Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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TEEGER59
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 3. Contretemps.

Laguerra marchait dans l'obscurité, sur la piste éclairée de la lune qui la ramenait au village. L'aventurière se sentait pleine d'allant, en dépit de cette soirée arrosée.
Elle s'était confiée à lui, enfin! Et elle était certaine que Mendoza tenait à elle, mais il semblait perdu.
Mendoza... Le bretteur parfait, si redoutable, si farouche et indépendant soit-il, recelait une fragilité, un tourment, qui le rendait irrésistible aux yeux d'une femme comme elle.
Se promener ainsi en pleine nuit ne lui faisait pas peur. Loin de là. Isabella était capable d'endurer bien pire. D'autant plus que son cœur rayonnait.
:Laguerra: : Mendoza. Je pourrais chuchoter ce nom toute une vie sans me lasser.
Sa mission achevée, elle devait rédiger son rapport et rentrer auprès de l'Empereur. Pourtant, elle avait décidé de n'en rien faire pour le moment. Charles Quint avait d'autres soucis en tête. Sa position était redevenue critique. Si le maître du monde, coalition vivante, représentait une perpétuelle menace d'encerclement pour la France, lui-même se voyait près d'être cerné de toutes parts, pris en tenaille par François Ier, Soliman, les princes Allemands et le Pape Clément VII en personne. À cela, s'ajoutait un problème plus personnel: l'Impératrice venait d'accoucher d'un fils qui ne vécut pas.
Oh, bien sûr qu'elle retournerait en Espagne. Mais lorsqu'elle le ferait, elle entendait bien que ce soit avec l'homme à la cape bleue à ses côtés.

☼☼☼

Le capitaine se retournait sur sa couche, incapable de trouver le sommeil. Il ne cessait de songer à Laguerra.
Bien sûr, il avait envie d'elle. Il l'appréciait, naturellement. Mais il se sentait pour l'instant incapable de s'engager car il souhaitait définitivement oublier l'amour, qui, à chaque fois, l'avait fait souffrir. Il avait failli la perdre, elle aussi. Le mercenaire avait compris la leçon. Or, il respectait trop l'aventurière pour ne lui offrir que son enveloppe charnelle. Il savait qu'elle n'attendait pas que cela. Mieux valait donc, en la circonstance, laisser faire les choses tranquillement, sans forcer.
Sa raison pouvait se contenter de cette attitude. Son corps, non. Son cœur? Il n'en savait rien.

☼☼☼

C'était des laissés-pour-compte, comme il y en avait dans chaque ville du monde, ceux qu'on préférait éviter, dérangeants tant par leur apparence que par l'odeur qu'ils dégageaient. Des individus hirsutes, aux vêtements rapiécés ou déchirés, le regard voilé par les tracas de l'existence, sans autre but que de survivre. Même leurs voix semblaient mornes, tandis qu'ils conversaient sans passion.
Quatre de ces sans-nom s'étaient retrouvés à la lisière du quartier des docks de Kilwa, l'endroit où ils se rassemblaient pour passer la soirée et la nuit, se réchauffaient devant un brasero de métal rouillé, partageant leurs désillusions, l'alcool frelaté qu'ils avaient pu acheter après une journée de mendicité, les restes de nourriture glanés auprès des habitants aisés ou des aubergistes, échangeant les récits de leur gloire passée, réelle ou inventée.
Une brume jaune apparut à une trentaine de pas de leur misérable assemblée. Elle naquit du sol pour se densifier en quelques secondes et prendre la forme d'une silhouette animale, cordée de muscles massifs.
'Aslan avait été invoqué.
La bête s'approcha du groupe, son allure masquée par les ombres de la nuit. Les mendiants finirent par se rendre compte de sa présence, trop tard.
Aussitôt à leur portée, le lion attaqua. D'un revers de griffe, il arracha le cou du premier des gueux. De l'autre patte, il en agrippa un deuxième, qu'il attira à lui pour lui mordre sauvagement le visage. Les deux survivants restaient figés par l'horreur et la surprise. 'Aslan bondit sur eux et les élimina avec la même férocité efficace dont il avait fait preuve avec les premiers.
En moins de cinq minutes, le prédateur les avait massacrés. Alors commença son festin, à grands renforts de grognements et de mastication. La chair humaine était si tendre pour lui, si goûteuse. À peine son macabre repas terminé, le fauve se redressa, sa gueule rougie par le sang de ceux qu'il venait de dévorer. Il sentait la vie, tout autour de lui, palpiter en promesses délicieuses. La faim qui le possédait jour après jour était loin d'être rassasiée. Il allait pouvoir se repaître de nouvelles chairs, de nouvelles vies, il allait...
Son être fut soudain écartelé de l'intérieur. Un pouvoir supérieur au sien, celui qui l'avait appelé ici, se manifestait à nouveau. Sa propre puissance, sa force et sa rage, pourtant formidables, ne pouvaient lutter contre cette force. Son corps commença à se déliter, de même que son esprit, peu à peu métamorphosés en cette brume jaunâtre, jusqu'à disparaître totalement.
Deux silhouettes encapuchonnées se tenaient tapies dans un recoin d'ombre. Elles avaient assisté à toute la scène, à la tuerie de ces pauvres hères.
:Docteur: : Parfait! C'est exactement l'arme qu'il nous fallait. Nous pouvons rentrer, à présent.
:Gomez: : On ne laisse pas de traces?
:Docteur: : Inutile. Cela ne servirait pas à grand-chose ici. La mort de ces moins-que-rien n'intéressera personne, c'était juste un test. Il est d'ailleurs tout à fait concluant. Nous allons pouvoir rejoindre Ambrosius, à présent.

Deux jours plus tard, la machine Olmèque les déposa en Inde. Quelques heures après, le chef Afghan Sher Shah Suri, futur Padishah et ami proche du Radjah de Patala, tomba gravement malade, victime d'une fièvre qui le laissait sans force, dans un état proche du coma.

☼☼☼

La vie était douce au village, et les Shonas chaleureux, Mendoza ne pouvait le nier. Pourtant, il tournait comme un fauve en cage. Il n'était pas le seul. Tao s'impatientait également. Il avait hâte de retrouver sa jolie Hindoue.
Tandis que le naacal passait ses journées à lire en rongeant son frein, le capitaine fendit tout le bois possible, s'entraîna deux fois par jour, tantôt seul, tantôt avec Laguerra, mais rien n'y faisait.
Les propos de la jeune aventurière l'avaient déstabilisé et la quiétude qu'il commençait à ressentir avait volé en éclat. De surcroît, une autre pensée prenait le pas sur le reste: la sécurité.
Non pas la sienne, mais celle des villageois. Ambrosius, grâce à la machine Olmèque, pouvait revenir à tout moment.
Son Altesse avait estimé que l'alchimiste n'oserait pas repointer le bout de son nez par ici mais c'était mal le connaître. Il n'avait jamais affronté Zarès.
Pour sa part, l'Espagnol était fort bien placé pour savoir à quel point l'homme sans visage pouvait se montrer efficace et dangereux. Neshangwe se leurrait.
Cela voulait dire que le mercenaire était en train de mettre ses nouveaux amis en danger et que plus longtemps ses compagnons et lui restaient au village, plus cette menace s'accroîtrait. Il estimait par trop les habitants du Grand Zimbabwe pour leur faire courir un tel risque.
Certes, il parvenait à se détendre en société, mais dès qu'il se retrouvait face à lui-même, l'inquiétude le reprenait.
Deux jours à se morfondre ainsi. Et Estéban et Zia qui ne donnaient toujours pas signe de vie. Le Catalan se sentait redevenir irritable et devait faire quelque chose pour s'occuper l'esprit.
Il s'installa donc au grand air, à l'ombre d'un baobab. Une peau de chamois huilée étalée devant lui, sur laquelle reposaient son épée et sa dague à lame sombre, ses compagnes les plus fidèles et les plus acérées.
Entretenir ses armes était l'une des activités de base de tout bretteur respectable. Mais pour un homme de la trempe de Mendoza, c'était bien plus. Une sorte d'acte religieux. Un moyen pour lui de se ressourcer, d'oublier les tracas, de revenir à l'essence des choses, de retrouver son intégrité.
Tout d'abord, il examina soigneusement leurs tranchants respectifs, sachant fort bien que ces derniers étaient irréprochables. Ses lames, en effet, ne révélaient jamais le moindre défaut. Ce rituel, quoi qu'il en soit, restait incontournable. Il en avait besoin, plus que jamais, pour calmer ses noires pensées et soulager son humeur.
Ensuite, le capitaine empoigna un chiffon huilé qu'il se mit à passer sur toute la longueur de son épée. Encore et encore, patiemment, à gestes lents, précis, sobres et concentrés.
Il pouvait apprécier à nouveau, à sa juste mesure, le fantastique travail de l'armurier Tolédan. L'homme qui avait forgé cette lame était un véritable professionnel, un artiste de génie.
:Mendoza: : Un génie... Tout comme avait dû l'être Ambrosius avant de basculer dans la folie des grandeurs.
Car oui, Ambroise de Sarle était fou. Irrémédiablement. Cela d'ailleurs ne le rendait que plus dangereux encore.
Mendoza se demanda en quelles circonstances il le reverrait. Car ils se retrouveraient, il ne pouvait en douter. Leur destin était intimement lié. Ce qu'il ignorait, c'est comment cela allait se terminer entre eux.
Qui était vraiment Ambrosius? Quels étaient désormais ses aspirations?
Éternelles questions. Aussi éternelles qu'agaçantes.
Et plutôt que de se creuser vainement l'esprit et se retrouver affligé d'une migraine, le Catalan préféra revenir à ses lames.
Il reposa délicatement son épée et s'empara de sa dague, celle qu'il dissimulait toujours dans sa botte gauche. Cette dernière se mit à tressauter. Il lui sembla qu'elle vibrait d'une effroyable colère, colère dirigée vers l'alchimiste alors qu'il venait de songer à lui. Mendoza pouvait ressentir la chaleur palpitante à travers sa main. Il crut également entendre une voix au fond de son esprit. Une autre entité que sa propre conscience. Une voix déjà entendue par le passé, qui se voulait puissante, mais qui se révélait inintelligible, comme si elle venait de très loin... De trop loin, d'un autre univers. Cette curieuse sensation ne dura que le temps d'un battement de paupières et le mercenaire retrouva la réalité.
Il admira une nouvelle fois l'équilibre et le tranchant exceptionnel de la dague, sa forme fuselée, si particulière.
Il avait beau y penser, les souvenirs concernant la découverte de cette arme étrange se révélaient diffus. Il l'avait acquise lors d'une patrouille sur un point du globe désert, brûlé par les guerres passées...

Au début, tout allait bien. La petite escouade dont faisait partie Mendoza, à l'époque sous-officier, composée de onze hommes, devait explorer la région d'Akkad pour en recenser les ressources naturelles.
Une tempête de sable se leva subitement, dispersant l'escouade. Perdu dans la tourmente, le jeune sergent entendit une voix le héler. Aiguillonné par elle, Juan-Carlos marcha ramassé sur lui-même pour résister aux assauts du sable charrié par le vent. Il finit par arriver devant un temple ou ce qui en tenait lieu, une ruine au milieu d'une oasis cernée de dunes. Au loin, il pouvait apercevoir une pyramide, une ziggourat comme on les appelait ici. Jusque-là, ses souvenirs étaient clairs. Mais au moment où il posa le pied dans l'enceinte, un trou noir total engloutit sa conscience.
Lorsqu'il retrouva ses esprits, il courait hors de l'édifice, la dague sombre dans ses mains ensanglantées, son uniforme en lambeaux, des lacérations sur le corps et la mémoire vide, complètement vide de ce qui venait de se produire. À peine était-il hors du temple que l'édifice s'effondrait sur lui-même dans un gigantesque geyser de sable et de poussière. Au-delà des ruines, la tempête s'était calmée et il réussit à retrouver les traces de ses compagnons. L'escouade se regroupa pour faire face à un groupe de Gutis. Le jeune sous-officier se servit de cette lame d'un alliage étrange, d'un noir profond. Il se rendit très vite compte qu'il disposait d'une arme exceptionnelle. Depuis, jamais il ne s'en était séparé.
Il avait également constaté qu'au fil du temps, d'une manière ou d'une autre, cette dague se rendait comme transparente aux yeux des autres. Jamais aucun de ses camarades, lorsqu'il servait alors l'Angleterre, n'avait vu en elle autre chose qu'une arme banale et jamais on ne l'avait interrogé à son sujet. Il était pourtant fréquent chez les soldats de comparer les mérites de leurs instruments de travail respectifs. Poil-de-Carotte, alias Ciarán Macken, par exemple, n'avait jamais montré le moindre intérêt pour la lame étrange, or l'Irlandais l'avait suffisamment vue en action pour en apprécier la nature unique. En bref, une telle arme ne pouvait qu'attirer la convoitise et c'était tout le contraire qui se produisait.


À son tour, il passa le chiffon sur sa ligne sombre. Son doigté s'apparentait à une caresse. Pouvait-on ressentir une véritable affection pour un simple objet? Oui, Mendoza en avait la preuve en cet instant. Et il ne se trouvait nullement ridicule d'éprouver un tel sentiment. D'ailleurs, cette dague n'avait rien d'un banal instrument. L'ancien Yeoman la fit rouler entre ses doigts habiles, la passa d'une main à l'autre. L'arme répondait parfaitement à ses mouvements, irremplaçable, elle semblait toujours incarner l'extension la plus meurtrière de lui-même.
Il est à moi. Je l'aurai un jour, je l'aurai. Et je le tuerai!
Quelle conscience avait parlé? Celle du capitaine ou bien celle de la dague mystérieuse?
Il finit par la reposer et son regard se fixa à nouveau sur son épée "ordinaire".
Ce fut plus fort que lui, il reprit la lame en acier forgé, se leva en se débarrassant de sa cape et alla se placer entre les pattes du condor.
L'arme s'éleva dans ses mains, comme avide de lui plaire, avide de fendre l'air, de lui prouver qu'elle n'avait pas d'égale. Le bretteur la tenait à deux mains, devant lui, pointe à l'horizontale. Très lentement, il la ramena au-dessus de sa tête et pivota tout aussi lentement sur lui-même? Il asséna une première frappe, délicate, en ligne droite. Puis une autre, en oblique vers la gauche, et enfin une troisième, dans un mouvement opposé. Il se sentait en communion totale avec elle. Il la redressa à nouveau, de sa main gauche cette fois, le bras fléchi à hauteur de son oreille, puis, sans à-coup, effectua un léger arc de cercle avant de la ramener devant lui. Il la saisit une fois encore à deux mains et répéta la séquence entière, bien plus vite, en ajoutant une estocade vers l'arrière. Il réitéra le même cycle, encore plus vivement, avec en sus un fouetté en diagonale haute, merveilleux d'assurance et de grâce, l'esprit libre de toute pensée parasite.

6.PNG

Il accéléra un cran au-dessus, devenu tourbillon d'acier en plein combat virtuel, son corps abandonné dans ce ballet martial qui lui était propre, aussi naturel que sa respiration, son cœur battant la chamade. Il transpirait à présent, mais son souffle restait égal, maîtrisé. Ses muscles ondulaient, délivrant ce qu'il fallait de puissance, sans jamais le trahir.
Mendoza dansait dans un espace hors du temps, redevenu lui-même...

