Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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Este
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Ah d'accord. Eh bien encore bravo !
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 21.

États de Languedoc, Bas Quercy, vallée de la Vère.

Les poings sur les hanches, Roxanne avait sans conteste l'allure d'une guerrière. Grande et musclée, la Dame de fer se tenait avec cette aisance, cette souplesse, cette assurance qui étaient l'apanage des gens d'armes.
Mendoza avait le même port.
Le visage de la jeune femme recelait une beauté froide, indomptée. Ses anneaux d'oreilles constituaient la seule touche féminine de sa personne. Vêtue d'un pourpoint cintré à manches courtes et d'une jupe de cuir brun, elle portait également des bottes et des protège-poignets de la même matière. Une dague longue comme son avant-bras reposait dans un fourreau usé, sur sa cuisse gauche. En dépit de sa tenue légère, Juan estima qu'elle devait sans doute en cacher une ou deux autres sur elle.
Dure et menaçante, elle le fixait avec défi, véritable pendant féminin de l'Espagnol. Le Yeoman avait appris à reconnaître ce type de regard. Avant peu, entre eux deux s'établirait un rapport de force.
Première véritable alcine* que rencontrait le Catalan, Morgane avait l'allure et la mine bien plus aimable. C'était une femme d'apparence jeune, plus mince et plus petite que sa compagne, drapée dans une tunique écrue, décorée de surpiqûres tissées d'un noir qui s'harmonisait parfaitement à celui, moins sombre, de sa fine chevelure. Un diadème, simple cercle d'or blanc, faisait ressortir la pâleur laiteuse de son visage, empli d'une clairvoyance intimidante. Le capitaine eut du mal à se défaire de l'attraction de ses yeux noisette.
Parfaitement à son aise, Théophraste les embrassa comme des sœurs.
Théo: Bien le bonjour, gentes dames! Me voici de retour avec de nouveaux amis: la douce Macumba et le fier Mendson! Nous venons de livrer bataille et avons grand besoin de repos...
Rox: Et d'un bon bain! Théo, tu dégages une de ces odeurs!
Morgane engloba l'ensemble des arrivants d'un regard chaleureux:
Morgane: Vous êtes les bienvenus. Approchez, je vais vous installer. Ne soyez pas étonnés par notre demeure. Toute petite déjà, je passais des journées entières dans les arbres. Cela protège des dangers présents au sol et met les habitants et les réserves de nourriture hors de portée des animaux. Venez vous mettre à l'aise. On s'occupera de vos affaires.
Sa voix mélodieuse sonnait aussi accueillante que ses paroles.
Brisant ce moment paisible, la Dame de fer se plaça devant l'échelle. D'un geste agacé, elle replaça une mèche échappée de sa longue tresse de cheveux blonds. D'un ton suspicieux, elle demanda:
Rox: Théo, qui c'est le grand qui s'habille beaucoup trop large?
Théo: John est sûr, Rox'. Nous avons conclu un Pacte...
Rox: Tu en as conclu un avec cet étranger, soit, mais pas moi!
Muscles bandés, la guerrière se retourna pour toiser de nouveau Juan. Sourcils froncés, mains écartées, elle cracha:
Rox: Je te préviens, mon joli: un pas de travers et je te tranche la tête!
:Mendoza: : Une femme adorable, vraiment! (Pensée).

