Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Vraiment digne du Comte de Monte Cristo...
Ou des 10 petits nègres d’Agatha Christie.
Modifié en dernier par yupanqui le 18 août 2020, 14:02, modifié 1 fois.
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Oui quelques corrections mais encore un super chapitre !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Bientôt l’épilogue ?
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Je ne suis pas pressé cette fanfiction est tellement bien !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 35.

Manuel Antonio Madariaga, dit Patakon. Maître-voleur de son état, conduisit Juan-Carlos Mendoza à travers les méandres de la ville. Ils dépassèrent le quartier des entrepôts, jusqu'à rejoindre celui du port, à l'extrême sud-est de la capitale.
En traversant les deux derniers pâtés de maisons, il échangea mine de rien différents signes avec des hommes à l'air peu commode postés méthodiquement aux coins des rues. Ils étaient vêtus de tuniques de diverses couleurs, de bonnets assortis et de pantalons courts.
Le capitaine connaissait bien cette partie de la ville. Un quartier à part, de tradition populaire, réputé paisible. Les marins et leurs familles, quelques commerçants, et une bonne part d'ouvriers et de bastaixos* y résidaient en bonne intelligence. Leurs salaires tirés des diverses marchandises convoyées par bateaux suffisaient amplement pour vivre décemment.
D'autres frets étrangers transitaient dans le quartier des entrepôts, destinés à être acheminées à travers l'ensemble du pays. Le flux ininterrompu de ces produits, les taxes prélevées, contribuaient pour une bonne part à la richesse de la capitale de la Catalogne. C'était le retour d'une légère période de prospérité pour la cité après la grande crise économique du siècle précédent. Richesse qui renforçait l'influence du Cartel, regroupant marchands et banquiers de la Taula de Canvis*.
Après avoir descendu un escalier qui plongeait entre les hauts remparts, les deux hommes atteignirent la grande esplanade du port, dominée par le reste de la ville et offerte à l'air du large.

