Angleterre. L'Espagnol lui en avait longtemps voulu de lui avoir imposé cette longue attente. Mais les années passées l'avaient endurci et n'avaient fait que renforcer sa détermination à retrouver les traîtres responsables de son exil.
:Mendoza: : Serai-je capable d'aller jusqu'au bout, de mener de front ma vendetta et mon devoir? Oh, que oui! (Pensée).

☼☼☼

Ici, l'air était nettement plus frais que dans la vallée cachée de la petite fée Morgane. Les nuages hérauts de l'hiver commençaient à faire leur apparition mais Mendoza n'était pas gêné pour autant, ses nouveaux vêtements le protégeant efficacement du froid.
Il prit quelques instants pour se repérer et constater qu'il n'avait pas oublié la configuration des lieux. D'ailleurs, le tracé ordonné de la cité lui facilitait la tâche.
Au nord, Jonqueras, Nou et, du côté de la mer, San Daniel, les trois grandes portes d'entrées de la capitale donnant sur les Pyrénées. Les bâtiments ramassés en pierre abritant le couvent de Santa Clara et le quartier du commerce formaient l'un des endroits les plus animé de la ville.
Au sud, au-delà des remparts et de la porte Trencaclaus, la colline de Montjuïc dominait la ville et le nouveau port de Barcelone.
À l'ouest, la masse sombre du massif montagneux de la Collserola séparait la plaine de la Vallès du monastère de Pedralbes. Grâce à l’un de ces privilèges, l'édifice religieux était sous la protection directe de la ville, par le Conseil des Cent, qui s’engageait à le défendre en cas de danger.
À l'est, le barrio de la Ribera de la Mar, où l'on avait construit l'église en l'honneur de la Vierge Marie, s'était développé comme un faubourg de la Barcelone carolingienne, entourée et fortifiée par les anciens remparts Romains. Au départ, il s'agissait d'un simple quartier de pêcheurs, portefaix et humbles de tout poil où s'élevait une petite église, Santa Maria de las Arenas, à l'endroit où avait été martyrisée en 303, supposait-on, sainte Eulalie. La modeste paroisse devait son nom au sable de la plage sur lequel elle avait été édifiée. Toutefois, la sédimentation, qui avait rendu impraticables les anciens ports de la ville, repoussa les bancs de sable qui formait la ligne côtière de l'église, jusqu'à lui faire perdre sa dénomination originale. C'est pourquoi elle fut alors rebaptisée Santa Maria del Mar. La côte s'était éloignée d'elle mais pas les hommes qui vivaient de la mer et la vénéraient.
Au fil du temps, Barcelone dut également chercher de nouveaux terrains extra-muros où installer la bourgeoisie toujours croissante qui ne pouvait plus s'établir dans l'enceinte Romaine. Des trois frontières de la ville, riches et puissants choisirent celle de l'est.
Enfin, au centre, bordé par El Raval et le barrio de la Ribera: El Gòtic.
Construit lui aussi sur l'ancienne muraille médiévale du Barcino, le palais de Requesens*. Là où se trouvait l'objectif final de la mission de Mendoza...
Le palais où, malgré ses dix-huit ans, il avait fait ses classes d'apprenti écuyer. L'endroit où tout avait commencé. Si proche et pourtant encore inaccessible. Chargé de souvenirs, de nostalgie.
:Mendoza: : Aujourd'hui, le passé rejoint le présent. (Pensée).
Et ce n'était nullement pour lui déplaire.
:Mendoza: : Le présent vengera le passé... (Pensée).
Juan en fit le serment mais dut s'avouer:
:Mendoza: : Étrange tout de même que de se retrouver ici après cet exil de dix années.
Il se sentit soudain engourdi, désorienté. Mais une formidable exaltation chassa bientôt ce sentiment. Il était de retour! Il allait enfin pouvoir régler ses comptes. Avec dix ans d'intérêts pour faire bonne mesure.
Après avoir réajusté le col de sa cape, sans plus hésiter, il tourna le dos à la mer et remonta La Rambla afin de se diriger vers les bas quartiers. Il sillonna la grande avenue, à revoir les lieux de son enfance et de son adolescence qui avaient si longtemps fait partie de sa vie. La ville avait peu changé pendant la décennie qu'il avait passé à l'étranger. Malgré la crise, la fourmilière demeurait très active. Barcelone était toujours ouverte sur la mer, protégée seulement par les tasques*. Il s'inséra à contresens dans le flot de promeneurs en route pour les tavernes du port. Les festivités battaient leur plein. Les larges artères du centre de la ville étaient parcourues par une foule joyeusement désordonnée et personne ne prêtait attention à sa haute silhouette. Malgré l'heure avancée, musiciens ambulants, camelots, jongleurs, fêtards se croisaient avec une bonne humeur contagieuse. Durant toute la durée du marché de Noël, la fête serait la reine des jours et surtout des nuits. Tout en avançant, Mendoza scruta la foule. Elle était principalement composée de marins, d'ouvriers de femmes et d'enfants. L'Espagnol aurait tant aimé reconnaître, parmi les plus jeunes, le gamin à qui il avait subtilisé le médaillon qu'il gardait toujours dans son aumônière. Peut-être celui-ci se trouvait-il toujours aux bons soins de l'homme à qui il l'avait confié.
:Mendoza: : Comment s'appelait ce père, déjà? Fernández? Giménez? Martinez? Ah! Je ne m'en souviens plus... (Pensée).