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Après un court laps de temps où il resta figé, Mendoza esquissa un sourire particulier, celui qui n'exprimait que le défi.
Morgane: Allons, Roxanne, ne sois pas impolie. Les amis de Théo sont mes invités. Tu ferais mieux de m'aider à les accueillir, vilaine fille!
La Dame de fer obtempéra à contrecœur. Elle monta dans l'arbre en râlant.
Théo: Peter a définitivement usé ses réserves de patience. Comment se porte le Rusé?
La Dame du lac soupira:
Morgane: Il est passé bien près de la mort, brûlé comme il l'était. Une sale blessure. Il se remet doucement. Je crains que...
À ces mots, le jeune garçon devint livide. Sans attendre, il s'élança sur l'échelle. Avant de faire de même, le mage expliqua à la Gitane et au mercenaire:
Théo: Le Rusé a été blessé par Zarès, il y a une quinzaine. J'ai du le conduire ici pour le laisser aux soins de Morgane. Nous avons continué à poursuivre l'alchimiste, qui s'était dirigé dans la forêt de la Braunhie où il t'a attaqué.
Le Zurichois raconta ensuite qu'il avait pu suivre la piste du sorcier en se repérant grâce à l'écho de mana laissé par le gantelet maudit.
Mendoza monta sur les barreaux à sa suite.
Immense, cette habitation l'était. Déjà, plusieurs ponts de corde partaient de la plate-forme centrale pour relier les arbres alentours, livrant aux visiteurs un véritable univers. Celui de la sylve.
Tous montèrent sur le premier palier, où se tenait déjà Peter. Morgane lui caressa les cheveux d'un geste apaisant. Roxanne avait disparu. Ce refuge sur plusieurs niveaux, avec vue imprenable sur le lac, était entouré de rampes en bois flotté qui évoquaient les brindilles d'un nid.
Morgane: Tenez-vous à ces balustrades, nous allons monter pour voir le Rusé tout de suite. Je constate qu'il y a urgence. Ensuite, vous pourrez vous détendre.
La dame du lac actionna un cordon et le centre de la plate-forme s'éleva en souplesse. Elle les fit monter de deux niveaux et les conduisit dans une pièce aérée aménagée en aire de repos.
Des rideaux de lierre laissaient filtrer les rayons du soleil. Le concert des oiseaux au-dehors se révélait assourdissant. D'un geste distrait du poignet, Morgane atténua leur babil.
Elle se tourna ensuite vers le jeune archer:
Morgane: Je l'ai appelé, il arrive...
Le Rusé surgit d'un couloir en boitant. Un large pansement immaculé ceignait son poitrail. Le loup gris trottait péniblement, les oreilles baissées, d'une démarche de vaincu. Parvenu à sa couche, l'animal se laissa misérablement tomber dessus, laissant échapper un jappement de douleur.
Tous les regards se braquaient à présent sur Peter. Le jeune Suisse avait adopté la même posture que le canidé. Incapable de supporter plus longtemps la vue de son compagnon diminué, il lui tourna le dos. À peine s'était-il détourné, accablé par la tristesse, que les oreilles du loup se redressèrent. Son regard d'or, mystérieux et intense, retrouva toute sa clarté. Mendoza aurait pu jurer que l'animal s'était joué de son jeune maître.
D'un bond incroyable, Ysengrin franchit la pièce pour sauter sur les épaules de Peter. Un grand rire accueillit son assaut, et bientôt, les deux compagnons roulèrent au sol, lancés dans une fraternelle bagarre. L'adolescent ne tarda pas à être terrassé par de vigoureux coups de langue râpeuse.
Hans: Ces deux-là se sont choisis depuis l'enfance. Ah! Ce petit futé d'Ysengrin nous a fait une bonne farce! Il est d'une intelligence déconcertante et dispose d'une faculté de régénération tout à fait remarquable.
Morgane: En effet! Ce que je n'ai pas eu le temps de dire est que ce petit blagueur est totalement guéri. Mais je crois qu'il voulait lui-même en faire la surprise à Peter. Nous n'avons qu'à les laisser, ils sauront bien nous rejoindre. S'ils ne partent pas courir les bois!
L'adolescent et le loup absorbés par leurs retrouvailles, les autres reprirent la plate-forme pour gagner le sommet de l'arbre.
Surmonté d'un auvent naturel de branches entremêlées, ce dernier niveau avait été aménagé en terrasse, offrant un ombrage accueillant. Une grande table chargée de victuailles les y attendait. L'Espagnol se laissa tomber sur une confortable banquette rehaussée de coussins et poussa un soupir de soulagement. Ses jambes tremblaient de fatigue. Théophraste s'esquiva prestement dans la pièce voisine pour choisir un vin approprié à son humeur, qui était excellente.
Debout dans un coin de la pièce, Roxanne ne quittait pas le mercenaire du regard. Lèvres pincées, elle tortillait une mèche de ses cheveux entre ses doigts tandis que Macumba s'exclama:
Mac: Quel endroit merveilleux! C'est...
Impressionnée, elle ne trouvait plus ses mots. Prenant les mains de la danseuse dans les siennes, Morgane annonça:
Morgane: Macumba, sache que tu pourras rester ici aussi longtemps qu'il te plaira.
La Dame du lac semblait avoir perçu l'étau de solitude qui entourait la Gitane. Le sourire qu'elle lui adressa fit fondre son invitée. Peu habituée à tant de gentillesse, au sincère intérêt qu'on lui portait, elle éclata en sanglots.
Morgane dut la prendre dans ses bras pour calmer cet accès d'émotion. Assis sur une des grosses branches qui partaient du haut de l'arbre, Hans couvait la jeune femme d'un regard attendri.
Le mage revint les bras chargés de bouteilles poussiéreuses.
Théo: J'ai pris du Corbières, ce fameux cru des coteaux du Languedoc. L'occasion me semble particulièrement appropriée, ne trouvez-vous pas? Mais... que se passe-t-il? Pourquoi pleures-tu, Macumba?
Mac: Mais je ne pleure pas... C'est le bonheur...
Théo: Ah! Bien, bien...
Chacun prit place autour de la table. Tout en commençant à remplir les assiettes de légumes frais et de terrine de poisson, Morgane lança:
Morgane: Alors, ça c'est bien passé, finalement?
Avec sa disposition habituelle à parler beaucoup, Théophraste narra leur rencontre et tout ce qui s'en était suivi avec brio, mêlant l'épique et le glorieux. Excepté au sujet du sorcier, où le ton se fit plus grave.
Le cas de l'artéfact fut vite réglé. Le mage se releva pour donner le gantelet à la Dame du lac, qui fit la grimace:
Morgane: Je sens sa noirceur ténébreuse. Elle infecte les lieux et ses effluves sont insupportables! Roxanne, remplace-moi au service et commencez à manger. Il me faut m'occuper sans tarder de cet objet maudit. Je vais directement m'en débarrasser, ça vaudra mieux pour tout le monde.
À peine était-elle sortie que Roxanne en profita:
Rox: Que fais-tu, l'Anglais, si loin de ton île? Je suppose que tu l'es puisque tu te nommes John. Et les Anglais, nos aïeux en ont vu assez durant la guerre de cent ans! Tu n'es pas le bienvenu, ici!
Un silence gêné accueillit sa tirade. Regards rivés l'un dans l'autre, les deux guerriers se jaugeaient. Levant une main, le mage se prépara à intervenir lorsque la voix de Morgane résonna:
Morgane: Roxanne! L'ami de Théo n'est pas là pour répondre à un interrogatoire. Il ne présente pour nous aucun danger, je te l'ai déjà dit.
La magicienne était revenue sans que personne eût remarqué sa présence.
Morgane: Penses-tu que je lui aurais permis de nous approcher dans le cas contraire? Tu parais oublier que les Pierres m'ont prévenue de leur arrivée, et que sur mon territoire, nul ne peut me tromper!
Elle énonça le fait calmement, sans forfanterie aucune, ses beaux yeux posés sur l'homme qui lui faisait face. Mendoza ressentit une sorte de picotement. Il comprit que Morgane avait le pouvoir de sonder les êtres. Un don de vision, proche de celui de Macumba, mais combien plus fort et totalement maîtrisé. Le Catalan pouvait à présent ressentir la puissance qui émanait de la jeune femme aux cheveux sombres.
L'intervention de la Dame du lac sembla calmer son amie. Cependant, l'expression que la querelleuse lança au capitaine annonçait qu'elle ne le tenait pas pour quitte.
Morgane: Ne faites pas attention. Elle vous teste... Une mauvaise habitude dont je n'arrive pas à la débarrasser. Rassurez-vous, Mendson, je confirme les engagements de Théo. L'Angleterre n'a aucune autorité sur mes terres et je doute même que l'Empire puisse y rentrer de force.
Morgane continuait de fixer Juan. En voyant le sourire qu'elle lui adressait, il comprit qu'elle avait percé sa véritable identité. Du reste, elle paraissait parfaitement s'en moquer.
Morgane: Théo, c'est bon de te revoir! Figure-toi que nous t'attendions: cela faisait deux jours que le Rusé a senti Peter.
Elle claqua dans ses mains avant de reprendre:
Morgane: Passons à la suite. J'ai préparé un sanglier rôti au miel sur un lit d'échalotes! Accompagné d'une bonne salade de betteraves rouges. Que dis-tu de ce festin, mon ami?
Le mage se jeta à ses pieds et proclama d'un ton outrancier où perlait la malice:
Théo: Ah, Morgane, ma mignonne, ma reine, mon adorée! J'en dis que je vogue sur les sommets du bonheur! J'en dis qu'à jamais je serai ton humble serviteur!
Morgane: Théo, tu n'es qu'un vil flatteur et jamais tu ne seras humble, je le crains! Mais remplis donc ces verres que je vois vides. Macumba, viens t'asseoir à côté de moi. Il va falloir que nous parlions. Tu as le Don.
Peter vint les rejoindre le temps d'annoncer qu'il allait courir les bois avec Ysengrin. Juste avant de partir, le Rusé vint lécher la main de la Gitane. En revanche, il ne s'approcha pas de l'Espagnol qu'il regardait en coin, l'air dubitatif.
Malgré l'excellence culinaire de Morgane, le repas fut vite expédié. Menée de concert par la gentille sorcière et le mage, la conversation fut légère et passionnante. Une fois le plat de résistance servi, sous les acclamations de Théo, Morgane avait ordonné qu'aucun sujet grave ne soit abordé. Le savant-voyageur put donc justifier sa réputation en glissant quelques récits cocasses.
Roxanne et Hans intervenaient peu, mais toujours à propos. Quant à Mendoza, il restait en retrait. Silencieux, peu à l'aise dans cette atmosphère des plus joyeuses.
Macumba chanta quelques mélodies Gitanes de sa voix pure. Elle en fut récompensée par une embrassade chaleureuse et spontanée de la maîtresse des lieux.

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Alors que les deux compères couraient toujours à en perdre haleine, le repas fut conclu par une tournée de thé vert, et Morgane en profita pour demander:
Morgane: À présent, chers invités, que voulez-vous faire pour occuper votre journée? Car vous restez, c'est décidé! Un bon bain, peut-être? Des vêtements propres? Macumba, je vais m'occuper de toi. Je suis sûre de te trouver un petit quelque chose à mettre...
Mendoza intervint:
:Mendoza: : Je voudrais m'équiper. J'ai perdu une bonne partie de mes affaires.
Morgane: Ah, Roxanne, c'est ton domaine. Je te laisse faire mais sois aimable. À tout à l'heure. Théo, débrouille-toi. Tu connais la maison...

☼☼☼

Escorté par la Dame de fer, l'Espagnol emprunta de nouveau la plate-forme pour redescendre sur la terre ferme. La forêt s'offrait à eux, majestueuse et impudique. Trois pistes s'enfonçaient, timides, dans l'épaisseur de la canopée. Roxanne prit celle du milieu et ils foulèrent le sentier chargé d'humus entêtant, surmonté par les hautes frondaisons des arbres.