72.PNG

Même les grands navires au long cours avaient été apprêtés pour la Feria. Dans les hautes mâtures, guirlandes et rubans s'agitaient selon les caprices du vent. Sur le quai, un groupe de musiciens régalait les promeneurs du son de leurs mandolines. Les enfants s'ébattaient joyeusement en se faufilant entre les groupes de badauds.
Mendoza remarqua nombre de pimpantes ménagères en route pour le marché aux poissons quotidien, nanties de leur progéniture, et munies de leurs paniers d'osier. Il huma profondément l'air chargé d'iode et se remémora sa vie d'antan. Madariaga profita de cette pause pour expliquer:
Patakon: La caste des mariniers est puissante et nous sommes sur leur territoire. Ni les hommes de Cadell, ni les soldats de l'Empire ne pourront pénétrer dans le quartier sans que je sois aussitôt prévenu. Tu peux te détendre, Mendson. Depuis plusieurs années, j'ai un accord avec les marins. Ils écoulent la marchandise "chaude" que je récolte, lors de leurs escales dans d'autres ports. Je suis protégé. Viens, on est presque arrivés.
Les deux hommes traversèrent l'esplanade, longeant des étals couverts des produits de la mer, des échoppes, trois tavernes. Le voleur s'arrêta devant un bâtiment à deux étages, aux balustrades de bois verni passé, ramassé entre deux immeubles. Un panneau de chêne d'un bleu délavé par les intempéries en ornait la façade, arborant la silhouette étirée d'un oiseau planant sur la crête des vagues.
Patakon: Tiens, c'est là. La taverne de la Mouette Rieuse. Je sais que ça ne paye pas de mine, mais la bière est délicieuse. Brassée maison! Je viens ici quand je veux être vraiment peinard*...
Patakon poussa la lourde porte avec enthousiasme et entra, suivi par le mercenaire.
Une série de marches irrégulières les conduisit directement au sous-sol, dans une grande salle carrée au plafond bas, meublée de tables rondes éclairées de chandelles. Le long des deux murs latéraux, des alcôves taillées à même la pierre. Au fond, en face de l'escalier, un large vaisselier patiné rempli de bouteilles de toutes formes trônait derrière un long comptoir de bois piqueté par l'usage. À gauche du bar, une porte ouvrait sur les cuisines. À droite, un rideau sombre devant lequel s'était installé un barde. Ce dernier taquinait sa viole. La mine rêveuse, il improvisait un air en sourdine.
L'entrée des deux compagnons n'éveilla aucune attention particulière. À la Mouette Rieuse, on ne s'occupait que de ses propres affaires.
Patakon: On va se mettre dans une niche... Celle-ci... On sera bien. Tu vois le rideau à côté? Derrière, il y a une porte dérobée, au cas où... Un tunnel qui t'amène à deux pâtés de maisons d'ici.
Très à l'aise, le brigand salua quelques habitués, des marins. Au passage, il commanda une tournée de bière.
À peine étaient-ils installés qu'une accorte serveuse vint leur apporter leurs boissons, servies dans des chopes glacées, accompagnées d'une large coupelle de pistaches fraîchement grillées.
Alors que l'employée s'éloignait, Manuel entama la conversation:
Patakon: Alors comme ça, Galceran Cadell nourrit les vers! Je ne peux pas dire que j'en sois fâché. Il a trop floué son monde. Je savais que ça le perdrait, un jour ou l'autre. À ta santé, le bâtard!
Madariaga prit sa chope, la leva gravement entre son œil et la lumière, pour en admirer la belle couleur d'ambre jaune, souffla la mousse du bord, et s'envoya une bonne rasade, avant de continuer, les moustaches imprégnées d'un nuage blanc:
Patakon: Sûr que c'était un sacré coquin, celui-là! Mais il faut reconnaître que c'était également un excellent gestionnaire. Sa mort va créer un de ces bazars dans l'organisation de la guilde, je ne te dis pas! Je crois qu'il va y avoir du changement. Gomez et les autres Mignons ne vont pas être à la noce!
Le manuel s'interrompit pour savourer une autre gorgée de blonde et se gratter le menton. L'Espagnol se dit qu'effectivement la bière valait le détour. Pensif, le vieux brigand reprit:
Patakon: En fait, ce serait le moment idéal pour rallier mes vieux camarades et monter mon propre réseau. D'ici l'été prochain, j'aurai régler le compte des Mignons et je pourrai restaurer la Fraternité. La Nouvelle Fraternité des Voleurs... Ça sonne bien, non? Ce rêve que nous sommes plusieurs à partager, quelques autres et moi!
:Mendoza: : Qu'est-ce qui t'en empêche, alors?
C'est ce que demanda distraitement Mendoza, qui suivait le cours de ses propres pensées.
Sans aucun remords, il avait tourné la page sur Catalina. Il avait connu un moment d'hésitation, il ne devait pas se le cacher. Mais aller jouer à cricon-criquette alors qu'elle avait détruit quelque chose en lui, non... Ce n'était pas envisageable... Dès lors que sa vengeance avait été consommée, il avait remisé la jeune femme dans l'oubli. Au lieu de regretter son geste, il s'en trouvait apaisé. Dans une certaine mesure.
Patakon leva les mains au ciel, ramenant le Yeoman à la réalité:
Patakon: Hélas, je n'ai pas les moyens! Tout ce que je gagne, je le garde pour payer les études de ma fille. Et je t'assure que les frais de l'université de Salamanque ne sont pas à la portée de toutes les bourses!
Le voleur sortit sa blague à tabac. Tout en conversant, il se roula un nouveau bâtonnet de chanvre. Le capitaine n'avait jamais vu un homme d'âge mûr supporter aussi bien ce type de substance. Il songea un instant que Manuel composerait une sacrée paire avec Ciarán Macken.
Une nuage de fumée s'éleva au-dessus de la table et l'odeur caractéristique du cannabis s'imprégna dans l'alcôve. Entre deux bouffées, Madariaga poursuivit:
Patakon: Établir l'organisation que j'envisage demande une mise de départ assez élevée. Trop élevée. Même avec le soutien des anciens. Tant pis pour mon rêve! Il devra encore attendre... Mais revenons au concret. Quels sont tes plans, à présent? De quoi as-tu besoin, fiston?
Mendoza devait se décider. Il lui fallait dévoiler une partie de sa mission. Estimant que Manuel avait fait ses preuves, il finit par lui révéler son objectif.
:Mendoza: : Je veux pénétrer dans le palais où se réunissent les membres du Conseil des Cent pour le jour du Jugement. Mais sans passer par l'entrée principale.
Patakon: Mmm... Tu ne plaisantes pas, toi. Voyons, je ne dis pas que c'est possible... mais je ne dis pas non plus que c'est impossible... Il faut que j'y réfléchisse un peu. Je vais devoir consulter certaines relations mais n'aie pas d'inquiétudes... Discrétion est mon deuxième prénom, ton identité ne sera pas évoquée. Je devrais pouvoir te donner une réponse demain soir. En attendant, quels sont tes projets?
:Mendoza: : Je te l'ai dit. Dès demain, je retourne dans les beaux quartiers. Une surprise à faire, des compagnons à retrouver.
Le voleur frissonna:
Patakon: À voir ta tête, je préfère que tu ne me comptes pas dans tes amis.
:Mendoza: : C'est une amitié très particulière...
Patakon: Toi, tu as un ton très étrange... Tu as des comptes à régler, n'est-ce pas, Mendson?
Il opina.
Patakon: Je m'en doutais un peu, après cette journée...
Son bâtonnet terminé, Manuel vida le reste de sa chope d'un trait.
Patakon: Comme disait ma grand-maman, "ça fait du bien par où ça passe!" La nuit va bientôt tomber. Si j'ai bien compris, tu n'as rien en vue pour la soirée. Et si on en profitait pour reprendre une autre tournée? Accorde-toi un peu de détente, gamin. C'est que moi, je commence à avoir faim. On dîne ensemble?
:Mendoza: : Tu as une chambre pour moi? Je voudrais me coucher tôt. Une journée chargée m'attend demain.
Patakon: Tu as raison, il faut savoir se reposer quand on le peut. Alors voilà ce que je te propose: nous soupons et après je te conduis à ta chambre qui se trouve à l'étage au-dessus. On passera par les cuisines ainsi personne ne saura que tu es là-haut.
La tenancière des lieux arriva sur ces entrefaites. C'était une femme à la beauté pas encore fanée, au visage large, embelli par la générosité. Sa robe avait du mal à contenir sa silhouette plantureuse. Son opulente poitrine menaçait de jaillir de son décolleté à chaque inspiration et le vieux voleur semblait fasciné par cette vue plongeante, d'où fleurait un parfum de jasmin.
Secouant sa crinière couleur des blés d'été, elle s'adressa à Madariaga, la prunelle malicieuse:
;) : Manuel le manuel, enfin de retour! Qu'est-ce qui ferait plaisir à un habitué dans ton genre, Patakon?
La voix langoureuse de la femme traduisait la véritable teneur de la question. Elle paraissait bien connaître le Maître-voleur. Très bien, même.
Patakon: Voyons Azucena, tu ne peux pas te calmer? Je suis avec un ami...
Azucena: C'est à toi de me calmer, vieux brigand! Bienvenue, señor. Si tu es un ami de mon Manuel, alors sache que tu es ici chez toi. Je dirige la Mouette Rieuse. Manu minou, je finis mon service à dix heures! Si on allait chez moi fumer une de tes petites douceurs? Et après, je fumerai autre chose...
Avisant l'embarras qu'elle avait provoqué chez le voleur, Azucena lança un clin d'œil complice au capitaine. Madariaga s'étouffa à moitié dans son verre et rougit devant le regard ironique de son compagnon.
Patakon: Az', tu exagères...
Mendoza le coupa:
:Mendoza: : Non, non, aucun problème pour moi. Vas-y, Manuel. Comme je te l'ai dit, je veux me coucher tôt. Profite de ta soirée, tu l'as bien méritée. On dîne ensemble, comme prévu, mais après tu as quartier libre. Tu me montres ma chambre et tu me laisses. On se retrouve ici demain matin pour faire le point.
Azucena: C'est d'accord, mon beau.
Tout en assénant une grande claque dans le dos de Patakon, la tenancière ajouta:
Azucena: Manu minou sera là, c'est promis! Bien! Je reviens avec une deuxième tournée. C'est la maison qui offre! Au menu ce soir: la marmite de poissons. Tout frais de cet après-midi! Manuel, j'espère que tu es en forme, mon petit voleur!
Elle les laissa en roulant voluptueusement des hanches, le rire au coin des lèvres.
:Mendoza: : Tu m'as dit quoi, tout à l'heure? Un endroit où tu viens pour être vraiment peinard? Je comprends en effet pourquoi tu as pris tes habitudes ici! C'est un très beau morceau!
Madariaga soupira:
Patakon: Bon... Si tu pouvais garder ça pour toi...
:Mendoza: : Tu as une réputation à préserver, je m'en souviens parfaitement, Manu minou!
Patakon: Tu n'es qu'un ingrat, fiston! Quand je pense que je t'ai sauvé la vie, tout à l'heure... Et voilà que tu me récompenses par tes moqueries... Groumpfh... Aucun respect des Anciens!

CHAPITRE 36.

Le lendemain, comme il l'avait annoncé, Mendoza retourna avant l'aube dans les quartiers nobles, pour se rendre dans une demeure encore plus belle et plus fastueuse que celle de Catalina de Cardona. Elle appartenait à l'une des cinq plus riches familles de la capitale, dont Diego d'Ordongnes était à présent l'unique héritier. Ses frères aînés, Philippe et Fernando, tous deux officiers, étaient morts depuis des années.
Le Yeoman ne détecta aucun signe de surveillance autour de la résidence. Surprenant, mais aucune trace des sbires de Beyra. Ni de Manuel d'ailleurs. Mendoza avait beau savoir que le vieux voleur rôdait là, tout près, veillant sur ses arrières, il était incapable de le repérer.
Les longs pans de sa cape volant derrière lui, Juan traversa le parc intérieur, une pelouse soigneusement entretenue, longea l'allée de gravier, inspecta les marches du perron.