☼☼☼

Sa séance achevée, le capitaine prit le temps de s'étirer et s'accorda un instant pour souffler.
Ne sachant quoi faire de son temps, il décida d'aller se promener dans l'acropole, située sur la colline. Le site était immense, il lui faudrait sans doute plusieurs heures pour en faire le tour.
Tandis qu'il allait traverser la vallée pour s'y rendre, Gaspard apparut soudain pour l'intercepter.
:Gaspard: : Mendoza, je peux te parler en privé?
Le Catalan se laissa conduire un peu plus loin. Une fois hors de portée des oreilles indiscrètes, le capitaine d'armée lâcha d'un ton agressif, son regard fulminant:
:Gaspard: : Je n'ai pas eu l'occasion de te le demander avant mais, qu'est-ce que tu as fabriqué dans cette maudite clairière? Tu n'as pas su protéger la señorita et je l'ai retrouvée mourante! Je te préviens, s'il lui arrive du mal une nouvelle fois alors qu'elle est en ta compagnie, je te casse en deux, compris?
Le visage du bretteur se contracta dans un rictus qui dévoilait ses dents:
:Mendoza: : Va au diable, Gaspard! C'est bien beau de vouloir me donner des leçons mais tu n'étais pas là quand Zarès nous a attaqué. Avant qu'elle ne se fasse mordre par cette vipère, j'ai sauvé Laguerra, quoi que tu en penses. Mais peu importe, je n'ai aucun compte à te rendre et tu ne m'impressionnes pas. Quant à me casser en deux, j'aimerais bien voir ça!
Avant que le militaire ne puisse répliquer, une autre voix les interpella:
:Laguerra: : Hé, tous les deux, pourquoi ai-je l'impression que vous êtes en train de parler de moi?
Toute souriante, la jeune femme venait les rejoindre, sa rapière à la main. Elle reprit:
:Laguerra: : Je te cherchais, Mendoza. Je voulais savoir si tu étais partant pour faire quelques passes...
Un tel sous-entendu aurait pu être jugé un peu vulgaire, voire même ridicule chez beaucoup. De la part de l'aventurière, il sonnait conforme à sa personnalité d'escrimeuse.
Le navigateur préféra laisser passer. Inutile de souligner l'ambiguïté de son propos. Ils n'étaient pas seuls.
:Laguerra: : Vous avez un drôle d'air, messires. Vous n'êtes pas en train de vous disputer, au moins?
:Gaspard: : Mais pas du tout. Nous étions juste en train de faire plus ample connaissance, lui et moi... Et d'ailleurs, nous reprendrons cette intéressante conversation, disons demain en fin de matinée, ici même. Enfin si tu as le temps, Mendoza...
Le barbu lui lançait un défi.
:Mendoza: : Oh, tu peux compter sur moi, je ne manquerais ça pour rien au monde.
Face à ce genre de provocation, il n'était pas question de reculer. Surtout pas face à un homme tel que Gaspard.
Isabella les regarda tous les deux, d'un œil inquisiteur à présent. Mais l'ancien subordonné de Gomez les quitta aussitôt. Tandis qu'ils s'échauffaient, tout en le regardant s'éloigner, le mercenaire se pencha vers l'aventurière et lui demanda:
:Mendoza: : Que s'est-il donc passé entre Gaspard et toi depuis ma chute avec les enfants à Kûmlar?
La jeune femme haussa ses fines épaules:
:Laguerra: : Il n'y a pas grand-chose à dire. Il a essayé de me séduire à plusieurs reprises... Il avait tenté une première fois sa chance à Ormuz, mais je l'ai toujours éconduit de façon assez... rude. Je ne voyais déjà plus que toi depuis Patala. Pourquoi cette question?
Le navigateur éluda:
:Mendoza: : Oh, comme ça. Vu que nous allons être amenés à le côtoyer, je veux juste savoir si tout était clair entre vous, c'est tout.
Elle sourit.
:Laguerra: : Je te le confirme, alors. Gaspard ne m'intéresse pas. Il n'y a personne d'autre que toi.
Plantés l'un en face de l'autre, ils se saluèrent avant de s'élancer.

7.PNG

La jeune femme, cependant, ne lui révéla pas que le capitaine d'armée lui avait déclaré son amour alors qu'ils tentaient de fuir la base Olmèque de Pyros à bord de la nef. Une déclaration que le capitaine, lui, tardait à faire...

À suivre...
Modifié en dernier par TEEGER59 le 19 nov. 2023, 20:41, modifié 3 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par manonallemende »

Beau chapitre ^^
Honnêtement j’attends la fameuse conversation Gaspard Mendoza qui a l’air fort intéressante :x-):

Le lion franchement c’est super bien décrit rien qu’à travers l’écran on vit la scène ça en donne des frissons :shock:

Cette description de l’arme cache-t-elle un secret ? En tout cas hâte de découvrir tout sa :D

Et on espère que cette déclaration d’amour arriveras bientôt XD

Bref, comme d’habitude j’ai toujours aussi hâte de lire les prochains chapitres :x-):
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par IsaGuerra »

C'est tellement chou ces moments Mendoguerra

L'attaque du lion tellement bien décrite, ça fait limite froid dans le dos
victime d'une fièvre qui le laissait sans force, dans un état proche du coma. → On se demande à cause de qui ! :roll:

Mendoza qui s'occupe de ses armes bah nickel j'ai adoré notamment celui la partie sur sa dague mystère il y a tellement d'hypothèses à faire

J'ai bien rit aussi sur le passage de Gaspard qui ose menacer Mendoza :lol:
Et l'excuse de quelques passes pour pouvoir passer du temps avec Mendoza on la connait mdrr

Encore un beau chapitre et vivement la suite :x-):
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 4. L'ombre et la proie.

Bien loin du Grand Zimbabwe, de l'autre côté de la mer d'Arabie, se dressait Goa, la première implantation coloniale Portugaise en Inde. C'était un important point d'embarquement des pèlerins Indiens pour La Mecque, un port de commerce sans rival sur la côte occidentale, mais c'était surtout un centre d'importation de chevaux Arabes, en provenance d'Ormuz, marchandises vitales pour les royaumes du Dekkan en guerre perpétuelle. La place était facilement défendable par n'importe quelle puissance qui avait la maîtrise des mers, car les fleuves qui encerclaient la région ne pouvaient être traversés à gué qu'en un seul point qui avait été infesté délibérément par des crocodiles.
En bref, cette contrée de terres noires d'origine basaltique, sauvage, s'était toujours mal accommodée des ingérences des Portugais, apprivoisée avec plus ou moins de succès par les colons qui prétendaient la peupler.
Non loin du port, deux hommes enveloppés dans de longues capes sombres à capuchon se tenaient tapis dans l'ombre d'un haut porche. Le matin même, Sher Shah Suri, chef Afghan victorieux à la bataille de Surajgarh au Bengale, était tombé malade.
Les comploteurs surveillaient le bâtiment d'en face, juste de l'autre côté de la rue. En dépit de leur camouflage, la concentration se lisait sur leurs visages.
À cette heure, le quartier des entrepôts était désert et la majorité des bâtiments verrouillés pour la nuit. Les soldats Portugais avaient pour habitude de patrouiller dans le secteur mais le guet venait justement de faire sa ronde. Certains édifices étaient gardés par des vigiles, mais pas ici, pas dans ce coin reculé.
Dans le bâtiment, justement, trois autres individus attendaient. Le premier d'entre eux richement vêtu, en costume de brocard gris, cape argentées et bottines de cuir souple, était de taille légèrement supérieure à la moyenne, mince, les cheveux noirs et ras, le teint mat.
Arborant une tenue de cuir, ses deux gardes du corps étaient massifs, chevelure et moustache grise pour le premier, crâne chauve et joues rasées pour le second.
Lopo Vaz de Sampaio soupira d'impatience. L'ancien capitaine de Vasco de Gama et ex-gouverneur de Goa aurait préféré passer la nuit avec sa femme, la douce Guiomar, mais il y avait des priorités sur l'ivresse des sens. Et puis ce rendez-vous impromptu auquel il avait été convié excitait sa curiosité.
La lettre était dans sa main, chiffonnée d'avoir été lue et relue.

Mon cher Lopo,
Si je te contacte de la sorte, avec tant de précautions, c'est que l'heure est grave. En d'autres circonstances, je me serais entretenu directement avec le commandant Fahrid Khan Suri mais ce dernier est souffrant, comme tu dois le savoir, et je ne sais vers qui me tourner, à part toi à qui je porte une totale confiance. Un péril nous menace. Il n'est que financier, mais il ne faut, en aucun cas, le prendre à la légère.
Mes informateurs m'ont appris qu'un cartel étranger, regroupant différentes fortunes aux origines troubles à décidé de s'implanter à Goa. Leur but est de prendre le contrôle financier de l'état en investissant massivement. Racheter une part de tes avoirs semble être l'une de leurs priorités. Tu le comprendras aisément, tes investissements, les miens également, sont menacés. Il faut absolument que nous nous rencontrions pour décider de la marche à suivre afin de contrer ces impudents.
Je crains que les hommes à la solde de ce cartel nous surveillent et nous devons déjouer leurs plans. Retrouve-moi ce soir dans ton entrepôt. C'est un endroit calme où personne ne songerait à nous trouver.
J'ajouterai que la discrétion est de mise, le secret est vital. Viens avec un garde, ou deux, mais sans prévenir ta maisonnée.
Je t'expliquerai le détail sur place et tu comprendras alors à quel point j'avais raison d'agir ainsi.
Je compte sur toi, comme j'ai toujours pu le faire.


Nuno.


Lopo Vaz de Sampaio n'avait pas hésité longtemps. Aucune raison de se méfier, l'écriture était bien celle de Nuno da Cunha, son successeur et ami de toujours.
Le quinquagénaire sortit un mouchoir de dentelle pour se tamponner le bout du nez, un geste habituel.
L'éclairage se constituait de lampes à huile fixées dans les parois en bois. Servant régulièrement à stocker des marchandises en transit, l'entrepôt était moins poussiéreux que ceux qui le flanquaient, et désert, à l'exception d'une double rangée de caisses en bois alignées sur les côtés de la pièce, destinées à être acheminées par mer sur la côte est.
Une fumée jaune commença à se former au ras du plancher, juste devant la porte d'entrée.
Au début, les trois hommes ne la remarquèrent pas. Mais la brume monta vers le plafond pour s'agréger en une silhouette épaisse, aux muscles bosselés. Enfin formée dans sa totalité, l'apparition avança pesamment sur ceux qui attendaient.
Un grognement bestial se fit alors entendre.
Immédiatement, les protecteurs s'interposèrent entre l'arrivant et leur maître.
Celui aux cheveux gris pivota sur lui-même, rabattant son bras armé, de toute sa force, en une diagonale basse. L'épée du garde se brisa sur la crinière du lion. Ce dernier éructa d'un rugissement barbare et cruel.
Le protecteur recula d'un pas, jeta sa lame tronquée et dégaina ses dagues. Pendant ce temps, son camarade s'était jeté courageusement sur le fauve, brandissant une paire de hachettes.
'Aslan attendit le dernier moment pour agir, avec une vivacité bien supérieure à celle de l'humain. Il leva une patte qu'il rabattit sur l'épaule gauche du garde, lui brisant la clavicule. Profitant de la douleur effroyable qu'il venait de causer, il lui mordit la jugulaire. Enfin, d'un coup de tête, il le projeta plusieurs toises en arrière.
Le chauve n'était plus bon à rien, gravement blessé et au bord de l'évanouissement. Plongé dans un océan de douleur, il ne se rendait pas compte qu'il agonisait.
L'autre garde revenait à la charge. La bête féroce esquiva un coup de dague et riposta d'un revers de son épaisse patte griffue. Le visage déchiqueté, le moustachu hurla sa souffrance. Il fut ensuite mordu sauvagement.
Son poitrail et ses pattes dégoulinants de sang, 'Aslan se retourna vers Lopo Vaz de Sampaio, à qui il bloquait le chemin vers la porte de sortie. Le noble Portugais avait reculé tant qu'il pouvait, pour finir dos au mur, acculé, le visage étiré par l'effroi.
Le lion avança lentement se délectant de ce qu'il lisait sur les traits de sa proie. Se léchant les babines, il fit un bond terrifiant en plongeant fiévreusement ses griffes dans son torse.
Lopo poussa un hurlement désespéré tout en souillant ses chausses.
À l'extérieur, Fernando Laguerra et Cinza Gomez s'étaient rapprochés jusqu'à gagner le côté de l'entrepôt. Ils avaient pris soin par avance de découper deux œilletons dans le bois. Ils ne perdirent pas une miette du massacre.
'Aslan faisait un festin. Sa mâchoire démesurément agrandie claquait, broyant les os, déchirant la chair fraîche, engloutissant les sucs, avec la voracité dont il était capable en de telles circonstances. Les deux protecteurs avaient été ainsi traités, comme juste récompense de son intervention. En revanche, pour la dernière victime, Lopo Vaz de Sampaio, le fauve avait eu le droit de lui arracher la vie, mais pas celui de le manger. Et surtout, il devait absolument laisser la tête de sa victime intacte, aisément identifiable.
Visiblement en avance sur leur horaire, les cinq gardes du guet débouchèrent dans la rue. Alertés par les cris que le noble et les siens avaient poussés, ils arrivaient au pas de course.
Gomez souffla:
:Gomez: : Le guet, il faut le rappeler, vite!
:Docteur: : Bien au contraire, cela renforcera l'effet que nous voulons donner.
Le docteur plongea la main sous sa cape, saisit un objet qu'il empoigna fermement, et focalisa sa pensée.
'Aslan obéit à l'ordre mental et sortit de l'entrepôt. Il s'arrêta juste dans l'ombre du bâtiment et les soldats ne distinguèrent qu'une vague silhouette. Pour eux, il n'y avait que lui de repérable dans la rue, par ailleurs déserte et silencieuse.
Avant que le sous-officier qui dirigeait la patrouille ne puisse lancer un ordre ou une question, le lion fit un pas en avant, dévoilé soudain par la lumière d'une lanterne. En constatant ce qu'il était vraiment, les gardes dégainèrent leurs épées.
:shock: : Cornegidouille!
En réponse, le carnivore ouvrit largement sa gueule, dévoilant une rangée de crocs pointus, acérés, terrifiants et exhalant une haleine de phacochère constipé. Ses pupilles luisaient d'une férocité sans bornes.
Un des soldats balbutia:
:? : Euh... gentil, gentil mon gros minou...
Les autres chargèrent.
Ou plutôt, ce fut la bête sauvage qui les chargea. 'Aslan se ramassa sur lui-même et bondit. Il fut au milieu des hommes et frappa aussitôt. Ce fut la débandade parmi eux.
La machine de guerre qu'il incarnait ne leur laissa ni chance ni espoir de survie. L'acier ne put entamer le cuir de sa peau.
L'animal en revanche n'éprouvait aucune difficulté à percer le maillage de leurs cuirasses.
Il ne fit preuve d'aucune pitié. Le premier à sa portée mourut la gorge déchiquetée par morsure. Le second connut le même sort. Le troisième eut le bras arraché d'un coup de crocs.
Le lion plongea ses griffes dans la poitrine du quatrième, perforant sa chair, pour les retirer sanguinolentes, les élever jusqu'à sa gueule et les lécher de contentement. Le dernier garde l'avait prit à revers, profitant du moment de jouissance du fauve pour se rapprocher de lui par le côté. Cessant de nettoyer sa patte, il se retourna d'un bloc et, d'un coup de griffe, balafra la jambe du malheureux. Celui-ci s'écroula au sol pour avoir aussitôt le larynx broyé à coups de crocs.
Un nouveau festin l'attendait.
Les deux conspirateurs le regardèrent une nouvelle fois se délecter de chair humaine, s'en repaître, laper le sang de ses proies, sucer leurs os fendus. 'Aslan dévorait avec une sauvagerie fascinante.
:Docteur: : Cela suffit, il est temps de le renvoyer.
Laguerra senior fouilla à l'intérieur de sa cape, concentra de nouveau son esprit et sa volonté avant de susurrer une suite de mots incantatoires. Un lueur éclaira l'intérieur de son vêtement.
Le lion grogna, soudain tendu, soudain ferré, soumis, assujetti à cette volonté étrangère, honnie, contre laquelle il ne pouvait rien. Sa puissance soudainement domptée, son corps se déforma, s'étiolant jusqu'à se dissoudre en fragments vaporeux dans les instants suivants.
:Docteur: : Il nous reste une dernière chose à faire, et ce sera parfait. Viens!
Les deux hommes entrèrent dans l'entrepôt transformé en une boucherie macabre. Sur les ordres du docteur, Cinza trempa un doigt dans le sang des victimes et traça un motif précis sur deux des murs, signe qui ne manquerait pas d'être remarqué, celui d'une créature féminine, tirant la langue. La marque de Kâli.
Les deux Espagnols quittèrent le bâtiment, les mêmes reproductions de la déesse furent tracés sur les pavés de la rue, juste à côté des morceaux de cadavres. Quelques minutes plus tard, ils s'évanouissaient dans la nuit.

Au même moment, la princesse Rana'Ori était assise sur son trône, environnée, comme à son habitude, des quelques-uns de ses naacals.
Quelque chose dans l'éther titilla sa conscience méditative, un ressenti particulier. Ce quelque chose s'avérait être la rage de son lion. Ce dernier éructait sa colère d'être mis en échec, de se retrouver sous le contrôle de frêles et si méprisables maître. De surcroît, chacune des missions qu'on lui imposait augmentait sa frustration et sa faim, chaque fois qu'il était plongé dans le monde des humains, qu'il était invoqué au milieu de ces proies inconscientes, et qu'il devait réfréner sa soif de chasseur pour assouvir son inextinguible appétit de chair fraîche.
La princesse se redressa sur son siège et plongea dans le monde éthérique afin de remonter la trace qu'elle avait détectée, le lien qui asservissait 'Aslan.
Une recherche attentive, furtive et subtile, qui finit par porter ses fruits, centrée sur ce scintillement particulier d'énergie. Et lorsqu'elle découvrit enfin l'identité de celui qui prétendait contrôler son animal, elle rit jaune:
Rana'Ori: Ce n'est pas possible... Pas encore eux! Si je m'attendais... Patience, mon bel 'Aslan, profite des tributs que t'offre les membres renégats de l'Ordre du sablier sans te résigner à ta servitude. Celle-ci ne sera que temporaire, car je veille sur toi. Sous peu, l'imbécile qui se croit ton maître comprendra à quel point il s'est fourvoyé!
Rana'Ori se leva et demanda:
Rana'Ori: Où sont les enfants?
:| : Dans la cité sous-marine en compagnie de Skagg. Il leur apprend à invoquer des portails magiques à l'aide de leur médaillon. Il semblerait que votre descendante soit très douée! Contrairement à l'Atlante, elle n'a point besoin des couronnes de Sûndagatt.
Rana'Ori: Je dois absolument leur parler!
Sortant de la rotonde, elle se posta sur la terrasse, réellement songeuse et se mit à mirer le lac miroitant sous l'éclat du soleil accueillant, sans vraiment le voir.
Rana'Ori: Encore cet alchimiste! Comment est-ce possible?
Ayant pris sa décision, elle revint dans l'édifice, en boucla les portes après avoir congédié ses naacals et se rendit devant les rayonnages qui couraient le long de la paroi intérieure. Elle tira sur un cordon, provoquant un signal qui serait reçu à un autre endroit du royaume. Ensuite, la princesse se déplaça sur la gauche, le temps d'enfoncer le livre des sept langages sur l'étagère la plus haute. Un pan de la bibliothèque s'effaça sur le côté, laissant apparaître un renforcement secret. Un socle surmonté d'un étincellement de petites étoiles de lumières bleues, attendait là son bon vouloir.
Rana'Ori se posta sur la base, activant son pouvoir d'un sursaut de sa volonté. Le rideau de lumière grandit jusqu'à recouvrir progressivement sa silhouette, de bas en haut, jusqu'à l'engloutir totalement. Trois secondes plus tard, le rideau se dissipait. L'héritière avait disparu.
Elle réapparut dans un tout autre secteur d'Agartha, dans le grand amphithéâtre où les deux lieutenants de l'Ange gardien s'étaient battus à coup de cubes d'orichalque.
Quittant son socle de tranfert, Rana'Ori s'étaient transportée dans la cité de Sûndagatt.