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Cinq minutes de marche passèrent, sans autre fait notable que le gazouillis des oiseaux et le bramement éloigné d'un cerf.
Le duo était parvenu jusqu'à une galerie brute, qui couraient sous la montagne, sur laquelle s'ouvrait une enfilade de cavernes sèches, éclairées d'une lumière douce produite par des flambeaux incrustés dans les murs.
Avouant sa perplexité, le Catalan questionna:
:Mendoza: : Mais combien de niveau comporte cette caverne?
Le repas l'avait en partie ragaillardi mais il avait bu trop de vin et la tête lui tournait un peu.
Rox: Laisse tomber! Si tu savais... J'avoue que je n'ai jamais compris la logique de l'endroit. Au début, ça me rendait folle, incapable que j'étais de comprendre comment ça fonctionnait. Morgane peut modeler ces lieux à son désir. Tu peux me croire, on n'en voit jamais la fin! Le meilleur moyen de se diriger est encore de se concentrer sur sa destination. Encore faut-il la connaître...
La guerrière se comportait de façon moins agressive. Le récit de la bataille contre une partie de la Garde Écossaise avait octroyé au mercenaire un semblant de respect. Il estimait que c'était toujours ça de gagné. Peut-être pourrait-il éviter la confrontation. Il n'avait aucune envie de se battre et peu de moyens d'y parvenir. Dans son état, il se ferait sans aucun doute vertement corriger par la Dame de fer.
Ils accédèrent au comptoir proprement dit. Une pièce en ovale couverte d'étagère en bois, couverte d'équipement et de marchandises de toutes sortes.
Rox: À ce que je vois, tu as besoin de vêtements. Fais ton choix... Les grandes tailles sont par là.
Mendoza ne se le fit pas dire deux fois. Après examen, il se choisit deux tenues complètes. La première étant semblable à celle qu'il portait habituellement. La seconde, composée d'une tunique bleu nuit, d'un gilet de cuir gras et d'un manteau à capuche et doubles pans tombant aux chevilles. D'épaisses cuissardes renforcées de bout ferré, pour le chausser. Des vêtements sobres et bien coupés qui lui permettraient en ville de passer pour un aisé et de pénétrer dans les hauts quartiers sans éveiller la suspicion.
Un détail important car une fois parvenu à Barcelone, il avait prévu de rendre quelques visites d'amitié. Histoire d'évoquer le bon vieux temps... et surtout de régler ses comptes. La vengeance couvait en lui comme un feu magmatique, faisant palpiter son cœur meurtri.
Rox: Tu devrais attendre d'avoir pu te laver pour passer l'une ou l'autre. Elles t'attendront dans ta chambre. Passe cette tunique, tes loques ne te serviront plus à grand-chose.
Roxanne rangea les tenues que le Yeoman s'était choisies dans un casier qu'elle plaça de côté. L'Espagnol se changea rapidement, saisissant au passage le regard appréciateur de la Dame de fer.
Rox: Tu désires autre chose?
:Mendoza: : Des armes...
Le regard brillant, elle rétorqua:
Rox: Évidemment!
Elle le mena dans une salle rectangulaire à plafond bas. Sur chaque mur, des râteliers couverts d'un arsenal divers. Des armes de toutes tailles, de toutes formes.
Roxanne resta sur le seuil et croisa les bras. Visiblement curieuse de voir ce que pourrait choisir cet homme. On pouvait conclure certaines choses d'un guerrier au choix qu'il faisait.
Délaissant les armes d'hast, Juan s'attarda tout d'abord sur un mur chargé d'épées. L'une d'elle retint son intérêt. Une longue lame à la pointe légèrement incurvée, à la garde argentée, au manche gainé de soie recouverte de cuir noir. Un sabre si tranchant, dont le procédé de fabrication restait une énigme. De telles armes étaient parmi les plus prisées. Le capitaine se demanda:
:Mendoza: : Comment a-t-elle pu échouer ici? Comment son possesseur a-t-il pu s'en défaire? (Pensée).
Il se détourna pourtant de ce joyau avec un regret marqué. Mais il n'était pas conseillé de s'en munir. Trop difficile à dissimuler, surtout durant la Feria de Santa Llúcia, période particulièrement festive où les garnisons de Barcelone seraient sur le qui-vive.
Non, cette lame ne lui serait pas d'une grande utilité dans la capitale. Mieux valait s'en passer et préserver une certaine discrétion. Et puis, il avait déjà la sienne, sans compter sa dague sombre. Elles valaient bien toutes les armes de sa connaissance. En appoint de ses favorites, de bonnes lames courtes lui suffiraient. Il changea de mur pour en contempler d'autres. Il soupesa différents modèles avant de mettre de côté un court poignard qui lui plaisait, un stylet conçu pour produire des blessures très profondes et une paire de dagues de jet qu'il examina minutieusement.
Il montra celles-ci à Roxanne:
:Mendoza: : Je peux les essayer?
Rox: À droite.
Du menton, elle désigna un couloir d'essai au sol sablé comportant des silhouettes de bois travaillé espacées de cinq, dix et quinze toises*.
Le Catalan avait renoncé à saisir les notions d'espace du royaume de Morgane. Dagues de jet en main, il contempla les mannequins. Il se plaça devant le premier, les bras le long du corps. Il se concentra et lança ses armes à deux secondes d'intervalle. Après avoir effectué un tour complet dans l'air, elles filèrent se ficher toutes deux au cœur de le cible. D'un hochement de tête, Juan apprécia:
:Mendoza: : Parfaitement équilibrées.
Roxanne alla elle-même retirer les dagues qu'elle rendit au mercenaire. Elle ne put s'empêcher de relever:
Rox: À cinq toises, ce n'est pas mal, guerrier. Mais peut-être qu'à dix...
Tachk! Tachk!
Rox: ... toises.
Même résultat. Un tir parfait. Mendoza lui adressa un sourire moqueur.
:Mendoza: : Tu disais?
D'un ton faussement innocent, il enfonça le clou:
:Mendoza: : Tu veux peut-être voir à quinze?
La Dame de fer en resta bouche bée. Il avait agi si vite que la jeune femme n'avait perçu qu'un mouvement furtif de sa part. Elle le gratifia de son premier sourire. Un sourire qui laissait percevoir un pan plus agréable de sa véritable nature.
Le capitaine aurait pu apprécier la situation, s'il n'avait dû se retenir au mur pour laisser passer une vague de vertige. Il tenta de faire passer le geste comme naturel, espérant que Roxanne n'avait pas remarqué sa défaillance. Il détestait laisser transparaître sa faiblesse.
:?: : "On ne peut paraître faible que lorsqu'on est fort".
C'est ce que lui rabâchait sans cesse Connor MacLeod, le chef instructeur des Yeomen. Et cette inutile démonstration d'habileté venait de le laisser sur le flanc.
Juan se morigéna:
:Mendoza: : Quel orgueil imbécile! Bien digne d'un abruti de guerrier!
Il devait se reposer, dormir... Longtemps. Pour détourner l'attention, il annonça:
:Mendoza: : Je prends les quatre, avec des étuis. Tu me diras combien je te dois.
Tout en parlant, ils revinrent dans la salle.
Rox: Combien? Mais mon joli, l'argent n'a aucun cours ici. C'est le troc que nous utilisons. C'est bien plus pratique et ça marche partout...
L'Espagnol jura intérieurement. S'il n'avait été trop fatigué pour réfléchir, il aurait relevé le mot "échange" et emporté avec lui, en sus de la pertuisane, suffisamment d'armes, prises aux Français, qu'il aurait pu utiliser comme moyen de paiement. Mais non, il était si affaibli qu'il aurait été incapable de porter une épée supplémentaire.
La Dame de fer annonça doucement:
Rox: J'ai peut-être une solution...
:Mendoza: : On y arrive... (Pensée).
Ce sont les mots auxquels songea immédiatement Juan. Il n'allait plus y couper, c'était sûr et certain...
Rox: Un combat à mains nues. Une joute amicale...
Mendoza gémit intérieurement. Pourquoi voulaient-ils tous s'en prendre à lui? Lui qui n'aspirait qu'au repos avant de repartir pour la capitale?
:Mendoza: : Juste une nuit. Après tous ces combats, est-ce trop demander? (Pensée).
Il se racla la gorge:
:Mendoza: : Impossible. Je suis à bout de force. Mes blessures sont à peine refermées, et je ne tiens pas à repartir sur un brancard.
Rox: Oh, mais je peux arranger cela! Comme ça, tu pourras te battre sans handicap. Qu'en dis-tu, mon joli?
:Mendoza: : Tu ne veux pas laisser tomber, hein?
Rox: Je t'offre les bains et le petit déjeuner, si tu tiens trois périodes contre moi. Si tu savais comme je m'ennuie! Avec cette interminable saison des pluies, je ne suis pas beaucoup sortie de notre demeure. J'ai besoin de m'entraîner sérieusement avant de repartir sur les routes. Je fourmille de partout...
Morgane: Roxanne!
La Dame du lac et le mage venaient de faire leur entrée dans la salle d'armes. Devant le ton outré de son amie, la guerrière lui lança un clin d'œil et roucoula:
Rox: Momo, ma chérie, j'ai besoin de toi.
Morgane: Que Dieu nous protège! Encore une de tes manigances... Et de quoi s'agit-il, cette fois?
Mendoza se rendit compte que Morgane lui plaisait malgré lui. Non seulement par son physique mais également par son assurance tranquille et ses manières simples, qu'elle adoptait en dépit de son rang. Il se reprit, croisant subitement le regard troublant de la jeune femme qui s'approchait de lui. Elle attisait ses sens. Il fut persuadé qu'elle lisait ses pensées mais ne détourna pas les yeux des siens. Ils se fixèrent un instant avant que la magicienne ne dise:
Morgane: Très bien, elle a encore gagné! Je vais vous examiner. Ne craignez rien, ça ne fait pas mal.
Juan hésita quelques secondes avant de se laisser faire. Morgane leva ses mains, qu'elle posa sur les tempes du Catalan. Elle ferma les yeux. Ses paumes luisirent quelques instants d'une lumière dorée, puis elle réouvrit les paupières, baissa les mains et dit:
Morgane: En effet! Je n'avais pas fait attention, je suis indigne de ma réputation! Vous êtes en piteux état: vos flux d'énergie sont presque éteints. Déshabillez-vous. Je dois vous examiner.
Mendoza s'exécuta sans faire de manières. Il ôta sa tunique pour se laisser sonder, dévoilant une musculature sèche et le réseau de cicatrices qui marquait son corps halé.

