"Sa Machine Ailée" et autres histoires

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Aurélien
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Aurélien »

Ben dis donc ! Cette suite est une fois de plus encore très réussie ! Vraiment chapeau bas !

N'empêche faire apprendre le mu à Esteban est je dois dire un des plus grands défis que Tao au eut à accomplir ! Mais bon peut être seront-il un jour totalement comme des frères !
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Sandentwins
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

Un jour, qui sait?

:condor: Chapitre 9: Quand le Sable s'Envole :condor:

« Et...est-ce qu'on est sûr de ne pas profaner les lieux une fois de plus? »

« – Je pense qu'à ce point de notre quête, on le saurait. »

Zia posa la main sur le mur de sable qui leur faisait face, et celui-ci s'ouvrit lentement, révélant un passage qui se creusait au fur et à mesure dans les profondeurs de la terre. Il y faisait sombre, trop sombre pour voir; mais au bout de quelques secondes, une sorte de courant lumineux parcourut les parois du tunnel, comme si le sable s'agitait. C'était suffisant pour leur montrer la voie, dans laquelle ils s'engouffrèrent avec toutefois une certaine appréhension.

Du dehors, rien ne laissait croire qu'il s'était autrefois tenu ici une Cité d'Or; le désert avait tout recouvert, laissant place à un cratère de sable et de roches disparates. Ainsi repliée, personne ne pourrait la retrouver, sinon ceux qui y étaient déjà venus. Ceux qui avaient fait leurs preuves.

« De plus, nous ne sommes pas venus voler quoi que ce soit. Au contraire, nous sommes là pour réparer. »

Réparer le mal qui avait été fait. Effacer les erreurs de la cupidité des hommes, et essayer d'obtenir le pardon des ancêtres. Les Cités d'Or avaient souffert de tout ce qui avait été commis pour les trouver, et si elles avaient véritablement leur propre conscience, leur propre vie, alors elles avaient leur propre honneur. Et le restaurer était devenu leur priorité, et leur objectif.

Le couloir de sable se creusait au fur et à mesure, et se refermait derrière eux alors qu'ils y avançaient. Ils auraient pu craindre de manquer d'air ou de lumière, ou de se retrouver piégés dans les profondeurs du désert, mais rien n'était fait pour leur nuire. C'était une pensée qu'ils devaient garder en tête, car seul un cœur brave saurait se montrer digne de fouler le sol des légendaires Cités d'Or. Et si Esteban n'était pas sûr d’être digne, il devait au moins se montrer brave.

Au bout d'un moment, le couloir cessa de se creuser, et la terre ne bougea plus. Les enfants regardèrent autour d'eux, mais rien ne se passa.

« ...est-ce qu'on a pris le mauvais chemin? », demanda Esteban, inquiet.

« – Ça ne se peut pas. Il y a sans doute un mécanisme. »

Dans la faible lumière du sable brillant, il était difficile de voir clair. Tao se pencha sur la roche qui leur faisait face, essaya de repérer un quelconque mécanisme qui leur permettrait d'avancer, quitte à se fier à ses doigts plus qu'à ses yeux. Et au bout du compte, il sentit quelque chose dans le sable, à force de tâtonner.

« Là! Il y a une encoche. Peut-être que...oui, il y en a deux! »

Deux encoches rondes, des serrures qui attendaient leur clé. Esteban porta sa main à son médaillon, mais ne rencontra qu'un croissant de lune.

« On a pourtant donné nos clés à l'entrée. Pourquoi est-ce qu'on nous les redemande? »

Il se retourna, et ne vit que le sable qui refermait lentement le tunnel. Un frisson glacial lui parcourut l'échine.

« Ne me dites pas qu'on va se retrouver enfermés ici pour toujours!? »

« – Mais non, enfin. »

Zia chercha sa poche, et en retira un étrange objet qui brillait sous la lueur du sable.

« Elle veut juste connaître nos intentions. »

Elle en tira alors deux disques solaires; et Esteban reconnut alors le double médaillon des rois de Mu.

« Fais attention! C'est dangereux! »

Mais elle ne l'écouta pas, et plaça les disques solaires dans leurs serrures. Celles-ci se mirent à luire, le temps d'un instant; et puis, comme deux étoiles messagères, les clés disparurent dans le sable dans une traînée de lumière. Et peu après, le couloir continua de s'ouvrir.

Zia se tourna vers ses amis stupéfaits, et leur montra ses mains. Elles étaient intactes, sans aucune trace de chair putréfiée, d'os apparents ou même de cette horrible peau de momie dont elle avait encore des cauchemars.

« Je n'ai aucune mauvaise intention. Donc je n'ai rien à craindre. »

Tao sembla s'apaiser un peu.

« C'est surtout que tu es une princesse de Mu. », fit-il. « Intentions ou pas, tu es légitime. »

« – Si seulement c'était aussi simple. »

Et elle les laissa sur ces mots cryptiques, entrant dans la pièce qui leur faisait désormais face.

Ce qui n'était un vaste hall creusé dans le sable d'orichalque prenait peu à peu forme. Partout où ils regardaient, le sable vivant bougeait, changeait, prenait forme pour devenir une arche, une statue, une colonne. Il allait même jusqu'à se cristalliser, formant un verre doré qui brillait comme le soleil, apportant de la lumière à ce havre souterrain. Les murs s'ouvraient et se refermaient, comme les poumons d'un gigantesque animal d'où jaillissaient escaliers, rambardes et autres éléments mystérieux, tant de pièces de cette mécanique impossible qui se révélaient à leurs yeux ébahis. Toujours en mouvement, la dernière deumeure de la princesse n'en était pas moins un lieu rempli de vie, aussi subtile et changeante soit-elle.

Kûmlar n'était pas un simple tombeau: c'était une oasis cachée au cœur du désert.

« Je crois bien que je ne m'y habituerai jamais. »

Si les murs de sable étaient bien plus muets que d'habitude, dépourvus de gravures, ils avaient toutefois leur lot de choses à dire. Du coin de l’œil, ils pouvaient apercevoir la silhouette d'un bas-relief qui changeait de forme, une statue qui se déplaçait dès qu'ils ne la regardaient pas. Tout ici semblait vivre, mais d'une manière secrète, qui la rendait plus précieuse encore. Esteban fixa un lion gardant une entrée dérobée, le temps d'une seconde; mais en tournant la tête, il eut juré le voir cligner des yeux. Une sensation assez malplaisante, en fin de compte, dont il décida de blâmer son esprit trop imaginatif. Les statues ne bougeaient pas, voyons…

« Zia, tu veux bien m'aider? », demanda Tao, le sortant de ses pensées. « J'ai trouvé une salle bizarre en bas. »

« – Je suis désolée, mais... »

Elle regarda les hauteurs. Un escalier se formait peu à peu dans le sable, restait en place le temps d'une seconde, et s'effritait lentement pour disparaître, comme une plante en croissance accélérée.

« Je dois...demander une audience, si tu vois ce que je veux dire. »

Elle montra le double médaillon. Tao eut l'air un brin gêné.

« Oh...oui, bien sûr. On t'attendra. »

Elle acquiesça, et se dirigea vers l'étage supérieur. Quand elle passa devant lui, Esteban jura la voir trembler des mains.

« Esteban, tu viens? »

Esteban ne l'entendit pas. En suivant Zia du regard, quelque chose d'autre avait attiré son attention: sur l'un des murs devant lui, il avait cru voir quelque chose bouger. Au milieu d'une fresque représentant des lions, un animal se tenait en intrus. Il plissa les yeux, tentant de voir ce que c'était; mais la main de Tao posée soudainement sur son épaule le tira brusquement de son observation.

« Oh, tu dors? »

Esteban se retourna, essayant de comprendre ce qui s'était passé. Hein?

« Non, je...j'avais vu– »

Il regarda à nouveau la fresque pour lui montrer; mais il ne vit que des lions, tous dans la même position. Aucun intrus en vue.

« ...j'avais cru voir. »

Tao eut un petit rire.

« La Cité semble bouger sans arrêt. Faut pas croire tes yeux. »

Il lui tapota le dos, le ramenant sur terre.

« Allez, viens. Tu veux ta leçon, ou pas? Apprendre, c'est un engagement! »

« – J'arrive. »

Il suivit Tao, sans toutefois quitter la fresque du regard. Mais rien ne reparut.

Au final, il finit par l'oublier, absorbé comme il était à essayer de tracer des caractères muens dans le sable sous le regard professeur de Tao. Il ne savait pas exactement combien de temps ils avaient passé dans la troisième Cité d'Or; mais durant ce laps de temps qu'il estimait être d'une longue semaine, il avait appris les premières bases du langage. Il fallait dire qu'une absence totale de déclinaison et presque aucune grammaire rendaient les choses bien simples. Si Tao lui avait fait recopier encore et encore toutes les variantes possibles du mot « rose », Esteban aurait très certainement fini par l'étrangler; heureusement, pour le moment il n'en était qu'à l'alphabet. Il s'en sortait même plutôt bien, à quelques erreurs près; quant à allier lettres et significations, c'était une question de contexte, ce qui vaudrait dire beaucoup de lecture à faire.

À force de passer tant de temps à l'intérieur des Cités, les notions de jour et de nuit devenaient floues. Privés de la lumière du soleil, ils ne pouvaient se fier qu'à leurs bâillements et leur faim pour savoir que le soir venait. Un tel mode de vie laisserait sans doute sa marque, mais c'était le dernier de leurs soucis à l'heure actuelle.

« Zia n'est toujours pas revenue. », remarqua Esteban en cueillant quelques baies sur un mur. « Tu crois qu'on devrait aller voir? »

« – Je ne sais pas trop...si ça se trouve, elle est en pleine transe royale ou quelque chose comme ça. »

« – En transe royale? Ça n'existe pas, ça. »

« – Avec Zia, tout est possible. »

Esteban pouffa de rire, lançant une baie à Tao.

« Réflexe! »

Il parvint à l'attraper au vol, nullement dérangé dans l'installation de leur camp de fortune: une simple couverture au sol pour se protéger du sable. Malgré la profondeur, la chaleur du désert leur parvenait toujours, aidée de la lumière solaire qui parcourait ces murs.

« Ça fait tout drôle quand même. », dit Esteban en s'asseyant. « Un jour, je rencontre une fille Inca dans la cale d'un navire, et plus tard on m'apprend qu'il s'agit de la dernière princesse d'un ancien royaume disparu. C'est le genre d'histoire qui n'arrive que dans les contes! »

« – Notre vie est un conte, désormais. », répondit Tao en enterrant son noyau de cerise dans le sable. « Et c'est même pas une expression! Techniquement, on fait désormais partie du Conte des Temps Anciens. »

« – Et qu'est-ce qu'on dit de nous? »

Tao haussa les épaules.

« Je n'y suis pas encore. Mais j'imagine que c'est pareil pour tous les élus...ils se rencontrent, ouvrent les Cités d'Or, deux médaillons et trois reliques, une fin ambiguë et un recommencement. »

Esteban regarda un lion de sable lentement remuer la queue.

« À quoi bon continuer, alors? Si tout recommence. »

« – Je ne sais pas non plus. Mais...j'imagine qu'il faut bien, non? On a notre rôle à jouer, et on le jouera. »

« – Ce n'est pas ce que je veux dire. »

Le lion cligna lentement des yeux, ne prenant plus la peine de se cacher.

« Est-ce que ceux d'avant savaient qu'ils allaient échouer? Si tout recommence, alors logiquement, on échouera aussi. Donc...pourquoi continuer? »

« – Ben...parce que rien ne garantit qu'on va échouer? »

« – Mais si tout est écrit dès le départ? Le Conte est toujours le même. Il est tellement le même qu'on peut en faire une prophétie, et elle s'accomplira! Ne me dis pas que tu trouves encore une raison de continuer! »

Tao le regarda comme s'il avait dit un horrible blasphème.

« Mais d'où tu sors ça? Ne me dis pas qu'on a fait tout ce chemin, et que seulement maintenant tu penses à abandonner! »

Ce n'était pas la première fois, techniquement. L'idée d'abandonner avait souvent traversé l'esprit d'Esteban, et il avait failli la mettre en pratique. Mais à chaque fois, quelque chose l'avait retenu. À chaque fois, sa destinée lui avait rappelé que c'était lui, le porteur du médaillon, le Héros, l'élu. Qu'il était irremplaçable.