☼☼☼

Isabella avait le front plissé par la détermination.
Son corps moulé dans son corset était tendu par l'action, frémissant de cette ivresse particulière propre au combat.

10.PNG

Livrée à un duel acharné, confrontée à un adversaire rapide et puissant, elle mobilisait toutes ses ressources pour vaincre. Jusqu'alors elle avait réussi à tenir tête, puisant dans une ténacité sans faille.
Là, elle l'avait à sa merci, elle le sentait. Avançant sur Mendoza, elle feinta, frappa du genou, le faisant reculer, pivota pour balayer l'air de sa rapière, enchaîna d'un revers, feinta encore...
Un assaut préparé, élaboré, qui provoquerait à son apogée un déséquilibre imparable.
Mais alors que le capitaine aurait dû trébucher, s'étaler, recevoir dans la foulée le coup de grâce, il déjoua l'habile manœuvre d'un saut arrière, se plaçant in extremis hors de portée. Sans marquer le moindre temps d'arrêt, il revint sur elle, d'un bond puissant, le corps tendu vers l'avant. Sûre de son hallali, l'aventurière avait fait un pas de trop: en appui sur la jambe gauche, elle ne pouvait plus contre-attaquer.
Laguerra ne vit pas le coup partir. Ce fut juste un mouvement flou, sur sa gauche, à la périphérie de son regard. Puis un choc, violent, et son muscle deltoïde s'engourdit, soudain inerte. Elle se sentit happée par une étreinte d'acier, empoignée par l'épaule et l'arrière du genou, impuissante, soulevée puis basculée en arrière. Elle toucha le sol herbeux à plat dos, le souffle coupé. Elle vit alors la lame adverse, cette épée tranchante s'abattre droit sur sa gorge.
La pointe s'arrêta au tout dernier instant, à deux doigts de sa trachée.
Isabella rit, en dépit de son souffle heurté. Malgré sa posture, elle se sentait emplie de joie. De tous les adversaires qu'elle avait rencontrés, Mendoza était le plus talentueux, le plus implacable. Mais c'était également l'homme qu'elle aimait du plus profond de son être.
Le mercenaire lui tendit la main pour l'aider à se relever. Il songea:
:Mendoza: : Elle est bonne. Vraiment bonne.
Le plaisir à l'affronter n'en était que plus délectable. Elle incarnait la compagne d'entraînement idéale.
:Mendoza: : Tu penses seulement à l'entraînement?
Qui avait posé la question dans son esprit? L'Espagnol lui-même? Sa conscience? Ou cette autre voix, issue de son cœur?
:Mendoza: : Qui de mieux qu'une aventurière pour un aventurier?
D'y songer l'ébranla instantanément mais il parvint à cacher son trouble d'un sourire:
:Mendoza: : Ce n'est pas mal, Laguerra, pas mal du tout. Tu te bats admirablement bien, mais tu as encore tendance à trop te livrer à la fin de tes assauts. Tu dois savoir garder ton équilibre et ta distance, d'autant plus si tu affrontes quelqu'un de plus puissant que toi.
La jeune femme accepta l'opinion du bretteur sans se froisser. Elle adorait l'avoir comme partenaire de combat. Ils échangèrent un sourire complice.
:Mendoza: : C'est ton père qui t'a appris à te battre avec une telle alliance de styles?
Ironique, Isabella le salua de sa rapière et rétorqua:
:Laguerra: : Tu le sais bien! Nous avions évoqué ce sujet lors de notre premier duel. Il m'a initiée aux arts guerriers depuis l'enfance... Sur ma propre demande.
Elle repoussa les mèches qui voilaient son visage derrière son oreille.
Il eut soudain envie de l'embrasser. Ils avaient affronté les mêmes dangers, avec la même ardeur. Ils se côtoyaient presque comme s'ils se connaissaient depuis toujours. Ils s'accordaient parfaitement au chant de l'action et, à ses yeux, Laguerra incarnait de plus en plus son pendant féminin. Impossible de le nier.
:Mendoza: : Pas ici, pas maintenant...
Il se reprit.
:Mendoza: : Tu es une bonne tireuse, Laguerra. Vraiment, tu es très douée. Je ne peux que l'admettre.
:Laguerra: : Merci...
Elle le toisa avec une espèce de défi dans ses yeux. Constatant qu'elle le regardait avec insistance, un petit sourire aux lèvres, il demanda:
:Mendoza: : Quoi?
D'un air innocent, elle répondit:
:Laguerra: : Oh, tu n'as pas envie de savoir.
:Mendoza: : Pas de ça avec moi, Laguerra. Parle.
:Laguerra: : Tu l'auras voulu. Je pensais à nous. Il existe d'autres manières de jouter, or tu ne sembles pas encore décidé à te lancer.
Le regard se prolongea, chargé de sous-entendus, de cette tension sexuelle qui était née entre eux durant ce périple.
:Laguerra: : Tu viendras à moi, capitaine. De toi-même...
Sans cacher son agacement, il maugréa:
:Mendoza: : Ça va durer longtemps, ton manège?
Isabella ne se laissa pas démonter. Dans un sourire assuré, elle riposta:
:Laguerra: : Ça dura jusqu'à ce que tu cèdes. Écoute, c'est toi qui a voulu que je réponde...
:Mendoza: : Tu es capable de résister, Juan!
L'autre part de lui, nettement plus sensibles aux affaires du cœur et de l'attirance, tonna:
:Mendoza: : Coquebert! Une telle beauté s'offre franchement à toi et tu refuses?
:Mendoza: : Ne l'écoute pas. C'est parfait, au contraire. Tu sais à quel point tu dois te méfier des femmes. Tu sais le mal qu'elle t'ont fait...
:Mendoza: : Arrête de te mentir à toi-même! C'est du passé, tu les as oubliées. Et ce ne sont certainement pas tes précédentes conquêtes qui t'empêchent de construire quelque chose avec Laguerra.
:Mendoza: : Ah non? Et c'est quoi, alors?
:Mendoza: : Pas quoi, mais qui! Et je vais te le dire: Zarès. L'impression de danger qu'il laisse planer sur vous fait que tu refuses ces moments d'abandon avec elle. Tu as failli la perdre lorsqu'il vous a attaqué, et ça, tu ne le supportes pas. Tu t'es senti vulnérable à cet instant et c'est la raison pour laquelle tu ne veux plus céder à tes pulsions.
L'Espagnol réprima l'envie de se prendre la tête à deux mains et de hurler à ses voix de se taire une bonne fois pour toutes. Il comprima sa volonté jusqu'à dissoudre ces manifestations insidieuses.
Ce qui ne changeait rien au fait que Laguerra le défiait et, quoi qu'il prétende, il mourait d'envie de répondre à cette invite, d'une nature toute particulière.
Sa résolution vola donc en éclats.
:Mendoza: : Mais pourquoi je me torture de la sorte? Zarès est loin. Vogue la galère...
Un tendre sourire aux lèvres, elle reprit:
:Laguerra: : Mais avant que nous démarrions cette phase, j'ai une requête...
:Mendoza: : Mmm! J'imagine que tu vas me demander un baiser?
:Laguerra: : Comment le sais-tu?
:Mendoza: : Je commence à te connaître, Laguerra. Et sache que tu n'as pas besoin de me le réclamer car, cette fois, je vais le prendre!
Sans lui laisser le temps de réagir, il la saisit pour l'attirer contre lui, la plaquer fermement poitrine contre poitrine, bas-ventre contre bas-ventre.
Sa conscience tonna en lui:
:Mendoza: : Sottard! Vas-tu vraiment t'entêter dans cette folie? Tu peux encore tout arrêter là, avant qu'il ne soit trop tard. Écoute ta raison, lâche cette femme!
Mais au lieu de céder à sa voix interne et vitupérante, l'Espagnol la musela avant de l'enfermer à double tour dans un recoin de son esprit.
Il ne se défiait plus de la jeune femme, elle lui avait démontré par des actes clairs qu'elle était digne de confiance.
Il ne se défiait plus de lui-même, car il s'était prouvé avec elle qu'il était capable d'aimer, d'aimer véritablement.
Il se méfiait pourtant, et cela entravait ses perspectives d'avenir. Il se méfiait du Destin. Ce joueur insaisissable, immatériel, qui semblait se complaire à faire échouer ses amours.
Mais pour l'heure, leurs bouches se touchèrent dans un embrasement commun. Leurs langues se mêlèrent l'une à l'autre, sans hésitation, chacune animée de sa propre passion.
:Mendoza: : Bravo, Mendoza! Prend le plaisir comme il vient...
La jambe d'Isabella s'enroula à l'arrière de celle du capitaine. Elle répondait à ce baiser avec la même ardeur que celle déployée par son partenaire, comblée de bonheur plus encore que d'excitation. Comblée par l'un de ces moments parfaits, idéal de réalité, bien trop rares dans son existence tumultueuse.
Elle désira brutalement que le temps se fige. Elle ne voulait rien de plus. Rien d'autre que de rester ainsi, dans les bras virils et protecteurs de l'homme qu'elle aimait.
Y rester à jamais.

Camouflé derrière un énorme baobab, Gaspard les observait, les yeux emplis de haine. Il souffrait surtout d'une jalousie inapaisable contre l'homme qui lui avait ravi la señorita.

Les escrimeurs se séparèrent sagement, quoique le souffle heurté. Ils retournèrent sans se presser vers le village. Isabella, son fessier parfait ondulant pour le marin à chacun de ses pas, fredonnait un air aussi enjoué que son esprit. Mendoza, les pensées de nouveau tournoyantes, ne pouvant s'empêcher d'admirer la cambrure de sa chute de reins ainsi que le galbe parfait de ses mollets.

☼☼☼

Le Conseil de Goa siégeait à huis clos dans la salle d'audience privée du palais, autour de l'imposante table ronde. Une réunion extraordinaire, initiée par Aleixo de Menezes.
Aleixo: Mes seigneurs, je vous ai réunis ici d'urgence pour vous informer d'une menace. Que Dieu nous guide et nous protège! En effet, mes informateurs m'ont révélé l'existence d'un culte de fanatiques décidé à s'attaquer à notre colonie. Ces hommes sont très certainement à la solde de Mahmud Shah, le nabab du Bengale, qui, nous le savons tous, inquiet de l'ascension de Sher Shah Suri, a fait alliance avec les armées des Lohani.
Le catholique prit le temps de lisser le devant de sa chasuble, cette pause destinée à marquer les esprits de ses auditeurs.
À peine assis, Francisco Roiz, l'administrateur de Goa demanda:
Roiz: Comment va le maître du Bihar?
Il était logique de poser cette question à l'archevêque puisqu'il dirigeait le ministère de l'Ayurveda* et ses Vaidyas*.
Aleixo: Son état reste stationnaire, mais rassurez-vous, j'ai chargé mon meilleur médicastre, ici présent, de s'occuper de lui. Notre allié ne peut être placé en de meilleurs mains, et je ne doute pas que, bientôt, il sera guéri de cette vilaine fièvre.
Il poursuivit:
Aleixo: Je me suis permis de vous rassembler ici pour une raison cruciale... Vous avez comme moi pris connaissance des rapports du guet. Le seigneur Lopo Vaz de Sampaio vient d'être assassiné en compagnie de ses deux gardes du corps, et d'une patrouille... Que Dieu les accueille en son royaume... Les corps de nos regrettés administrés ont été découverts dans l'un des entrepôts appartenant au seigneur Vaz. Je soulignerai par ailleurs l'extrême sauvagerie avec laquelle ont agi les auteurs de ce crime...
Le docteur Laguerra, le gouverneur et l'administrateur de Goa se regardèrent, cette information s'avérait tout aussi inquiétante que la maladie de Sher Khan.
Aleixo: Le guet a révélé sur les murs la marque de Kâli clairement apposée... avec le sang des victimes. Je pense que la secte à voulu nous envoyé un message, à nous, les colons. J'avais espéré éviter une telle atrocité mais vous n'avez pas voulu me croire lors de notre dernier conseil. Il faut à présent en assumer les conséquences... Heureusement, nous avons réussi à faire passer ces assassinats comme des crimes crapuleux, évitant ainsi une panique certaine.
L'alchimiste intervint:
:Docteur: : Morbleu! Il faut ouvrir les yeux sur ce qui nous menace et réagir! Il n'est que temps de prendre des mesures énergiques. Votons la création d'une commission de défense et, puisque l'état de Fahrid Khan le laisse incapable d'assumer ses fonctions, laissez-moi la diriger en m'accordant les pleins pouvoirs. Je ne vois pas d'autres moyens de nous défendre... hormis appeler le roi Jean à l'aide, au risque évident de passer pour des incompétents. Ce risque, ni vous ni moi ne voulons le prendre, n'est-ce pas, gouverneur?
Les traits contractés, le teint blême, Nuno da Cunha s'empressa de répondre:
Nuno: Il faut réagir, effectivement.
Au bras gauche de son costume, il portait le brassard du deuil.
Nuno: Lopo était le plus cher de mes amis, nous ne pouvons laisser un tel crime impuni! Je me range à votre avis, Fernando, je ne doute pas que vous ferez bon usage des pouvoirs que le Conseil vous confère.
L'administrateur tenta:
Roiz: Écoutez, gouverneur...
Nuno: Non, Francisco. Vous savez que je vous apprécie, mais vous devez respecter mes décisions comme je respecte les vôtres, je serai intraitable sur le sujet!
Après une grimace, ne se souciant pas de cacher sa réprobation, Roiz signifia:
Roiz: Fort bien, puisque c'est ainsi, puisque Fahrid est incapable de tenir son rôle, pour le bien de nos administrés, je m'incline.
Laguerra gonfla sa poitrine et se leva, posant les mains à plat sur la table ronde:
:Docteur: : Je prierai Dieu pour qu'il me donne la force d'accomplir ma tâche. À présent, je vais vous laisser, j'ai fort à faire. Ne doutez pas cependant de mon entier dévouement, je sauverai la ville du danger qui la menace! Je prierai également pour notre allié, puisse-t-il sans tarder recouvrer la santé... Mais abordons un sujet plus plaisant, l'inauguration de nos projets... Je pense qu'il faut en maintenir la date. Nous devons montrer à ces marauds que nous ne les craignons pas. Annuler les cérémonies serait leur prouver que nous sommes faibles, ce qui n'est nullement le cas.
Les trois autres acquiescèrent, après quoi les seigneurs de Goa passèrent en revue le détail de ce qu'il restait à régler.
En quittant la réunion, le père d'Isabella retint un ricanement dans laquelle la moquerie se mêlait au triomphe. Tromper ses pairs du Conseil avait été si facile. La mort de Lopo Vaz de Sampaio avait emporté la décision du gouverneur, comme il l'avait prévu.
C'est de fort bonne humeur qu'il traversa le palais et réintégra ses appartements. Il avait de la besogne à abattre et toute l'énergie nécessaire.
Trouver un bon copiste pour imiter l'écriture de Nuna da Cunha avait été un jeu d'enfant. D'autant plus grâce aux nombreux documents officiels ou commerciaux que ce dernier avait rédigé, ne serait-ce que le rapport mensuel du Commerce, distribué à l'hôtel de ville. Le gouverneur s'était donc rendu directement dans le piège du docteur, et tout le reste s'était enchaîné comme il l'escomptait. Les meurtres sauvages du seigneur Vaz et d'une patrouille du guet avaient ébranlé les membres du Conseil. Ces derniers avaient perdu de leur assurance. De quoi lui laisser les coudées franches pour avancer ses pions. Il aurait pu s'attaquer directement à eux et les livrer à 'Aslan, il y avait songé. Cependant, c'eût été une grave erreur, car alors le roi du Portugal n'eût pas manqué d'intervenir pour soutenir le Conseil amputé brusquement de trois de ses membres. Laguerra tenait à incarner l'homme providentiel, et si Jean III intervenait, impossible que ce soit le cas.
Nourri de son succès qui en laissait augurer bien d'autres, le docteur se sentit brusquement excité. Nul doute que Ambrosius sera ravi.