73.PNG

Personne. Ce n'était pas forcément étonnant car Diego avait affiché dès l'adolescence un tempérament de misanthrope.
Dans la demeure régnait le silence. Diego n'utilisait qu'une partie des lieux. Il avait lui aussi donné congé à la presque totalité de ses serviteurs pour la durée de la Feria, ne conservant que son valet et son cocher, tous deux installés loin de ses appartements, dans une autre aile du bâtiment.
Le capitaine connaissait la demeure. Il avait partagé avec Diego d'Ordongnes un goût prononcé pour la littérature. Rare privilège, l'homme blond l'avait souvent invité à profiter de la bibliothèque de son père, réputée pour ses trésors livresques. En passant devant la grande pièce, en apercevant les reliures des ouvrages dans les rayonnages, l'Espagnol se sentit un peu mélancolique, plongé de nouveau dans le courant du passé. Cette maison éveillait chez lui une sourde nostalgie.
Épée au poing, il gravit l'escalier. De nouveau concentré, il approchait de la chambre de Diego.
Il y entra. Une pipe de mambe reposait sur le bureau, le fourneau noirci mais encore fumant. Aux murs, de multiples rangées de livres. Principalement poésie, philosophie et essais historiques. La pièce était décorée d'un mobilier en noyer. Au sol, un épais tapis d'Anatolie à petits motifs rouges. Recouvertes d'un voilage foncé, les fenêtres laissaient traverser une lumière spectrale. Un seul tableau pour habiller les murs, "La mort de Saint Pierre le Martyr" par Pedro Berruguete. En bref, une lugubre atmosphère.
Et surtout, surtout, la pièce sentait la mort. Une mort récente à en juger par l'aspect du corps couché en travers du lit.
Mendoza eut du mal à reconnaître son ancien ami. Diego était plus maigre que dans son souvenir. Décharné, même. Son teint, malsain. Sa chevelure, clairsemée. L'usage immodéré du stupéfiant avait perpétré des ravages. Et pourtant, indubitablement, le trépas lui octroyait une sérénité qu'il avait vainement cherchée de son vivant.
Sur la cheminée, le Catalan avisa une lettre. Elle lui était adressée.

Pour "Moustique".

C'était bien l'écriture étroite de Diego.
Il la décacheta et lut:

Tu vas venir, Mendoza. Tu es même déjà là, tout près. Je le sens. Tu me cherches, tu nous cherches.
Ainsi, tu as réussi à t'échapper des sentiers obscurs et solitaires de la Mort, traversé les limites du temps afin de te venger, je le sais. Tout comme je sais qu'il est inutile de chercher à fuir ou à me cacher. À quoi bon? Tu me retrouverais où que j'aille.
D'ailleurs, pourquoi vouloir te fuir? Je te vois chaque nuit, dans mes songes désespérés. Les feuilles de coca séchées n'y peuvent rien. Elles m'aident au moins à passer la journée. À ne pas revivre encore et encore ce que nous avons perpétré. Revivre notre trahison envers toi!
Comment avons-nous pu en arriver là? Nous fourvoyer ainsi sur les chemins du Mal? C'est que j'en ignore toujours la raison.
Bien sûr, je pourrais me trouver des excuses, tenter de me disculper. De cette soirée, je n'étais ni l'instigateur, ni même un exécutant. Je suis bien trop lâche. Je n'ai jamais porté la main sur toi. Je n'étais qu'un complice passif de cette horreur.
Ma conscience me dicte, me hurle que je n'en suis pas moins coupable.
Coupable de n'avoir jamais rien révélé de cette soirée, d'avoir cautionné ces mensonges qui ont détruit ta famille. Coupable d'avoir continué à partager leur sinistre compagnie, alors que j'abhorrais leur amitié.
J'ai toujours eu de l'affection pour toi, marin du passé. Sinon plus. Toi, le meilleur d'entre nous. Le plus innocent.
Par la bienveillante Sainte Vierge, que t'avons-nous fait?
Je ne cherche nul pardon. Dieu jugera mes actes mieux que quiconque...
Et pourtant, pardonne-moi... si tu le peux.
Je t'attendrai, "Moustique", dans le monde des rêves, en te souhaitant de trouver ce que tu cherches.

Saint d'esprit, sinon de corps.
Par-devant la lumineuse Loi.
Diego, comte d'Ordongnes.


Mendoza empocha la lettre qui aurait pu l'incriminer. Elle pourrait peut-être servir par la suite. Il contempla le corps de Diego. Quelle ironie! C'était le seul des Compagnons qu'il aurait incontestablement épargné.
Il n'y pouvait rien. Il recouvrit le cadavre d'une couverture avant de remiser son épée au fourreau et quitta la pièce.
Estimant qu'il était préférable d'éviter la sortie la plus évidente, il opta pour le toit. Il s'esquiverait ensuite à travers le parc boisé. Patakon saurait le retrouver, il n'en doutait pas.