Aussi irremplaçable que tous les autres Héros qu'il avait remplacés.

« ...tu as raison. », mentit-il. « On ne va pas abandonner. On va...on va voir si cette fois, ça va marcher. »

« – Tu vois bien! »

Il lui passa la main dans les cheveux, de manière taquine.

« T'as pas à t'en faire. J'ai un bon pressentiment. On va y arriver. »

« – Un bon pressentiment? Alors toi aussi, tu as un don spécial? »

Tao sourit.

« Ça s'appelle l'optimisme. Tu devrais essayer, ça change. »

Il aurait pu relever l'hypocrisie de ses mots, mais se contenta de sourire.

Au fil de la soirée, passée à discuter de leurs trouvailles et de leurs aventures, des amis qu'ils avaient retrouvés à chaque étape de leur parcours retracé, la lumière baissa lentement, comme si le soleil engrangé dans le verre d'orichalque se couchait. Comme si la Cité toute entière était un parent soufflant la bougie de la chambre de ses enfants. Tao tomba rapidement de fatigue, pelotonné sur la couverture avec Pichu dans ses cheveux; quant à Esteban, s'il se sentait également fatigué, il ne trouva pas le sommeil aussi facilement.

L'obscurité vint peu à peu, et seul le plafond luisait encore, comme un ciel constellé d'une plage d'étoiles. Dans la pénombre, il pouvait sentir les statues bouger en silence, se rendre visite les unes aux autres dans le plus grand secret comme un sabbat de sorcières. Et au milieu de tout ce mouvement si subtil, il ne bougeait pas, par peur de faire fuir ces génies de sable en pleine réunion. Il ferma les yeux, laissa son imagination faire le reste, donner forme à ces mouvements et ces bruits qui le ramenaient à une époque lointaine.

Bercé par le murmure de la Cité, son esprit encore tourné vers les leçons de Tao parlant du temps de Mu, il se laissa porter vers un demi-rêve de Sages, de rois et d'aristocrates qui se pressaient autour de lui, ramenant la vie à la cour de la princesse Rana'Ori. Et pendant un instant, un court instant, ce fut comme s'il y était, comme s'il se retrouvait là, devant elle, au milieu de tous ces gens venus pour la voir et l'écouter. Assise sur son trône, son naacal favori à son côté, elle avait les traits de Zia, et parlait d'une voix si douce et pourtant si puissante, que son cœur en ressentait chaque mot comme un sortilège. Il ne comprenait pas ses mots, mais il en ressentait l'émotion. Et puis elle le regarda lui, et son ressenti de spectateur laissa place à une admiration sans nom, alors que ses gestes lui échappaient et que le rêve continuait, s'emparant de lui et lui ôtant les rênes de sa propre pensée. Il s’avança vers elle, empli de détermination, et tendit la main pour prendre la sienne…

Mais quelque chose attira son regard. À la place de la princesse, un animal était apparu. L'intrus de tout à l'heure! Esteban (?) fut frappé de doute, comme si cet élément ne faisait pas partie de la scène, comme s'il était venu troubler une représentation longuement répétée, et il ne sut pas quoi faire; et cette hésitation le bouscula tant qu'il finit par se réveiller.

Il ouvrit des yeux confus, se demandant ce qui se passait, et les referma aussitôt lorsque la lumière les frappa. Une faible lumière, douce comme le soleil du matin, qui éclairait la noirceur de la pièce. Il se releva, et vit qu'à quelques pas devant lui, quelque chose se tenait. Une petite chose floue, brillante, dont il ne pouvait pas saisir les traits dans sa confusion, mais qu'il reconnaissait sans le savoir. Il tendit la main pour essayer de la toucher, mais elle s'enfuit à quatre pattes, loin de lui.

Esteban hésita, se réveillant d'un coup. Tao dormait encore; il voulut le réveiller, mais se retint, juste au cas où ce n'était qu'un autre rêve. Se levant doucement, il suivit l'animal lumineux, qui semblait presque l'attendre. Et une fois qu'il fut à portée, il s'enfuit encore, cette fois vers les étages. Et cette fois, Esteban se mit à courir, chassant cette petite bestiole qui voulait le guider.

Une fois arrivé en hauteur, il vit la chose le mener dans une petite pièce qu'il crut reconnaître. En y pénétrant, il vit les panneaux de métal qui flottaient en son centre, et il comprit qu'il s'agissait de la salle des luminoprojections qu'il avait visitée il y a déjà plusieurs mois de cela. En toute logique, ça expliquait ce qu'était cet animal...mais pourquoi?

Lentement, il se mit au milieu des panneaux flottant, où l'animal semblait l'attendre. Il regarda vers lui, de sa petite tête floue, et s'évapora presque aussitôt, le laissant dans la pénombre. Heureusement, ça ne dura pas: les panneaux s'allumèrent, révélant les glyphes lumineux qui brillaient à la surface. Esteban les toucha, poussé par sa curiosité, et à sa grande surprise les inscriptions bougèrent. Il pouvait les faire glisser, et parcourir ce qui semblait être une liste.

Beaucoup des mots marqués lui étaient encore inconnus. Certains semblaient appartenir à des langues complètement différentes, et la liste n'en finissait pas. Mais au milieu de tous, il y en avait un qu'il reconnut.

Son propre nom.

Il le toucha du doigt, et les panneaux s'activèrent, une lumière parcourant leur surface. Et à quelques pas devant lui, une figure lumineuse apparut, et Esteban se retrouva devant un double de lui-même.

« Pas possible... »

Il s'approcha, et le double lui rendit son regard. Il était plus petit que l'Esteban actuel, ne serait-ce que d'un pouce ou deux; surtout, il n'avait pas encore pris conscience de ce qui allait l'attendre au détour de son chemin, et avait en cela un air presque naïf.

« Je vois que j'ai bien progressé. », fit le double, contemplant son jumeau de chair et de sang.

« – Oh, ça. On peut le dire, oui. »

Qu'il était étrange de se parler à soi-même! Est-ce qu'il avait vraiment cet accent de marin catalan?

« Qu'est-ce que tu fais ici? Tu n'es pas censé suivre Ambrosius? »

« – Je l'ai suivi, oui. Et on l'a arrêté. »

« – Tu en fais une tête. Est-ce que…? »

Le double regarda autour de lui.

« Ne me dis pas que…? »

« – Ils sont vivants, ne t'inquiète pas! »

Il eut un soupir de soulagement.

« Coyolite soit louée! Je n'ose pas imaginer ce que ce serait de vivre leur perte. »

Ah, quelle joie de se souvenir de l'époque où il émulait les expressions de son père pour s'en sentir plus proche. Ça lui prenait encore, mais beaucoup moins.

« Dis...tu n'aurais pas vu passer un animal? Une sorte de...de petit chien, je crois? »

« – Un chien? Non... »

Le jeune Esteban regarda autour de lui.

« Tu sais...je ne peux rien t'apprendre de nouveau. Je crois que tu dois réessayer. »

« – J'ai eu la même idée. Les grands esprits se rassemblent, on dirait. »

Il obtient de son reflet un petit rire, avant qu'il ne disparaisse. Esteban retourna sur la liste, qu'il comprenait être une liste de noms. Des personnes enregistrées dans le système de luminoprojections, qu'on pouvait invoquer à loisir. Mais il n'avait aucune idée de quel nom choisir.

Qui pourrait bien l'aider? Qui saurait lui dire quoi faire?

Il s’arrêta un moment, et revint au tout début de la liste. Il lut les premiers noms qu'il pouvait lire, et effectivement, tomba sur celui de Rana'Ori, entouré d'un cartouche royal. L'idée n'était pas si mauvaise, en somme, mais...pour une certaine raison, il sentit qu'elle n'était pas la bonne non plus. Il n'oserait jamais demander une audience à une princesse; de plus, si elle aussi avait la mentalité de Tao envers les Atlantes, il n'obtiendrait rien de bon d'elle. Il descendit la liste, passant quelques noms compliqués, avant de finalement tomber sur un qui l'intrigua.

Une série de sigles. Le dessin de son médaillon; un couteau; un lièvre. Et en face, du muen des plus simples.

« ...Saquil. »

Sans hésiter, il toucha ce nom, un nom inconnu qui ne lui disait strictement rien, et dont pourtant il avait une bonne impression. L'appareil s'activa à nouveau, et la lumière brilla au cœur des panneaux, prenant une teinte de cuivre doux. Esteban se protégea les yeux, surpris d'un tel éclat, jusqu'à ce qu'elle se dissipe.

En face de lui, se tenait désormais quelqu'un qu'il n'avait jamais vu.

Ce n'était qu'un jeune garçon, d'à peine douze ans. Il avait les cheveux bouclés et la peau sombre, et était vêtu de peaux de bêtes. Il semblait ne pas savoir ce qu'il faisait ici, et regarda autour avant de croiser les yeux d'Esteban.

L'or rencontra l'or, et c'était tout ce dont ils avaient besoin pour se reconnaître.

Le jeune garçon parla. Mais sa langue aux sonorités gutturales était des plus inconnues aux oreilles d'Esteban, et n'avait même pas l'air d'être du muen.

« Je...je ne comprends pas. », dit-il. « Hm...no entiendo? Ya...napa...shun? »

Visiblement, le résultat était le même pour l'inconnu. Il regarda Esteban, et sembla alors remarquer quelque chose; car un moment plus tard, il tira de sous son habit un médaillon du soleil pareil au sien. Esteban comprit, et montra le sien à son tour.

« Où est-ce que tu l'as eu? »

Le jeune homme chercha dans son dos, et en tira alors un autre objet familier: le poignard du Héros. Esteban se hâta de sortir le sien pour le comparer; celui du jeune garçon n'était pas aussi éraflé, comme s'il n'avait pas subi le passage du temps.

« ...toi aussi, tu es un élu. Tu...tu étais là avant moi. »

Il ne sembla pas comprendre, mais sourit tout de même, sentant qu'Esteban comprenait. Ce dernier regarda le panneau de métal, puis pointa le jeune garçon.

« ...Saquil? »

Ce dernier hocha vivement la tête, souriant. Puis, il pointa son successeur.

« Oh. Esteban. »

Saquil sourit, et lui adressa un étrange geste de la main, qu'Esteban essaya de recopier. Selon toute probabilité, c'était un salut.

« Je ne comprends pas. Qu'est-ce que je fais ici? J'ai été amené par... »

Sachant que la compréhension serait difficile, il se baissa au sol, et traça dans le sable la silhouette de ce qu'il avait cru voir. Une petite boule de fourrure lumineuse, avec de courtes pattes...et de longues oreilles, il avait cru voir. Saquil le regarda faire, curieux, et mit un moment avant de comprendre. À la surprise d'Esteban, il eut un petit rire, disant quelque chose qu'il ne comprit pas; il siffla dans sa main, et l'animal sortit alors de nulle part, sautant dans son bras.

Un lièvre rond, comme il y en avait au pays de Zia.

« C'est lui! C'est ce que j'ai vu! »

Et, lentement, il se tourna vers Saquil.

« ...est-ce que...c'est le tien? »

Il appuya sa question d'un geste, et Saquil acquiesça, caressant la viscache derrière les oreilles. Et Esteban comprit alors que ce n'était pas un accident: on l'avait guidé ici.

Le premier et le dernier des Héros en date, séparés par des millénaires, se rencontraient face à face.

« C'est toi qui m'a amené ici. Tu...tu savais que j'étais là. »

Saquil porta une main à son cœur, comme pour confirmer sa pensée. Puis il tourna l'attention d'Esteban sur le panneau de métal, et pointa un autre nom du doigt.

Juste en dessous du sien, il y avait deux noms écrits de manière similaire, par des sigles et du phonétique. Se pourrait-il qu'ils datent d'avant même l'invention de l'écriture? Esteban ne se posa pas la question, et appela les deux, complétant le trio des élus d'il y a si longtemps.

Rupi, la Princesse, se dressait de manière hautaine et digne avec l'air de quelqu'un qui n'aimait pas être dérangé. Shima, le Sage, s'étonna de la vue d'Esteban, tournant autour de lui pour examiner ses habits tissés, sa peau étrangement pâle, ses chaussures, provoquant le rire de son ami. Il fallait dire que la différence des époques avait de quoi frapper, et qu'Esteban aussi agirait ainsi s'il rencontrait quelqu'un venu de près de dix mille ans dans le futur. Même s'il ne lui toucherait probablement pas le visage comme à un cheval.