À suivre...

*
Ayurveda: Forme de médecine traditionnelle non conventionnelle originaire de l'Inde.
Vaidya: Médecin pratiquant l'Ayurveda. Le vaidya ne traite pas le patient uniquement sur le plan physique mais étudie toujours l'ensemble de la personnalité et de la situation d'une personne, ce qui inclut des facteurs aussi divers que la profession, la vie de famille, les influences saisonnières et les habitudes quotidiennes. Au cours de sa formation, il aura étudié les aspects physiques, mentaux et émotionnels de la guérison et ce qui relie l'individu au cosmos.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 25 janv. 2021, 20:35, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par manonallemende »

'Aslan faisait un festin. Sa mâchoire démesurément agrandie claquait, broyant les os, déchirant la chair fraîche, engloutissant les sucs, avec la voracité dont il était capable en de telles circonstances. Les deux protecteurs avaient été ainsi traités, comme juste récompense de son intervention. En revanche, pour la dernière victime, Lopo Vaz de Sampaio, le fauve avait eu le droit de lui arracher la vie, mais pas celui de le manger. Et surtout, il devait absolument laisser la tête de sa victime intacte, aisément identifiable. → ZZZZZZZZZZZZZZZZZZ !!!! Ca fait froid dans le dos ! :shock:

Ce quelque chose s'avérait être la rage de son lion. → J’ai pas envie de le croiser dans la rue, vu les dégats qu’il fait ! 8-x

Rana'Ori: Ce n'est pas possible... Pas encore eux! Si je m'attendais... Patience, mon bel 'Aslan, profite des tributs que t'offre les membres renégats de l'Ordre du sablier sans te résigner à ta servitude. → CA VA CHIER DES BULLES !!!!! :lol:

:Mendoza:  : Elle est bonne. Vraiment bonne.
Le plaisir à l'affronter n'en était que plus délectable. Elle incarnait la compagne d'entraînement idéale.
:Mendoza:  : Tu penses seulement à l'entraînement? → ESPRIT MAL PLACE PRESENT !!! :x-): :roll:

:Laguerra:  : Tu viendras à moi, capitaine. De toi-même... (Pensée). → Et vite de préférence :x-):

:Laguerra:  : Mais avant que nous démarrions cette phase, j'ai une requête...
:Mendoza:  : Mmm! J'imagine que tu vas me demander un baiser? → Il lit dans son esprit 8)

Mais au lieu de céder à sa voix interne et vitupérante, → Il faut écouter ton coeur pas ta raison ! :roll:

En quittant la réunion, le père d'Isabella retint un ricanement dans laquelle la moquerie se mêlait au triomphe. → Il a pas changer celui la, toujours aussi manipulateur 8-x

Nul doute que Ambrosius sera ravi. → Sûr, pour manipuler la terre entière il serai content... :x-):

En tout cas bon chapitre et toujours agréable à lire ! Merci pour ces moments de détente :-@
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par IsaGuerra »

infesté délibérément par des crocodiles. : Encore et toujours les même bestioles ! (bon ok que ce soit en Chine ou après Ophir il me semble que c'est des alligators)
une haleine de phacochère constipé : :lol: :lol:
→ Et bien sacré boucherie là ! Et Fernando qui commande à Aslan bah... On est mal barré !

Tu es une bonne tireuse, Laguerra. : Bordel mais autant Manon sur le elle est bonne c'est normal d'avoir l'esprit tordu de présent mais là ? Quelqu'un m'explique ?
:Mendoza: : Mmm! J'imagine que tu vas me demander un baiser?
:Laguerra: : Comment le sais-tu?

→ Ca devient une habitude ça !
Écoute ta raison, lâche cette femme! : Dans c'est moment là la ptite voix dans la tête elle la ferme on empêche pas Mendoza de profiter d'Isabella

→ j'ai chargé mon meilleur médicastre, ici présent : Meilleur menteur et manipulateur serait plus exact même si lui n'en sait rien :roll:
→ Ah ce Fernando-ci est toujours aussi manipulateur et fou

Super chapitre vivement la suite ! :x-):
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par kally_MCO »

IsaGuerra a écrit : 25 janv. 2021, 22:58Tu es une bonne tireuse, Laguerra. : Bordel mais autant Manon sur le elle est bonne c'est normal d'avoir l'esprit tordu de présent mais là ? Quelqu'un m'explique ?
En effet, j'aimerais bien une explication, moi :tongue: En quoi le fait qu'il dise ça te fait penser à... brefons.

Juju, j'ai lu les premiers chapitres de ta fic ce matin (alors que je n'ai pas encore vu les 6 derniers épisodes de la saison 4, logique quand tu nous tiens (bon, j'ai sauté des passages)), et je dois t'avouer que j'adore et que j'ai hâte d'avoir la suite !

Enfin, Fernando, mon amour perdu, refait surface ! :-@ :x-):

Oh et je suis fan de Rana'Ori, no comment. Des bisous et merci pour ton travail ^^
— Regarde toi : la finesse d'une enclume et la loyauté d'un bigorneau !
— Et toi, capitaine Mendoza, tu fais quoi d'honorable à part chasser les mouches avec ta cape ?!
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 5. Explications.

Dans la salle des couronnes, durant la pause qu'il accorda aux Élus, le naacal de Sûndagatt recula d'un pas puis égrena une mélodie en sourdine, le regard concentré.

9.PNG

Un étincellement doré ne tarda pas à naître, nimba sa main droite et lorsque le phénomène s'estompa, Skagg tenait une fiole minuscule, de la taille d'un dé à coudre. Ce qu'il y avait dedans allait lui faire recouvrer la pleine possession de ses moyens.
Il déboucha le flacon laissant échapper une intense odeur de yangtao* frais.
Avec un sourire penaud, il annonça:
Skagg: Désolé, les enfants. C'est une dose unique.
Ces derniers répondirent d'un haussement d'épaules. Ils avaient soif, mais se moquaient bien de boire autre chose que de l'eau en un tel instant. Et la dose de cet étrange jus de fruits, effectivement, était risible.
Le naacal avala d'un trait le contenu de la minuscule fiole et lâcha un profond soupir d'aise.
Ses traits se mirent alors à luire légèrement de l'intérieur, tandis que le parfum du végétal inondait l'atmosphère tout autour d'eux.
Sous l'œil ébahi des ses deux élèves, les cernes de fatigue creusant ses traits s'estompèrent.
Skagg: Ah, je me sens tel le phœnix qui vient de renaître, au mieux de sa forme!
Skagg baissa la tête et son regard inspecta sa mise. Semblable à une loque, son épaisse robe bleue était froissée en maints endroits.
Skagg: Hum, un phœnix peut-être mais, en vérité, singulièrement dépourvu de ramages. Regardez-moi cette coupe grossière... Et cette bure qui me démange des pieds à la tête! Mortecouille et Saperlotte, cette misérable tenue ne correspond en aucun cas à celui que je prétends incarner! Il me faut absolument y remédier, sous peine de me voir foudroyé incontinent par la honte et l'inconfort!
L'homme-mystère leva l'index et chantonna quelques mots à la musicalité certaine.
Trois secondes plus tard, sa silhouette disparaissait dans un nuage de lumière vaporeuse et mordorée.
Lorsque celui-ci se dissipa, un Skagg transformé se tenait devant Estéban et Zia. Il arborait dorénavant une tunique jaune, un pantalon bleu roi, un gilet en laine mauve, des bottines en peau de chamois et une magnifique écharpe crochetée d'or, de jaune, de parme et de bleu.
Le fils d'Athanaos cligna des yeux, le temps de s'accommoder à cette subite débauche de couleurs. La magie du sage, basée sur le chant était pour lui inexplicable mais subtile, discrète d'emploi, et sans aucun doute beaucoup plus puissante qu'il n'y paraissait.
L'Élu se demanda si, en dépit des apparences, le singulier personnage qu'il côtoyait n'était pas en réalité l'égal d'un alchimiste.
Le naacal effectua une rotation sur lui-même, comme pour mieux se faire admirer:
Skagg: Ah, c'est mieux! Beaucoup mieux! Skagg est redevenu Skagg et les trompettes de son moi résonnent à nouveau harmonieuses!
Skagg, si lunaire, un alchimiste? Skagg, si exaspérant de bavardage, l'égal d'un Ambrosius? Une telle association était risible et Estéban se gourmanda. Non, comment une idée aussi saugrenue pouvait-elle lui venir?
Il préféra revenir au concret et questionner le naacal:
:Esteban: : Où sommes-nous réellement, Skagg? Depuis que Zia et moi nous sommes téléportés en cet endroit, j'en suis venu à me demander si nous étions toujours sur Terre.
La jeune Inca renchérit:
:Zia: : Et ces globes, dans le ciel, sont-ils des lunes ou des soleils? Sommes-nous le jour ou la nuit?
Skagg: Ah, que d'excellentes questions, mes enfants! Observateurs comme vous l'êtes, vous avez compris que les lois de cet univers étaient différentes des autres. Ce qui est normal, vu que nous sommes dans l'Ailleurs. Y-a-t-il un cycle jour-nuit? Oui. Non. Tout dépend, en fait. C'est à dire que c'est une question... enfin, peut-être que si vous pouviez appréhender le théorème de la relativité, ou bien les bases du calcul spinoriel, je pourrais vous fournir une réponse claire.
Constatant que le jeune garçon fronçait les sourcils, l'homme-mystère se hâta d'ajouter:
Skagg: Je fais de mon mieux, je vous assure!
Le fils du soleil se massa l'arête du nez, tout en se disant que Skagg était un Tao à la puissance dix. Le temps de se calmer. Il reprit:
:Esteban: : Ce cycle existe-t-il, oui ou non?
Skagg: Oui.
Le naacal s'apprêta à développer, mais le jeune Atlante pointa sur lui un doigt sévère et poursuivit:
:Esteban: : Donc, ce cycle existe mais, contrairement à vous, Zia et moi ne pouvons pas nous en rendre compte, c'est ça?
Skagg: Tout à fait.
:Esteban: : Ah, vous voyez? Voilà justement une conversation comme je les aime, des questions-réponses simples, claires, précises... le genre d'échange que j'aimerais vous voir employer plus souvent. J'en ai marre des énigmes et des devinettes, moi!
Tout à fait hors de propos, Skagg s'écria:
Skagg: Ah-ah, encore trois équations de résolues! Plus que soixante-neuf... J'avoue, celle sur les flux lunaires m'a longtemps posé souci. Je vous fais grâce des secondes, mais cela représente tout de même cent quarante mille mois, douze jours et cinquante-huit minutes que j'y songe! Au fait, vous disiez, messire Estéban?
Dégoûté, ce dernier répliqua:
:Esteban: : Laissez tomber. Indiquez-nous plutôt comment trouver à manger et à boire dans votre univers. Nous sommes là depuis des heures et je meurs de faim et de soif, moi!
Skagg: Ah oui... effectivement. Il est vrai que les besoins du corps humain sont ridiculement redondants... sur certains points... voire sur tous! Hum, il y à là matière à débattre, n'est-il pas vrai? Un débat sans doute faussé par l'aspect... Enfin! Quoi qu'il en soit, chers Élus, vous aurez bien du mal à trouver du gibier en ces lieux. Tout autant qu'à trouver une auberge, une ferme où vous restaurer...
:Esteban: : Skagg?
Skagg: Oui, messire Estéban?
:Esteban: : À boire et à manger. Maintenant. Les mots ne nourrissent pas.
À cette tirade, les traits allongés de l'homme-mystère s'éclairèrent d'un grand et chaud sourire et il s'exclama:
Skagg: Ah-ah!
Puis il resta silencieux, tellement silencieux que Zia finit par demander:
:Zia: : Ah-ah?
Skagg: Mais oui, par les Saintes Tablettes Naacal! Car, sachez, chers Élus, qu'en certaines occasions... je vous l'accorde, spécifiques... en certaines occasions, les mots peuvent suffirent à satisfaire, je dirais même combler tout autant l'appétit que la soif. Et je vous en donne incontinent la preuve!
Skagg recourut à son phrasé musical, pointant ses deux index sur eux. Il chantonna d'une voix très douce trois mots de pouvoir. Deux petites lumières tremblotantes, minuscules lumignons de mana doré, naquirent au bout de ses doigts. Le naacal ajouta un nouveau mot de pouvoir, clôturant ainsi son sortilège. Les lumignons magiques voletèrent jusqu'au visage des enfants, avant de s'enfoncer en plein centre de leur front.
Ils éprouvèrent une curieuse sensation, comme si une note de musique tintait, longue et délicate, dans tout leur être. Une note claire, distincte, d'une pureté absolue. Et lorsque ladite note cessa de résonner en eux, leur corps fut baigné d'une onde rafraîchissante qui les lavait de l'intérieur, comme si leurs oreilles se débouchaient soudain, leurs poumons respiraient plus d'air, comme si leurs sens étaient nourris par une sensibilité nouvelle. Revigorés des pieds à la tête, Estéban et Zia se sentirent dorénavant rassasiés de la soif comme de la faim.
Le jeune garçon balbutia:
:Esteban: : Mille écus! Mais comment...?
Skagg: Et voilà! Vous êtes désormais accordés aux flux énergétique de l'Ailleurs. Ce qui veut dire que dans ce royaume, la lumière ambiante vous nourrit, vous n'aurez donc plus besoin de vous soucier de remplir vos estomacs. Et tout cela grâce à des mots!
L'homme-mystère marqua une pause, une longue pause, comme s'il écoutait quelque chose, un son lointain. Les enfants, eux, ne percevaient rien.
:Zia: : Skagg?
Skagg: Oui? Hein? Euh, où en étais-je?
:Esteban: : Vous en étiez à...
Le naacal le coupa:
Skagg: Ah oui, nous évoquions tous trois l'excellence de mes talents! Bien sûr, la manœuvre n'a pu être possible que parce qu'il s'agissait de vous, chers Élus, et que nous sommes accordés sur tous les Plans d'existence, vous et moi.
Estéban grinça:
:Esteban: : Ça-y-est, vous recommencez.
Skagg: Je recommence?
:Esteban: : À débiter votre charabia sans vous rendre compte une seconde que je n'y comprends rien. Je ne sais pas pour Zia, mais moi, ça finit par me flanquer la migraine. Bon sang, faites simple, Skagg... faites simple ou vous allez m'énerver.
Skagg: Il est vrai que vous réclamez depuis longtemps une certaine vulgarisation dans l'essence de mes propos. Ah, pour sûr, si je n'étais occupé à résoudre ces soixante-neuf équations temporelles en même temps, tout en devisant avec vous deux, je serais moins brouillon!
:Esteban: : Écoutez, durant notre quête, la princesse Rana'Ori, les autres sages et vous-même avez échangé avec nous via un jeu de piste. Ensuite, nous nous sommes téléportés dans l'Ailleurs par accident.
:Zia: : Oui, Estéban et moi ignorions la seconde utilité du double médaillon. Nous ne savions même pas que c'était possible.
:Esteban: : Et l'air de rien, vous usez de magie à volonté, de magie puissante, je m'en rends compte, et sans qu'il semble vous en coûter... Ce qui me rend... ce qui nous rend curieux. Alors, je vais vous poser des questions simples et j'attends des réponses simples: qui êtes-vous, Skagg? Qui êtes vous réellement? Depuis que nous nous connaissons, depuis notre rencontre à Bâdalom en tant que lumino-projection, vous ne croyez pas qu'il serait temps de tout nous dire, non?
Skagg: Vous feriez mieux de reprendre vos exercices jeune Élu, car vous ne maîtrisez pas encore bien les pouvoirs de cette couronne sur votre royale tête...
Tout en croisant les bras, le fils du soleil refusa:
:Esteban: : Non! Je ne ferai rien tant que vous ne nous aurez pas apporté un élément de réponse.
Constatant que le jeune garçon ne fléchirait pas, le naacal balbutia d'un ton rapide:
Skagg: Je suis... non... j'étais l'un des hérauts de la maîtresse de ce royaume. Je ne le suis plus...
Il soupira:
Skagg: Je ne le suis plus, car je suis devenu le vôtre, mes enfants. Et comme j'aimerais enfin pouvoir tout vous dire... mais si je le faisais, les conséquences risqueraient de faire basculer l'univers tout entier. Que puis-je vous dévoiler? Dois-je aussi vous parler du destin de votre Ange gardien? Lui-même n'a-t-il pas le droit de savoir? Ce droit qu'il réclamera n'est-il pas légitime? Mais si je vous avertis, vous ferez la même chose à son égard et ainsi, cela changera le cours de ce qui sera et je n'ose, contrairement à la princesse, elle n'éprouve pas ces scrupules, je le sais bien. Et pourquoi je me refuse malgré moi à tout vous dire? Parce que dans tous les Possibles que j'entrevois, nombreux, bien trop, sont ceux où le capitaine Mendoza se transforme en un Ange assoiffé de sang et de destruction, non plus le vassal de dame Mort, mais son rival. Puis, il vainc la dame elle-même. Et il pulvérise le monde de sa colère. Il sombre et l'ensemble des Plans sombre avec lui. Hormis ma maîtresse, je suis le seul à savoir pour tous ces effroyables destins. Comment agir? Comment agir au mieux? Que décider? Et comment le préserver, lui, de tout ce qui l'attend? Le préserver tout en le laissant libre d'agir... Que de questions, que de nouvelles équations à résoudre... Par les Saintes Tablettes Naacal!
Skagg ne put développer son propos pour les Élus. À cet instant, des pas résonnèrent dans la salle des couronnes. C'était la princesse Rana'Ori, en train de contourner l'énorme cube d'orichalque en suspension. Elle avançait avec un écusson Alante entre les mains. Cette broche, qui autrefois appartenait à Tyrias, était le seul souvenir qui restait de lui...
Le sage de Sûndagatt tressaillit.
Skagg: Si tôt! Comment ont-ils pu...