☼☼☼

Ayant pris pied sur le toit, Juan constata qu'on l'y attendait. Un grand homme brun, au visage grêlé, au profil de faucon, s'y tenait, nonchalamment appuyé sur une cheminée. Cet homme, l'Espagnol le connaissait bien. Il accueillit sa présence de son sourire sauvage, celui qui étirait ses traits, qui renforçait la brutalité de son visage.
:Mendoza: : Alfonso. Après toutes ces années...
A.B: Moustique! Alors finalement, c'est bien toi! Tu es bien de retour... Pedro nous avait pourtant bien certifié ta mort. Je t'attendais, en fait, et je me doutais que tu sortirais par là. On connaît les mêmes astuces, toi et moi.
:Mendoza: : Notre rencontre est salutaire, effectivement. Moi aussi, je voulais te voir, Alfonso. Tu as bonne mine, ma foi.
A.B: Toi aussi... pour un mort en sursis!
Beyra se redressa lentement. Il irradiait de malveillance.
:Mendoza: : C'est toi qui a supprimé Diego, ou il s'est vraiment tué?
A.B: Quelle importance? Il est mort, voilà tout.
Ils se faisaient face. Même taille, même musculature. Même inquiétante aura. Même assurance farouche, prédatrice. Même promesse de mort.
En cet instant présent, ils étaient frères. Frères de violence.
Tout en parlant, ils se jaugeaient. Anticipant ce qui allait advenir.
En contemplant Alfonso, Mendoza se rendit compte que leur confrontation couvait depuis la fin de l'adolescence. À cette époque, cette pensée l'aurait rebuté. Il craignait alors Beyra. Aujourd'hui, il n'avait plus rien du gentil mousse d'autrefois, celui que l'on surnommait Moustique. Il s'en délectait.
Alfonso rayonnait d'une joie tout aussi malsaine. Il avait lu dans le regard de Mendoza.
A.B: Avec toi, on ne perd pas de temps. Droit à l'essentiel, c'est bien...
Le brun avait reculé hors de portée pour retirer sa pelisse. Il ne garda que son ample chemise blanche et sa pochette turquoise.
Avec un mouvement lascif, Beyra sortit d'un étui placé dans sa botte un étrange couteau: une dague à rouelles. La terrible efficacité de cette arme fut immédiatement reconnue dans le monde entier car elle était synonyme de combat de chat, d'assassinat, d'absence de pitié, faisant même dire au célèbre maître d'armes Allemand Hans Talhoffer: "Ils en viennent à la dague, Dieu leur vienne en aide!"
Alfonso avait rusé et combattu pour acquérir cette lame et, depuis, il ne tuait que mieux.
En même temps, tout en surveillant son adversaire du regard, le Yeoman avait lui aussi ôté sa cape, et sortit sa propre lame courte.
:Mendoza: : Quel vaniteux imbécile que cet Alfonso! (Pensée).
Le mercenaire aurait pu au moins par trois fois dégainer une dague de jet et l'abattre sans merci, en pleins préparatifs. Il n'en fit cependant rien car il voulait ce duel. Il désirait contempler l'agonie de Beyra et espérait s'en délecter lentement.
Vision récurrente de ses cauchemars:
Après l'avoir martelé de coups de pieds, Alfonso s'était amusé à lui briser tous les doigts. Un par un. Avant de l'offrir à Pedro.
Il avait fallu toute l'influence de son oncle Íñigo pour le faire passer pour mort et toute la science des médecins pour le sauver de celle-ci. Mendoza avait mis longtemps à guérir et à se souvenir. Très longtemps.
Beyra se vanta méchamment:
A.B: C'était si facile de te faire saigner la dernière fois. Je vais adorer remettre ça!
D'une voix pire que glaciale, Juan susurra:
:Mendoza: : J'ai changé, Alfonso, et tu vas t'en rendre compte par toi-même.
À présent, les deux hommes se dévisageaient, ayant adopté une posture de combat. Le toit en terrasse était suffisamment vaste pour qu'ils évoluent à leur aise.
Sans se consulter, chacun des belligérants éleva sa lame. Cependant, le capitaine contint les railleries qu'il brûlait de déverser pour mieux se concentrer sur son adversaire. Il tenait ses bras écartés parallèles au sol, sa lame dans la dextre, ses prunelles sombres et enfiévrées braquées sur l'homme brun. Tel son reflet inversé, Alfonso se mouvait avec la même aisance prédatrice.
A.B: Approche, Mendoza, approche... Je vais finir le travail de Pedro. Et je lui apporterai ta langue en trophée.
:Mendoza: : C'est trop tard, Alfonso. Vous avez laissé passer votre chance. C'est mon tour à présent!
Ils se jetèrent haineusement l'un sur l'autre. Le temps de l'observation était passé. Les mouvements, les attaques, les contres, les parades s'enchaînèrent. Le Catalan constata vite que Beyra était lui aussi un bretteur émérite, porté par sa propre danse.
Ils combattirent au mieux de leur forme et de leur talent sans que l'un prenne l'avantage sur l'autre. Ils se neutralisaient.
Oui, ils étaient frères. De force et d'habileté égales. Leur assurance respective se valait. Leur soif de sang également.
Le combat menaçait de s'éterniser et Mendoza ne pouvait se le permettre. Il décida d'user d'une autre arme que sa dague. Il profita d'une pause dans leurs assauts pour apostropher son adversaire:
:Mendoza: : Tu aimes être aux côtés de Pedro, hein Alfonso? Après toutes ces années! C'est un beau mouchoir que tu as là, dis-moi. Turquoise... C'est sa couleur, n'est-ce pas? C'est donc que tu es toujours autant épris de lui! Mais après tout ce temps passé ensemble, j'imagine que vous avez eu le temps de concrétiser. Alfonso, qui fait l'homme de vous deux? Lequel fait couiner l'autre? Tu peux bien me le dire... Il paraît que toute la cour jase à ce sujet!
Les mâchoires contractées par la fureur, Alfonso Beyra devint livide. Il explosa:
A.B: Aaaargh! Moustique, je vais t'écraser!
Il bondit en avant et se mit à larder l'air de frappes puissantes, rageuses mais désordonnées. Altéré par le ressentiment passionné, le rythme de ses coups perdit de sa maîtrise, de sa fluidité. Aveuglé par sa haine, Beyra se déconcentra. C'est ce qu'attendait Juan, qui évitait sa lame avec aisance. Il laissa passer l'orage et attendit le moment propice.
Alfonso avait perdu son sang-froid et continuait à faire des gestes trop amples. Laissant passer un revers trop appuyé, le capitaine détourna le bras armé de son adversaire, fit un pas en avant et lui planta sa courte lame dans l'épaule. Et comme avec Aonghas MacDhòmhnaill, le pisteur de la garde Écossaise, il la laissa en place.
Sans lui laisser le temps de réagir, il agrippa la main armée d'Alfonso, lui brisa le poignet d'un geste sec. Saisissant le poignard de son ancien camarade, il s'en servit pour l'éventrer du nombril jusqu'au sternum. La lame se fraya un horrible chemin dans la chair, déchirant les entrailles, provoquant une douleur que Mendoza n'aurait pas obtenue avec sa dague au tranchant parfait.
Beyra hurla longuement. Son cri se termina dans l'aigu.
Il hoqueta alors qu'il se vidait de son sang. Le désarroi avait pris possession de ses traits d'ordinaire si confiants. Il tenta de parler mais s'étrangla, se figea dans un cri ultime et muet, la bouche tordue par la souffrance. Impavide, le Yeoman regarda son adversaire tituber en arrière, jusqu'au bord du toit. Alfonso buta contre le rebord, perdit l'équilibre et s'écrasa à plat dos sur la terrasse de l'étage inférieur, éclaboussant les dalles blanches d'un rouge vermeil.
Mendoza ramassa sa cape avant de sauter le rejoindre. Se penchant sur lui, il récupéra aussi sa dague. Beyra mit bien une demi-heure à mourir. Le mercenaire contempla son agonie jusqu'au bout. La détaillant délicatement, intensément, comme s'il dégustait un mets recherché, son visage éclairé d'une joie mauvaise.
Exit, Alfonso. L'assassin avait connu une mort à la mesure des tourments qu'il avait infligés. Mendoza savoura particulièrement cette vengeance. Il inspira à grandes goulées libérées et quitta les lieux, en sautant dans un vénérable chêne qui bordait la terrasse.
Il ne restait plus que deux des Compagnons d'antan. Le gros Diricq de Melo et Pedro Folc de Cardona. Pedro, son meilleur ami.
Autrefois.
:Mendoza: : À nous deux, Cardona. Si tu savais à quel point la vengeance est à la hauteur de mes attentes! (Pensée).

À suivre...

*
*Bastaixos: Débardeurs ou dockers. Ouvriers portuaires, travaillant dans les docks, employés au chargement et déchargement des navires arrivant au port.
*Taula de Canvis: première banque publique de Barcelone, fondée en 1401.
*Peinard: Étymologie et histoire. Au XVIème siècle, un vieux penard était un terme péjoratif désignant un vieillard, généralement par rapport à ses prétentions amoureuses.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 30 août 2020, 20:49, modifié 2 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

C’est la trame de ton histoire, c’est bien écrit mais trop de haine, de sang et de violence pour moi...
Heureusement qu’il y a la séquence pause détente dans la taverne.

J’ajoute aussi que j’aime beaucoup tes montages photo en général.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Bravo !! J'ai fait 4 chapitres toute la journée et je n'ai eu aucun message hier !! Il faut parfois accepter que d'autres ont plus de succès que soi-même...
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 37.