« Tu...tu peux arrêter, c'est bon. », fit-il, un brin gêné.

Saquil finit par le rappeler à l'ordre, et tous les trois s'assirent sur le sol, invitant Esteban à se mettre en face d'eux. Il s'exécuta, et regarda ce trio des temps passés, son esprit grouillant de mille questions auxquelles il ne pourrait sans doute jamais donner voix.

Le Héros parla lentement, essayant de se faire comprendre malgré ses mots désormais disparus. Il voulait dire quelque chose d'important, Esteban le savait; donc même s'il n'avait aucune chance de comprendre, il se tut et écouta. Puis, Saquil se tourna vers Rupi, qui acquiesça et ramassa une poignée de sable dans sa main lumineuse. Ce n'était pas une vraie poignée, juste une autre luminoprojection qu'elle versa lentement sur le sol. Et comme par magie, ou plutôt comme par don des héritiers royaux, le sable se forma de lui-même.

Sur le sol, trois silhouettes se dessinèrent, dans un style ancien qui lui rappelait une peinture rupestre. L'une avait le soleil au-dessus d'elle, l'autre faisait flotter des globes dans ses mains, la troisième était entourée de feuilles. Trois élus, chacun doté de son propre don.

Les dessins changèrent, se levèrent du sol, pour former cette fois des paysages. Des montagnes, des plateaux, un rivage. La forme était trop vague pour être reconnaissable, et Esteban pas assez érudit en géographie pour l'identifier, mais ils comprit qu'il s'agissait de leur contrée d'origine. Il acquiesça, et Rupi continua de dessiner selon les indications de Saquil, qui agrémentait le sable de gestes et d'expressions. Et peu à peu, Esteban crut comprendre leur histoire.

Trois enfants, plus jeunes encore que lui, porteurs de deux médaillons. Des nomades en mouvement, cherchant un lieu plus hospitalier pour y vivre. Les anciens de leur tribu parlent d'une vieille légende, d'un lieu inconnu où trouver le savoir d'un monde disparu, qui les aidera à faire prospérer leur peuple. Saquil, en tant que fils d'un des anciens, se donne pour mission de trouver cet endroit.

En chemin, il rencontre Rupi, venue d'une contrée lointaine, et Shima, fils du chef d'une tribu rivale. Malgré leurs différences, ils deviennent amis, et se mettent en route.

Ils rencontrent toutes sortes de choses. Des bêtes sauvages, des peuples ennemis. Survivre est difficile, mais ils apprennent peu à peu. Au bout d'un long voyage, ils arrivent à la première Cité d'Or, et rencontrent le Grand Héritage; mais la montagne du Bouclier Fumant entre en éruption, et ils doivent fuir. Toutefois, ils trouvent sur place un bien étrange navire.

« Le Solaris! »

À partir de là, ils empruntent un chemin différent de celui d'Esteban. Ils font voile vers le soleil levant, et au bout d'un long voyage, se retrouvent dans un tout autre paysage. Ils arrivent à la sixième Cité d'Or, reconnaissable avec ses tours pointant vers les cieux, ce qui fait comprendre à Esteban qu'ils sont arrivés en Grèce. C'est là qu'ils ont eu une apparition des Sages de Mu et d'Atlantide, qui leur ont appris d'importantes choses qu'Esteban ne comprit guère. Ils y ont également trouvé deux des trois reliques, et ont ensuite fait route vers le sud, pour finalement arriver à Kûmlar.

« Et c'est ici que vous avez fait vos luminoprojections. »

À voir leurs têtes, ça les avait bien surpris la première fois. Et pourtant, leur petit sourire s'effaça vite. Lentement, Rupi reprit ses dessins, avec un air grave qui incita Esteban à être attentif.

Les trois silhouettes entrent à l'intérieur de la gigantesque statue de Rana'Ori, qui leur ouvre les bras au beau milieu du désert. Mais quelque chose se passe mal, et la terre se met à trembler. Ils essaient de sortir, alors que la Cité s'effrite lentement en un tas de sable informe, mais ils ne peuvent se frayer un chemin à travers la poussière et la roche qui tombe de plus en plus vite. Par miracle, ils arrivent à sortir, alors qu'il ne reste pratiquement plus rien de la Cité, et tout semble aller en leur faveur; mais d'un geste soudain, Rupi détruit la statue du poing, et son sable s'écrase sur les trois enfants.

Le souffle d'Esteban se coupa comme s'il y était.

« Alors...vous n'avez pas pu continuer. »

Il releva lentement la tête, et vit alors qu'ils pleuraient. Ils essayaient de le cacher, de ne pas montrer ce qu'ils ressentaient, mais Esteban s'imagina bien que ce n'était jamais une bonne expérience que de raconter sa propre fin. Sans savoir pourquoi, il posa sa main sur l'épaule de Saquil, et même s'il ne rencontra que de la lumière intouchable, ça eut l'air de lui faire un peu de bien.

« Je...je suis désolé. »

Saquil se força à sourire, et lui rendit son geste. Sa main était toute chaude, comme un rayon de soleil. Savoir qu'un jour elle avait été réelle, qu'elle avait appartenu à un vrai garçon lui fit tout drôle.

Il parla à Rupi, qui essuya ses larmes et continua de former des figures dans le sable. Les deux médaillons, sans aucun cou pour les porter, se dissipèrent sous sa paume en une flaque de sable; mais au bout d'un moment, ils filèrent jusque sous la main d'Esteban, et reprirent forme. Ils avaient traversé le temps pour venir jusqu'ici, comme un bâton passé depuis l'aube de l'humanité. Comme les Cités d'Or qu'ils ouvraient, ils disparaissaient pendant un temps, mais finissaient toujours par revenir.

Au moins, la question du passé était claire, désormais.

« Je comprends. », dit-il. « Je dois...je dois finir ce que tu as commencé. »

Il le regarda dans les yeux, des yeux d'or si semblables aux siens; et l'espace d'un instant, il crut voir son propre visage à la place de celui de Saquil, un visage qui lui rendait sa confusion et ses questions. Ses traits n'étaient plus les siens, mais ceux d'un enfant qui avait disparu il y a des millénaires, si loin que ses cendres pouvaient très bien être mêlées au sable qui composait ces murs; et pendant un autre instant, ils changèrent encore, et encore, comme s'ils ne devenaient plus qu'un amoncellement de visages inconnus qui changeaient au moindre tressaillement de paupière, des visages qui comme le sien avaient regardé Saquil en face et entendu son histoire il y a si longtemps; dans sa fatigue, Esteban pouvait presque les voir, assis autour d'eux, écoutant son conte silencieux comme un public de fantômes de tant d'époques et de lieux, d'autres jeunes garçons qui comme lui avaient pris le bâton en main pour le passer à leur tour. Esteban ne reprenait pas seulement la quête de Saquil, mais aussi celle de tant d'autres élus avant lui, qui tous avaient échoué à leur tâche, et qui comptaient sur lui pour l'accomplir. Leurs regards, leurs attentes étaient fixés sur lui, et le poids de cette responsabilité lui apparut soudainement des plus lourds.

Il baissa la tête, submergé par cette émotion qui faisait surface en lui, cette émotion qu'il ne voulait pas confronter, de peur de ne pas s'en montrer à la hauteur. Cela faisait près de dix mille ans que des élus venaient au monde et mouraient en essayant d'accomplir leur destinée commune, celle d'accomplir les desseins de Mu et d'essayer d'aller plus loin que les autres, de porter la lumière du flambeau qu'ils se passaient de génération en génération, de millénaire en millénaire, et qui maintenant était dans ses mains. Des mains qui lui apparurent alors étrangement humides; Esteban les porta à son visage, et il se rendit compte qu'il pleurait. Sa gorge lui fit mal, et il ne savait pas comment exprimer ce qui n'allait pas, car jamais il ne trouverait les mots pour le dire.

Mais il n'y en aurait nul besoin. Doucement, il sentit sa joue se réchauffer, et releva les yeux. Saquil le regardait avec inquiétude, comme si malgré l'océan linguistique et temporel qui les séparait, il parvenait à comprendre. Comme si certaines choses étaient universelles, si universelles qu'un enfant de l'autre côté de l'histoire pouvait les vivre lui aussi.

Lentement, il se rapprocha, et prit Esteban dans ses bras. Ce fut une sensation des plus curieuses, et pourtant des plus réconfortantes. Il le serra fort en retour, sentant une vague solidité sous la lumière informe, et s'y accrochant de toutes ses forces pour ne pas se perdre. Et il ne sut pas si c'était une illusion, mais il crut sentir d'autres bras l'entourer, et d'autres, et d'autres encore, alors que Rupi et Shima n'avaient pas bougé. Une pensée lui vint en tête, et il comprit alors que tous ceux avant lui avaient déjà ressenti ce qu'il ressentait, et le lui montraient. Tous avaient eu ces mêmes doutes en tête, s'étaient posés ces mêmes questions, et s'étaient un jour retrouvés à sa place, ce qui fit que malgré la langue, le temps, les cultures, Esteban comprit ce qu'ils lui dirent d'une même voix.

« Tu n'es pas tout seul. »

Non, se dit-il. Il n'a jamais été seul.

Lentement, l'étreinte se dissipa, et Esteban croisa le regard de Saquil, qui lui souriait. Ce dernier porta une main à son cœur, sur son médaillon; et peu à peu, il toucha à celui d'Esteban. Il acquiesça, comprenant, et Saquil se releva, viscache dans les bras et amis au côté.

« ...merci. Merci beaucoup. »

Il se releva à son tour, et les salua à leur façon. Ils eurent un petit rire, ce qui lui fit croire qu'il s'y était mal pris, et d'une certaine façon cela réussit à détendre l'atmosphère.

« Shin'rase, Esteban. »

« – J'y veillerai. »

Ils lui sourirent une dernière fois, leurs propres larmes séchées. Puis, la lumière se ternit, et les luminoprojections disparurent.

Laissant Esteban dans le noir.

Lorsqu'il revint à leur camp, Tao et Zia étaient réveillés, se chuchotant d'une voix inquiète. Quand ils l'entendirent arriver, ils se tournèrent vers lui, et se levèrent en hâte.

« Esteban! Mais t'étais passé où? »

« – Tu as trouvé quelque chose? »

Il hocha la tête, ne sachant pas quoi répondre. Puis il sentit l'étreinte de ses amis le serrer bien fort, pour le ramener à la réalité.

« On avait cru que tu étais tombé dans un puits de sable! T'imagines si ça avait été le cas!? »

« – Je serais redevenue l'unique porteuse de médaillon! »

Il savait que sous leur inquiétude, ils le taquinaient plus qu'autre chose. Et pour lui, c'était la preuve que les mots de Saquil étaient bel et bien réels. Il les serra à son tour contre lui, souriant malgré ses joues humides.

Il n'aurait pas à porter le flambeau tout seul. Pas avec de tels amis, présents comme passés.




Une viscache, c'est un genre de lapin d'Amérique du Sud. [ image externe ]

Et parce que pourquoi pas, les élus de la première génération.
Rupi, Saquil et Shima. -8500 avant notre ère, à Paijàn au Pérou.
Rupi, Saquil et Shima. -8500 avant notre ère, à Paijàn au Pérou.

Pour les chapitres suivants, on entre dans les Cités pas encore découvertes dans la série, donc faudra vous attendre à beaucoup de non-canon. Si je peux j'essayerai d'inclure des visuels, parce que les descriptions c'est pas super pour tout le monde.
:condor: Le meilleur personnage de toute la série, c'est la mère d'Esteban.:condor:

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EstebanxZia
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par EstebanxZia »

Une suite ?
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

EstebanxZia a écrit : 01 nov. 2019, 23:05 Une suite ?
J'ai commencé à l'écrire, mais ce soir j'ai la flemme et une grosse gueule de sucre donc pas trop quand même.

Les chapitres prendront un peu leur temps à compter d'ici. Avant, j'avais la série sur laquelle me baser, mais là je dois d'abord créer toute une saison 4 pour ensuite avoir l'intrigue de cette fic. Ce qui veut aussi dire illustrations, car il faut que vous ayez un minimum de visuels aussi. Et c'est pas si simple que ca en a l'air.