☼☼☼

El Raval ne bénéficiait pas d'autant d'attentions que les quartiers voisins: moins d'éclairage, moins d'apprêts, moins de sécurité. À lui seul, il était aussi grand que le Barri Gòtic et la Ribera réunis. Avec ce qu'il fallait d'encombrement, de saleté et de désordre. Il faut dire que les déchets et les eaux putrides de la ville s'amoncelaient dans le petit ru qui coulait juste à côté de La Rambla. Il y a un peu plus d'un siècle, c'était déjà un égout à ciel ouvert nommé poétiquement Cagalell*.
:Mendoza: : Pouah! Quand vont-ils se décider à l'assécher?
À cause du terrain accidenté, il débordait sans arrêt, et les eaux stagnaient jusqu'à ce qu'un fonctionnaire de la voirie se décide à faire creuser une dérivation et à pousser les ordures vers la mer. C'était alors que le Cagalell sentait le plus mauvais.
Mais les services municipaux économisaient leur zèle pour les quartiers riches.
Le Catalan avançait toujours, les pans de sa pelisse ondulant derrière lui tels des serpents de noirceur.

61.PNG

Il évoluait au milieu d'un dédale d'immeubles de deux ou trois étages, penchés, de rues étroites, sinueuses, au pavage imparfait, où il valait mieux garder un œil derrière son épaule.
Jouxtant le quartier peu fréquentable des trafiquants, des prostituées et des maisons closes, devait, d'après ses instructions, se trouver l'officine d'un marchand nommé Pacheco. L'ultime maillon du réseau établi pour lui permettre de réaliser sa mission: rien de moins qu'abattre l'un des seigneurs du Conseil des Cent!
La nuit était tombée depuis son arrivée dans la capitale. Après une bonne demi-heure de marche, le capitaine s'arrêta dans l'obscurité d'un bâtiment. La boutique se situait au coin d'une rue déserte. Le Yeoman attendit patiemment. À part quelques rats, il n'y avait pas âme qui vive.
Les vitres de la devanture avaient été peintes en noir. On ne distinguait rien de l'intérieur. Après avoir regardé à gauche et à droite, Mendoza entra dans l'herboristerie pour se retrouver dans une pièce vide et souillée. Il plissa les narines, assaillies par des relents d'urine, de sueur et de nourriture gâtée.
Il poussa la porte du fond et pénétra dans une autre pièce. Une salle humide, aux murs couverts de tentures sombres, sans autre meuble qu'une vieille banquette décrépie dans un coin. Le propriétaire se moquait visiblement du confort de sa clientèle. Des lampes à huile teintées de rouge diffusaient une lueur malsaine. À croire que l'Espagnol était entré dans l'antichambre d'un enfer particulier. Derrière un comptoir rustique se tenait une silhouette massive. Son contact, sans doute.
Chez ce corpulent personnage, la graisse se mélangeait pour une bonne part aux muscles. Aussi solide qu'un chêne, le commerçant avait un visage grossier, rébarbatif, une touffe de cheveux surplombant de petits yeux d'un bleu très pâle, injectés de sang, un nez court et retroussé, des oreilles minuscules et une bouche lippue. Le Catalan préféra ne pas s'attarder sur les effluves que dégageait le sinistre personnage. Il avait un mauvais pressentiment mais s'avança néanmoins vers lui.
:?: : Holà, hombre! T'as eu raison de venir voir Rodrigo Pacheco.
La voix du gros était ridiculement fluette comparée à sa masse.
R.P: Qu'est-ce que tu veux comme douceur? J'ai de tout. De la morelle noire, de la belladone, de la jusquiame, des feuilles de coca... Tout c'que tu veux! En ce moment, j'fais un prix sur le membe. Ça te tente?
Un vendeur de stupéfiants. Pas si étonnant que cela de la part de William Howard. C'est le lord qui avait été chargé d'établir le réseau jusqu'ici.