☼☼☼

Le Yeoman sentit les doigts frais se poser sur ses épaules et en eut la chair de poule. Morgane le balaya encore de sa lumière d'or avant de rendre son verdict:
Morgane: Vous êtes épuisé, Mendson. En état de choc. Toutes mes excuses, j'aurais dû m'en rendre compte plus tôt. Mais il n'est pas trop tard pour y remédier. Vous allez devoir vous reposer, dormir. Avec mes soins, trois heures devraient suffire...
La dame de fer s'écria:
Rox: On doit se battre! Il dormira après!
Morgane: Trois heures pleines. Tu as entendu, Roxanne? Profites-en pour aller faire chercher mes onguents et ma trousse d'herbes que tu porteras dans sa chambre, et fais chauffer de l'eau pour un bain brûlant. Tu prévoiras également un repas. À son réveil, notre invité aura faim... Venez, Mendson, je vais vous conduire jusqu'à votre lit. Ces trois heures seront bien employées. Croyez-moi, je vais vous remettre sur pied. Rox', pas la peine de geindre comme une vieille fille, je te vois derrière ce pilier! Si tu veux ton combat, il doit être guéri.
Un formidable éclat de rire lui parvint en guise de réponse. Soudain réjouie à l'idée du duel, Roxanne s'élança vers la sortie pour répondre aux désirs de l'alcine.

☼☼☼

Alors que Morgane accompagnait le mercenaire dans les hauteurs de l'arbre, le mage remonta jusqu'à la cuisine en sifflotant, y chipa une pomme et fonça au hammam, un étage plus bas. Après quoi, il s'abandonna à un bon massage, effectué par une des parentes de la Dame du lac. Le service était aussi appréciable que celui d'un tellak*.
Une petite heure de sieste plus tard, il enfila des vêtements propres de teinte verte.
En attendant l'heure du combat, Théophraste monta sur la terrasse, pour s'allonger au soleil, une chope de bière à la main. En songeant à sa bonne fortune, il se prépara à fumer un mélange spécial à base d'herbe de Sainte-Croix qu'il avait déniché dans les réserves de Morgane. Il était au paradis. D'autant que sa consœur, une incomparable cuisinière, lui avait soumis le menu qui les attendait ce soir: omelette aux lard, saumon aux épices et aux champignons, accompagné de riz complet aux oignons blancs; pain noir à la farine de châtaigne; salade d'agrumes frais et surtout, son inestimable tarte aux cinq fruits. Oh oui, la vie avait du bon quand on savait apprécier les plaisirs simples!
Après avoir dégusté deux pipes et deux bières, le mage se rendit au cellier pour sélectionner les vins appropriés au festin attendu. Certains seraient mis à décanter et d'autres, au contraire, seraient placés au frais.

☼☼☼

Trois heures pleines avaient passé lorsque Mendoza, vêtu d'une tenue d'entraînement, sortit de sa chambre. Il avait pris un bain, s'était restauré. Théophraste l'attendait impatiemment dans le couloir.
Théo: Qu'en dis-tu, John? Tu as récupéré? Oui, je le vois bien. Morgane est vraiment la meilleure guérisseuse que je connaisse.
L'Espagnol se contenta d'opiner, louant intérieurement l'efficacité de la jeune femme. Il devait également s'avouer impatient d'affronter Roxanne dans ce duel amical. Son corps trop longtemps amoindri éprouvait le besoin de s'exercer. Et la Dame de fer l'avait un peu agacé à le chercher ainsi.
Théo: Alors, tout va bien! J'avoue que j'ai hâte de voir votre lutte. Rox' est une redoutable combattante, tu sais?
:Mendoza: : Dis-moi, Théo, je suis bien content de constater que tu passes du bon temps... Mais j'espère que tu n'oublies pas mon problème: la cité couronnée. Comment comptes-tu m'y faire entrer dans les temps?
Théo: Tu y seras, je te l'ai promis, non? Allez, viens que je t'amène dans la salle où se passera le combat. Tu as intérêt à te concentrer, ou Rox' va te filer une rouste!
Juan se laissa guider jusqu'à la salle d'exercice, qu'il estimait se trouver dans la caverne. Avant d'y pénétrer, il arrêta le mage:
:Mendoza: : Une dernière chose, Théo... Après le duel, tu devras utiliser ton art pour me soigner. Hors de question que je sorte d'ici en traînant une blessure. Ma mission ne peut attendre!
La mine contrite, le mage avoua:
Théo: C'est-à-dire... Je ne suis pas un curatif. Je suis bien médecin mais je ne pratique aucun sort de soins. Ne t'inquiète pas, si besoin est...
Rox: Morgane s'en chargera de nouveau...
Roxanne, qui venait d'arriver, termina la phrase du savant.
Rox: Je m'y engage. C'est une guérisseuse, elle a ça dans le sang.
Se frottant les mains, le visage éclairé de son sourire malicieux, Théophraste ne put se contenir et lâcha:
Théo: Alors, c'est une affaire qui marche!

À suivre...

*
*Alcine: Sorcière, magicienne.
*Une toise équivaut à un peu moins de deux mètres.
*Tellak: Garçon de bain chez les Turcs.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 29 juin 2020, 21:37, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Message par Este »

Bravo pour cette fanfic ! Vivement la suite !
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Magnifique. Passionnant. On est captivé par le récit.
Il manque juste les dessins des 2 alcines.
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Message par TEEGER59 »

yupanqui a écrit : 29 juin 2020, 21:23 Magnifique. Passionnant. On est captivé par le récit.
Il manque juste les dessins des 2 alcines.
Merci, merci.
Pour Morgane et Roxanne, il faut que je trouve de quoi faire un montage. Paracelse n'a pas eu droit au sien non plus...
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
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Message par yupanqui »

En effet !
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Message par Este »

yupanqui a écrit : 29 juin 2020, 21:23 Magnifique. Passionnant. On est captivé par le récit.
Il manque juste les dessins des 2 alcines.
Mais à part ça c'est perfecto !!
Saison 1 : 18/20 :D
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Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 22.