Il y aura une suite, encore 3-4 chapitres au programme. Mais pas pour tout de suite.
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

Whoop whoop. Bienvenue dans ma saison 4 à moi, veuillez attacher vos ceintures.

:condor: Chapitre 10: Quand la Forêt s'Eveille :condor:

« Mais...pourquoi est-ce que vous m'emmenez ici? Il n'y a rien que du désert sur des seir à la ronde. »

« – Parce que nous voulons te rendre un grand service. »

Malgré les bonnes intentions du trio, le jeune garçon restait dubitatif. Mais sa curiosité naturelle le poussait tout de même à suivre ces étrangers sur des chemins inconnus, loin des rues familières de la ville. Il y trouvait même une occasion de s'amuser, sautant entre les roches à demi-enfouies dans le sable au lieu de marcher normalement, les bras tendus comme les ailes d'un oiseau. S'il avait envie de savoir ce qui se passait, il n'était guère pressé de le faire, distrait par les moindres petites choses de la vie comme il était bien normal de l'être à huit ans. Et malgré l'âge qui commençait à peser sur lui, Esteban se reconnaissait tout de même dans ce petit visage enjoué, cette démarche sautillante qui tombait une fois sur deux.

Au bout d'un moment de jeu, Herwa finit tout de même par s’arrêter, sans doute car il s'ennuyait, ou bien car il y avait de moins en moins de pierres sur lesquelles sauter. Il se contenta de suivre le groupe, tenant la main de Zia sur sa recommandation. Il n'était pas du genre à faire confiance aux inconnus, mais il connaissait bien ces trois-là, pour les avoir aidés dans le passé. Ils avaient promis de revenir un jour, et ils étaient en effet revenus, donc il pouvait les croire.

Même s'il fallait les suivre dans le désert. Après tout, il n'avait rien d'autre à faire, donc c'était mieux que de vagabonder en ville.

« Vous auriez au moins pu prendre votre oiseau d'or! Il va si vite! »

« – Nous ne sommes plus très loin. », assura Zia. « Je te le promets. »

Herwa fit la moue, un peu dépité de ne pas pouvoir faire un tour dans le Condor comme il l'aurait espéré. Mais si ces trois-là avaient raison, alors ce qui les attendait au bout du chemin en valait le coup.

Encore heureux!

« Tao, tu es sûr que c'est la bonne direction? », demanda Esteban , inquiet.

« – Pour la troisième fois, oui. On n'a qu'à suivre le soleil jusqu'à l'oasis, et on y sera. »

« – C'est pas vrai. », intervint Herwa. « Si on suit le soleil, on va finir par tourner. L'oasis est par là. »

Et en effet, il pointa du doigt l'horizon plus à l'est.

« Ah, vraiment? Et comment tu sais ça? »

« – ...je sais. C'est tout. »

Les grands s'échangèrent un regard. Leur sens de l'orientation ne les avait jamais trompés...toutefois, ils devaient faire confiance à Herwa et à son intuition. C'était tout le but de leur venue ici, entre autres.

« Bon, si tu le dis. », concéda Tao. « Par là, alors. »

« – On fait la course!! »

Et le petit rouquin fila comme un éclair, les dépassant sans problème. Esteban se surprit à rire, et le suivit en courant, pas tant pour garder un œil sur lui que pour répondre à son défi.

Quel enfant étrange que ce petit orphelin surgi de nulle part, sans passé ni gardiens, qui ne ressemblait à personne de son village et n'avait pour toute possession qu'une broche en or du dieu Horus. Quel incroyable jeune garçon que celui qui semblait commander à la nature de par sa volonté, celui que des signes obscurs désignaient comme l'héritier de quelque chose de grandiose. Quel petit être inconnu et étranger, auquel Esteban se sentait toutefois lié par quelque chose qui le dépassait, qu'il ne saurait décrire, mais qu'il suivait quand même. Il savait désormais ce qu'avait ressenti Mendoza il y plus de deux ans de cela, quand il l'avait rencontré lui, et il savait pourquoi il s'y était autant attaché. L'histoire est un éternel recommencement, et aujourd'hui c'était à son tour d'aider quelqu'un qui avait tant de questions sans réponse.

Même si ce ne serait pas une tâche facile. Les inscriptions au tombeau du Roi Faucon avaient laissé présager la difficulté de cette entreprise, et c'était déjà un coup de chance incroyable qu'ils aient trouvé Herwa sur leur chemin. Mais c'était une bonne cause, une occasion de réparer le mal qui avait été fait. Et puis, si le Roi Faucon était vraiment une bonne personne, alors il voudrait également réparer ses propres erreurs.

Mais Herwa avait d'autres priorités en ce moment. Il venait de repérer un lézard creusant le sable, et se hâtait de le déterrer avec ses petites mains, sans aucun doute pour en faire son dîner. Il fallait le comprendre, une vie entière à parcourir les rues en essayant de survivre menait à certaines...habitudes, aussi peu ragoutantes soient-elles. Il offrit un morceau de lézard à Esteban, mais celui-ci refusa poliment.

« On s'approche de l'oasis. », dit-il. « Est-ce que...tu connais cet endroit? »

Herwa regarda autour de lui. Il n'y avait que du sable sur des lieues à la ronde, constellé de roches qui lui donnaient l'air d'une gigantesque plaine enneigée.

« ...pas vraiment. », répondit l'enfant. « J'ai jamais été là. »

« – D'accord. Ne t'en fais pas, nous savons où nous sommes. »

Il attendit que Tao et Zia les rattrapent pour continuer. D'ici, ils pouvaient voir les formations de roche blanche leur indiquer le chemin au loin, comme des montagnes dressées dans la neige de sable. À cette distance, la plus grande d'entre elles avait l'air d'un profil d'oiseau, le bec tourné vers le ciel, attendant de prendre son envol.

« J'ai jamais vu de sable comme ça. », commenta Herwa, en ramassant une poignée. « Il est tout blanc. »

« – C'est de la roche calcaire. La même que celle qui forme ces grandes pierres au loin. »

« – C'est joli. »

Constatant qu'il avait désormais les mains toutes blanches, Herwa essaya de se les essuyer, non sans couvrir ses habits de poussière de pierre. Mais il ne s'en soucia pas plus, lui qui avait l'habitude.

« Mais on vient faire quoi, ici? Il y a rien. La ville est plus loin. »

« – Nous ne sommes pas venus visiter la ville. »

Tao grimpa sur un rocher, essayant de voir à l'horizon.

« Ça m'a l'air d'être par ici, oui. On en a pour une demi-heure, je crois. »

« – Heureusement qu'Esteban est là pour nous appeler quelques nuages. Le soleil commence à taper. »

« – Je tiens à préciser que je n'ai rien à voir avec ça. »

Tao pouffa d'une telle déclaration, et sauta du rocher. Mais le sable était quelque peu glissant à l'arrivée, et il tomba sur le ventre avec un bruit sourd.

« Oh, fais attention, pour une f– »

« – Tao!! Tu vas bien!? »

En un rien de temps, Herwa s'était précipité vers lui, l'aidant à se relever d'un air affolé.

« Ouais, je vais bien. Plus peur que de mal. »

Il s'était tout de même écorché les mains sur la roche en tombant. Ses paumes étaient éraflées, montrant quelques prémices de saignement par endroit, mais rien de bien grave. Toutefois, Herwa n'était pas de cet avis, et eut un bruit d'horreur.

« Il faut qu'on t'aide! Vite, il te faut des pansements, des plantes qui guérissent! »

« – Je vais bien, je t'assure! », sourit Tao, presque amusé de tant d'affolement.

Herwa l'ignora, et cueillit Pichu au vol, le posant dans les bras de Tao pour lui faire un câlin guérisseur. Puis il prit les mains du jeune homme dans les siennes et les serra fort, fermant les yeux et murmurant une sorte de litanie en arabe. Tous les trois regardèrent alors, sachant pleinement ce qui allait arriver.

Les paumes d'Herwa se mirent à luire d'un feint éclat cuivré, et l'espace d'un instant la douleur de la chute revint. Mais quelques secondes plus tard, lorsqu'il retira ses doigts, les paumes de Tao ne portaient plus aucune blessure, ni même de cicatrice. C'était comme s'il n'était jamais tombé.

« Est-ce que...tu vas mieux? », demanda Herwa avec inquiétude.

Tao regarda ses mains, stupéfait. Il sourit, quelque peu surpris, mais d'une bonne façon.

« Beaucoup mieux. Merci. »

Il lui ébouriffa les cheveux, ce qui rassura le jeune garçon.

« On peut te faire confiance. »

Esteban et Zia sourirent à leur tour, rassurés. Ils avaient déjà pu constater les dons d'Herwa lors de leur dernière visite, des dons qui ne se limitaient pas qu'à la guérison, et dont l'enfant lui-même ne connaissait pas la portée. Tout du moins, plus pour longtemps.

Au bout d'un temps de marche, ils finirent par tomber sur l'oasis, qui était plus une sorte de puits creusé dans la roche. Déblayant un peu de sable du pied, Esteban découvrit les lignes dessinées dans le sol, qui partaient du puits pour tracer ce qu'il savait être le dessin de leur médaillon. Ils étaient au bon endroit.

Il se tourna vers l'une de ces statues de calcaire, qui veillait sur le puits comme un gardien. Elle était plus petite que ses sœurs à l'horizon, mais avait bel et bien la forme d'un oiseau au repos.

« Zia? »

Celle-ci acquiesça, et lui tendit le disque de son médaillon. Esteban se prépara, et d'un coup de jambes, escalada l'oiseau de pierre, jusqu'à se retrouver perché sur sa tête. Il retira son propre disque, et les mit tous deux dans les encoches formant les yeux de l'oiseau. Puis il se hâta de redescendre, revenant auprès de ses amis.

Il y a quelques mois de cela, alors qu'il avait fait exactement la même chose, l'oiseau avait déplié ses ailes et s'était ouvert à eux, révélant au bout d'une longue transformation le gigantesque palais du Roi Faucon, taillé à l'image de son animal protecteur. Comme un printemps venu de nulle part, la neige du sol avait été chassée, et l'herbe avait envahi le sable, suivi de plantes et d'arbres poussant tout autour d'eux. Le puits avait débordé, devenant un lac, une rivière, une explosion de vie au cœur du désert. Et ce tableau vierge de blanc et d'ocre s'était teint d'or, de vert, de bleu, de toutes les couleurs de la nature qui reprenaient forme et vie autour des enfants, révélant le jardin caché dans les sables et les roches, le havre de vie qui s'éveillait dans le Sahara. Et comme à chaque fois, ç'avait été une expérience magique, un moment de contemplation comme rien d'autre ne pouvait leur procurer.

Mais cette fois-ci, la Cité restait repliée. Comme un animal qui avait connu la cruauté des hommes, et ne voulait pas se risquer à faire confiance à quiconque, mais tendait tout de même une patte hésitante à l'enfant qui lui proposait de la nourriture. La terre trembla sous leurs pieds, et ils se reculèrent par précaution, alors que le puits s'ouvrait et que l'eau de ses profondeurs disparaissait, révélant un passage creusé dans la roche. Herwa s'accrocha fermement à Esteban, pris de peur; celui-ci se baissa pour le prendre dans ses bras.

« Ne t'inquiète pas. », rassura-t-il. « Tu ne crains rien, je te le promets. »

Mais l'enfant enfouit tout de même son visage dans la chemise d'Esteban, décidé à ne pas regarder ce qui se passait. Et il ne pouvait pas l'en blâmer.

La terre continua de s'ouvrir, des monceaux de pierre s'arrangeant pour former des marches irrégulières qui menaient vers les ténèbres humides. Même si la descente semblait incertaine, le groupe s'y hâta pour profiter d'un peu d'ombre, loin du soleil écrasant du désert. Et une fois encore, le passage se referma derrière eux, avant de s'illuminer de petites lueurs solaires.

« Prends-moi la main. », dit Zia au jeune garçon. « Fais attention, les marches sont glissantes. »

Herwa ne se fit pas prier, et s'accrocha à elle de toutes ses forces, comme si la lâcher voudrait dire tomber dans les profondeurs inconnues. Et lentement, le groupe descendit les marches, dans l'humidité et l'inconnu du puits, vers un souterrain dissimulé.