☼☼☼

Cette nuit-là, seul sur sa couche, Mendoza rêvait qu'il faisait l'amour à Laguerra. Une Laguerra dont les cheveux d'un noir de jais, longs et soyeux, semblaient interminables, dont le corps était un appel à l'abandon, à la jouissance, une œuvre d'art, à lui seul.
Il la chevauchait. Elle le chevauchait. Ils se donnaient l'un à l'autre à grands coups de reins, leurs corps emmêlés, soudés, emportés par le même désir fiévreux.
C'était le genre de songe exquis qui semblait s'étirer dans le temps pour n'en jamais finir, et dont l'écho vous accompagnait toute la journée.
Le capitaine s'éveilla tendu de désir, l'esprit chaviré, son cœur battant à tout rompre. Quel message son subconscient tentait-il de lui faire parvenir? Y avait-il un message, au moins?
Oui, il y en avait un, il n'en doutait pas.

☼☼☼

La journée s'écoulait sous un soleil chaud au milieu d'un ciel limpide. Mendoza avança à grands pas dans le village. Sa dague sombre reposait dans sa botte gauche. C'était la seule arme qu'il portait, n'ayant pour l'instant pas prévu de sortir de la vallée.
Il n'avait pas vu Laguerra de la matinée et cette absence commençait à le titiller.
:Mendoza: : Où es-tu ma belle? À quoi passes-tu ton temps? Tu me manques. Tu me manques réellement mais c'est bon, si bon. Cela me prouve que je tiens à toi. Cette pensée me rassure et me vivifie tout autant qu'elle m'effraie.
Il avait envie de la voir, c'était même devenu une sorte de besoin qui l'élançait malgré lui. Songeant au rêve qu'il avait fait cette nuit, il la cherchait inconsciemment du regard. Il avait hâte de la retrouver. Cependant, pas dans l'immédiat car il avait une petite mise au point à faire.
Sortant de l'enceinte du village, le mercenaire finit par arriver au lieu de rendez-vous où l'attendait son opposant. En le voyant approcher, les yeux de ce dernier brillèrent mais il ne dit rien, se contentant de le saluer d'un signe de tête.
Tout en avançant, le capitaine songea au nombre incalculable de fois où ils s'étaient rencontrés et affrontés. Gaspard s'était montré un rugueux adversaire. Cependant, il n'était pas question pour lui de redouter ce qui allait se produire. Au contraire, fidèle à sa nature, il attendait avec un certain plaisir ce nouveau duel.
Ils étaient seuls. Pas un villageois en vue. Cette histoire ne concernait que les deux Espagnols.
Gardant toujours le silence, l'officier ôta sa tunique.

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Mendoza se mit également torse nu. Ils arboraient le même ventre musclé aux abdominaux parfaitement dessinés, les mêmes pectoraux puissants. Ils étaient, à peu de chose près, de même taille, de même allonge. Le Catalan était toutefois plus mince, plus svelte.
À voir la corpulence du capitaine d'armée, il savait que ce dernier était supérieur en force brute, mais sans doute inférieur en vitesse de réaction.
D'un commun accord, ils se placèrent face à face. Aucun mot ne fut échangé. Pour des hommes de leur trempe, le temps n'était plus aux paroles.
Mendoza se concentra. Pas question d'user de sa lame. Du reste, il ne venait pas pour livrer un combat à mort.
Gaspard vint sur lui à grands pas, le visage contracté. Aussitôt à portée, il passa à l'action entamant un geste vif de la main droite. Une feinte, modèle du genre.
Le capitaine s'y laissa prendre. Il s'en rendit compte, mais c'était déjà trop tard. Son adversaire changea de pied d'appui et... BLAM!
Le mercenaire avait commis une grosse erreur dans ses appréciations, le balourd se révélant bien plus rapide qu'il ne l'avait pensé. Aucune parade, aucune esquive possible. Un uppercut très sec, comme surgit de nulle part, cueillit le marin sur le côté gauche de la mâchoire, suivi immédiatement d'un direct du droit sous la pommette. Un homme moins solide que lui aurait touché terre. La vision troublée, il frappa en retour par pur réflexe. Sa riposte du genou atteignit son concurrent au niveau des côtes. L'Ange gardien des Élus enchaîna en flanquant son coude en travers de la bouche de Gaspard.
La lèvre éclatée, celui-ci accusa l'impact à son tour. Cela ne l'empêcha pas de répondre d'un revers du poing dévastateur. Mendoza sentit venir le coup plus qu'il ne le vit. In extremis, il recula la tête. Le poing adverse l'atteignit en haut de l'épaule. Juan réagit dans la seconde, abattant le tranchant de sa main en oblique dans le cou de l'officier.
:Mendoza: : Cogne, cogne, cogne!
Gaspard trébucha puis recula de quelques pas, le visage crispé par la douleur.
De son côté, le navigateur secoua la tête pour éclaicir sa vue.
Un lourd silence planait dans la savane.
Ils se toisèrent.

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Posant ses mains sur ses larges hanches, adoptant une posture détendue, Gaspard sourit et cracha à celui qui lui faisait face.
:Gaspard: : Alors, moucheron, tu vas te décider, oui?
Le même rictus se creusa sur le faciès de son opposant.
Ils s'élancèrent l'un sur l'autre et, dans un incroyable déluge de force brutale, les deux hommes échangèrent coup pour coup.
Le capitaine d'armée et le navigateur.
Deux rocs. Deux blocs.
Deux puissances brutes.
Mendoza grondait. Gaspard grognait.
Sueur et sang.
Hormis leur endurance, leur capacité à encaisser, la défense ne comptait pas, il n'y avait que peu de contre et pas d'esquive. Tout pour l'attaque, pour écraser l'adversaire. Il fallait tenir bon sur ses jambes. Tenir bon pour frapper. Frapper jusqu'à ce que l'autre tombe. Ce serait au plus faible de céder.
Mendoza reçut une gauche venimeuse dans les côtes, suivie d'un crochet du droit sous l'œil. Il riposta d'un doublet des deux poings dans le ventre du barbu et, d'un uppercut sec, il lui projeta la tête en arrière avant de lui asséner un crochet du gauche dans le cou.
Gaspard s'ébroua et allongea un revers du droit. Il fit suivre d'un coup de genou, d'un jab et d'un crochet à la mâchoire.
:Gaspard: : Je vais te défoncer, Mendoza!
Ce dernier bloqua le poing qui arrivait sur lui d'un pivot de l'épaule et sa gauche s'écrasa contre la barbe de son adversaire. Le militaire répliqua aussitôt en le tirant à lui pour mieux lui flanquer un coup de tête, qu'il fit suivre d'une droite sous le cœur.
Le Catalan hoqueta sous l'impact. Il lui sembla avoir été chargé par un troupeau de gnous. Gaspard avait pris l'avantage. Crochet du droit, doublé, crochet du gauche, frappe de l'avant-bras, direct, coup de genou. La tête ballottée de tous côtés, pilonné, encore et encore, acculé par le capitaine d'armée, Mendoza se retrouva au tapis.
Il resta une seconde sur le dos, puis roula sur le côté, cracha un jet de sang, et tenta de se redresser.
:Gaspard: : Je vais t'écorcher vivant, comme on sait le faire par chez nous...
Le molosse prit son élan et lui balança un autre coup de botte dans le flanc.
Le mercenaire tressauta sous l'impact, cracha, toussa, tentant d'insuffler de l'air dans ses poumons malmenés. Il y parvint et, dans un incroyable effort, réussit à se remettre à quatre pattes.
Tout en tentant maladroitement de se relever, il bredouilla:
:Mendoza: : C'est tout... ce que... tu as... grosse bedaine?
Le temps du troisième round était venu.
Les deux compétiteurs se tendirent l'un et l'autre, prêts à repartir à l'assaut.

:Laguerra: : Ah mais bravo, beau spectacle!
L'exclamation surprit tout autant Mendoza que Gaspard, les figeant sur place. Laguerra se tenait face à eux, les mains sur les hanches, pleine de colère. Ils ne l'avaient pas vue arriver.
:Laguerra: : Je savais bien que vous me cachiez quelque chose, hier! Par tous les saints, qu'est-ce qui vous prend, tous les deux? Êtes-vous devenus fous?
Tout en essuyant le sang qui gouttait de sa bouche, Gaspard répondit:
:Gaspard: : Un simple entraînement, señorita, rien d'autre.
Le mercenaire, dont la mâchoire palpitait de douleur, renchérit:
:Mendoza: : Tout à fait.
:Laguerra: : Mais vous me prenez pour une idiote, ou quoi?
Le ton de l'aventurière avait grimpé d'un ton.
:Laguerra: : Vous n'êtes pas en train de vous entraîner, mais de vous battre! Et je pense que je sais pourquoi. Osez me dire que ce n'est pas à cause de moi, cet affrontement...
:Gaspard: : Voyons, señorita...
:Laguerra: : Señorita, rien du tout! Ah, vous les hommes, de vrais coqs de basse-cour, il faut toujours que vous vous affrontiez pour savoir qui est le plus viril! Honte à vous qui représentez l'Espagne! Vous feriez mieux de vous comporter en êtres civilisés à l'avenir. Et puisque je dois vous mettre les points sur les i, apprenez, tous les deux, que je ne suis pas un trophée qu'on se dispute. Et d'ailleurs, Gaspard, je pense avoir été claire à votre sujet. Regardez Mendoza! Regardez-le bien et sachez que c'est lui, l'homme qui fait battre mon cœur.
:Gaspard: : Pfff! Vous dites l'aimer alors que vous ne savez pratiquement rien de cet Ostrogoth! Tiens! Je parie que vous ne connaissez même pas son prénom!
:Laguerra: : Pas plus que le vôtre! Pourtant, nous avons passé plus de temps ensemble, Gaspard...
:Mendoza: : Juan-Carlos. Je m'appelle Juan-Carlos.
Tandis que l'aventurière esquissa un sourire, l'officier s'esclaffa franchement.
:Gaspard: : Ah! Ah! Ah! Ri-di-cu-le!
:Mendoza: : Et toi, Gaspard? Quel est le tien, que je me gausse aussi.
:Gaspard: : José... José-Maria.
:Mendoza: : Oh! Incroyablement masculin comme prénom... Maria... Ceci explique pourquoi tu entretiens ton bouc depuis toutes ces années! Pour qu'il n'y ait pas de confusion!
:Laguerra: : Eh bien, José-Maria, je vous demande à l'avenir de cesser de me poursuivre de vos assiduités, c'est assez clair pour vous?
La jeune femme n'attendit pas de réponse. Elle tourna les talons. Au passage, d'une voix plus posée, elle ajouta:
:Laguerra: : Accompagne-moi, Mendoza, je dois te parler.
Le capitaine se rhabilla et, après un dernier regard à Gaspard, il suivit l'aventurière.
Un peu plus loin, elle se tourna vers lui et enchaîna aussitôt:
:Laguerra: : Il faut toujours tout régler par la violence, c'est ça ta méthode? Il y a quelques jours, tu t'es battu en duel avec Ambrosius. Là, c'est avec Gaspard. Quel est le prochain sur la liste?
Mendoza haussa les épaules. Il ne savait pas quoi répondre.
:Laguerra: : Enfin, ça ne vous est pas venu à l'esprit de discuter au lieu de vous taper dessus?
:Mendoza: : C'est que nous avons un lourd passif.
Il soupira:
:Mendoza: : Et puis, nous sommes des conquistadors, Laguerra, pas des diplomates.
:Laguerra: : Ah oui, belle réponse! Moi conquérant, moi taper! C'est ça?
:Mendoza: : Écoute, je crois que tu as été assez explicite dans ton propos, d'accord? Je le reconnais, on n'a pas été très malins, Gaspard et moi.
Il devait admettre en son for intérieur que la diatribe de la jeune femme était justifiée telle qu'elle l'avait présentée. Mais pour se montrer tout à fait honnête avec lui-même, la seule chose qu'il regrettait était de ne pas avoir mené ce combat à son terme. De ne pas avoir vaincu l'officier, en vérité. Il en ressentait une certaine frustration, un sentiment d'inachevé qui se traduisait en besoin: Gaspard et lui-même avaient toujours un compte en attente et la part la plus sombre de la personnalité du capitaine brûlait de démontrer qu'il était bien le plus fort.
Il n'en savait rien mais le militaire éprouvait exactement le même besoin de revanche.
Isabella, dont le ton s'était radouci, fit:
:Laguerra: : Pas malin... oui, c'est le moins que tu puisses dire. Tu as mal?
:Mendoza: : Plutôt, oui.
:Laguerra: : Bien fait!
Sa mâchoire l'élançait bel et bien, à croire qu'il avait reçu des coups de marteau. Il ne sentait plus son épaule, celle-ci étant complètement engourdie et ses côtes lui faisaient souffrir le martyre. Il espérait que Gaspard dégustait autant que lui.
Laguerra semblait avoir recouvré son humeur habituelle. Elle passa son bras sous le sien.
:Laguerra: : Allez, viens mon guerrier, je m'en vais te faire oublier tes douleurs, même si tu ne l'as pas vraiment mérité.

☼☼☼

Plantée sur un talus qui surmontait le croisement de trois routes perdues dans les bois, non loin de Goa, l'auberge de La vache qui rit représentait un lieu de rendez-vous réservé à une frange de la population bien peu recommandable et bien souvent pourchassée par les forces Portugaises.
Édifié en planches de pin noircies par le temps, le bâtiment n'avait rien d'attrayant. Un étage pour les chambres, une étable qui lui faisait face, accolée d'un abreuvoir rempli d'eau trouble et d'un corral.
Si écarté fût-il des grands axes, l'endroit paraissait plutôt fréquenté.
Un cheval solitaire, un rouan de noble allure, attendait à l'écart, sa bride enroulée autour de l'une des barrières de l'enclos.
Un grand carrosse à quatre chevaux attendait face à l'entrée, de l'autre côté de la piste. Pour le garder, une escouade de douze alchimistes. De grands gaillards aux cheveux, à la moustache ou la barbe d'un roux plus ou moins foncé, armés d'épées, de dagues ou d'arbalètes. Tous vêtus de la même chasuble, tous fièrement campés sur leurs selles, l'œil vigilant. Tous issus de l'Ordre qu'ils servaient avec autant de fidélité que d'acharnement.
Quelques minutes auparavant, une autre bande, nettement plus débraillée, avait fait irruption devant l'établissement. Quatre d'entre eux avaient mis pied à terre avant de s'engouffrer dans l'auberge, laissant leurs compagnons repartir dans les bois avec leurs montures.
Farukh, le propriétaire des lieux, se tenait derrière son comptoir, occupé à se triturer la bouche à l'aide d'un cure-dents. À l'écart, hors de portée de ses oreilles, se déroulait une étrange assemblée à laquelle il n'avait aucune intention de se mêler. Il avait été fort bien payé pour devenir sourd et aveugle le temps de l'entrevue, et il tenait trop bien à son existence pour oser outrepasser les instructions qu'il avait reçues de Fernando Laguerra.
Car c'était bel et bien l'Ordre du Sablier qui avait momentanément pris possession de La vache qui rit.