La salle d'exercice était circulaire, les murs creusés à-même la pierre et le sol recouvert de panneaux en bois. Vaste, haute de plafond et éclairée par un puits de lumière, elle offrait un large espace dévolu à l'entraînement et au défoulement.
En connaisseur, Mendoza approuva l'agencement des lieux. Une série complète d'agrès que Roxanne fréquentait régulièrement, comme elle l'indiqua fièrement. Il y avait là plusieurs cordes, des kettlebells*, cinq ou six mannequins rembourrés pour s'exercer aux frappes; deux râteliers d'armes.
Au centre de la pièce, un grand tapis en paille de riz, sur lequel allait se dérouler le combat.
Morgane et Théo prirent place sur une estrade, l'endroit idéal pour apprécier le spectacle. Le mage avait pris soin d'emporter quelque chose à grignoter et surtout de quoi boire.
Roxanne et Mendoza se placèrent face à face sur le tapis. Chacun entreprit une suite d'étirements suivie de quelques exercices d'échauffement. La Dame de fer abrégea les siens, incapable de juguler plus longtemps son impatience d'en découdre.
Rox: Alors, mon joli, tu es prêt? On peut y aller?

50.PNG

Histoire de bien la faire enrager, le capitaine termina sa série de flexion des bras, effectua une dizaine d'abdominaux, puis, des pieds et des mains, exécuta des frappes à vide. Enfin, il annonça:
:Mendoza: : Je suis prêt.
La guerrière se banda les poignets d'épais bracelets et passa des coudières également rembourrées. De son côté, l'Espagnol avait pris soin de se munir d'une coquille afin de se protéger d'éventuels coups bas. Son regard avait retrouvé toute son acuité. Deux charbons ardents brillaient de nouveau dans ses prunelles.
Alors qu'ils se livraient à leurs préparatifs, Théophraste, mâchant une poignée de fruits secs, se pencha sur la magicienne, l'œil rempli de malice:
Théo: Où sont passés les frères Füssli? Et Macumba?
Morgane: Eh bien, après s'être sustenté, Peter a encore filé avec le Rusé. Quant à Hans, il a emmené notre petite danseuse en promenade. Tu avais raison à leur sujet. Ils forment un couple ravissant. J'espère que tu veilleras sur eux lorsque vous retournerez au pays.
Théo: Hé, hé. C'est une affaire qui marche entre ces deux-là! Tu peux croire que je vais surveiller ça de près. Hans à l'étoffe d'un chef de clan, j'en suis persuadé. Bon, ils commencent ou quoi? Allez les guerriers, on n'a pas toute la journée!
Roxanne lui fit un signe de tête. Puis, elle écarta légèrement les jambes et pencha son buste en équerre quasiment à toucher le sol, les bras tendus de chaque côté de son corps. Ainsi positionnée, elle attendit.
Juan semblait hésiter devant cette posture inédite. La guerrière le titilla:
Rox: Alors mon joli, tu as peur d'une femme? Non, tu ne vas pas me dire que tu es encore puceau?
Le rire de Théophraste s'éleva des gradins pour saluer cette pique.
Il n'en fallait pas plus pour motiver son adversaire. Mendoza plissa des yeux et chargea en rugissant. Juste au moment où il allait arriver au contact, Roxanne se pencha sur le côté, posa ses mains en appui sur le sol et partit dans un mouvement de roue latéral.
Emporté par son élan, le Catalan la dépassa. À peine les pieds à terre, Roxanne bondit dans son dos, s'apprêtant à le frapper d'un revers de la main. D'un coup de pied arrière, Mendoza accueillit son assaut. La jeune femme réussit à se contorsionner, les muscles bandés pour amoindrir le choc. Atteinte au ventre, elle s'envola en arrière, amortit sa chute d'une roulade inversée et se repositionna aussitôt en défense.
Son verre de vin à la main, Théophraste assistait, bouche bée, à l'un des plus beaux duels de sa vie.
Chacun des combattants possédait son style propre. La Dame de fer harcelant sans répit, bondissant et frappant à un rythme effréné tout en poussant des exclamations rauques. Plus sobre, silencieux, Mendson préférait user de feintes et de contres, son sourire sans joie planté sur le visage. Son inévitable rictus de combattant.
Le savant-voyageur parvenait tout juste à décortiquer la technique de cet affrontement haut de gamme. Ce qui ne l'empêchait nullement d'apprécier cette joute amicale. Amicale, du moins dans l'esprit car il s'avérait difficile pour l'un comme pour l'autre de retenir leurs frappes alors que les enchaînements se succédaient sans répit.
Dès le début, Roxanne prit le dessus. Elle fit pleuvoir une cascade de coups divers sur son adversaire, le rossant avec ses poings, ses pieds, ses coudes ou ses genoux. Le Catalan fit de son mieux pour parer ou esquiver. Malgré sa défense, il fut sévèrement touché à trois reprises. Puis, déséquilibré, il commit une petite faute. Vraiment minime.
L'instant suivant, il sentit son poignet droit happé par une étreinte de fer. Il fut frappé à la gorge, à la tempe, soulevé et projeté à travers le tapis pour retomber dans un bruit sourd, sur le dos.
Morgane annonça calmement:
Morgane: Première manche. Repos...
Théophraste applaudit des deux mains avant de s'octroyer une large lampée de son verre. Plaqué au sol, Mendoza tentait d'insuffler un peu d'oxygène à ses poumons malmenés. Roxanne, la belle et fière guerrière, vint le relever, un ironique sourire aux lèvres.
Rox: Splendide! Tu te défends bien, Johnny. Mais sache que je suis la meilleure. On continue?
Le Yeoman haussa un sourcil en guise d'assentiment, le souffle encore court, incapable de proférer le moindre mot.
Ses prunelles irradiaient néanmoins d'une joie sauvage. Roxanne ne triompherait pas si facilement.
Accentuant volontairement son boitillement, il rejoignit lentement la femme aux allures conquérantes. Ils regagnèrent chacun leur place au centre de l'arène et le duel reprit.
Feinte, frappe, esquive, contre-attaque, contre, feinte de nouveau et frappes... Les figures martiales s'accéléraient avec une grâce hypnotique. La sueur ne gênait en rien l'ardeur et la précision des opposants. Cette fois, Juan était prêt. Pourtant, il se contint, laissant l'initiative à son adversaire. Roxanne se lança dans un enchaînement pied-main qui faillit lui fêler les côtes, s'il n'avait pas contré au tout dernier moment.
:Mendoza: : Maintenant! (Pensée).
Le capitaine commit la même erreur, à dessein. Lorsque la Dame de fer lui happa le poignet, il se baissa sur un genou, crocheta l'arrière de la cuisse adverse, pinça ses nerfs, ce qui lui paralysa la jambe. Il brisa ainsi l'étreinte de la guerrière, saisit son poignet, le tordit, et, de l'autre main, frappa son plexus solaire. Enfin, il lui balança un coup de coude dans l'oreille, faucha ses jambes et l'envoya à terre.
Morgane: Deuxième manche. Repos!
Juan se pencha sur Roxanne.
:Mendoza: : Tu la ramènes moins à présent, hein Rox'? (Pensée).
En effet, allongée sur le dos, elle ne raillait plus. À son tour, elle cherchait son souffle. Le capitaine l'aida à se relever sans un mot. Les yeux dans les yeux, ils se mirent en position de combat. La Dame de fer foudroya les spectateurs d'un regard qui les dissuadait d'émettre le moindre commentaire.