Mendoza s'avança encore en respirant par la bouche. De son regard pâle au pli assoupi, Pacheco le considérait toujours avec un net amusement.
Le capitaine fit un geste discret de la main gauche. Le signal de reconnaissance prévu pour la circonstance. Sauf que Pacheco resta sans réaction. Juan réitéra le geste. Aucun résultat. C'était pourtant bien le bon endroit... Que se passait-il? Risquant le tout pour le tout, le Catalan dit:
:Mendoza: : Eh bien quoi? Je me suis identifié... c'est William Howard qui m'a donné ton adresse et je viens de sa part.
L'herboriste écarquilla ses petits yeux et pencha la tête sur le côté, tout en gardant l'étranger bien en vue. Il était bien réveillé, à présent.
R.P: William Howard? Et où est-il mon ami Will...?
:Mendoza: : Un compagnon du lord, en plus? Par la malepeste! L'affaire ne pouvait se présenter plus mal! (Pensée).
Le Yeoman reprit:
:Mendoza: : Il n'a pas pu venir. De toute façon, cela n'a aucune importance. Je suis son supérieur. C'est avec moi que tu dois traiter.
Une lueur menaçante filtrant dans son regard, l'autre glapit:
R.P: Si, c'est très important au contraire! J'te connais pas, toi! C'est Will qui devait venir, il me l'a bien répété dans sa lettre... Si Will n'est pas là... j'annule l'affaire! T'auras rien de moi. Et d'ailleurs, j'aime pas ta tête. Curieux d'ailleurs qu'il ne soit pas là, le Will... J'ai de la marchandise pour lui, une commande spéciale, du premier choix. Et celle-là, je sais qu'il ne l'aurait loupée à aucun prix!
D'un ton patient, Mendoza poursuivit:
:Mendoza: : Il doit y avoir un malentendu. Je ne viens pas pour de la marchandise. William ne t'a rien dit à mon sujet?
Le visage du vendeur se ferma définitivement avec la méchanceté comme rideau.
Effaré, l'Espagnol comprit que le lord n'avait pas organisé le réseau selon les instructions.
:Mendoza: : Quel incapable! Comment vais-je entrer dans le palais, à présent? (Pensée).
Il se retrouvait dans une belle impasse...
R.P: Hombre, elle pue, ton histoire. Enfin, tu vas me dire où il est, le Will?
:Mendoza: : Je te l'ai dit, il ne viendra pas.
Mendoza eut un pressentiment. Les choses allaient déraper, ça n'allait pas louper.
R.P: Tu veux me contrarier? Très bien, hombre, à ta guise!
L'homme siffla. Deux escogriffes surgirent de derrière une tenture pour se ranger devant la sortie. Pacheco se rengorgea:
R.P: Voici Mercurio et Marciano, mes p'tits neveux!
Il avait glissé une main épaisse comme une enclume sous le comptoir.
Petits, les neveux ne l'étaient pas vraiment. Bâtis tous deux sur le même format que leur oncle, ils présentaient un air de famille. Mercurio et Marciano agitèrent leurs grosses têtes dépourvues de tout poil. Leur hostilité était palpable.
Mercurio était armé d'un gourdin cerclé de fer, son cousin d'un casse-tête en corne de cerf.
R.P: Hombre, je crois que tu vas maintenant nous expliquer l'absence de Will!
Levant les paumes en signe d'apaisement, le capitaine fit:
:Mendoza: : On ne peut pas régler l'affaire autrement? J'ai de quoi vous payer.
R.P: Oh, mais moi j'suis tout pacifique! Par contre, eux, j'suis pas trop sûr. Ils ont pris de l'opium. Ça les excite, en général. Ils ont des goûts bizarres, mes tout beaux.
Avec une expression gourmande, le revendeur se vanta:
R.P: Mais j'suis mal placé pour leur reprocher, c'est moi qui les ai formés!
Avec un sens certain de la repartie, Mercurio scanda:
Mercurio: Ouais! On aime bien les hommes! Et on adore quand ça saigne!
Marciano: T'as raison, cousin!
D'une voix rauque, Marciano surenchérit:
Marciano: Et on aime bien quand ça crie aussi! Hein, oncle Rodrigo!