Ayant battu le rappel de ses informateurs en Inde, le docteur avait enfin pu sélectionner quelques-uns des assassins réputés les plus efficaces ou les plus impitoyables parmi ceux disponibles dans la région.
Nonchalamment assis, dos au mur, l'alchimiste trônait derrière une table, jaugeant ceux qu'il avait réussi à convoquer en ce lieu. Chacun de ceux qui se tenaient en face de lui avait la réputation d'un rude salopard, et c'était encore bien pire concernant ceux de la confrérie Thug.
Le premier avait pourtant l'air d'un homme distingué. L'héritier d'une bonne famille à la recherche d'aventure, peut-être. Les traits fins de l'Hindou exprimaient la mélancolie. Cela ne l'empêchait en rien d'éliminer sans merci la moindre de ses cibles.
Fawaz Singh avait les cheveux épais, bouclés, aux reflets noirs, une fine moustache et la bouche réduite à une simple fente. Il était vêtu d'un kurta, une ample chemise descendant à mi-cuisse, d'une dhoti, un pantalon léger et aéré, de babouches aux couleurs criardes et d'un baudrier d'arme rehaussé de sequins rutilants.
De taille moyenne, les épaules larges, la taille fine, les cuisses puissantes, Fawaz affichait le profil parfait du spadassin accompli, ce qu'il était d'ailleurs. Et pour renforcer cette impression, la poignée de son épée longue saillait, accrochée en travers de son dos. Il avait pris soin de s'asseoir à l'envers, le dossier de sa chaise contre son torse, une position qui lui permettait de dégainer sans être gêné et de frapper dans la foulée.
Ensuite, venait Mohan. Un contraste flagrant avec l'air distingué affiché par le spadassin.
Jamais Laguerra, ayant pourtant côtoyé Tétéola, n'avait vu un individu aussi costaud. Deux fois plus large qu'un homme normal, presque totalement glabre, le front bas, le nez pâle et camus. La mâchoire résolument prognathe, une bouche lippue aux dents jaunâtres, pour une bonne part ébréchées. Des orbites caverneuses, de petits yeux noirs brillant de mépris. Il était vêtu d'un gilet échancré, d'un pantalon à rayures et de bottes en peau à pointe recourbée. Ses bras nus étaient plus épais que les cuisses du docteur.
Après lui venaient les quatre Thugs. Les adorateurs de Kâlî, comme on les surnommait.
L'odeur musquée qui s'échappait d'eux laissait à penser sans trop d'hésitation qu'ils ne devaient pas goûter souvent aux joies du bain...
Les Thugs formaient une véritable troupe de prédateurs avides de violence, sans pitié aucune, sans respect, aussi vicieux, aussi infatigables qu'une bande de hyènes. Frères, cousins, oncles, neveux, personne n'aurait su dire combien ils étaient. Aussi tenace que du chiendent, capables de voyager des centaines de kilomètres pour rejoindre leur victime, ils se livraient tout autant au pillage, à l'extorsion, qu'au meurtre et autres joyeusetés.
Feringhea Thug était leur chef incontesté. Il régnait sur le destin des siens depuis trente années bien tassées. Mais le passage du temps n'avait fait que l'endurcir, l'assécher, le rendre plus méchant encore. Le vieux Feringhea était craint dans la région. Craint de tous ceux qui avaient croisé sa route, même des siens.
Le teint recuit par le soleil et sans doute l'alcool, les traits sillonnés par l'âge et l'expérience, ses yeux aux orbites saillantes n'affichaient aucun fléchissement. Au contraire, ses prunelles étaient des puits insondables de rage contenue et de ruse. Chauve, il portait une épaisse barbe tressées poivre et sel, et trois anneaux à l'oreille gauche. Ses pognes noueuses, aux ongles ras maculés de terre et de sang séché, semblaient capables de froisser l'acier.
Il était venu avec trois de ses fils, Chapal, Daha et Chitta, ces derniers adossés en retrait, contre un mur.
Des gaillards massifs aux chevelures grasses, ébouriffées, aux joues ombrées de barbes plus ou moins longues, vêtus de peaux retournées, tannées par l'usage, et pieds nus. À l'instar de leur géniteur, tous trois semblaient avoir été enfantés par un ours noir particulièrement acariâtre. Ils puaient la sueur et la fumée.
Les Thugs étaient seulement armés d’une corde ou d'un ruhmal, une sorte de foulard lesté de cailloux pour briser la nuque de leur victime. Et s'ils paraissaient frêles par rapport à Mohan, ils n'en semblaient pas moins inquiétants.

Ambroise de Sarle était présent. L'alchimiste n'aurait manqué cette entrevue pour rien au monde. Soucieux de préserver son anonymat, il se tenait en retrait de Fernando Laguerra, installé contre le mur du fond, dans l'obscurité. Il avait en outre camouflé ses traits sous un large capuchon de sa robe qui moulait la silhouette de son alter ego, Zarès. Même ses mains disparaissaient sous des gants de cuir brun. Il se tenait assis, invisible, concentré sur les protagonistes réunis pour répondre à sa volonté.

Pour sa part, Laguerra se trouvait ravi d'avoir convoqué une confrérie aussi sanglante. Il partageait le même type d'instinct que ces assassins et, comme eux, il n'éprouvait aucun scrupule.
Inutile de leur proposer à boire, toutefois. Aucun d'eux n'était venu pour se détendre, ni même pour faire assaut de convivialité.
Aussi sûr de lui qu'à l'accoutumée, il reprit la parole:
:Docteur: : Messires, allons à l'essentiel. Si je vous ai réunis ici, c'est évidemment pour vous proposer un contrat. Mais je vais être très clair afin de vous éviter une mauvaise surprise: ce n'est pas une cible comme les autres qui vous attend, bien au contraire... elle représente un vrai défi car c'est d'un guerrier d'élite dont vous allez devoir vous charger!
Aucun des tueurs attablés dans la salle n'eut l'air impressionné. Au contraire. D'un geste appuyé, Fawaz Singh étouffa un bâillement. Feringhea Thug lâcha un reniflement méprisant, suivi du ricanement étouffé de ses fils. Quant à Mohan, il émit un rôt aussi sonore qu'un grondement d'orage.
Laguerra ne s'en laissa pas compter pour autant. Il enchaîna:
:Docteur: : Votre cible s'appelle Juan-Carlos Mendoza, c'est un Espagnol issu de la lointaine Catalogne, mais il ne vit plus là-bas depuis longtemps. Il est grand, il a les yeux noirs, porte une cape bleue et rouge, et il ressemble à ce qu'il est, une vraie puterelle aux cheveux bruns! Il est officier de marine mais ne vous y tromper pas. C'est un mercenaire, tout comme vous. Alors si vous tenez à votre existence, vous ne devrez en aucun cas le prendre à la légère. Il voyage toujours en compagnie de deux marins et de trois enfants...
:Zares: : Et de ta traîtresse de fille, cher docteur, mais ça, je me suis bien gardé de te le dire...
D'un ton léger, Singh s'enquit:
Fawaz: Pourquoi vouloir sa mort?
:Docteur: : Vous n'avez pas à en connaître la raison. La seule chose que vous devez savoir c'est que je paie fort bien... Vous aurez un avantage qui pourra faire toute la différence: la surprise. Mendoza ne sait rien de vous, ni ce qui l'attend... Avant que vous ne me posiez la question, je ne sais où le trouver. Pas encore. Mais d'après nos estimations, il est fort possible qu'il revienne ici, en Inde. Dès que j'aurai obtenu sa localisation, je vous la transmettrai et vous pourrez vous mettre en chasse. Bien sûr, rien ne vous empêche d'avoir recours à vos propres informateurs. Pour ma part, vous pourrez me laissez un message dans chaque succursale des comptoirs commerciaux sur les côtes de Malabar ou de Coromandel.
Mohan: Et la paye alors?
:Docteur: : J'offre trois cents pièces d'or à celui qui me ramènera la tête de l'Espagnol. Les autres, vous en faites ce que vous voulez.
Le docteur marqua une pause, le temps de laisser ses interlocuteurs digérer l'information. Une telle somme s'avérait supérieure, bien supérieure à leurs cachets habituels. Aucun des assassins ne feignait plus l'ennui, à présent.
Ses petits yeux désormais brillant de convoitise, Mohan ajouta:
Mohan: Et l'avance?
:Docteur: : Aucune. Vous remplissez le contrat et vous êtes payés. À prendre ou à laisser... Je gage que l'ampleur de la somme que je vous propose compense largement l'absence d'une avance, non?
Singh s'étonna:
Fawaz: L'un de nous aurait suffi, pourquoi nous embaucher tous? Pourquoi nous mettre en concurrence?
:Docteur: : Je vous l'ai dit, le capitaine Mendoza n'a rien d'un mercenaire ordinaire. Et puis c'est l'assurance pour moi que le contrat sera respecté et dans les meilleurs délais. En ce qui vous concerne, ma foi, voyez ça comme un défi amical, le moyen de tester vos talents face à vos confrères...
Feringhea Thug frappa la table de la paume de sa grosse main, maculée de terre et de ce qui ressemblait bien à du sang séché:
Feringhea: Moi, ça me va!
À son tour, Singh annonça:
Fawaz: Je prends le contrat!
Mohan: Je massacrerai cet Espagnol le premier!
C'est ce qu'affirma Mohan, sans se soucier du ricanement des Thugs.
Fernando Laguerra ajouta, histoire de bien enfoncer le clou:
:Docteur: : La tête de Juan-Carlos Mendoza. Rien de moins. Trois cents pièces d'or. Messires, je ne vous retiens pas. Bonne chasse à vous!
L'entrevue était terminée. Sans plus un mot, les tueurs se levèrent. Singh se dirigea vers le comptoir pour se commander à boire.
Feringhea rejoignit ses fils et échangea quelques paroles avec eux de sa voix gutturale.
Mohan sortit le premier. Il ne semblait pas avoir de monture. Une fois sur le perron, il s'étira de tout son long, encore plus impressionnant debout. Ils dévisagea les hommes qui gardaient le carrosse, les défiant du regard. Puis, dans un petit rire, il longea la taverne à grands pas et s'enfonça directement entre deux fourrés, disparaissant vers le sud-ouest.
Fawaz sortit à son tour, sifflotant une rengaine entre ses lèvres. Il enfourcha le rouan et partit au petit galop, sans un regard en arrière, empruntant la route côté sud.
Les Thugs quittèrent l'auberge les derniers. Feringhea porta deux doigts à sa bouche et poussa un sifflement strident mais habilement modulé. Quelques secondes plus tard, les cavaliers de son clan surgissaient au galop du couvert des arbres, se rangeaient devant lui. Il récupéra son cheval, un puissant étalon noir. Une fois hissé en selle, imité par ses fils, d'un grand geste, il donna le signal du départ.
La meute disparut dans un poudroiement de poussière.

À suivre...

*
*Yangtao: littéralement pêche-soleil ou pêche du mouton. Ancien nom du kiwi en Chine. Il poussait à l'état sauvage dans la forêt longeant le fleuve mais n'était pas cultivé, il était simplement cueilli par les Chinois qui l'appréciaient.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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IsaGuerra
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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par IsaGuerra »

Mortecouille et Saperlotte:lol:
tout en se disant que Skagg était un Tao à la puissance dix → Ouah le calvaire !
Skagg me tue, il est tellement dans son univers qu'il en oublie le reste

:Gaspard: : Alors, moucheron, tu vas te décider, oui? → D'abord c'est Moustique pas moucheron mdrr
:Laguerra: : Mais vous me prenez pour une idiote, ou quoi? → Mauvais plan les mecs :lol:
:Gaspard: : José... José-Maria. → A mon grand fou rire ! (n'est ce pas Manon ?)

La vache qui rit → Je m'en remets toujours pas que t'es osée faire ça
Bon on passe tout de suite sur quelque chose de moins gai !
:Docteur: : J'offre trois cents pièces d'or à celui qui me ramènera la tête de l'Espagnol. → C'est tout ? Un peu radin Mendoza en vaut bien plus non mais oh

On commence à rentrer dans e vif de la fic là, la suite risque d'être chaud patate (en particulier pour le marin)
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

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Re: Les prophéties de l’A’harit Hayamim. Suite non-officielle de la saison 4. [SPOILER]

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 6. Départ imminent.

La vue de l'arrivante chassa momentanément les pensées de Skagg. Rana'Ori venait de faire son apparition devant l'autel aux soixante couronnes. Les Élus la regardèrent sans s'émouvoir, le sourire aux lèvres.
Rana'Ori: Ah, les enfants! Vous voilà! Je dois m'entretenir avec vous car la situation est préoccupante!
Elle ne prit même pas la peine de congédier l'être fantasque qu'était le naacal de Sûndagatt, ce dernier s'étant déjà replongé en lui-même, perdu dans un monologue:
Skagg: Aurais-je dû les avertir? Et pour le destin de leur Ange gardien? La princesse va-t-elle le faire? Des questions, toujours des questions et c'est une lourde responsabilité qui échoit sur les maigres épaules du pauvre Skagg.
Tout en dévisant avec sa conscience, l'étrange individu s'aidait à grand renfort de gestes, jusqu'à pointer son index sur un interlocuteur imaginaire.
Puis, la conversation entre Skagg et lui-même dévia petit à petit sur sa marotte, les calculs. Et sans s'en rendre compte, il se laissa plonger dans une opération particulièrement complexe concernant la friction des flux électromagnétiques lors d'un orage. Un sujet qui le passionnait au plus haut point, jusqu'à en parler la nuit, tout en rêvant.
Tandis que le sage murmura ces mots, qui semblaient la conclusion d'un long soliloque intérieur, Estéban demanda:
:Esteban: : La situation? Quelle situation?
Rana'Ori: Il faut absolument que vous retourniez sur Terre afin de mettre les artéfacts de Mu à l'abri et, comme vous me l'avez appris, aider votre naacal a fondé sa communauté. Tiens! En évoquant cela, vous m'avez parlé plus en détail de cet ordre d'alchimistes, cet Ordre du sablier. Je ne vous ai rien dit jusqu'ici, mes enfants, mais voilà qui confirme ce que je ressens depuis un certain temps: une sombre menace se dessine, pire que toutes celles que j'ai affrontées par le passé. Je n'arrive pas encore à la décrypter mais je la ressens avec une force incroyable. Une guerre va se produire, une guerre comme nous n'en avons jamais connu et j'ai à tout prix besoin de votre Ange gardien pour y faire face.
:Zia: : Vous avez besoin de qui?
Rana'Ori: De votre Ange gardien... L'homme qui a veillé sur vous dès le début de votre quête.
:Esteban: / :Zia: : Mendoza?
Rana'Ori: Oui. Il doit m'épauler, c'est là une nécessité absolue pour parer la tourmente qui va fondre sur nous. Il sera mon faire-valoir sur le plan terrestre puisque je ne peux quitter cette dimension que sous ma forme astrale.
Rana'Ori marqua une pause, le temps d'organiser ses pensées:
Rana'Ori: Cette guerre que je pressens, seul votre mentor pourra la mener.
:Esteban: : Pourquoi Mendoza?
Rana'Ori: Parce que c'est écrit dans le Grand Livre du Destin... Mais il ne sera pas seul à combattre, loin de là, vous et d'autres, vous aurez également votre part à jouer. Cependant de Mendoza seul proviendra notre salut. Vous entendez bien, de lui seul. Voilà pourquoi il est vital pour la survie du monde, voilà pourquoi il doit m'aider.
La princesse se tut et son regard se perdit du côté de l'autel. Elle finit par ajouter, d'un ton pénétré, ce qui pour elle sonnait comme une certitude:
Rana'Ori: Si tel n'est pas le cas, le monde est perdu et Agartha avec. Vous, moi, tous ceux que vous connaissez... nous serons balayez par un Mal plus terrifiant que tout ce que vous pourriez imaginer... La météorite qui a fondu sur la Terre n'était rien en comparaison.
Estéban secoua la tête:
:Esteban: : Majesté au risque de me répéter et d'avoir l'apparence d'un perroquet irrespectueux, pourquoi Mendoza? Pourquoi le vouloir absolument à vos côtés, lui et nul autre? Je ne comprends pas, il y a bien d'autres hommes capable de combattre, non?
Rana'Ori: D'autres hommes capable de déjouer la traîtrise de cet Ambrosius? De mettre en échec un sorcier tel que celui qu'il a affronté à maintes reprises? J'en doute fort... Et puis, il s'est forgé sa propre destinée en modifiant la tienne... Lorsqu'il était jeune marin, lui seul a eu le cran de plonger dans cet océan déchaîné pour te sauver de la noyade alors que tu n'étais qu'un bébé, ne l'oublie pas. Et nous savons tous deux que ce n'est qu'un exemple, que des hommes de sa valeur sont éminemment rares. Que tu le veuilles ou non, il est unique, à sa manière...
:Esteban: : Je ne vois pas ce que Mendoza à d'unique. Dans ce cas-là, vous oubliez Sancho, Pedro... Et la señorita Laguerra!
Rana'Ori: Mais ce n'est pas elle qui s'est opposée à cet Ambrosius, que je sache. Au contraire, elle l'a laissé faire.
:Zia: : Pour finalement se rallier à notre cause lorsqu'elle a compris que nous ne mentions pas!
Rana'Ori: Soit! Je le concède... Cependant, je suis certaine d'une chose, nous allons revoir ces alchimistes et allons devoir répondre à la menace qu'ils vont faire peser non seulement sur Terre mais également sur Agartha. Voilà ce que je crois, jeunes Élus, et j'en suis intimement persuadée. Tout comme je suis persuadée que votre Ange gardien est le mieux à même de se dresser contre eux.
Mais le jeune Atlante ne désarmait pas. Il répéta:
:Esteban: : Mais pourquoi? Pourquoi vouloir à tout prix Mendoza? Pourquoi lui et pas nous? C'est à Zia et moi de protéger le monde!
La princesse arbora un pâle sourire, tandis qu'elle se pencha vers lui:
Rana'Ori: Votre quête à vous les enfants était de trouver les cités et d'en récolter les informations nécessaires pour détruire la météorite afin d'éviter un cataclysme et de réparer nos erreurs. En tant que futurs héritiers d'Agartha, vous ne pouvez plus vous permettre de vous exposer. Et je te l'ai dit, Estéban, j'ai besoin d'un homme fort, un homme en qui je puisse faire totalement confiance. Lui. Cela étant, il n'y a pas que cela. Je vois en lui plus qu'un guerrier, si redoutable soit-il... Je vois une conscience, inébranlable, intègre. Ma conscience. La mission qui l'attend est bien plus redoutable.
:Zia: : D'accord mais dans ce cas, dites-nous au moins de quoi il en retourne.
Rana'Ori: Cela m'est impossible Zia. Si je ne vous adresse ne serait-ce qu'une seule piste à suivre, le destin du monde en serait changé. Mais ne vous inquiétez pas, je guiderai Mendoza en temps voulu.
:Esteban: : Comment?
Rana'Ori: Par le biais de... Non! Tout ce que vous devez savoir, c'est que j'ai déjà établi le contact avec lui. Et il m'écoutera... Après tout, tel est son destin, fils de lumière...
Rana'Ori se tut enfin. Le discours que les enfants venaient d'entendre les pris totalement au dépourvu. Les arguments de la princesse les avaient touchés en plein cœur. Ils avaient foi en elle. Les Élus ne pouvaient pas douter de cette menace annoncée par l'héritière de Mu. Il la connaissait trop bien pour ne pas reconnaître la vérité terrifiante, absolue, de cette évocation. Ses propos avaient touché juste. Réveillé leur conscience.
Rana'Ori: Retournez parmi vos contemporains le plus vite possible et mettez les reliques Muennes en lieu sûr.
:Esteban: : Entendu, princesse! Mais avant de retourner à Zimbabwe, nous allons faire un petit crochet! On passera d'abord par Chambord pour récupérer mon père, Li Shuang, Nostradamus et les trois autres alchimistes...