Au même moment, à l'intérieur de la Casa de la Ciutat.

Située sur la plaza Sant Jaume, l'entrée principale de l'hôtel de ville de Barcelone faisait face au Palais de la Généralité. La salle rectangulaire du Conseil des Cent, construite par le maître d'œuvre Pere Llobet en 1369, bruissait d'agitation, mais cette atmosphère enfiévrée n'avait rien à voir avec le déroulement de la Feria. Les valets en livrée rutilante s'activaient en tous sens, focalisés sur le confort des hommes en train de s'installer autour d'une table ronde. Ces derniers, les plus nobles seigneurs de la province, avaient été nommés par Charles Quint en personne. Divisés en trois "bras", ils représentaient chacun un état ou ordre de la société: le "bras ecclésiastique" rassemblait le clergé, le "bras militaire" la noblesse, et le "bras populaire", les villes royales. L'ensemble de ces délégués représentait l'ensemble de la population Catalane.
Les députés se réunissaient à huis clos afin de décider de l'avenir.
En sus de la menace Française, une histoire fondée sur des ouï-dire disait que Khayr ad-Din Barberousse, le sultan d'Alger, allait bientôt se placer sous le contrôle Ottoman. Il devait se rendre auprès de Soliman le Magnifique pour lui proposer un plan d'occupation de la Méditerranée. Il était prévu la reconquête de tous les présides Espagnols, puis la conquête de la Corse, la Sardaigne, la Sicile et enfin des Baléares.

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Brun de poil, le teint mat, les yeux cernés, ses vêtements froissés et ses doigts tachés d'encre, le secrétaire d'État Francisco de los Cobos y Molina était un Andalou sanguin, jovial, vif, indulgent, généreux, ne marchandant pas les compliments. Favorisé par les astres à la naissance, et bien convaincu de sa chance, il faisait tout pour la mériter. Perspicace et travailleur, il gérait tout: sa fréquentation des affaires Ibériques au sens large (il connaissait aussi bien les dossiers Espagnols que Portugais), de la situation en Italie, sa parenté de pensée avec l'Empereur faisait de lui un personnage incontournable de la politique. Une tâche ardue qu'il exerçait avec une compétence reconnue par ses pairs. Il bénéficia très jeune de la position de son oncle Diego Vela Allide, secrétaire de la reine Isabelle de Castille. Cet oncle lui proposa un poste comme aide à sa fonction, où il eut une première expérience de la bureaucratie de l'Empire. Peu après, il exerça cette fonction près du doyen des secrétaires de la reine, Hernando de Zafra, qui lui fit gravir les échelons administratifs. À la mort de son mentor en 1507 commença une ascension politique fulgurante: il fut nommé tour à tour écrivain de chambre, trésorier principal puis régisseur de Grenade, greffier des crimes d'Ubeda, sa ville natale, et Grand-commandeur de Léon pour l'Ordre de Saint-Jacques de l'épée, responsabilité maximale que sa condition de simple hidalgo lui permettait d'obtenir. Toutefois, cette ascension lui attira de nombreuses inimitiés. Si l'Empereur et son fidèle de toujours, Don Luis de Ávila y Zúñiga le louaient plus que tout autre, Pero Mexia, Francisco López de Gómara et Alonso de Santa Cruz, trois historiens contemporains soulignaient son goût des femmes et sa rapacité. Sur ce dernier point, Charles Quint en rajoutait en affirmant que l'épouse de Cobos fit bien des torts à son mari. Il est vrai que Maria de Mendoza, ombrageuse noble jeune fille de trente-deux ans sa cadette, ne facilita pas toujours la vie du secrétaire en acceptant certains présents de peu de prix qui lui valaient une mauvaise réputation. Néanmoins, respecté pour sa gestion rigoureuse, sans faille, il avait un don pour manipuler les chiffres comme un alchimiste les formules. Son implication personnelle dans les finances impériales, (il était contrôleur de métaux Américains et grand trésorier de Castille), faisaient de lui un expert dans le maniement des prêts et autres opérations de changes, vitales à la monarchie. D'aucuns insinuaient que l'homme le plus important du royaume après le souverain, c'était lui.
Loué de tous, révéré par beaucoup, Fadrique de Portugal Noreña, évêque de Sigüenza et vice-roi actuel de la Catalogne, représentait le pouvoir religieux. Homme pieux, discret, reconnu pour sa sagesse, il était l'élément équilibrant du Conseil, le conciliateur des volontés. Son engagement envers les Rois Catholiques l’avait conduit à être l’un des ecclésiastiques qui s'étaient battus le plus pour la succession de leur fille, Jeanne la folle et, à la mort de Isabelle de Castille et Ferdinand II d'Aragon, avait fortement soutenu leur petit-fils Charles Ier qui l’avait gardé comme conseiller. Émanation directe de l'autorité Habsbourgeoise, il possédait une réputation bien établie d'intégrité, tout dévoué à sa charge, et respectueux des traditions séculières. Son visage rond, où régnait un nez épais, encadré d'une abondante chevelure d'un blanc lustré, éclairé d'un chaleureux regard d'azur, respirait la bonté. Le prélat regardait ses pairs s'installer, les saluant avec sa bienveillance coutumière.
Responsable des forces armées de l'Empereur, Don Luis de Ávila y Zúñiga resplendissait dans son armure légère de mailles brillantes. L'homme d'État, de lettres et de guerre avait un visage sévère, buriné, balafré d'une longue cicatrice sur la joue droite et marqué d'une longue moustache en crocs. Avec son maintien athlétique, ses larges épaules, son regard d'un bleu-gris pénétrant, il semblait à peine marqué par le passage du temps. Brillant stratège, épéiste accompli, militaire redouté, cavalier émérite, il ne comptait plus ses victoires. D'ailleurs, le capitaine général de la cavalerie restait avant tout un homme d'action, plus à l'aise en pleine bataille qu'à la table du pouvoir.
Le président de la Généralité de Catalogne, Francesc Oliver de Boteller, était un homme de taille moyenne au visage et au corps mince, dont les longs cheveux châtains brillaient sous la lumière des lustres. Canon et prieur de Tortosa, il dirigeait le Cartel, alliance entre marchands et banquiers. Contrairement au secrétaire Cobos, il prenait grand soin de son apparence.
Devançant la mode, il avait revêtu un costume en soie légère bleu pâle, ainsi qu'une chemise immaculée à grand col, ouverte sur un médaillon d'or pur, et des bottines en peau de chèvre. Mais Francesc n'était pas qu'un aristocrate à la mode, loin de là. Sous ses airs élégants, cultivés, voire pour certains un brin précieux, se cachait une intelligence aussi vive que le vol d'un aigle. Ses talents de négociateurs avaient maintes fois servi la ville et renforcé sa fortune. L'homme était riche, plus riche que de raison, pourtant il œuvrait pour le bien de la cité avec une grande abnégation.
Juan de Zúñiga Avellaneda y Velasco absent, restait le dernier et le plus jeune membre du Conseil, pas le moins ambitieux et certainement pas le moins dangereux: Juan de Cardona, le neveu de Pedro Folc de Cardona. C'était l'évêque de Barcelone, le chancelier royal redouté des vicaires. Il était doté d'un visage pâle aux joues creusées, aux maxillaires marquées, avec une bouche réduite à une mince fente, figée sur un pli perpétuellement désapprobateur. Ses cheveux étaient noirs, drus, coupés très courts. Il était vêtu d'une longue tunique rouge, aux larges manches décorées de fils d'argent. L'ambitieux cardinal n'était en poste que depuis un an. Élément particulièrement brillant, il faisait preuve d'un zèle redoutable dans l'exercice de ses fonctions. Un zèle que certains jugeaient excessif, mais l'ancien chanoine de la cathédrale de Tarragone ne rendait de comptes qu'au roi. Fervent pourfendeur des forces venues d'ailleurs, il les haïssait de toute son âme.
Un autre homme, cependant, assistait à cette réunion. L'ancien évêque d'Urgel, Pedro Folc de Cardona. Le beau Pedro, vêtu de blanc et d'azur. Le rôle prépondérant qu'il était censé jouer expliquait sa présence exceptionnelle. Meilleur soldat de l'Empire après Don Luis de Ávila y Zúñiga, il dirigerait en effet la force d'élite des Tercios au combat. Au cours de cette période en tant que député de premier plan, les nouveaux affrontements entre le Conseil provincial et le Conseil des Cent se distinguaient.
Tels étaient les membres les plus influents de la Catalogne. L'un d'eux était un espion à la solde de la France. Deux d'entre eux étaient les cibles de Juan-Carlos Mendoza.