:Mendoza: : Prête pour la belle, "ma belle"? (Pensée).
La dernière manche s'engagea. Roxanne se montra encore plus déterminée. Ses assauts démarrèrent aussitôt, se firent cinglants. Or Juan avait recouvré la conscience froide que son instructeur Anglais avait affûtée en lui, encore et encore, jusqu'à le rendre aussi tranchant que sa dague. Ses gestes étaient redevenus d'une fluidité, d'une assurance exemplaire. Il avait également pris la mesure de son adversaire et savait comment construire sa victoire. C'était si simple, au fond. Les attaques de la Dame de fer étaient bâties sur le même schéma et son style manquait de variantes.
Roxanne, incapable de concevoir qu'elle puisse être surpassée, croyait encore avoir sa chance. Elle frappait sans répit. Mais ces mouvements, l'Espagnol put les détourner, les éviter ou les bloquer. Pourtant, il restait encore sur la défensive, attendant le moment propice.
Il se montait plus technique et disposait d'une plus grande allonge. Roxanne ripostait d'une souplesse supérieure, d'un dynamisme inaltérable et d'une volonté de fer. Elle était en meilleure forme. Mais Mendoza était un mercenaire, un Yeoman.
Portée par sa détermination, poussant un long cri de défi, la jeune femme se lança à l'assaut.
Le capitaine ne put éviter un coup de pied latéral qui lui meurtrit la pommette, doublé d'un autre, asséné avec le coude, sur le dessus de sa cuisse. Il faillit perdre l'équilibre mais tint bon. Roxanne tenta une feinte en direction de sa tête et frappa au niveau de son ventre découvert. Le Catalan la retint par la main, para une autre attaque du coude et esquiva un balayage des membres inférieurs. Il se pencha, basculant son torse en avant, en appui sur une jambe, relevant l'autre par derrière, en un mouvement de balancier. La plante de son pied vint toucher la jeune femme au niveau du cou. Il saisit alors le poignet de la guerrière et lui imprima un ample mouvement circulaire.
Irrésistiblement emportée par la torsion, Roxanne quitta terre, fit un soleil et retomba lourdement sur le dos, sonnée.
Bondissant de son siège, renversant son verre sur sa tunique par la même occasion, le mage s'exclama:
Théo: Fin du combat. Victoire de John!
Roxanne dut accepter l'aide de Morgane pour se relever. Une lueur amusée dans l'œil et le sourire tordu, la gentille sorcière cachait tant bien que mal une certaine satisfaction. Voilà une petite leçon d'humilité qui ferait du bien à sa meilleure amie. Et qui lui permettrait de bénéficier de soins particulièrement attentifs.
Théophraste vint rejoindre le vainqueur qui avait quitté la transe guerrière. Il lui tendit un grand verre d'eau et une serviette pour s'éponger.
Roxanne toisa son adversaire et l'apostropha:
Rox: Tu ne m'as pas dit que tu étais un initié! Je viens seulement de m'en rendre compte. Seul un Yeoman peut se battre de la sorte et contrer aussi aisément mes attaques. Tu as essayé de le cacher mais c'est ça que je sentais chez toi sans pouvoir le définir.
Haussant les épaules, Juan répliqua:
:Mendoza: : Mais tu ne m'as rien demandé... Et puis tu paraissais plutôt sûre de toi, tout à l'heure.
Elle fit un pas en arrière, posa les mains sur les hanches et réitéra ses propos en fronçant les sourcils:
Rox: Tu aurais pu me le dire, tout de même!
:Mendoza: : Te le dire? Quand et pour quelle raison?
À court d'arguments, la Dame de fer ne put que répéter:
Rox: Eh bien... tu... tu aurais pu me le dire!
À cette réponse, le rire de Mendoza emplit la pièce.
:Mendoza: : C'est vrai, tu as raison, j'aurais dû te l'avouer après mon arrivée fracassante, m'agrippant à ma pertuisane comme une moule à son rocher. "Salut ma jolie, je suis un sacré soldat et surtout un redoutable Yeoman. Là, ça ne se voit pas trop, mais je t'assure, c'est le cas. Bon, à présent qu'on a fait causette, on se fait une petite séance?..." C'est bien comme ça que j'aurais dû t'aborder?
Ils se dévisagèrent quelques secondes sans rien dire avant d'éclater de rire.
Rox: Oui, tu n'as pas tort! Je t'aurais pris pour un sacré vantard et un menteur qui plus est! Mais tout de même... quelqu'un aurait pu confirmer tes dires et...
Roxanne dévisagea Théo avant de se tourner vers son amie. Elle lui lança:
Rox: Morgane! Tu le savais, j'en suis certaine. Tu aurais pu me prévenir!
Morgane: Que cela te serve de leçon, ma belle. Depuis qu'il est là, tu n'as pas arrêter de titiller et provoquer Mendson. Jusqu'à ce que tu l'obtiennes, ce duel que tu voulais tant. Et tu n'as absolument pas cherché à analyser ses capacités, ce que lui a visiblement fait. Tu t'es laissée emporter par la soif du combat, c'est bien fait pour toi.
Rox: Oui, mais...
Morgane: Oui, mais rien du tout! Et ne fais pas ta boudeuse, vilaine fille!
Pendant que les deux femmes s'expliquaient, le mage, souriant, attira l'Espagnol à l'écart.
Théo: Un magnifique combat! Dis, j'ai réfléchi à ton problème, John... Rejoindre Barcelone, alors que les forces de l'Empire sont en alerte et quadrillent ses abords! Mais ça peut s'arranger. J'en ai discuté avec Morgane et elle m'a donné son accord. Nous allons utiliser un portail de téléportation...
:Mendoza: : Un quoi?
Théo: Un portail de téléportation.
:Mendoza: : Mais qu'est-ce que c'est que ça?
Théo: Oh, c'est très simple! C'est comme une porte, mais au lieu d'entrer dans la pièce d'à-côté, tu te retrouves dans un autre lieu. En l'occurrence, ce portail nous transportera directement sur le port de Barcelone. Instantané, le transfert te permettra d'arriver au milieu de la Feria, quelques jours avant le Jugement. Comme moyen de locomotion, tu trouveras difficilement plus rapide ou plus sûr! Morgane propose que nous partions demain soir, après le dîner. Cela nous laisse la journée pour nous reposer. J'ai besoin, moi aussi, de reprendre des forces, et je gage qu'une bonne nuit dans un lit ne te fera pas de mal non plus. Qu'en penses-tu?
Le Catalan, qui sentait une chape de fatigue le menacer, estima qu'une journée supplémentaire ne serait certes pas de trop pour retrouver sa pleine forme. Il répondit:
:Mendoza: : Si vraiment ce... ce voyage est possible, je gagne une semaine. Je suis d'accord. Merci Théo!
Théo: Il n'y a qu'une condition: tu devras me donner ta parole de ne rien révéler de ce que tu verras de nos secrets.
:Mendoza: : Soit. Maintenant, je vais reprendre un bain, si tu veux bien.
Théo: Ne tarde pas trop, une des cousines de Morgane t'attend pour un massage. Tu vas voir, les magiciennes ont des doigts de fée. Les coups de Rox' ne seront bientôt qu'un mauvais souvenir. Mais que dis-je? Tu as déjà pu le constater. Après, je te conseille de dormir un peu. Le dîner sera servi sur la terrasse, je viendrai te chercher.
Dormir. Mendoza n'attendait que cela. Il n'était pas encore rentré en Espagne, sa mission n'avait pas réellement démarré et il était déjà épuisé. Le combat avec la Dame de fer l'avait laissé sur les genoux. Oui, il allait dormir.