☼☼☼

Escorté de Laguerra, Mendoza franchit le portail du village en prenant sur lui d'avancer sans son aide afin de ne pas attirer l'attention. Rejoindre sa hutte lui sembla un temps incommensurable qui ne faisait qu'aggraver son calvaire mais là encore, l'Espagnol ne montra rien du supplice qu'il endurait.
Une fois à l'intérieur, il se mit à pousser un gémissement sourd. Une attaque de vertiges le menaçait. Isabella le rattrapa avant qu'il ne s'effondre et Juan se mordit les lèvres pour ne pas hurler devant la protestation incandescente de ses côtes.

12.PNG

Sancho, qui s'était aperçu de la démarche hésitante de son capitaine lorsque celui-ci passa devant lui, apparut sur ces entrefaites. En constatant son état, son visage se creusa d'inquiétude. Dans la foulée, il s'exclama:
:Sancho: : Mendodo... Mendoza! Que... Que t'est-il arri... arrivé?
:Mendoza: : Ce n'est rien, Sancho. Un petit tête-à-tête avec Gaspard. Ça ira.
Pour le rassurer, il ajouta:
:Mendoza: : Ce n'est pas si grave que ça en à l'air.
Un pieux mensonge qui ne sembla pas vraiment le convaincre.
:Mendoza: : Conduisez-moi jusqu'à ma couche. J'ai besoin de m'allonger.
Aussitôt, le marin et l'aventurière s'exécutèrent. Une fois installé, le capitaine se tourna vers son second.
:Mendoza: : Merci de ton aide. Je compte sur toi pour ne pas ébruiter ceci.
:Sancho: : Tutu... Tu es vrai... vraiment bibi... bizarre, Mendodo... Mendoza. Mais sisi... si tel est tonton... ton désir, tutu... tu peux compter sur moi... moi!
Et le marin prit congé, après avoir lancé un pâle sourire à Laguerra. Celle-ci proposa:
:Laguerra: : Je vais aller chercher Naïa.
:Mendoza: : Hors de question. Aide-moi plutôt à enlever mes bottes.
Une fois pieds nus, il demanda à la jeune femme de le laisser seul. Elle obéit, sans cacher qu'elle ne le faisait qu'à contrecœur. Puis, le mercenaire ferma les yeux. Son corps martyrisé n'était plus qu'un puits sans fond de douleurs.
Une heure plus tard, il poussa un soupir de soulagement, ses souffrances venaient de baisser d'un ton, une vague de chaleur bienfaisante commençait à inonder ses membres. Il pouvait désormais respirer à peu près normalement. Fermant les yeux, Mendoza s'efforça de ne plus penser à rien. Harassé, il se laissa plonger dans un sommeil profond.

Sans savoir s'il avait dormi une minute ou une heure, le capitaine ouvrit les yeux au moment où la journée se terminait dans un flamboiement rougeoyant qui couronnait les hauteurs de la cité de pierre.
Allez, bouge-toi, tu dois sortir!
Était-ce la voix de l'ancien Yeoman qui s'exprimait ainsi ou sa propre conscience?
Il parvint à se redresser sans hurler. Les douleurs qui le harcelaient dans l'après-midi s'étaient en parties apaisées. Ses côtes, quant à elles, le lançaient encore un peu.
:Mendoza: : Pourquoi ce sont toujours elles qui prennent le plus cher?
Il allait un peu mieux même s'il était loin d'être capable de combattre en cas d'attaque.
Le mercenaire se remit sur pied car il devait sortir afin de satisfaire un besoin naturel. Ses muscles engourdis protestaient vigoureusement mais il refusa de les écouter.
Au fond de la pièce, Laguerra était assise sur un tapis de sol, assoupie. L'Espagnol comprit qu'elle était restée là et qu'elle l'avait veillé sans se faire voir, jusqu'à ce que la fatigue la terrasse.

13.PNG

Il n'en ressentit que plus d'affection encore à son égard. Croisant les bras le temps de la contempler un peu, il décida de la laisser dormir. Traverser la pièce pour sortir fut une épreuve. Il la passa en serrant les mâchoires, aussi faible et peu assuré qu'un vieillard. Sa vessie vide, il regagna son lit et s'y coucha, se passant de dîner. Le sommeil le reprit aussitôt.

Bien plus tard, soufflant dans l'âme du dormeur qui commençait doucement à émerger, une voix scanda:
Trouve Ishtar. Trouve son tombeau...
Dans la bataille, je serai ta guide.
Au combat, je porterai ton arme telle un écuyer.
À l'assemblée, je serai ton avocate.
Pendant les campagnes, je serai ton inspiration.


Au sortir de ce songe déroutant, il s'éveilla à nouveau, sans trop savoir quelle heure il était. Avait-il rêvé ce qu'il venait d'entendre? Cette voix fantomatique qu'il n'avait jusqu'alors jamais perçue?
:Mendoza: : Ishtar... a-t-elle murmuré. Trouver son tombeau... Qu'est-ce que c'est encore que ce rêve?
La douce voix d'Isabella l'accueillit:
:Laguerra: : Bienvenue, capitaine. Heureuse de te revoir parmi nous. Comment te sens-tu?
Elle se tenait assise à côté de sa couche et manifestement, elle l'avait de nouveau veillé.
Le marin se redressa avant de répondre:
:Mendoza: : Ma foi, à ma grande surprise, je me sens mieux.
Mieux mais encore très faible, bien trop pour avoir envie de se lever pour déjeuner. Non seulement ses côtes étaient encore bien sensibles mais en outre, ses muscles étaient complètement contracturés du traitement que lui avait infligé Gaspard, geignant leur peine au moindre de ses mouvements. Il pouvait à peine tourner la tête, encore moins lever les bras.
:Mendoza: : C'est toi qui m'a soigné?
:Laguerra: : Zia n'étant pas là, qui d'autre?
:Mendoza: : Merci, Laguerra.
:Laguerra: : Arrête, tu vas finir par me faire rougir. En tout cas, je n'ai jamais vu quelqu'un récupérer aussi vite que toi. Avec ce que tu as subi dernièrement, ton état de fatigue, je ne m'attendais pas à te voir conscient avant ce soir, pour le moins.
:Mendoza: : Que puis-je te dire? Une vie saine, un cœur pur, voilà tout.
:Laguerra: : C'est cela même!
L'Ange vit bien que l'aventurière n'était pas dupe mais cela n'avait aucune importance.
:Mendoza: : En tout cas, merci... Au fait, où sont Tao et mes lieutenants?
:Laguerra: : Dehors. Je les ai congédiés, ils voulaient tous rester à te veiller.
Tout en se redressant, elle lui apprit:
:Laguerra: : Mais ils sont inquiets. Sancho surtout. Il est passé plusieurs fois prendre de tes nouvelles. Il va falloir que je les rassure sur ton état, sinon, ils vont finir par devenir fous!
C'est alors que l'Espagnol se rendit compte qu'il était nu sous les draps.
:Mendoza: : Laguerra, c'est toi qui m'a déshabillé?
Tout en se dirigeant vers la porte qu'elle ouvrit, la jeune femme énonça:
:Laguerra: : Oui, avec l'aide de Naïa qui n'a pu s'empêcher de me faire une confidence.
:Mendoza: : Laquelle?
:Laguerra: : En tant que guérisseuse, tu dois te douter qu'elle a vu foule d'hommes dans le plus simple appareil. Eh bien, elle m'a affirmé que tu étais bien bâti... pour un blanc...
Le mercenaire n'eut pas l'occasion de répondre. La bretteuse était déjà sortie. C'est alors que la voix enfla de nouveau dans son esprit, étouffée, affaiblie, mais cependant pressante:
Au nord-est... Trouve Ishtar. Trouve son tombeau...
Mendoza ne rêvait pas. Cette voix désincarnée venait bien de quelque part! Là, sa lame sombre, posée à côté de ses bottes.
:Mendoza: : Dague? C'est toi?
🗡: Trop faible, encore... Repos, soins... Après, le nord-est.
Et la voix s'éteignit.
:Mendoza: : Bon, je vais faire confiance à ce que j'entends. Mais inutile de raconter qu'une voix dans ma tête que je crois provenir de ma dague m'intime de prendre la direction du nord-est afin de trouver une sépulture, mes compagnons me prendraient pour un dément. Ils se font suffisamment de mauvais sang pour moi comme ça, inutile d'en rajouter! Ishtar... qui est-il et où trouver son tombeau? Je vais devoir me renseigner à ce sujet...

Un peu plus tard dans la matinée, le capitaine reçut la visite de la compagne du marin bègue. Il se laissa convaincre par la jeune femme de prendre un bain brûlant. Puis, dans la foulée, de s'abandonner à un massage. Ses muscles malmenés par le combat de la veille n'avaient pas protesté, bien au contraire.
Il se tenait donc allongé sur une table, nu, un simple pagne ajusté autour de ses hanches, lui couvrant le corps de la taille aux genoux.
Évitant soigneusement ses côtes, la guérisseuse avait laissé parler son talent. Elle se servait pour l'occasion d'un mélanges d'huiles essentielles qu'elle avait savamment confectionné. Leur utilisation était sacrée, la médecine Africaine s’attachant à une croyance en la magie et aux symboles. Les mains ointes de cet onguent miraculeux, elle massait consciencieusement le Catalan, les yeux mi-clos, totalement concentrée sur sa tâche. L'art du massage faisait partie de son vaste répertoire destiné à apporter le bien-être. Vigoureux, ses doigts fins pétrissaient sans hésiter les contractures, trouvant d'eux-mêmes les nœuds de tension qu'il fallait dissoudre.
Le bretteur baignait dans une douce béatitude. Il sentait son corps se détendre peu à peu, retrouver de sa souplesse. Sa récupération en serait d'autant rapide.
Il ronronnait presque. L'Africaine avait des doigts divins, il ne pouvait que l'attester.
Aucun des deux n'entendit Laguerra entrer. En les découvrant, elle s'exclama:
:Laguerra: : Mais tu es nu?
Il était manifeste à sa posture qu'elle n'était pas ravie du spectacle qu'elle avait sous les yeux.
:Mendoza: : J'avoue que oui... un massage habillé, ce n'est pas vraiment efficace, tu sais!
:Laguerra: : Et elle alors, tu as vu sa tenue?
La duelliste faisait référence à la robe courte qu'avait l'habitude de porter la compagne de Sancho. D'une voix douce, Juan ordonna:
:Mendoza: : S'il vous plaît, Naïa. Laissez-nous.
La Shona s'exécuta sans un regard pour l'aventurière. Le mercenaire rajusta le pagne qui lui ceignait les reins et se tourna vers elle.
:Mendoza: : C'est quoi le problème?
:Laguerra: : Je n'aime pas qu'une autre femme que moi pose les mains sur toi, c'est tout.
:Mendoza: : Ah non! Tu ne vas pas encore recommencer avec ça! Ce n'est vraiment pas le moment! Je n'ai vraiment pas la force, ni l'envie de me disputer avec toi...
Il se redressa tout à fait et grimaça dans sa tentative, le flanc traversé d'un trait de chaleur qui tenait de l'avertissement.
:Mendoza: : Elle me massait, rien d'autre. Ce n'est pas la première fois que je me fais malaxer les chairs, ni la dernière, je pense.
Elle le regarda, tout en se mordillant la lèvre inférieure.
:Mendoza: : Quoi?
:Laguerra: : Rien... Je voulais savoir si... Non, ça attendra que tu te sentes mieux.
Non sans une certaine malice, le navigateur répliqua:
:Mendoza: : Vas-y, parle! Ce sont mes côtes qui sont touchées, pas mes oreilles!
:Laguerra: : Très bien! Dis-moi, tu pensais à qui durant ce massage? À elle?
:Mendoza: : Non!
:Laguerra: : Alors pourquoi y-a-t-il cette lubricité dans tes yeux?
Sans hésiter, il répondit:
:Mendoza: : Parce que je les pose sur toi...
Isabella se pinça encore les lèvres.
:Laguerra: : D'accord, je suis ridicule...
Le Catalan ne put s'empêcher de sourire, un sourire amusé plutôt que moqueur:
:Mendoza: : Oui, tu es ridicule, Laguerra. D'autant plus ridicule que tu connais la raison de ces soins...
À l'énoncé de son pitoyable état de forme, la jeune femme réitéra une troisième fois le même geste. La tension accumulée par l'Espagnol ces derniers temps était palpable.
:Laguerra: : J'admets que tu es trop tendu. Jamais tu ne réussiras à récupérer avec toute cette pression que tu dois subir. Recouche-toi, je vais continuer.
:Mendoza: : Isabella, je ne crois pas que...
:Laguerra: : Écoute, je ne vais pas abuser de toi! Juste t'aider à soulager tes muscles contractés. À présent, exécution!
Elle avait raison. Cette pression, il pouvait notamment la ressentir sous la forme d'une énorme raideur concentrée entre ses épaules et qui remontait jusqu'à enserrer la base de son crâne.
Il se rallongea de tout son long sur la table, en prenant soin de préserver son flanc blessé. La fille du docteur vint s'asseoir à califourchon sur ses fessiers. Elle posa ses mains sur lui. Elles étaient brûlantes.
C'était bon. Tout comme ceux de Naïa, ses doigts se révélaient agiles et adroits. Ils savaient pétrir ses muscles pour les amadouer, les détendre. L'aventurière trouvait d'autres nœuds, sans que le capitaine eût besoin de les lui indiquer. Elle les faisait ensuite céder patiemment. C'était exactement le type de traitement dont son corps avait besoin pour se détendre.
Mendoza finit par se laisser aller totalement, ses muscles cédant progressivement au traitement bienfaisant que lui prodiguait l'espionne de Charles Quint. Il ne pensait à rien d'autre qu'aux sensations éprouvées, trop las pour se sentir excité. Il sentit la tension refluer, jusqu'à s'évanouir.
Isabella n'avait jamais eu à toucher un homme aussi harmonieusement proportionné. Le capitaine avait la peau douce pour un aventurier de sa trempe. Captivée par le dessin de ses courbes mâles, leur densité, elle sentit cette chaleur familière se répandre dans son bas-ventre, inondant son bassin. Cependant, elle se refusa le moindre attouchement équivoque. Elle percevait le marin sur la défensive. Un geste de trop, et il refermerait les portes de sa forteresse intérieure, pour le moment entrouvertes.
Il s'endormit, bercé, pacifié par les mains puissantes de la jeune femme, aussi inlassables qu'attentionnées.
Elle avait envie de lui à hurler. Ils avaient tous deux survécu à l'attaque de Zarès, ils étaient ensemble, lui abandonné sous elle, et elle ne pouvait rien faire pour le séduire. Quel supplice infâme!
En prenant soin de ne pas le réveiller, elle descendit pour aller s'asseoir en face de lui. Soulagé de son poids, il se retourna sur le dos, toujours assoupi. Il avait l'air si jeune dans l'apaisement du sommeil. Si tendre et si beau. Un ange. Son ange.
Le visage de Laguerra se voila de ce qui semblait être une intense tendresse. Mais cette dernière ne dura pas, chassée par un sentiment plus fort. Ce désir torride qu'il avait fait naître en elle, qui la brûlait de mille feux exquis mais qu'elle ne pouvait pas satisfaire avec l'homme de ses rêves... Sur le principe, elle se doutait qu'il adorait l'idée. Seulement, il n'était pas en état. L'aventurière songea que les hommes, eux aussi, savaient faire le coup de la migraine!