☼☼☼

Une fois les laquais exclus de la pièce, les portes bouclées, Fadrique sourit chaleureusement à ses pairs. Le vice-roi entama la séance par l'habituelle prière:
Fadrique: Seigneur Dieu, père de notre Seigneur Jésus-Christ et notre Père. Envoie sur nous ton Saint-Esprit de force, d’amour et de sagesse, pour que tout au long de cette rencontre nous accomplissions fidèlement le ministère que tu nous confies, pour ta gloire et pour le service de ton Église. Éclaire-nous par ta lumière. Donne-nous un cœur humble, paisible et simple. Mets en nous une intelligence qui comprenne tes desseins et une volonté qui se soumette à la tienne. Garde-nous dans l’unité et dans la communion fraternelle, afin que nous sachions nous écouter les uns les autres et nous aider mutuellement à discerner la vérité qui est en Jésus-Christ. Veille sur nos paroles, bénis nos travaux, conduis nos délibérations, inspire nos décisions. Uns avec ton peuple, solidaires des hommes. Donne-nous, nous t’en prions, de te reconnaître comme le Seigneur vivant au milieu de nous, par Jésus-Christ, notre Seigneur. Amen.
Après quoi, il poursuivit:
Fadrique: Et maintenant, mes Seigneurs, que le Conseil débute. Je suis particulièrement heureux de vous voir aujourd'hui assemblés. Nous sommes à l'aube d'un grand jour, la date fatidique approche. L'Empereur m'a chargé de vous transmettre sa bénédiction et son soutien. Qu'il en soit loué! Il sera bientôt de retour en Espagne. Il tiendra les Cortès d'Aragon et de Castille afin de réunir les fonds nécessaires à l’armement d’une flotte pour lutter contre les Turcs et Barberousse, qui progresse en Afrique. Je laisse à présent la parole à Don Luis, responsable au premier chef de l'expédition.
Ávila y Zúñiga se leva. On abordait un sujet qui le fascinait depuis toujours: la guerre. Un état des lieux s'avéra utile pour rafraîchir les mémoires. Il se plaça devant une grande carte colorée de l'Europe, comprenant les possessions territoriales respectives du Saint-Empire, représenté en jaune; celle de l'Empire Ottoman, l'ennemi abhorré, en rouge et constituant la plupart des terres autour du bassin méditerranéen. Enfin, la France en bleu et l'Angleterre, laissée en blanc. Henri VIII avait des menées trop occultes sur son île pour figurer sur le document.
La voix grave de Don Luis résonna dans la pièce:
Luis: Dès les premières années du règne de notre souverain, le schéma idéal de conquête des présides, élaboré à l’époque des Rois Catholiques, a connu des difficultés. De par la dispersion des forces de l’Empereur et les nombreux problèmes qu’il a rencontrés dans ses domaines, tant en Espagne qu’en Europe (Comunidades de Castille et Germanías de Valence, problèmes religieux et politiques en Allemagne, guerres avec la France, avec le pape, avec les Turcs et les princes Allemands), il s’avère difficile de maintenir les présides Espagnols. Car, le problème qui se pose, est bien celui de la conservation de positions éloignées de l'Espagne, fermées à l’intérieur de fortifications et isolées dans un environnement hostile. Il nous faut perpétuellement entretenir ces garnisons en hommes, munitions et en nourriture. Vous savez comme moi que le maintien et la protection de ces présides revendiqués et menacés en permanence par les Infidèles, s’avèrent être un souci crucial et un gouffre financier pour la couronne. En acquérant une dimension stratégique nouvelle au sein des grands conflits qui opposent frontalement les rives chrétienne et musulmane, les présides sont devenus inévitablement un enjeu de reconquête pour les Turcs, soucieux de récupérer des places fortes, sources potentielles de richesses et idéalement situées sur le littoral. Tel est le cas de La Goulette, qui assure la surveillance de Tunis, et celui de Tripoli, ce port corsaire au débouché des routes caravanières. Charles Quint peut donc s’estimer mécontent de la gestion de ce dernier depuis deux décennies. Si la conquête de ce préside résultait d’un désir de croisade, sa gestion par les Siciliens témoignait d’un manque certain de sérieux et d’organisation qui nuisait aux ambitions stratégiques de l’Espagne en Méditerranée occidentale, en une époque où les intérêts Espagnols et Ottomans, un temps déplacés vers l’Europe centrale, se recentrent désormais sur l’espace maritime. La donation de Tripoli et Malte aux anciens chevaliers de Rhodes doit à présent apparaître comme un moyen d’assurer une protection améliorée de ces deux bastions et la perpétuation d’une croisade jamais achevée...
Zúñiga se racla la gorge et poursuivit:
Luis: Vous savez que Soliman est devenu le cauchemar de la chrétienté. Installé à Alger d’où il dirige des razzias contre les îles et le littoral méditerranéen Espagnols, son grand amiral, Khayreddine Barberousse, désire s’emparer de Tunis afin de conforter ses assises et entreprendre d’autres conquêtes. Sa proximité avec l’Italie en fait en effet une position-clef pour attaquer directement la Sardaigne, la Sicile et le royaume de Naples. Si nous ne faisons rien, la prise de Tunis sera facilitée par les querelles de succession qui affaiblissent la dynastie des Hafsides, particulièrement son roi, Abû `Abd Allâh Muhammad V al-Hasan (Moulay Hassan), considéré comme vassal de l'Empereur, qui ne contrôle plus que la capitale, une grande partie du sud Tunisien lui échappant. Après l’expérience malheureuse du Peñón d’Alger, Charles Quint ne peut plus permettre à Barberousse d’installer un nouveau nid à corsaires. C'est pourquoi il nous faut agir, frapper les premiers et sans attendre. Nous devons par conséquent écrire... Écrire au vice-roi de Valence, Ferdinand d’Aragon duc de Calabre, et lui demander de s’occuper plus particulièrement de l’approvisionnement de la forteresse de Peñíscola... Écrire au vice-roi de Sardaigne, Don Antonio de Córdoba, afin qu'il s’informe auprès de son prédécesseur sur ce qu’il convient de faire... Écrire au maître de Rhodes pour le prévenir de la nouvelle concernant Barberousse, même si nous savons pertinemment qu’il doit déjà être au courant et prêt comme à l’accoutumée à faire face à toutes les éventualités.
Don Luis se tourna vers le vice-roi de la Catalogne et lui demanda:
Luis: Votre Excellence Révérendissime, Fadrique Noreña, Archevêque de Saragosse, avez-vous essayé de convaincre la ville de Tarragone de la nécessité de verser une contribution pour la défense d’Ibiza?
Fadrique: Évidemment, Don Luis!
Luis: Bien! Il est indispensable d’y envoyer le capitaine Bedmar avec deux cents fusiliers pour qu’ils restent là-bas. Pour ne pas perdre de temps, ledit capitaine devra aller au plus tôt à Valence pour y lever les hommes et former la compagnie, et il devra se faire aider par Miçer Figuerola qui est aux ordres du roi de Majorque. Dans ces deux îles, il faudra faire provision d’artillerie, de munitions et d'armes de toutes sortes pour défendre la frontière de ce royaume. Les forteresses de Salsas et de Collioure devront être renforcées en hommes et en munitions, et il faudra prier Mosén Berenguer Donis de résider dès l'été prochain dans cette dernière place forte. La frontière de Perpignan devra être étroitement surveillée. La ville est fortifiée, mais il faut savoir que les travaux d'entretien seront chers et il convient de se demander s'il n’y a pas d’inconvénient à le faire alors qu’il y a tant de gens métissés de Français. Quant aux présides Espagnols d’Afrique du nord, il faut également prévoir de les renforcer en hommes et en armements. À cause de l’importance de son port, nous devons envoyer à Bougie des hommes valides et rapatrier les malades et les estropiés; nous devons aussi l’approvisionner pour six mois, alors qu’aux dires du soliçitador, l’agent représentant la place, Bougie a seulement des provisions pour trente jours. Les présides d’Oran et de Mers-el-Kébir doivent également être pourvus dans les plus brèves échéances, et, dans cette dernière position, il faudra achever au plus vite la construction des citernes d'eau. Pour ce qui est d’One, si Sa Majesté est déterminée à garder cette place, il devra la pourvoir de toute urgence car il n’y a pas de consignation pour elle en cette fin d'année.