« Je me demande si cette Cité d'Or peut vraiment vivre sous terre. », se demanda Tao. « Un jardin souterrain, ça me paraît un peu difficile à réaliser. »

« – Ce ne serait pas la première fois que les Cités nous surprennent. Aie confiance en leur pouvoir. »

Herwa releva un peu la tête, regardant les murs de calcaire avec appréhension. Il n'était jamais venu ici, du moins à sa connaissance, et ce lieu inconnu l'effrayait quelque peu. Mais sa curiosité naturelle semblait peu à peu reprendre le dessus, d'une manière subtile. Une manière qui s'intensifiait alors que le groupe arrivait au fond du passage.

La porte qui leur faisait face était solidement fermée. Sur le battant de pierre, une représentation du dieu Horus leur faisait face, son œil unique les fixant de cette manière bien particulière qu'avaient les représentations égyptiennes. Tao chercha la porte, tâtonna pour y trouver un mécanisme ou une encoche quelconque, mais n'y parvint pas.

« Comment est-ce qu'on est censés l'ouvrir? Est-ce qu'on aurait dû apporter quelque chose? »

Esteban observa la porte, rendit au faucon son regard mystérieux. Puis, lentement, il se tourna vers Herwa.

« Je crois que c'est à toi de le faire. »

L'enfant ouvrit de grands yeux étonnés.

« Moi? Mais...mais je serai pas assez fort. »

« – Ce n'est pas une question de force. C'est une question de... »

De foi? De conviction? De sélection naturelle?

« Enfin. Essaye, et tu verras. »

Il posa sa main sur son épaule, pour le rassurer. Herwa n'avait pas l'air très convaincu, mais se tourna quand même vers la porte, lâchant peu à peu le bras d'Esteban. Il posa ses mains frêles sur le battant de pierre, et commença à pousser.

Comme on pouvait s'y attendre, rien ne se passa. Un enfant aussi petit ne pourrait jamais ouvrir une telle porte. Mais peu à peu, le mécanisme sembla s'enclencher: l’œil d'Horus se mit à briller d'un éclat d'or, qui se refléta sur les médaillons des élus. Et à la surprise de tous, le petit bijou à tête de faucon s'illumina également.

Il y eut quelques secondes de silence, au cours desquelles la lumière se calma doucement. Et puis, la porte trembla un court instant, avant de s'ouvrir. Herwa s’arrêta net, regardant ses mains comme s'il l'avait fait à la seule force de ses petits bras, puis ses amis. Esteban se contenta de sourire, et de lui offrir son bras à nouveau, alors que la Cité les laissait passer.

De l'obscurité du passage souterrain, ils passaient désormais à la lumière.

Ils n'étaient pas venus si profondément sous terre, car la lumière leur parvenait toujours du plafond. Un plafond de verre scintillant, comme les vitraux d'une cathédrale, laissait passer le soleil afin de nourrir les centaines, les milliers de plantes qui leur faisaient face. Des palmiers, des arbustes, des bosquets de fleurs, des arbres fruitiers de tous horizons étalaient leurs feuilles et leurs branches sous cette lumière, formant une épaisse jungle de plantes disparates qui poussaient toutes en harmonie dans un même sol. Le bruit de l'eau courante qui leur parvenait trahissait la présence d'un lac non loin, où toutes sortes de petites créatures venaient se rafraîchir entre les roseaux et les nénuphars, agrémentant la cour de leurs bruits et de leurs mouvements. Et il suffisait de suivre l'eau pour remonter vers la cascade coulant du bec du gigantesque faucon d'or formé par le palais central, la demeure du Roi Faucon en personne.

Au cœur du désert, Shikera la verdoyante fleurissait de mille couleurs.

« C'est absolument incroyable! », s'extasia Zia, admirant les fleurs inconnues tout autour. « Le jardin a pu résister au désert! »

« – Il est immortel. Il peut résister à tout. »

Comme pour se le prouver, Esteban creusa un petit trou dans la terre, et y enfouit un noyau de cerise. Il attendit quelques secondes, au bout desquelles le plant de baies dorées se mit à pousser en accéléré, à déployer ses feuilles et à fleurir en un rien de temps. Comme si toute la cour était faite de la même manière qu'une de ces cloches de verre du Jardin Endormi en Chine, sauf qu'une fois arrivées à maturité, les plantes restaient ainsi et ne se fanaient pas.

« C'est de la magie. », s'étonna Herwa, observant la plante ouvrir ses corolles. « C'est un jardin magique!! »

« – En quelque sorte. »

L'enfant avait l'air complètement abasourdi par cette découverte. Il se mettait à enterrer toutes sortes de choses qu'il trouvait par terre, des glands, des châtaignes, des dattes, et les regardait pousser avec émerveillement.

« Mais...mais tu sais ce que ça veut dire? », s'excita-t-il. « On peut planter des arbres dans le désert, et il y en aura plein! On peut...on peut faire pousser à manger pour tout le monde!! »

Il n'attendit pas que le palmier arrive à maturité; creusant rapidement, il sortit l'arbrisseau de terre, et le prit dans ses mains. Mais aussitôt déterrée, la plante se fana en un battement de paupières, devenant un simple morceau de bois mort. Herwa poussa un cri de détresse, regardant tour à tout la plante et ses amis, avec des yeux qui semblaient sur le point de pleurer. Pressentant la crise de larmes, Zia se baissa à sa hauteur, lui posa la main sur les épaules.

« Il n'est pas mort! », rassura-t-elle. « Mais tu dois le replanter. Tu ne peux pas emmener ces plantes hors de la Cité. »

Elle aida le jeune garçon à essuyer ses larmes naissantes, et à rendre le petit palmier à sa terre natale. Il finit par reprendre quelques couleurs, et reprit lentement sa croissance, sous le regard dépité d'Herwa.

« C'est pas juste... », murmura-t-il. « Moi je voulais qu'il y ait plein d'arbres dans le désert. Comme ça on aurait de l'ombre, et des fruits. »

« – C'est vrai. Mais...les choses sont ainsi. »

Elle lui caressa gentiment le dos, pour le réconforter.

« Le Roi Faucon aussi voulait faire fleurir le désert. Mais une telle tâche aurait été trop difficile, même en manipulant le temps. »

Elle se releva, et lui offrit sa main. Herwa la prit sans trop de conviction, et se laissa emmener voir les autres jolies plantes que renfermait la Cité.

« Il faudrait lui dire. », hésita Esteban, regardant le palmier pousser. « Il doit savoir. »

« – Je suis bien d'accord... », répondit Tao. « Mais comment tu veux lui dire un truc pareil? Et puis, qu'est-ce que tu vas faire s'il ne te croit pas? »

Esteban regarda autour de lui, cherchant une réponse.

« ...j'en sais rien. Mais on doit essayer. Ça me semble la meilleure chose à faire. »

« – Ça m'a l'air un peu dangereux. T'es sûr que c'est ce que le Roi Faucon aurait voulu? »

« – Je ne sais pas. »

Il regarda un colibri prendre son envol.

« Je sais juste que...si moi aussi j'avais commis une énorme erreur, et qu'il se trouve quelqu'un qui m'aide à la réparer, je l'accepterais volontiers. »

Aider les autres à réparer leurs erreurs. C'était l'objectif qu'il s'était fixé. Même s'il fallait aider quelqu'un présumé mort depuis plus de dix mille ans, il le ferait. Il n'était pas poussé par une quelconque prophétie ou intuition divine; ça lui semblait tout simplement être la bonne décision. C'était le conseil que lui avait donné son père: ne pas s'en faire pour l'avenir, et essayer de faire le bien. Un conseil qu'il se devait de mettre en pratique.

Dans les branches d'un arbre non loin, un craquement retentit, signe qu'un œuf allait éclore. Peu après, le poussin poussa ses premiers pépiements affamés, bec tendu vers le ciel pour quémander. Mais en quelques secondes seulement, ses plumes poussèrent, son corps grandit; et lorsque la maman revint au nid, elle se retrouva face à son fils adulte. Esteban ne put s'empêcher de sourire, regardant ces deux oiseaux paraître des plus confus pendant un moment avant de s'envoler ensemble. Telle était la magie de cette Cité, où le temps n'avait plus de sens.

L'intérieur du palais était tout aussi splendide, décoré de fleurs et de joyaux. D'incroyables machines à la mécanique des plus complexes tournaient leurs engrenages et faisaient couler leur eau, sans plus d'utilité qu'un sablier ou qu'un moulin, mais en beaucoup plus travaillé et surtout bien plus plaisant à regarder des heures durant. Esteban passa plus de cinq minutes à contempler l'un de ces systèmes faire rouler des billes de verre le long de tubes, pentes, roues et courbes sans fin, de manière fluide et hypnotisante, avant que Tao ne le ramène à la réalité. Qui aurait cru que quelque chose d'aussi inutile puisse être aussi captivant?

« Tu sais à quoi ça sert? », demanda-t-il.

« – À faire joli, je suppose. Mais ça peut également être un sujet d'études, pour voir quand le temps s'accélère ou se ralentit. »

Et en effet, malgré la régularité de la machine, celle-ci semblait hoqueter par à-coups, s'accélérant ou se ralentissant le temps d'un battement de cils. Comme si le temps lui-même avait du mal à suivre, ce qui rendait a contemplation assez désagréable par moments.

« Je peux comprendre sa fascination pour ce genre de choses. », dit Esteban en se détournant de la machine. « Le temps reste une grande énigme de ce monde. »

« – Et une arme puissante. Tu imagines, si tu pouvais faire revenir tes ennemis au stade d'avant leur naissance? Plus personne ne te craindrait jamais. »

« – Avant leur naissance? Mais...est-ce qu'ils reviennent donc à l'intérieur du– »

« – Une arme puissante, Esteban! Tu ne veux pas savoir ce dont elle est capable!! »

Non loin, Zia était avec Herwa, lui montrant une sorte de sablier aux formes complexes. Ses amis la rejoignirent, et elle s'étonna de les voir.

« ...vous avez l'air d'avoir changé, vous deux. »

Esteban ne comprit pas ce qu'elle voulait dire, mais aperçut alors son reflet dans un mur d'or, et porta la main à son visage. Était-ce un duvet brun qui lui poussait au menton? Il avait l'air bizarre ainsi.

« Il vaut mieux qu'on ne traîne pas. Nous aussi, on commence à grandir en accéléré. »

« – Moi, je trouve que ça te va bien. », fit Tao.

« – T'as vraiment l'air d'un grand, maintenant. », sourit Herwa.

Ce dernier aussi avait l'air un brin plus grand, maintenant. Ou alors était-ce simplement une illusion. Le cœur assez nerveux, Esteban se baissa à sa hauteur.

« Herwa. Est-ce que...tu te souviens de cet endroit? Est-ce que tu sais ce que c'est? »

« – C'est la cité magique que tu cherchais. »

Il regarda autour de lui, regarda les hauts plafonds aux motifs alaires, les décorations d'or et d'émeraude, les fleurs qui constellaient la chambre du palais comme un jardin intérieur des plus luxurieux.

« C'est...c'est une cité cachée, où il se passe plein de magie. Un grand jardin, avec plein de plantes inconnues. »

« – Et la demeure du Roi Faucon. Sais-tu de qui il s'agit? »

À l'évocation de ce nom, Herwa sembla rester pensif. Il contempla un motif de rapace sur le mur, qui veillait sur la pièce comme un gardien.

« J'ai entendu parler du Roi Faucon. », dit-il lentement. « C'est...c'est quelqu'un qui est mort il y a très très longtemps. Et... »

Il s'interrompit, comme s'il venait de se souvenir de quelque chose.

« Et il a fait de grandes choses. Mais...mais il s'est trompé, et il est mort. »

« – Il s'est trompé? Qu'est-ce que tu veux dire? »

« – Il a...il a fait quelque chose de mal. Une erreur. »

Ce dernier point fut ce qui attira leur attention. Si le Roi Faucon était une figure mythologique connue dans la région, personne ne savait son erreur. Le fait que ce petit garçon soit le seul à savoir voulait donc dire qu'il était prêt à connaître la vérité.