☼☼☼

Le lendemain, dans le royaume d'Agartha. À l'intérieur de la pyramide, Estéban et Zia se tenaient sur la place des Passages, celles où se trouvaient les grands téléporteurs desservant les sept cités du Plan terrestre.
Dressées à égale distance sur l'esplanade, surmontées de quatre arches triangulaires en orichalque dont trois tournaient en permanence, les portes d'énergie à grands flux restaient opérantes de jour comme de nuit, permettant aux Élus de bénéficier d'un transit aisé, mais surveillé, entre les principales destinations.

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À l'heure fixée par la princesse de Mu, les enfants, main dans la main, franchirent le portail lié à l'endroit où ils avaient érigé les fondations de la septième cité d'or, se densifiant à travers le rideau mouvant parcouru d'éclairs d'or.
Quelques secondes plus tard, ils se retrouvèrent en France, juste devant la porte d'énergie close. Celle-ci, désormais inutilisable pour François Ier, avait été remisée dans la salle où elle fut placée à l'origine.
La pièce, située au deuxième étage de la façade nord du château, avec ses murs bruts en tuffeau blanc, sa grande cheminée et ses tapis, offrait le cadre parfaitement authentique d'un cabinet de curiosité, dans l’esprit du grand savant Florentin, Léonard de Vinci. Ornée d'une tapisserie géante, colorée, plaisante à l'œil et de nombreux trophées, elle illustrait aussi l’une des premières fonctions du domaine, le relais de chasse.
L'éclairage doux était prodigué par deux grands vitraux colorés. Dans ce décor onirique, cette salle permettait de se retrouver dans un espace faisant honneur à la forêt qui entourait Chambord et présentait une partie de la collection des trésors du roi-chevalier.
Penchée sur un pupitre couvert de paperasses diverses, une femme travaillait. Silencieuse, ses cheveux ramassés en une tresse serrée, elle était engoncée dans une épaisse chasuble taillée pour cacher sa silhouette. Il était difficile d'en évaluer les contours.
Le sceau de sa confrérie reposait sur une poitrine modeste: un sablier, représenté dans une étoile à sept branches, elle-même entourée d'un cercle parfait.
Cet heptagramme, que certaines traditions évaluaient comme le signe de l’autorité au sein de la sorcellerie, le reliaient aux sept qualités qu’elles considéraient comme les sept conditions fondamentales pour l’accomplissement magique: l’humilité, le respect, la confiance, la bonté, la vérité, l’honneur et la dignité.
L'alchimiste avait des yeux d'émeraude, brillant d'une indéniable vivacité d'esprit, un visage agréable, un nez court et plat, une bouche aux lèvres naturellement roses, pour le moment pincées de gravité. Malgré cet air austère qu'elle affichait, tant dans son expression que dans ses manières, Hortense avait du charme...
Elle ne fit pas mine d'être occupée... comme les quatre hommes qui se tenaient aux côtés d'elle. Deux d'entre eux portaient la même tenue, le troisième arborant un jinbei* et le quatrième, une chasuble de couleur différente.
Toujours aussi charismatique, Athanaos était assis à sa place, tourné vers Hippolyte et Synésius, installés à sa gauche. Tous trois devisaient à voix basse sur l'importance de l'alchimie en Égypte.
:Athanaos: : ... tout le pays s'était maintenu par cet art. Il n'était permis qu'aux prêtres de s'y livrer. La physique psammurgique, relative au travail mécanique de la réduction des roches noires contenant le quartz blanc aurifère en sables, était l'occupation des rois. Tout prêtre ou savant qui aurait osé propager les écrits des Anciens était mis hors la loi. Il possédait la richesse mais il ne la communiquait pas. C'était une loi chez les Égyptiens de ne rien publier à ce sujet. Sachez maintenant, amis qui cultivez l'art de faire de l'or, qu'il faut préparer les sables suivant les règles... Les Anciens donnaient le nom de sables aux sept métaux, parce qu'ils provenaient de la terre des minerais, et qu'ils sont utiles...
Se moquant bien de leur discussion, Estéban s'approcha face aux trois hommes. Les bras croisés, il se contenta de les fixer en souriant de toutes ses dents.
L'ancien disciple du fondateur de l'Ordre leva les yeux et sentit son cœur se réchauffer à la vue des arrivants. Il s'écria:
:Athanaos: : Estéban! Zia! Ah, par le Grand Œuvre, c'est bien vous!
:Esteban: : Bonjour papa. Heureux de te revoir.
:Athanaos: : Hippolyte, Synésius, nous terminerons cette conversation plus tard...
Ces derniers obtempérèrent, se levant de leur siège.
L'apparition des Élus fut saluée d'exclamations joyeuses et d'accolades. Estéban les contempla tour à tour, s'assurant que chacun d'eux allait bien après le tour pendable que le trio avait fomenté à l'encontre de François Ier. Soulagé, il conclut de son examen qu'à l'instar de son géniteur, les alchimistes ne paraissaient pas avoir subi les foudres du monarque.
En retrouvant son fils, Athanaos ne put s'empêcher de s'abandonner dans ce sourire si particulier qui transformait son visage fatigué.
:Athanaos: : Que vous est-il donc arrivés? La dernière fois que nous nous sommes vus, vous vous sauviez comme des voleurs tandis que la cité était en train de se replier! J'étais sûr que vous reviendriez, mais enfin... tu aurais pu donner de tes nouvelles plus tôt, mon garçon! Je m'inquiétais un peu quand même.
Sans attendre de réponse, le prophète voyageur se leva et, après avoir serré son fils dans ses bras, il se rapprocha d'un guéridon posé en retrait. Il s'empara d'une carafe à la robe rubis et d'une coupe.
:Esteban: : Désolé, papa, j'ai été un peu débordé ces derniers temps. Mais je te raconterai tout ça, ne t'inquiète pas. Nous allons avoir tout le temps, d'ici peu.
L'Élu aurait sans doute dû faire preuve de plus de finesse dans ses propos, il s'en sentait néanmoins incapable. Zia temporisa:
:Zia: : À condition que ton père et les autres acceptent de nous suivre, Estéban...
Athanaos sursauta tout en se servant, projetant deux gouttes de vin qui maculèrent le tapis. D'une main plus ferme, il tendit la coupe à Li Shuang. Le vénérable Asiatique refusa d'un signe de tête.
Son vieil ami but une gorgée et finit par demander:
:Athanaos: : Vous suivre? Mais pour aller où?
:Zia: : En Inde.
:Athanaos: : En Inde?
:Esteban: : Oui. Tao à l'intention de fonder un nouvel Ordre près du temple Mémoire. Et il a besoin d'alchimistes loyaux pour l'aider dans cette tache pharamineuse... À ce propos, où est Nostradamus? Je ne le vois pas.
:Athanaos: : Parti, mon fils.
:Zia: : Parti?
:Athanaos: : Oui, Zia. Il est retourné à Agen afin de retrouver sa femme Henriette et pratiquer la médecine de soins à domicile.
:Zia: : Oh!
:Athanaos: : Qu'est-ce qu'il y a?
:Zia: : Rien... Seulement, Tao sera déçu...
:Esteban: : Alors? Quelle est ta réponse, papa?
Après une nouvelle lampée, celui-ci lâcha:
:Athanaos: : Écoute Estéban, tu me prends un peu au dépourvu, là... car en vérité, je n'en sais trop rien.
Son fils haussa un sourcil pour marquer son étonnement.
Sous le poids de son regard, Athanaos ajouta:
:Athanaos: : Le quartier général de l'Ordre du Sablier se trouve ici à Chambord. Comment crois-tu que le souverain va réagir si tous ses membres prennent la poudre d'escampette et changent d'allégeance?
:Esteban: : Euh...
Li Shuang les interrompit:
Li Shuang: Je ne sais pas ce que tu vas décider, Athanaos, mais pour ma part, je compte bien retourner en Chine. Après tout, rien ne me lie au roi de France et je suis le chef d'un camp de soldats à proximité du ventre de Bouddha. Mes hommes ont besoin de moi...

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Li Shuang: Et si je peux me permettre, j'ajouterai ceci: François Ier ne t'a jamais empêché de voyager à travers le monde... Dis-moi, où étais-tu ces dernières années? Hum? Je crois qu'il est temps pour toi de passer un peu plus de temps avec ton fils, la vie est si courte... Accompagne-le.
:Esteban: : Merci Li Shuang.
Pour Athanaos, l'Inde était un véritable Éden. Au point que durant sa convalescence, il avait plusieurs fois songer à quitter l'Ordre du Sablier pour venir habiter à la cour du Radjah de Patala, de façon définitive. Il avait hésité, chaque fois, avant de repousser l'idée. Il avait envie d'une maison, mais de la sienne propre, indépendante. Peut-être, se disait-il, pourrait-il tout de même construire son havre au sein de la jungle. Il suffisait de choisir un endroit suffisamment à l'écart de ses amis pour se sentir tranquille, mais assez proche pour leur rendre visite à son gré ou leur venir rapidement en aide, en cas de besoin. L'alchimiste avait envie d'une maison en bois, qu'il construirait de ses propres mains, avec l'aide de son fils, puisque Ehecatl, le véritable prénom Quechua d'Estéban, voulait manifestement s'installer là-bas. Une maison pour eux et pour... Pour qui, justement?
:Athanaos: : Ne recommence pas avec ça, bougre d'imbécile! Tu es bien décidé de ne plus t'encombrer l'esprit de ce genre de fadaises, n'est-ce pas? La réponse est oui, au cas où tu l'aurais oublié. Alors arrête de te projeter dans un rêve éveillé qui ne se produira jamais! Tu perds ton temps et ça t'évitera de te faire bien du mal, une fois encore.
Athanaos soupira. Li Shuang et sa conscience avaient bel et bien raison. Prendre la vie comme elle venait, profiter des plaisirs qu'elle offrait, sans se poser de questions. Tel était le credo que lui avait enseigné Anawarki, la défunte mère de son garçon.
:Athanaos: : C'est bon, Li Shuang. Tu as gagné! Je capitule... Quand partons-nous?
:Esteban: / :Zia: : Immédiatement!
:Athanaos: : Quoi? Comme ça, à la cloche de bois!
Les enfants opinèrent.

Grâce aux médaillons, tout le monde put franchir l'arche d'orichalque. L'instant suivant, une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept silhouettes éthérées se retrouvèrent au cœur du village, l'autre porte se situant toujours entre la forge et l'arrière du palais du roi Neshangwe. Les arrivants s'avancèrent dans la chaleureuse lumière du matin.
Aussitôt après avoir récupéré les disques solaires condamnant ainsi le passage, Estéban cria:
:Esteban: : Ouh-ouh! Y'a quelqu'un par ici?
Posté sur le chemin de ronde en saillie de la muraille, Gaspard, regardant vers l'extérieur à ce moment-là, fit volte-face et s'exclama:
:Gaspard: : Nom d'un boulet de canon! Les revoilà! Et ils sont sept!
Comme tous les jours depuis leur départ, portant son arc en bandoulière, le capitaine d'armée passait son temps là-haut, afin de surveiller les abords du domaine. Dans l'espoir, justement, de pouvoir annoncer une telle nouvelle.
La cavalcade provenant d'en bas confirma ses dires.
Tout comme bon nombre d'habitants, les deux marins Espagnols s'empressèrent de sortir dans la cour. Ils avaient les yeux creusés par les mauvaises nuits d'attente.
Avisant les silhouettes des deux enfants, marchant encadrés par les cinq adultes, Sancho se mit à bourrer l'épaule de Pedro de claques enthousiastes. À leur démarche, le bègue pouvait constater qu'ils allaient bien.
:Sancho: : Ils sont... sont là, tu... tu entends Pe... Pedro!
:Pedro: : Ouais, moi aussi je suis content, Sancho! Maintenant, tu vas arrêter de me hurler dans les oreilles et de me marteler la couenne, sinon, je vais te coller un pain et tu vas louper les retrouvailles avec les petits! Va plutôt prévenir Mendoza.
C'était inutile! Quelques secondes plus tard, avec toute cette effervescence, le capitaine sortit de sa case. Repérant les arrivants, il s'exclama à son tour:
:Mendoza: : Les enfants! Enfin!
Le fils du soleil se rua vers lui. Totalement remis, Juan le fit décoller du sol et tournoyer. Avant de laisser retentir son rire généreux, il s'exclama:
:Mendoza: : Ah, mon garçon! Comme je suis heureux de te revoir!
Tout en tressautant dans les airs, l'Atlante bredouilla:
:Esteban: : Et moi aussi, Mendoza. Mais tu peux me reposer maintenant? Sinon, je vais te vomir dessus!
Une fois Estéban à terre, le marin échangea une chaleureuse accolade avec Zia, ainsi qu'un regard complice traduisant sans peine toute l'affection qui les unissait.
Les yeux fermés, elle resta un long moment ainsi, blottie contre l'homme qui, deux ans auparavant, l'avait enlevée du palais de Barcelone pour la ramener dans son pays d'origine. Le Catalan caressa délicatement la chevelure de l'Élue, sans rien faire pour retenir ses larmes de joie.
D'ailleurs, chacun de ses lieutenants avait le regard embué, à présent.
Athanaos s'exclama:
:Athanaos: : C'était une vraie promenade de santé! Quant au roi de France, il n'est pas prêt de nous réinviter à Chambord, celui-là!
Durant les effusions, Gaspard était descendu de son perchoir et annonça à la cantonade:
:Gaspard: : Pour fêter votre retour, n'y aurait-il pas un petit quelque chose à manger? Ça fait bien trois jours que j'ai l'estomac vide!
L'Inca quitta enfin les bras de son second père pour passer tour à tour dans ceux de son frère Tao, puis vint le tour de ses oncles préférés.
L'officier répéta:
:Gaspard: : J'ai faim! Ai-je droit à un petit morceau de saucisson? Une omelette d'autruche, peut-être? De l'antilope rôtie? Du fromage?
Mais personne ne lui prêtait attention. Le retour des enfants occupait tous les esprits. José-Maria regarda les uns, les autres, tenta d'attirer leur attention par des grimaces ou des signes. En vain.
Faisant preuve d'une belle tonicité pulmonaire, il beugla alors:
:Gaspard: : PAR LA BARBE DE NEPTUNE, J'AI FAIM!!!
Mendoza soupira:
:Mendoza: : Donnez-lui à manger, n'importe quoi, même un plat de sauterelles grillées. Quand cette vieille baderne est dans cet état-là, il devient insupportable.
:Gaspard: : GRRR!
De sa voix au timbre parfaitement modulé, Son Altesse Neshangwe énonça:
Neshangwe: Ami Gaspard, la joie de voir les Élus revenir à bon port m'a laissé un temps voguer parmi les nuages de la félicité. Mais il ne sera pas dit qu'un compagnon de votre étoffe, adoubé par notre modeste mais estimable communauté, souffre en une telle occasion de quelque inconfort que ce soit. Veuillez, je vous prie, me suivre céans en cuisine afin que nous puissions séance tenante régler ce petit souci d'estomac.
Comme chaque fois qu'il parlait, on avait l'impression que le roi de Mutapa peignait avec les mots, tant sa diction était élégante et naturelle.
Le militaire s'écria:
:Gaspard: : Ah, bah, voilà! Enfin quelqu'un qui cause comme il faut. Merci Votre Majesté!

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Et tout en rejoignant la hutte servant de garde manger, bras dessus, bras dessous avec l'Espagnol, Neshangwe poursuivit:
Neshangwe: Je me réjouis de constater que le sceau de l'amitié qui nous unit, mon cher Gaspard. Peut-être pourrions-nous entamer les festivités culinaires par une fricassée de madora*? Il me semble qu'une telle provende pourrait vous convenir... avec peut-être une belle portion de sadza et des tranches de pain... et bien sûr, pour parfaire cette félicité gustative, nous pourrions arroser le tout de Chibiku?
Tandis qu'il s'engouffrait dans la hutte de terre et de chaume, Gaspard conclut:
:Gaspard: : Mille écus, oui. Avec du saucisson aussi! Plein de saucisson!

L'aventurière, de son côté, s'était isolée. Elle se démenait avec son rapport. Pour ne connaître que l'enlisement. Comment rapporter tous les faits en restant honnête et sans provoquer la colère de l'Empereur? Il attendait tant de ces trésors. Mais les artéfacts de Mu étaient bien trop dangereux et ils ne devaient en aucun cas tomber entre les mains d'un grand seigneur. Tao avait été clair sur ce sujet.
Combien de temps avait passé depuis qu'elle était monté dans le grand condor pour être au calme? Impossible de le dire. Elle était plongé dans une bulle exempte de toute loi temporelle. Elle avait depuis longtemps cesser d'entendre les bruits extérieurs qui résonnaient en sourdine de la forge.
Malgré ce semi-échec, la jeune femme éprouvait le sentiment du devoir accompli, une sorte de calme particulier, d'engourdissement qui survenait à chaque fin de mission et qu'elle avait appris à savourer...


À suivre...

*
Jinbei: Vêtement traditionnel asiatique.
Madora: Autre nom désignant le ver mopane en Shona.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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