Le secrétaire d'État intervint:
Cobos: En bref, l'Empereur s’apprête à la guerre: entre autres dispositions, il a demandé à Andrea Doria d’envoyer ses galères pour s’opposer à la flotte Turque qui partira de Constantinople, et à Clément VII, une aide pécuniaire. Mais le pape manque d’argent car il vient de dépenser un million de ducats dans la guerre de Florence qui vient de s'achever il y a deux ans. Cependant il a envoyé son neveu, le jeune et richissime Hippolyte de Médicis, qui a su réunir trois cent mille hommes, malgré le refus des rois de France et d’Angleterre. De plus, il vient d'accorder à l’Empereur un cinquième des bénéfices ecclésiastiques. Mais, ce sur quoi notre bon roi commence à compter le plus, c’est sur l’or qui doit, tôt ou tard, affluer du Pérou et avec lequel on doit battre monnaie à Séville et ici-même, à Barcelone: le seul problème sera de transférer les fonds au plus vite d’une ville à l'autre.
Luis: Merci pour ces précisions, señor Cobos. Voilà comment je vois les choses: scindées en escouades, nos troupes profiteront du printemps pour traverser la Méditerranée et gagner la côte Algérienne. La belle saison leur permettra de s'établir à Bougie, une base solide où l'ensemble de nos régiments pourra opérer son rassemblement. À la date fixée, Pedro Folc de Cardona mènera ses hommes à l'intérieur de la petite Kabylie. Ils seront le fer de lance de l'Espagne en territoire ennemi. Ces soldats devront éliminer toute résistance de la part des tribus Berbères, tels que Mazices, Maures, Numides, Gétules, Garamantes ou autres, avant qu'elles aient le temps de se mobiliser pour répondre efficacement à notre invasion. Le député ecclésiastique sera épaulé par les escouades du chancelier royal. Suivront nos trois légions recomposées. Une fois la menace Berbère éliminée, l'armée de Pedro restera en réserve, tandis que ses deux sœurs entameront leur marche. Telles sont les grandes lignes de notre plan d'expansion. À mesure de notre avancée, nous construirons des forteresses qui garantiront nos acquis stratégiques. Que Dieu nous éclaire dans cette vaste entreprise! J'ai d'ailleurs une fort bonne nouvelle... Selon les termes du traité d'alliance, Abû `Abd Allâh Muhammad V al-Hasan nous appuira de ses soldats Andalous (Musulmans et Juifs chassés d'Espagne à la suite de la Reconquista) et de plusieurs escouades de cavalerie. Hélas, comme je le craignais, Abdelaziz El Abbès, le fils du dernier sultan hafside de Bougie, a refusé d'intervenir dans le conflit à venir, même pour ne prodiguer que des soins.
Francesc: Ça vaut peut-être mieux! Il nous a abandonné, recruté des Andalous et des renégats chrétiens afin de développer une industrie, notamment une fabrique d'armes à feu pour fortifier sa Kalâa* et étendre son influence jusqu'au Sahara...
Ancien allié des Ottomans, Abdelaziz avait participé à leurs expéditions dans l'Oranais et le désert. Confronté à la convoitise des Turcs envers son sultanat, il était entré dans une politique d'alliance temporaire avec l'Espagne avant de les laisser choir.
Luis: Oui, je vous l'accorde, Francesc. Il fallait s'y attendre! En revanche, une partie de la noblesse Portugaise, dont le beau-frère de notre Empereur, nous enverra un régiment entier et une escouade du génie militaire: de quoi construire des positions inexpugnables en un temps record!
C'est avec une joie toute martiale que Don Luis s'exprimait. Il prit le temps de lisser sa longue moustache avant de se tourner vers Juan de Cardona.
Luis: Cardinal, sur place, vos hommes devront s'occuper des espions éventuels, ainsi que des interrogatoires. Nous devrons très rapidement en apprendre plus sur les forces ennemies basées au-delà du Tell Algérien. Savoir à quoi nous attendre en matière de résistance.
Le chancelier royal parcourut l'assemblée de ses yeux attentifs, aux prunelles d'un bleu presque noir qui paraissaient ne jamais ciller.
Juan: En plus de mes propres sicaires, j'ai mandaté six inquisiteurs. Ils prendront la tête du cortège. Pour peu que vous leur fournissiez des prisonniers, mes hommes vous obtiendront toutes les informations nécessaires. Mes assassins à gages pourront également s'occuper de la menace des ténébreux marabouts. Dieu nous guidera sur le chemin de la Victoire!
Le cardinal s'exprimait avec une componction irritante pour ses pairs, même pour son oncle. Mais il n'avait cure de leur opinion à son sujet. Seul pour lui comptait la défense des préceptes et surtout la lutte qui l'opposait aux forces venues d'Afrique.
Don Luis opina, satisfait, et poursuivit:
Luis: Plus que jamais, nous aurons besoin du soutien spirituel de vos moines-missionnaires, Archevêque Noreña. Comme nous l'avons déjà dit, il est indispensable, impératif, que les peuples des territoires que nous allons traverser puissent se rallier à la légitimité de notre action... Seuls les bienfaits de la Foi pourront gagner leurs cœurs. Nous ne pouvons nous permettre de batailler avant d'entrer en terre infidèle. Les tribus auraient alors le temps nécessaire de se regrouper et d'enrayer notre avancée.
Agitant doucement la main, le vice-roi rétorqua:
Fadrique: Commandant, le soutien des missionnaires vous est évidemment acquis. Que Dieu en soit témoin! Sa sainte Lumière éclairera l'âme de tous nos frères sur ces nouvelles terres. Tant d'âmes simples à défricher, à guider, pour notre plus grand bénéfice... Oui, vous pouvez sans nul doute compter sur l'Ordre de Sant-Benet (Saint-Benoît), Don Luis.
Luis: Je m'en félicite!
C'est ce que répondit le militaire avant d'entreprendre le secrétaire d'État:
Luis: Señor Cobos, qu'en est-il de vos propres préparatifs?
Cobos: Nous sommes prêts à établir les lignes d'approvisionnement. Les ambassades des régions concernées ont été prévenues. Si vos troupes parviennent à sécuriser les voies d'accès, il n'y aura aucun retard. Grâce à la générosité du Cartel, je me dois de le souligner...
L'appui financier des marchands et des banquiers s'avérait en effet vital pour la bonne marche du plan de conquête. Cobos hocha la tête en direction du président de la Généralité pour le remercier de sa collaboration enthousiaste.
Pour sa part, Francesc Olivier et Botteller avait pleinement conscience du rééquilibrage des forces qui s'opéraient au sein du conseil. Si le secrétaire d'État lui accordait son intérêt, il y avait de fortes chances qu'il appuie également sa demande de subsides pour l'agrandissement du port de Barcelone. Francesc le salua d'un petit sourire, se félicitant de s'adjuger ainsi un allié dont le potentiel restait à définir. Il décida qu'il lui faudrait inviter l'Andalou à dîner, sous peu. De manière à voir s'il était possible de consolider cette alliance naissante.
Don Luis reprit la parole:
Luis: Mes Seigneurs, j'ai terminé. Je vous remercie de vos efforts. Nul doute que l'Espagne vaincra! Il me tarde d'être sur place, je vous l'avoue.
Avec bonhomie, l'archevêque s'exclama:
Fadrique: Excellent! Tout est donc réglé. Il ne nous reste qu'à attendre...
Juan: Et surtout à prier Dieu de nous donner la force...
Fadrique: En effet mon bon Juan, en effet. À présent, passons aux affaires courantes. Señor Cobos, je vous laisse la parole...
Cobos: Merci! Je vais commencer par la Feria. Voici le rapport établi sur les rentrées en cours. Je débuterais par les taxes prélevées sur le transit portuaire. Nos bénéfices voient une augmentation significative de...