Esteban savait que ce ne serait pas facile. Mais il devait le faire. Pour le bien d'Herwa, et de leur quête en général.

« C'était un grand magicien. », dit-il, cherchant ses mots. « Il a créé ce jardin dehors, et cette Cité. Il savait se servir du temps pour faire pousser les plantes plus vite, pour guérir les gens. Et c'était quelqu'un de bon, mais qui est tombé dans le piège du pouvoir. »

Comment expliquer de tels concepts à un enfant? Il essaya de garder ses mots aussi simples que possible.

« Il voulait se servir du temps pour rester jeune pour toujours, et ne jamais mourir. Mais...quelque chose s'est mal passé. C'est là qu'il a fait son erreur. »

« – Et...il est mort? »

Telle était l'histoire. La légende que le temps avait retenue...mais que la vérité refusait.

« Non...enfin...pas exactement. »

« – Il a réussi. », continua Zia, prenant le relais. « Il est redevenu jeune. Très jeune. Au point de n'être qu'un tout petit enfant. »

Herwa ne comprenait toujours pas où ils voulaient en venir, mais ils ne pouvaient pas l'en blâmer. Toutefois, le coup d’œil qu'il jeta à ses propres mains leur indiqua qu'il commençait à rassembler les pièces du puzzle.

« Il a grandi normalement, et est redevenu adulte. Mais lorsqu'il a atteint l'âge auquel il a fait son expérience, il a arrêté de grandir, et en l'espace d'une nuit, il est redevenu un petit enfant à nouveau. Il a tout oublié, une fois de plus. »

« – Et ce jusqu'à l'infini. Tous les trente ans, il grandit, redevient un bébé et oublie tout. Cela fait plus de dix mille ans qu'il est piégé dans ce cycle qu'il ne peut pas arrêter. »

Zia prit les mains d'Herwa dans les siennes. Ses petites mains qui tremblaient, sans qu'il ne sache pourquoi.

« Mais...mais pourquoi tu me dis ça? », demanda-t-il, comme pour se nier la vérité.

« – Parce que... »

Ils s'échangèrent un regard, une hésitation. Puis Esteban franchit le pas.

« Parce que cet enfant, c'est toi. Tu es le Roi Faucon, Herwa. »

Et ainsi, la vérité éclata.

Au début, rien ne se passa. Rien ne sembla bouger, la Cité ne s'écroula pas sur eux, le monde ne disparut pas. Mais il y avait quelque chose qui n'allait pas, quelque chose dont ils ne pouvaient pas sentir l'existence. Du moins jusqu'à ce qu'Esteban remarque que le bruit des billes de verre ne leur parvenait plus. Il jeta un œil au sablier géant, et vit que le sable ne coulait plus.

Le temps s'était tout simplement arrêté.

Herwa tremblait de plus en plus, son visage crispé d'émotion. Il hoquetait, ses yeux embrumés de larmes au fur et à mesure de sa réalisation. Vite, Esteban lui prit les mains à son tour, et le regarda en face.

« Herwa? Tout va bien. Tout va bien se passer, crois-moi. », essaya-t-il de rassurer. « Tout se passera bien... »

L'enfant sanglotait désormais, un son aigu s'échappant de sa gorge. Esteban se tourna vers Zia, mais celle-ci ne réagit pas. Tao et Pichu non plus ne bougeaient plus. Ils avaient été pris dans l'arrêt du temps, frappés sans s'en rendre compte. Et Esteban savait que s'il ne voulait pas les piéger ainsi, il devait mettre les choses au clair.

Sans attendre, il serra Herwa dans ses bras, aussi solidement que possible. Il s'imagina être Mendoza, serrant un jeune Esteban dans ses bras, à l'annonce de la mort d'Athanaos ou du Père Rodriguez, s'imagina faire ce qu'il aurait voulu qu'on lui fasse, à cette époque de sa vie où son monde s'était alors écroulé sur ses fondements. Herwa se mit à pleurer, sanglotant de plus en plus fort, mais Esteban ne cilla pas, ne lui dit rien, se contentant d'être là pour ce petit être, sans essayer de lui faire croire que les choses allaient s'arranger ou bien qu'il oublierait. À cet âge, toute mauvaise nouvelle est la pire des catastrophes, et une telle révélation changerait son monde à jamais. Dans ce tumulte, tout ce qu'il pouvait faire était d'apporter un peu de solidité, de lui donner quelqu'un à qui s'accrocher, à qui raconter ses malheurs. Parfois, on ne pouvait rien faire à part pleurer, et c'était déjà suffisant.

Il se passa de longues minutes de silence. Mais comme le temps ne coulait plus, les notions de minutes ne voulaient plus rien dire. Tous deux auraient pu passer des heures ainsi, l'un pleurant dans les bras de l'autre, que le reste du monde n'en aurait pas été affecté. Mais Esteban savait qu'il lui faudrait sortir de cet état, et laisser le temps reprendre sa marche.

Lentement, il posa une main sur la joue d'Herwa, lui releva lentement la tête pour qu'il le regarde. Son visage était crispé de tristesse, ses yeux rouges et mouillés, et il tremblait toujours. Le puissant Roi Faucon, monarque de tout un empire, réduit à un tel état.

« Ce n'est pas de ta faute. »

Il ne savait pas pourquoi il dit cela, mais ça lui semblait comme la bonne chose à faire. Le bon discours à tenir.

« Ce n'est pas ta faute. Tu n'as jamais voulu cela, pas vrai? Tu n'as rien à te reprocher. »

« – Mais... », protesta Herwa malgré les sanglots. « Mais j'ai...j'ai fait des mauvaises choses. J'ai cassé le temps! »

« – Tu ne pouvais pas savoir. Tu as fait des erreurs, c'est tout. »

Il lui caressa doucement les cheveux, les épaules, pour essayer de le réconforter.

« Tout le monde fait des erreurs. Tout le monde. Même les rois, même les pharaons. »

« – Même toi? »

Esteban repensa à tout ce qu'il avait fait de mal dans sa vie. À la confiance aveugle qu'il avait placée en Ambrosius, aux trésors qu'il avait confiés à Zarès en échange de son père, à tout ce qu'il avait dit à Tao dans un trait de haine, aux mots horribles qu'il avait lâchés au nez de Mendoza, au temps passé à s'amuser avec Karsha au lieu d'essayer de sauver les siens, à la lame de sa dague qu'il avait plantée dans le corps du monstre. Un torrent de honte et de regret l'envahit, le submergea, et Esteban le laissa faire, sans rien en montrer qu'un poing serré.

« Oui. Moi aussi, j'ai fait des erreurs. »

Il laissa l'enfant continuer de sangloter, calmer ses pleurs par lui-même. Toutes ses propres erreurs le rattrapaient et le hantaient, mais il trouva du réconfort à son tour dans cette étreinte, comme s'il y voyait son pardon.

« Mais je fais de mon mieux pour les réparer. Et c'est ce que nous devons tous faire. »

Herwa le regarda de ses grands yeux noirs.

« Comment? »

« – ...je ne sais pas. Mais on peut toujours trouver une solution. On peut...on peut essayer de recoller les morceaux, de changer le cours des choses. »

Il pensa aux autres élus avant lui, qu'il avait aperçus à Kûmlar. Eux aussi regrettaient sans doute de ne pas avoir pu continuer. Et maintenant, c'était à lui de porter leurs regrets, et de leur donner une fin.

« Tu n'es pas tout seul. Les Cités d'Or t'ont fait nous rencontrer. Nous sommes tes amis, et ensemble, on peut essayer de changer les choses. On va briser le cycle, et tu pourras retrouver une vie normale. »

Herwa essuya ses larmes.

« Alors...alors je pourrai grandir normalement? Et devenir adulte? »

« – Tu pourras. »

« – Et...et cette fois, j'oublierai pas que je vous ai rencontrés? »

« – Tu n'oublieras pas. »

Et peu à peu, sa conviction fonctionna. Herwa se releva, essuyant ses yeux de sa manche, et acquiesça. Lentement, le sable se remit à couler, et Zia et Tao bougèrent à nouveau.

Esteban sourit.

« Les Cités ne voulaient pas te punir, Herwa. Elles voulaient que tu rencontres quelqu'un qui t'aide à corriger tes erreurs. C'est pour ça que tu redeviens un enfant à chaque fois. »

« – Mais désormais, c'est fini. », enchaîna Zia, comprenant leur conversation. « On t'aidera à maîtriser tes pouvoirs, et tu trouveras un moyen de briser le sort. »

« – Et puis, tu les maîtrises assez bien. », commenta Tao, montrant ses mains. « J'ai jamais vu un guérisseur aussi bon que toi. »

Sous leurs mots d'encouragement, Herwa finit peu à peu par sourire, reprenant peu à peu confiance. Il lui faudrait beaucoup de temps et de patience avant de redevenir un jour le puissant Roi Faucon...mais cette fois-ci, il ne commettrait pas les mêmes erreurs. Lui qui avait pu vivre la dure vie des paysans égyptiens amènerait une ère meilleure pour son peuple, et utiliserait ses dons pour le bien de tous. Esteban avait entièrement confiance en ce Prince Fauconneau qui peu à peu voyait le jour devant lui, cet être dont les grands pouvoirs ne demandaient qu'à aider les autres.

Il regarda ses propres mains, puis le soleil qui passait à travers le toit de verre du jardin. Et malgré lui, il se mit à sourire à son tour.



Un peu de concept art:
Shikera, du temps de sa grandeur
Shikera, du temps de sa grandeur
Sandentwins a écrit : 21 juil. 2019, 02:30 -Une Cité végétale, un genre de gigantesque jardin faisant office de réserve naturelle pour toutes sortes de plantes et d'animaux du temps de Mu. On a une toute différente esthétique selon qu'on la joue Jardins de Babylone ou réserve de Svalbard: un Jurassic Park de la vie d'il y a 10 000 ans, ou bien une base de données de toutes les espèces animales et végétales du monde? En or et vert clair, quoique or et rose c'est pas mal non plus, si on a déjà tout plein de verdure.

-Une Cité ayant un lien avec le temps. Des archives recelant tout ce qui s'est passé dans le monde, comme la bibliothèque de Tseila mais en plus complet encore. Les premiers prototypes de manipulation temporelle, qui permettent de revenir un jour en arrière et d'effacer un horrible événement, ou quelque chose dans le genre. On pourrait savoir comment s'est déclenchée la guerre Mu/Atlantis, les secrets d'il y a 10 000 ans, ou même plus récents. Voire même un moyen pour les enfants de rencontrer/communiquer avec leurs ancêtres, de savoir pourquoi ils ont été choisis, d'où ils viennent, si Mu et l'Atlantide ont réellement disparu. /quote]
Pour le prochain chapitre, je dois inventer un autre tiers de saison 4 sur lequel me baser, ce qui veut dire que j'aurai besoin d'un peu de temps. Calmez vos ardeurs et attendez que j'aie une bonne idée, svp.
:condor: Le meilleur personnage de toute la série, c'est la mère d'Esteban.:condor:

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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par EstebanxZia »

Sandentwins a écrit : 01 nov. 2019, 23:17
EstebanxZia a écrit : 01 nov. 2019, 23:05 Une suite ?
J'ai commencé à l'écrire, mais ce soir j'ai la flemme et une grosse gueule de sucre donc pas trop quand même.

Les chapitres prendront un peu leur temps à compter d'ici. Avant, j'avais la série sur laquelle me baser, mais là je dois d'abord créer toute une saison 4 pour ensuite avoir l'intrigue de cette fic. Ce qui veut aussi dire illustrations, car il faut que vous ayez un minimum de visuels aussi. Et c'est pas si simple que ca en a l'air.