D'excitation, la brute lâcha un pet sonore. Toute bonhomie retrouvée, Pacheco conclut:
R.P: Tu vois, hombre, on forme une chouette famille! Ils sont un peu turbulents, les p'tits, pour sûr, mais on s'amuse bien, tous les trois...
Puis, Rodrigo assena une grande claque sur le comptoir. Il n'avait plus envie de rire.
R.P: Où est Will? J'te le demanderai pas une aut' fois!
:Mendoza: : D'accord, je vois bien que je ne fais pas le poids. À trois contre un...
Avec une expression faussement craintive plaquée sur le visage, Juan lâcha:
:Mendoza: : Je... Je vais tout vous dire.
Il devait les éliminer. Il n'obtiendrait plus aucune aide de leur part et Pacheco avait vu le signe de reconnaissance... Sans compter qu'ils avaient l'intention de le torturer, d'abuser de lui et de le tuer. Mais pas forcément dans cet ordre.
Feignant une attitude soumise, le Yeoman se pencha vers l'herboriste. Restés derrière lui, les neveux ricanaient grassement.
L'Espagnol prit appui sur le comptoir, se pencha et lâcha quelques mots inaudibles.
R.P: Comment? J'comprends rien!
Pacheco se pencha à son tour pour mieux entendre.
Le mercenaire raidit ses doigts et projeta l'index et le majeur dans les yeux du gros commerçant, l'envoyant hurler de douleur contre le mur du fond. Sans attendre, le Catalan frappa Mercurio d'un coup de pied arrière. Touché à la poitrine, ce dernier fut momentanément coupé dans son élan. Toutefois, sa corpulence lui permit de se rétablir. Il fut cependant dévié sur la trajectoire de son cousin, qui, en conséquence, dut freiner son assaut. D'une volte rapide, le capitaine évita un coup de casse-tête, qu'il laissa passer au-dessus de lui. Il riposta d'un violent coup de coude, en plein dans le menton de Mercurio. La mâchoire brusquement rabattue, celui-ci trancha sa propre langue, crachant l'appendice dans un irrépressible flot vermeil.
Marciano grogna:
Marciano: Cousin, qu'est-ce que t'as?
L'inquiétude suspendit ses gestes. Derrière le comptoir, Rodrigo se frottait les yeux en jurant tout son saoul. Mercurio se tenait courbé au-dessus du sol, émettant des borborygmes affolés. De ses grosses mains maculées de crasse, il tentait de contenir le flot de sang jaillissant de sa bouche, sans autre résultat que de se barbouiller d'hémoglobine. Marciano blêmit devant le spectacle, se tourna vers le responsable et chargea impétueusement.
Mendoza n'attendait que ça. Il devança l'attaque d'un coup de botte sur la rotule. Le bout ferré écrasa l'os dans un bruit écœurant. Marciano saisit sa jambe à deux mains, le visage tordu par la douleur. Implacable, l'ex-marin releva la tête de son ennemi d'un coup de genou, lui brisant la mâchoire par la même occasion. Puis il saisit les testicules du colosse à pleines mains et les serra de toutes ses forces. Un miaulement à consonance humaine retentit dans la pièce. À présent tassé sur le sol à côté de son cousin exsangue, il ne constituait plus une menace. Rodrigo hurla:
R.P: Je vais t'crever!
Armé d'un tranchoir, il avait contourné le comptoir à l'aveuglette. Son faciès déformé par la rage, il bavait de fureur:
R.P: Je vais... Ouuch!
Mendoza brisa l'écart qui les séparait d'une foulée. Il frappa du tranchant de la main sur le larynx de Pacheco. Il eut un rictus de satisfaction devant le visage violacé du gros, qui tentait d'aspirer un peu d'air dans sa gorge meurtrie. Le vendeur y parvint au prix de quelques secondes. Il se redressa, les yeux brouillés par les larmes. Juan avait dégainé sa dague, puis, un grand sourire aux lèvres, il avança sur l'herboriste. La mort dans les yeux, il lui susurra:
:Mendoza: : À nous deux, hombre...