☼☼☼

Un seul des hommes présents se fichait comme d'une guigne de la conquête programmée et des réaux qui rentraient dans les caisses de la ville. Pedro Folc de Cardona se tortillait sur son siège, placé en retrait de celui de Don Luis. Il n'avait écouté que d'une oreille distraite. Malgré la grandeur du projet, il n'y prêtait aucun intérêt. Il n'avait qu'une idée en tête: que fichait ce damné Alfonso? Il s'inquiéta:
Pedro: Il aurait dû revenir depuis au moins deux heures! (Pensée).
Malgré l'assurance qu'il affichait, Pedro n'était rien sans lui. Depuis son élection au rang de député du Conseil provincial, il jouissait de la vie facile que lui organisait Beyra. Une vie licencieuse au possible, bien éloignée des préceptes que devait suivre un ecclésiastique. Pedro avait goûté à tous les plaisirs, à tous les vices. Et Alfonso veillait sur lui. Toujours. Il était devenu un confident, un guide, un compagnon de débauche. Un homme précieux, tout dévoué, dénué du moindre scrupule. Veillant au bien-être de son maître avec une attention systématique.
Pedro: Alfonso, que le Diable te brûle! Où es-tu passé? (Pensée).
Depuis l'annonce du retour de Moustique, Pedro avait découvert la saveur amère de la peur, amplifiée par les méandres de son esprit pervers.
Le temps avait balayé la complicité qui unissait jadis les Compagnons. Diricq de Melo avait fait ses preuves. Il se chargeait efficacement de la sécurité, assistait à l'occasion Beyra, mais il manquait par trop de subtilité et ses manières laissaient à désirer. Diego d'Ordongnes ne comptait que pour ses appuis politiques et sa richesse. Et encore, le mambe et les remords le rendaient de plus en plus ingérable... Mais de toute manière, Pedro ne le côtoyait plus que lors des réceptions officielles à la cour. Cet imbécile de Pero Laxo, pour sa part, avait lui-même provoqué sa déchéance, malgré l'intervention du député, avant de périr au fin fond d'une campagne éloignée. Il y avait aussi l'inséparable, le fidèle et indispensable Alfonso. Ne restait que le cas épineux de Moustique...
Pedro: A-t-il réellement échappé à la mort que je lui destinais? Et si oui, comment? Et que peut motiver ce retour, après si longtemps? Est-ce vraiment lui, en définitive ou un usurpateur? (Pensée).
Cette sarabande de questions ne cessait de harceler l'esprit de Pedro, aussi hostiles qu'une centurie d'abeilles furieuses. Il ne parvenait à s'en défaire.
Pedro: Alfonso, où es-tu? (Pensée).
Sa disparition tenaillait celui qui fut le premier vice-roi de la Catalogne sous Charles Quint. Il recommença à se ronger les ongles, chose qu'il n'avait plus fait depuis l'enfance.
À ces incessantes prières, Alfonso Beyra ne pourrait jamais répondre. Il gisait sur l'une des terrasses de la demeure de Diego, ouvert en deux, souillé de son sang. Le mouchoir turquoise, symbole de son amour inavoué envers Pedro, n'était plus qu'un chiffon poissé d'hémoglobine.

À suivre...

*
*Kalâa: Ancienne citadelle d'Afrique du Nord, capitale du royaume des Beni Abbès, fondée au XVIème siècle dans les Bibans, une chaîne de montagnes du Nord de l'Algérie culminant à 1 862 mètres d'altitude.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 30 août 2020, 23:15, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Une longue page d’histoire.
Une transition... avant le dénouement.

Attention, Moustique va bientôt piquer !
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Este
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Superbes chapitres !! Rien à y redire !!
Saison 1 : 18/20 :D
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