Il y aura une suite, encore 3-4 chapitres au programme. Mais pas pour tout de suite.
Oh ok désolé et merci 🙏
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

EstebanxZia a écrit : 02 nov. 2019, 23:41 Oh ok désolé et merci 🙏
C'est pas grave, va. J'apprécie ton enthousiasme. Mais les bonnes choses doivent se faire attendre. En attendant, pourquoi est-ce que tu ne nous dirais pas ton passage préféré, ou bien tes attentes pour la suite?
Et pour la forme, voilà un petit fauconneau.
Herwa, dernière incarnation en date du Roi Faucon
Herwa, dernière incarnation en date du Roi Faucon

Depuis plusieurs chapitres déjà, je fais référence aux descendants de l'Atlantide, notamment un qui s'appelle Karsha. D'un coté, j'aime bien vous laisser imaginer parce que c'est plus pratique, mais de l'autre j'aime bien imaginer aussi, donc si vous voulez voir à quoi ressemblent les hommes-dauphins, voici.
Karsha, jeune chasseur des mers
Karsha, jeune chasseur des mers
L'idée, c'est qu'au bout de 10 000 ans à vivre sous la mer, les humains finissent par ressembler un peu à des dauphins ou des marsouins. Et puis l'équipe de monsterfuckers du Discord des MCO a fait le reste du design.
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par nonoko »

Avec toi les notions de temps et de patience en prennent un coup! Donc 'patienter' en langage sandentwins signifie attendre quelques jours ou quelques heures maximum: l'inspiration ne déserte pas longtemps ton cerveau...
J'ai bien aimé tes revisites des cités, les évocations sont réussies et je me suis laissée prendre par la rencontre inattendue à Kumlar même si j'étais plutôt dubitative au départ. En gros je n'adhère pas vraiment au fond de l'histoire, mais ton talent d'écriture nous embarque, et tu réussis à faire vivre ton univers et tes personnages.
L'épisode du Roi Faucon gagnerait à être un peu plus descriptif cependant. L'idée d'une cité centrée sur le temps, c'est une idée intéressante, qui a aussi le mérite de reprendre des éléments de la saison 2 dont on se demande bien à quoi ils pouvaient servir (le fameux laboratoire en Chine :roll: )
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par Sandentwins »

nonoko a écrit : 03 nov. 2019, 21:36 Avec toi les notions de temps et de patience en prennent un coup! Donc 'patienter' en langage sandentwins signifie attendre quelques jours ou quelques heures maximum: l'inspiration ne déserte pas longtemps ton cerveau...
Faut croire que je fonctionne selon un aléatoire à en faire baver les profs de maths. Mais vu le résultat, ca vaut le coup, je dirais.
nonoko a écrit : 03 nov. 2019, 21:36 J'ai bien aimé tes revisites des cités, les évocations sont réussies et je me suis laissée prendre par la rencontre inattendue à Kumlar même si j'étais plutôt dubitative au départ. En gros je n'adhère pas vraiment au fond de l'histoire, mais ton talent d'écriture nous embarque, et tu réussis à faire vivre ton univers et tes personnages.
L'épisode du Roi Faucon gagnerait à être un peu plus descriptif cependant. L'idée d'une cité centrée sur le temps, c'est une idée intéressante, qui a aussi le mérite de reprendre des éléments de la saison 2 dont on se demande bien à quoi ils pouvaient servir (le fameux laboratoire en Chine :roll: )
C'est malheureusement tout le pitch de cette fic. Dès le début, je vous embarque dans l'histoire sans explications, en faisant comme si vous aviez déja pris connaissance d'une hypothétique saison 4. Ca fait un peu bordélique où je balance des éléments au hasard, mais on y gagne un temps fou en économisant sur les expositions, surtout quand les persos sont censés déjà tout savoir. Et puis ca vous permet d'imaginer l'intrigue, vu que j'ai pas le talent nécessaire pour faire une "vraie" saison. (pour l'instant.) Peut-etre qu'un jour je développerai, ce serait assez original.
Encore merci pour ta lecture! Pour te remercier ainsi que tous les autres, voici la suite.


:condor: Chapitre 11: Quand les Etoiles s'Effacent :condor:

Esteban se pencha sur le tableau de commandes, parvenant à déchiffrer une autre ligne du texte obscur qui s'y affichait.

« Inclinaison...200 degrés nord. »

« – 200? »

Pris d'un doute, Tao releva la tête des commandes du miroir, pour regarder par dessus son épaule.

« Ça, c'est 20. Le signe des centaines a trois traits. »

« – Ah oui, mince. »

Il retourna à la console de commandes pour corriger l'inclinaison, et les lentilles et miroirs pivotèrent légèrement afin de tourner la lunette astronomique vers le nord.

« Portée...15,28 distans. Ça fait combien de coudées, déjà? »

« – Beaucoup, c'est tout ce que je peux te dire. »

Esteban appuya sur une autre touche, et une nouvelle ligne apparut, pleine d'instructions qu'il s'affaira de déchiffrer à nouveau.

Affairés sur les commandes du miroir d'éther, les garçons essayaient depuis des heures de trouver le bon angle pour le réactiver après son long sommeil, se servant de guides trouvés de part et d'autre dans la salle des cosmovisions. Si au départ, la gigantesque lunette leur avait semblé facile à utiliser, ils s'étaient vite embourbés dans tant de calculs, de mesures précises et d'instructions en ancien muen qu'après tout ce temps, ils n'avaient toujours pas réussi à le faire regarder là où ils voulaient. Il fallait dire que la complexité d'un tel engin les dépassait, sans doute car il avait été conçu pour des érudits confirmés et non pour de simples enfants.

Au bout d'une longue série de modifications, Tao appuya sur un gros bouton, et le mécanisme s'enclencha, les miroirs et les lentilles s'affairant de plus belle...avant de s'arrêter net.

« Encore! Mais qu'est-ce qu'il veut, à la fin!? »

Esteban soupira, bien décidé à baisser les bras. Il n'était vraiment, mais vraiment pas d'humeur à essuyer les caprices de cette vieille machine. Tout ça pour quoi?

« J'abandonne. », déclara-t-il. « Je vais voir si Zia a eu plus de chance. »

« – N'y compte pas! », fit la voix de Zia depuis une autre pièce. « Crois-moi, j'ai mal aux yeux à force de regarder ces machins un par un. »

Alors quelle idée de venir visiter une Cité d'Or presque entièrement faite de miroirs? Non pas qu'Esteban se plaignait, car ici au moins il saurait ce qui l'attendrait.

Il jeta un œil par la fenêtre pourpre. Du haut de cette tour d'observation, il ne voyait rien, du moins en apparence. Perchée en haut de la montagne, la Cité avait recouvert ses parois de miroirs qui renvoyaient le bleu-gris du ciel couchant, lui donnant effectivement l'air invisible. Et il fallait un œil aiguisé pour repérer les petits détails qui le laissaient voir, comme un nuage un peu trop symétrique ou un rayon de soleil qui se réfractait bizarrement. Mais pour quelqu'un qui ne serait pas averti, la tour se dressait effectivement au milieu des nuages, si haut qu'on ne voyait rien de ce qu'il y avait en dessous. Juste le vide.

Il y avait là de quoi apeurer de plus courageux encore qu'Esteban. Il releva la tête, essayant de ne pas songer à la hauteur monumentale à laquelle il se trouvait, et repensa à la Cité telle qu'il l'avait vue il y a quelques mois. Il se souvint des tours dorées, des dômes de verre pourpre qui s'étendaient en fractales complexes, des multiples instruments d'observation qui agrémentaient ses hauteurs vertigineuses. Perdue dans les nuages de l'Olympe, la Cité d'Or se dressait sans crainte de la gravité, comme si rien ni personne ne saurait la détrôner. Ses tours lui avaient alors semblé comme les doigts d'une main tendue, qui voulait attraper le ciel et le tenir dans sa paume, pour en tirer tous les secrets de l'univers et des étoiles. Pour devenir un havre de connaissances et de secrets, un lieu où le futur serait aussi certain que le passé, où toutes les questions jamais posées depuis l'aube de la parole trouveraient leur réponse.

Ainsi perchée au contact des étoiles, Aitheras la savante était l'oracle convoitée de tous. En son sein se trouvaient des réponses pour lesquelles des guerres avaient éclaté.

Esteban se détourna de la vitre, ne voulant pas tenter le destin avec une nouvelle crise de vertige. Il fit quelques pas au hasard dans la grande pièce, ignorant la voix agacée de Tao qui essayait de faire fonctionner le miroir d'éther, et porta son attention sur une autre machine. Un autre gigantesque miroir, celui-ci d'une teinte pourpre, trônant au cœur d'un système de commandes et de globes de verre décorés de constellations. À quoi pouvait-il bien servir? Il approcha sa main de l'un des globes, et le miroir se mit à luire, sa surface se couvrant de mots et de signes.

« Allons bon, encore de la lecture. », soupira-t-il.

Il remarqua un grain de poussière sur le miroir, et se pencha pour l'essuyer du pouce. C'est alors que le texte bougea, se déplaçant vers le haut comme si Esteban l'eut repoussé d'un simple mouvement de son doigt. Il ouvrit de grands yeux surpris, mais sa curiosité le poussa à réessayer. Et en effet, les caractères lumineux se déplaçaient au gré de ses doigts, par simple pression sur le miroir.

« La technologie des Anciens me surprendra toujours. »

Il regarda autour de lui, pour s'assurer que Tao ne l'ait pas entendu. Puis il continua de parcourir ce qui lui semblait être une liste de noms de langues, jusqu'à finalement tomber sur l'espagnol. Et d'une pression de son doigt, le reste de l'interface devint soudainement beaucoup plus compréhensible.

« Il était temps! »

Le miroir n'affichait que quelques explications très sommaires, ainsi qu'une boîte de texte. Il n'y avait pour toute commande que cette simple phrase: Posez votre question.

Esteban réfléchit un moment, se demandant de quelle question il s'agissait. Cette machine pourrait-elle lui répondre? Il regarda autour de lui, avant de se rappeler qu'en effet, il en avait une. Il se pencha sur le clavier, entra sa demande lettre par lettre en essayant de ne pas faire de fautes.

« Combien de coudées vaut un distan? »

Un petit instant se passa, avant que la réponse ne s'affiche.

« Un distan muen vaut 21531.1 coudées espagnoles. »

Tant que ça!? Esteban regretta ce qu'il avait pu penser du miroir d'éther, car une lunette d'une telle portée travaillait très dur pour en arriver là.

« Qu'est-ce que tu as trouvé? », demanda Zia, qui sortait enfin de son exploration de tubes de verre.

« – Je crois que ce miroir peut répondre à n'importe laquelle de tes questions. Enfin, je crois. »

« – N'importe laquelle? Ça me semble beaucoup. Une machine ne peut pas tout savoir. »

Esteban haussa les épaules.

« Une machine, ça ne sait rien, ça ne fait qu'obéir. Attends, je vais lui demander si elle sait qui tu es. »

Il posa sa question, et le miroir ne réagit pas. Esteban leva les mains comme pour prouver son point.

« Tu vois? On s'était trompés. »

Mais quelques secondes plus tard, un paragraphe de texte lumineux apparut sur le miroir, les surprenant tous deux. Et au fil de sa lecture, Zia changea rapidement d'opinion.

« Zia de Puna, née le 18e jour de Coya Raymi de l'an 1520 à Chimon. Fille de Camayo de Puna et Amaru de Qullasuyu. Porteuse du Médaillon du Soleil, Princesse du Cycle, héritière du Pouvoir des Rois. »

Tous deux s'échangèrent un regard. Et Zia éclata de rire.

« Je savais bien que j'étais plus âgée que toi! »

« – Tricheuse! Quelques mois, ça compte pas! »

« – Ça compte pour moi. »

Et elle lui appuya sur le nez en signe de taquinerie. Esteban roula des yeux.

« Cette machine doit sûrement lire les pensées, ou quelque chose comme ça. Je suis sûr qu'elle n'a fait qu'afficher ce que tu savais déjà. »

« – Comment le savoir? »

Un bruit retentit alors, venant de Tao qui s'affairait toujours sur la lunette astronomique. Apparemment, soit quelque chose était tombé, soit un coup de pied frustré avait été décroché. Ils se regardèrent à nouveau, et Esteban entra une autre question. Quelques secondes plus tard, la réponse s'afficha.

« Taokan, né le 16e jour de Foxcalt de l'an 1520 à Quito. Fils adoptif de Kukulkan le Voyageur. Sage du Cycle, naacal, apprenti alchimiste, gardien des Savoirs. »

« Hé, c'est moi, ça! »

Ils se retournèrent vivement, et virent que Tao s'était joint à leur groupe.

« Et...c'est la vérité? », demanda Esteban, curieux de connaître la précision du miroir et pressé de changer de sujet.

Tao haussa les épaules.