☼☼☼

Lorsque l'homme à la cape bleue quitta l'officine, trois cadavres attestaient de son passage. Il avait brouillé les pistes en décorant leur front de la marque des valientes*. Qu'ils ne soient pas implantés en ville, du moins à sa connaissance, ajouterait à la confusion. Rien ne pouvait le relier à cet endroit. Trois revendeurs de drogue sur le carreau? La belle affaire! Ni le guet, ni l'host de Barcelone n'allaient s'en plaindre et crier le Via fiora sur la plaza del Blat. L'enquête n'irait pas bien loin.
Vitupérant contre l'incompétence de William Howard, dont les lacunes se faisaient de plus en plus dramatiques au fil du temps, Mendoza s'éloigna dans la nuit. La lune se reflétait sur la mer comme si la rue où il se trouvait se poursuivait jusqu'à l'horizon. Contemplant son sillage argenté sur l'eau, les épaules rentrées, il longeait à présent le quartiers des Drassanes.
:Mendoza: : Que faire? (Pensée).
Selon le plan établi, Pacheco aurait dû lui fournir toute l'aide nécessaire pour pénétrer dans le palais Requesens, soigneusement gardé. Étape primordiale qui venait de s'écrouler comme un château de cartes.
:Mendoza: : Où trouver une aide efficace en si peu de temps? Réfléchis, Juan! (Pensée).
L'idée s'imposa bientôt. Mendoza retrouva son allant. Il savait quoi faire.

À suivre...

*
*Tafureas, calaveras, saetias, barquants et navetes: noms de bateaux spécifiquement Catalans.
*Tasques: Chaîne de bancs de sable parallèle à la côte qui empêche l'entrée des courants maritimes. C'est l'unique défense naturelle du port de Barcelone et constitue un danger pour les navires qui tentent d'y accoster.
*Requesens: Prestigieuse famille de Castille établie à Barcelone.
*Cagalell: Caga signifiant merde en catalan.
*Valientes: Au XVIème siècle, hors-la-loi qui infligeaient des sévices affreux à leurs victimes avant de les tuer. Ils se distinguaient en effet dans les romances par leur propension au meurtre délibéré et gratuit, leur cruauté voire leur sadisme.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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