☼☼☼

Après s'être éveillé d'un sommeil aussi réparateur qu'une nuit entière et toujours exempté de ses cauchemars habituels, Juan avait commencé par effectuer de nouveaux étirements. Tandis qu'il nettoyait ses armes, on frappa à sa porte.
:Mendoza: : Entre Théo!
Rox: Désolée, ce n'est que moi.
Tout de cuir vêtue, de larges boucles à ses oreilles, un foulard de soie écarlate retenant la masse de ses cheveux de miel, Roxanne se tenait sur le seuil, la mine éclatante. Elle avait passé la fin de la journée entre les mains expertes de Morgane. Celle-ci avait fait disparaître toute séquelle du duel. La guerrière lança au mercenaire un ballot qui contenait une tenue légère de daim brun.
Rox: Tu es prêt? Tiens, un petit cadeau. Ça t'évitera d'abîmer ton beau costume, le temps que tu restes ici...
Lui offrant un grand sourire, elle acheva:
Rox: Les autres nous attendent pour boire un verre.
Ainsi, la victoire de Mendoza lui avait conféré un nouveau statut. Roxanne ne lui en voulait finalement pas et sa défaite n'avait provoqué aucun ressentiment. Au contraire. La Dame de fer le traitait enfin en égal, presque en ami.
Le Catalan gagna la salle d'eau et enfila rapidement ses habits en peau, simples mais agréables à porter. Il chaussa les bottes souples qui accompagnaient la tenue, glissa sa dague dans la gauche, revint dans sa chambre et suivit la belle blonde.

☼☼☼

Après le succulent dîner préparé par Morgane, que Théophraste magnifia d'un poème détourné, ils s'étaient installés sur d'épaisses banquettes. Un café leur fut servi accompagné d'un digestif. Le médecin alluma sa pipe. Une conversation légère, ponctuée d'éclats de rire, occupa le reste de la soirée. Néanmoins, Mendoza se sentait déplacé en pareille circonstance. Il n'avait pas l'habitude de vivre de tels moments. Pas depuis son enfance. Il tenta pourtant de se laisser aller. Laissant le soin de la conversation aux autres, il réussit à lâcher quelques rires provoqués par les facéties du mage.
Morgane contemplait cette chaleureuse assemblée, se nourrissait des vagues de bonne humeur, d'amitié et d'amour qui s'en dégageaient.
Le Catalan partit se coucher le premier. Il n'était pas dans son élément au sein de tant de gaieté, et cette atmosphère de camaraderie le gênait plus qu'il ne pouvait se l'avouer. Cela évoquait des réminiscences trop douloureuses. Il préféra se retirer, se recentrer sur la mission, sur sa vengeance.
Une heure plus tard, Morgane apparut dans sa chambre. Soudainement, sans bruit et sans passer par la porte. Elle entra tout simplement, enveloppée dans une robe de soie presque transparente, qui semblait glisser sur elle pour caresser chacune de ses courbes. Ses cheveux noirs étaient dénoués, électriques. D'un geste, elle fit apparaître deux verres et une carafe de vin qu'elle déposa sur la table de chevet. Elle se retourna vers le mercenaire et entrouvrit sa robe, laissant apparaître un corps parfaitement proportionné et extrêmement désirable.
Morgane: Je vous dérange, peut-être? Vous voulez dormir?
:Mendoza: : Que désirez-vous, Morgane?
Morgane: Vous, évidemment... Pour cette nuit.
:Mendoza: : Pourquoi moi? Et pourquoi pas Théo?
Morgane: Théo est avec Roxanne. Et puis vous m'avez prouvé que vous étiez réellement digne de mon intérêt. Ce qui n'a pas souvent été le cas par le passé avec les hommes, vous pouvez me croire sur parole.
Sa tirade achevée, elle passa la main sous la tunique du mercenaire pour caresser son ventre annelé de muscles, prête à explorer un terrain plus sensuel.
Mendoza jugula son désir, ce que la jeune femme ressentit aussitôt.
Morgane: Autre chose: vous me plaisez. Et je sais que c'est réciproque. Avons-nous besoin d'une autre raison?
Mendoza dut admettre que non. Sans réfléchir, sans même vraiment le vouloir, il s'épancha.
:Mendoza: : Morgane, je veux vraiment être franc avec vous: en vérité, je ne sais pas où cela va nous mener, tous les deux. Je ne peux rien vous promettre, hormis mon respect...
Morgane: Votre respect? Par tous les saints, pour moi c'est déjà beaucoup!
:Mendoza: : Avant que ça n'aille plus loin, il faut que vous sachiez qui je suis. Je ne m'appelle pas "Mendson" et vous vous en doutez... Mon véritable nom est Mendoza, Juan-Carlos Mendoza. Je ne peux pas vous révéler mon allégeance, je n'en suis pas libre. Il faut que vous sachiez également que je suis recherché... Tant par l'armée de l'Empire que par celle de la France. Vous gagneriez un vrai trésor à me livrer à l'une de ces deux puissances!
Tandis qu'il se dévoilait, sa voix intérieure lui hurla:
:Mendoza: : Fou que tu es! Tu livres tes secrets alors que tu la connais à peine!
Mais l'Espagnol refusa de céder à cette voix de raison perverse insufflée par les instructeurs des Yeomen. Il avait compris une chose, depuis son départ de Calais: la méfiance pouvait l'enfermer dans une prison de solitude.
La Dame du lac s'exclama:
Morgane: Vous livrer pour de l'argent?
Elle l'enlaça avant d'ajouter:
Morgane: Ça ne risque pas de m'arriver. Cette confidence que vous m'offrez est un gage de votre confiance, Juan-Carlos Mendoza, j'en suis tout à fait consciente et je ne la trahirais à aucun prix. D'autant que cette confiance, j'ai eu l'occasion de le constater, vous n'en semblez pas très prodigue! Alors moi aussi, je vais vous révéler quelque chose. Cela vous permettra peut-être de comprendre ce que j'ai dit un peu plus tôt. Je m'appelle Morgane Lombard. C'était le nom de mon père et je l'ai gardé. C'était un riche négociant de la région. Je lui vouais une adoration sans borne mais il est mort quand j'avais dix ans, d'un cœur trop faible. Après son deuil, ma mère a épousé son associé qui lui faisait une cour pressante. Elle a cédé pour ma sécurité, je crois. C'était une femme très belle et d'une grande intégrité. Elle s'est engagée, donnée à cet homme plus jeune qu'elle, sans arrière-pensée. Maman était prête à l'aimer. À peine l'avait-il épousée, ce bâtard, qu'il la récompensait en la cloîtrant dans la maison familiale. La bafouant, la trompant avec le premier jupon venu, lui refusant le droit de sortir. Ma mère fut avilie par la famille entière de cet homme, qui la traitait comme une sorcière et une souillon. Je l'ai vue, chaque jour, devenir de plus en plus grise, desséchée de tristesse, sa beauté assassinée par les vexations continuelles. Je suis partie, dès que j'ai pu, le jour même de sa mort, pour tout dire. Une mort lente causée par le chagrin, elle n'avait plus le désir de vivre. J'ai jeté un sort à mon porc de beau-père et j'ai quitté sa maison sur le dos de son meilleur cheval. Je me suis exilée ici pour y exercer mon Don, mais c'est une autre histoire... Ce que j'ajouterai, c'est que les hommes que j'ai rencontrés, avec qui j'ai partagé ma couche, semblaient à chaque fois prêts à tout pour m'avoir, mais se révélaient ensuite incapables de supporter mon indépendance. Et leur jalousie a toujours fini par m'étouffer. Mon dernier amant en date était mage à la cour du roi de Navarre. Il m'a fait vivre à peu près le même type de cauchemar. Une façon de m'aborder tout d'abord prévenante, que j'ai crue authentique, comme si j'étais la femme la plus intéressante de la création, comme si je comptais vraiment pour lui. Et après, une fois que nous eûmes consommé notre relation, il s'est contenté de m'exhiber comme un superbe animal, pour épater ses amis. Il me méprisait, sauf au lit. Je ne veux plus de ça. C'est pour me laver l'esprit de toutes ces déceptions que je me suis installée ici avec Roxanne. Je ne veux plus vivre cet enfermement avec un mâle. Plus de contraintes, de manipulations, de faux-semblants. Je veux être appréciée pour moi-même, pas seulement pour ma chute de reins ou ma façon de faire l'amour. Je veux être acceptée pour ce que je suis, et pas pour ce que je représente aux yeux des autres. Tout ça pour dire que le concept de relation sérieuse, je m'en méfie plus qu'un peu. Pouvez-vous le comprendre?
:Mendoza: : Honnêtement, oui. Moi non plus, je ne suis pas très à l'aise avec l'idée du mot sérieux. Et je ne sais pas en parler aussi bien que vous, d'ailleurs... Par contre, après ma mission, si vous voulez qu'on rende une petite visite à votre beau-père et sa famille, ce sera avec plaisir! Je suis très doué pour ce type de conversation.
Morgane se mit à rire.
Morgane: Je vais le garder soigneusement en mémoire. Qui sait si un jour, je ne vous prendrai pas au mot?
Elle passa la main sur la nuque du capitaine, provoquant une gerbe de frissons. Les prunelles sublimées d'un feu intérieur, elle livra:
Morgane: Je suis contente qu'on ait pu se parler aussi librement...
:Mendoza: : Moi aussi.
L'Espagnol fit alors preuve d'une audace incroyable en regard de sa mentalité habituelle. D'un bras, il enlaça la jeune femme et colla son corps contre le sien. Elle l'embrassa hardiment, provoquant chez lui une faim ardente, irrépressible. Il la porta jusqu'au lit, où ils se dévêtirent mutuellement, sans perdre la moindre seconde, sans se quitter des yeux.

51.PNG

À peine nus, c'est elle qui le fit basculer sur le matelas et entreprit de caresser son torse et son ventre. Le contact de ses doigts brûlait Juan par moments, le glaçait à d'autres. Une sensation exquise qui émoustilla chacune des fibres de son être. La guérisseuse démontrait un savoir amoureux incomparable. Mais Mendoza repoussa ses mains tentatrices, se redressa et l'allongea de tout son long. Il avait une promesse à honorer envers lui-même. Il voulait la conquérir, cette petite fée au cheveux de jais. Pas par la force, mais par le talent. La faire plier, non pas d'impuissance mais de plaisir.
Laisser monter la tension, la laisser s'épanouir. Prendre le temps de humer la peau de Morgane, de la caresser de ses grandes mains inquisitrices, de l'embrasser, de la magnifier, tout en se laissant mener par les réactions de sa partenaire, par le rythme de son abandon, l'expression de ses sens, les cambrures ou les frémissements de ses membres.
Tout en maîtrisant son corps, le Yeoman relâcha totalement son esprit et ce fut pour lui une singulière révélation. Jusqu'alors, dans ses deux ou trois relations avec la gent féminine, il n'avait fait qu'assouvir ses propres envies, par inexpérience, par manque d'intérêt. C'est ce qui s'était passé avec Carlotta, son premier amour. Le cas présent se révélait tout à fait différent. Sentir Morgane répondre à ses attentions provoquait en lui une intense excitation.
La nuit fut douce et longue à la fois.
La Dame du lac, elle aussi, joua de sa sensualité, l'amenant plusieurs fois au bord du précipice. Le laissant reposer encore, avant de l'accueillir avec une lenteur calculée, presque douloureuse. Le Catalan avait depuis longtemps perdu toute notion du temps, de la réalité, de ses responsabilités. Il n'était plus que désir...
Morgane fut la première a capituler et son cri libérateur fut contenu dans un gémissement étiré.
Son amant ne lui laissa pas le temps de se remettre. Il la chevaucha avec toute la vigueur dont il était capable, se félicitant d'avoir retrouvé son endurance d'athlète. Toute sa vigueur mais également son ressenti. Non pas aveuglément, mais au contraire à la recherche du rythme parfait. L'odeur de leur corps mêlés, épicée, intense, lui emplissait les narines. Son odeur à elle, surtout...
La jeune femme l'avait accueilli avec voracité. Elle s'accrochait à lui en feulant, en l'encourageant sans discontinuer. Le mercenaire sentit le plaisir qui revenait quémander son obole, réchauffant ses reins de ce feu inimitable, ensorceleur tout autant qu'ensorcelé. Il ralentit la cadence, jusqu'à cesser de bouger. Il attendit d'être apaisé, profitant du répit décidé pour la boire des yeux, pour embrasser ses lèvres et caresser son visage, emperlé de sueur.
Lorsqu'elle le sentit prêt à relancer le fil de sa conquête, Morgane se dégagea afin de le surplomber. Toujours à l'écoute de la musique des corps, Juan accéléra enfin l'allure. La tonalité des gémissements de la jeune femme alla crescendo, provoquant son propre abandon. Il ne put retenir un cri de libération. Tout son être paraissait exploser dans le puits sans fin de l'extase. Lovée dans ses bras protecteurs, toujours sur lui, l'alcine resta alanguie, sans pouvoir bouger.
Le calme revint graduellement.
La sorcière traça quelques runes rapides dans l'air. Un vent chaud s'éleva dans la pièce, caressa leur membres, sécha leur sueur.
Ils ne parlèrent pas. La jeune femme ne semblait pas encline à la conversation. Ce qui convenait parfaitement à Mendoza. Une nuit, rien de plus, elle l'avait dit.
Il commençait à s'endormir sans vraiment s'en rendre compte, épuisé par sa performance.
Plus tard, usant de frôlements sur le dessin harmonieux de ses larges épaules, elle le réveilla. Elle lui demanda qu'il fasse de nouveau preuve de ses talents. L'Espagnol obtempéra avec enthousiasme, offert en cet instant présent, de corps, de cœur et d'âme.
Le Catalan était captivé par cette femme, par son abandon. Il était brûlant du plaisir qui remontait en vagues successives.
Plongé dans une transe similaire à celle du combat, mais combien plus naturelle et pacifique, il maîtrisait cette montée frénétique avec un instinct nouveau, issu de sa volonté de découverte, de partage. Il aurait pu déclencher cette houle d'extase, ce ressac impétueux mais il préféra les moduler encore un peu. Morgane méritait mieux, beaucoup mieux. Il lui clôtura la bouche d'un baiser enflammé. Elle se pâma davantage encore.
Juan finit par décider l'hallali. Il ne pouvait plus lui-même se contenir plus longtemps. Il accentua sa pression contre le bassin de la jeune femme et accéléra le rythme en un mouvement ascendant qu'il savait décisif.
La petite fée fut saisie de tremblements spasmodiques et se mordit le poing. Alors seulement, son partenaire laissa libre cours à son propre oubli. Il se cambra en arrière et poussa un cri rauque, bestial.
De le sentir s'abandonner ainsi attendrit Morgane. Elle le rejoignit dans la félicité.
Juan, émerveillé, béat de ce qui venait de se produire, attendit de retrouver sa respiration pour rouler sur le côté.
Une main posée sur son cœur chaviré, l'autre en travers de son front, la magicienne resta sans bouger, les yeux flous.
Morgane: Je... je... C'était... trop... fort.
Après s'être rafraîchie d'une coupe de vin, elle lui massa longuement les pieds, les jambes, le dos avec un mélange de camphre et de ptarmica*. Ses mains fines irradiaient d'une force bénéfique qui chassait les moindres tensions, nerveuses comme musculaires.
Mendoza sombra dans une béatitude telle qu'il n'en avait pas connu depuis bien longtemps.

À suivre...

*
*Kettlebell: Sortes d'haltères utilisées dans la Grèce antique.
*Ptarmica: Ancien nom de l'arnica.
Modifié en dernier par TEEGER59 le 02 juil. 2020, 23:22, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Mendoza a donné aux deux femmes ce qu’elles désiraient...
Difficile de commenter plus...
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Este
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

yupanqui a écrit : 02 juil. 2020, 22:51 Mendoza a donné aux deux femmes ce qu’elles désiraient...
Difficile de commenter plus...
:lol: :lol:

Et super chapitre !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

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