« Ça me semble correct. Quoique, j'avoue ne pas savoir où je suis né, donc si cette machine peut le dire... »

Il y avait quelque chose de gênant dans le fait de se faire lire comme un livre ouvert par une machine sans visage. Comme si ce miroir ne reflétait pas leurs visages, mais leurs âmes, leurs histoires. Leurs vérités.

Il savait des choses que personne d'autre ne savait. Il pourrait dévoiler tous les secrets perdus.

Les doigts d'Esteban bougèrent sans qu'il ne les contrôle. Et la réponse ne se fit pas attendre.

« Esteban Wayra Kardillios, né le 21 décembre de l'an 1520 à Huanchaco. Enfant de Athanaos Kardillios et Killa l'Acllacuna. Porteur du Médaillon du Soleil, Héros du Cycle, détenteur de l'Or des Atlantes. »

Là. Juste devant lui, il pouvait lire tant de choses qu'il n'avait jamais sues, pas même de son père. Sur simple mouvement de ses doigts, cette machine lui avait révélé son vrai nom, ses jour et lieu de naissance, jusqu'au nom de ce pouvoir solaire qu'on lui attribuait. Comme si ce n'était pas un problème pour elle.

Qu'est-ce qu'elle pourrait bien lui apprendre d'autre sur lui-même?

Derrière lui, Tao et Zia s'étaient détournés de lui, parlant avec entrain de cet appareil et de ce qu'ils pourraient lui demander. Mais Esteban les entendait à peine, toujours fixé sur le miroir pourpre comme si en détourner les yeux apporterait sa perte. Lentement, il fit glisser le court texte vers le haut, et plus encore apparut au fur et à mesure, s'affichant en lettres de lumière.

Sa vie défila devant ses yeux. Écrite de manière sommaire, presque encyclopédique, il vit son enfance au monastère, sa première navigation vers le Nouveau Monde, sa rencontre avec Zia et Tao, et tout ce qui lui est arrivé depuis. Chine, Japon, Inde, Perse, Égypte, Grèce, tout y était. Il lut en diagonale leur première, puis leur deuxième visite des cités, l'une après l'autre, comme si quelqu'un l'avait suivi depuis tout ce temps afin d'écrire sa biographie. Il défila le texte jusqu'à la mention de son retour à Aitheras, et pendant un temps se contenta de contempler le miroir; mais il se rendit alors compte que le texte continuait.

Le miroir ne faisait pas que raconter son histoire; il racontait également ses actions futures.

Son doigt glissa ne serait-ce qu'un tout petit peu. Il lut quelque chose concernant le miroir d'éther, impliquant qu'ils réussiraient à le faire fonctionner. Curieux, il le fit défiler rapidement, et vit qu'il y en avait encore des paragraphes entiers. Le texte courait trop vite, mais son œil put glaner des morceaux éparpillés de son propre futur au fil des mots.

« -rejeter le rôle d- »

« -séparation durera plusi- »

« -mariage, selon la tradi- »

« -naissance de son deuxième- »


Esteban ne ferma les yeux que beaucoup trop tard. Sa main s'abattit brutalement sur le miroir, et celui-ci s'arrêta de défiler, avant de s'éteindre. Tao et Zia se tournèrent vers lui, sans comprendre ce qui venait de se passer.

« Esteban? Est-ce que...tout va bien? »

« – T'as lu quelque chose qu'il fallait pas? »

Il ne sut pas répondre. Avec précaution, il regarda entre ses doigts, et vit que le texte avait disparu. Il releva la tête avec soulagement, mais même ce moment de repos ne pouvait pas effacer ce qu'il avait vu. Des bribes et des fragments de son avenir, qui lui en disaient déjà beaucoup trop.

« Ce miroir sait tout. », dit-il lentement. « Même ce qui n'est pas encore arrivé. »

Ses amis semblèrent comprendre. Zia posa sa main sur son épaule.

« Tu y as vu de mauvaises choses? »

« – J'en sais rien. J'ai juste parcouru... »

Il détourna le regard, se sentant honteux sans savoir pourquoi.

« Est-ce que je devais? Est-ce que j'avais le droit de savoir? »

« – Imagine si une malédiction s'abat sur toi, désormais! »

« – Mais non, ne sois pas bête. Aucune malédiction ne t'attend, Esteban. Tu as l'occasion de savoir ce qui va t'arriver, c'est normal que tu aies envie de savoir. »

Elle serra ses bras autour de ses épaules, pour le réconforter.

« Tout le monde s'inquiète pour son avenir. C'est humain. »

« – Mais ce n'est pas juste. », rétorqua-t-il. « On ne lit pas un livre dont on connaît la fin. C'est...c'est de la triche, c'est tout! »

Il baissa la tête, ne sachant pas quoi dire d'autre. Il ne savait pas pourquoi, mais il détestait l'idée. Il s'inquiétait certes pour son avenir, pour ce qui allait lui arriver, mais il y avait toujours une chance que les choses se passent bien. Qu'allait-il faire s'il lisait son propre livre, et voyait que les choses se passeraient mal? Il n'avait pas atteint la fin du texte, mais s'il l'avait fait? Comment réagirait-il en apprenant le jour et le lieu exacts de sa mort?

Au bout d'un temps, Tao se joignit à l'étreinte, essayant de le calmer à son tour.

« Rien n'indique que cette fin est vraiment la tienne. Peut-être que c'est juste une spéculation. »

« – Mais tout le reste est vrai! Alors pourquoi pas la fin? »

« – C'est stupide. L'avenir n'est jamais fixé. S'il l'était, ça voudrait dire que rien de ce qu'on fait n'a d'importance. Et c'est un peu trop déprimant pour être vrai, non? »

Il ne répondit pas, ne sachant plus quoi penser. Il essaya donc de ne penser à rien, et de défaire ce choc qu'il ressentait encore. Il n'avait fait que lire en diagonale, ses yeux lui auront joué des tours. Rien ne lui disait qu'il rejetterait un quelconque rôle, se séparerait de ses amis, se marierait et aurait au moins deux enfants. Ce n'étaient que des morceaux de phrase sortis de leur contexte! Ils avaient très probablement un autre sens, qui lui apparaîtrait le moment venu.

« Allez, va. Tu n'as pas à t'en faire. Ton futur t'appartient, et aucun miroir ne pourra te dicter ton destin. »

« – Et si il essaye quand même, on t'aidera à changer le futur. On se battra contre les prophéties, on écrira les nôtres! »

À force de promesses et de pensées positives, Esteban finit par se relever, prenant une inspiration profonde.

« Ouais. », admit-il. « Rien n'est fixé d'avance. Pas même les choses les plus sûres. »

« – Tu vois bien! Allez, cesse de te lamenter et demande donc quelque chose de plus difficile. Par exemple, quelle croyance est la bonne, ou bien est-ce qu'un jour on pourra aller dans l'espace. »

« – On pourrait aussi lui demander de résoudre des paradoxes! Est-ce qu'un zèbre est noir rayé de blanc, ou blanc rayé de noir? »

« – Les hommes descendent-ils vraiment des singes? »

« – Qu'est-ce qui nous attend après la mort? »

« – Hé, doucement! », intervint Esteban. « Ne soyons pas si gourmands, sinon plus rien n'aura d’intérêt. »

Il avait besoin de se détourner de cette tentation facile. Il se leva de son siège, et laissa ses amis sur place, se dirigeant vers le miroir d'éther.

Il savait que la machine finirait par fonctionner. Il le savait, non pas car le miroir pourpre le lui avait dit, mais car il en était convaincu. Il réexamina les commandes, vérifia la position des lentilles, et se rendit alors compte d'un détail qu'il n'avait pas remarqué avant: dans les rouages du système, un objet intrus coinçait les miroirs pivotants, ce qui bloquait la mise en route. Il y aventura la main avec une grande précaution, et finit par retirer le coupable. Une petite plume verte toute froissée.

« Pichu, à l'avenir, évite de te percher n'importe où. »

« – Rrk, désolé! »

Heureusement, ce n'était rien de grave. Il remit le miroir en route, et cette fois-ci, le mécanisme fonctionna, les lentilles de la lunette pivotant et s'ajustant comme celles du luminarion d'Ambrosius, focalisant la lumière. Et au bout de quelques secondes, le miroir d'éther s'alluma, leur montrant une image nette du ciel du soir.

« Ça fonctionne! Quel génie tu fais, tu sais ça? »

« – Bah, ce n'est rien de génial. »

Tao reprit sa place aux commandes du miroir, et hésita un moment. Il fallait rentrer des coordonnées.

« Comment s'assurer qu'il fonctionne? »

« – Il faudrait tester...attends. »

Esteban se pencha sur le clavier, et entra les quelques coordonnées qu'il connaissait. Il ne s'y connaissait guère en longitudes et latitudes, mais avait vu faire Mendoza plus d'une fois.

« Voilà. »

Le miroir d'éther s'activa, et le paysage qu'il affichait changea, revenant sur la terre et s'approchant peu à peu de sa destination.

« Comment est-ce qu'il marche? », demanda Zia.

« – Je n'ai pas très bien compris. Mais je crois qu'il se sert de l'éther qui englobe notre monde comme d'un gigantesque miroir. Avec ça, on peut regarder où on veut sur Terre. »

Zia haussa un sourcil, et Esteban calma le millier de questions qu'il sentait se poser dans sa tête.

« Ça n'a aucun sens, mais n'y réfléchis pas trop. »

« – C'est pas plus bête que le Grand Condor. », ajouta Tao, s'étirant les bras.

La longue-vue tâtonna encore un moment, passant d'un grand paysage à une vue plus restrictive, et au bout d'un temps, elle se stabilisa. Sur le grand miroir, les enfants avaient désormais une vue en temps réel du port de Barcelone, comme s'ils y étaient.

« C'est vraiment incroyable… On peut vraiment regarder partout où on veut? »

« – Partout. Ou presque. »

Les mains aux commandes, Tao parcourut la ville à vol d'oiseau, se déplaçant au gré des rues vues du dessus. L'appareil était si précis qu'il permettait de distinguer les visages des passants, et Esteban en reconnut quelques-uns qu'il connaissait de vue. Il aurait pu se perdre dans cette contemplation, s'il n'y avait pas leur objectif.

« Bon. On sait que ça marche...maintenant, on a quelque chose à trouver. »

Tao entra des coordonnées obscures qu'il avait copiées dans son livre, et le miroir erra à nouveau. Il finit par s’arrêter sur un coin de l'océan visiblement vide, que rien ne semblait troubler ni rendre exceptionnel. Une mer calme, de nuit, avec un bout de terre visible à l'horizon.

« Et...où est-ce que c'est? »

Zia se pencha sur un second miroir adjacent.

« Les îles des Hjaltland. Ou du moins, la mer environnante. »

« – On n'a qu'à demander au miroir pourpre où c'est. Au moins, on sait où aller. »
Tao continua d'observer les alentours, afin de dessiner une carte approximative de l'île. Zia se releva, regardant la nuit s'assombrir peu à peu derrière les vitres de la tour d'observation.

« Il se fait tard. Avant qu'on aille se coucher, tu veux bien m'aider? J'ai envie d'étudier les lumières figées d'un peu plus près. »

« – Je te rejoins. », répondit Esteban. « J'ai juste...deux ou trois trucs à faire. »

Zia lui sourit, et repartit observer ses tubes de verre. Si elle trouvait l'appareil pour les lire, elle pourrait facilement déchiffrer leurs secrets.

Esteban, lui, se tourna vers le miroir pourpre. La seule idée de pouvoir donner une réponse à toutes ses questions lui faisait s'en poser tant. Tous les doutes, toutes les inquiétudes qu'il a jamais eues pourraient enfin se terminer, et il n'avait qu'à presser les bonnes touches pour connaître tout ce qu'il a toujours voulu savoir.

La curiosité n'était guère une qualité. Et même en sachant que ça apporterait sa perte, il s'y plongea.

Il commença doucement, avec de petites choses. De petits doutes qu'il avait depuis longtemps, afin de tester les possibilités du miroir pourpre, et de voir s'il pouvait vraiment tout dire. Il apprit donc que la Terre n'était pas au centre de l'univers, que les zèbres étaient bel et bien noirs avec des rayures blanches, que Frère Fernando et Frère Marcelo avaient en effet eu une relation, et que le futur du monde en général ne serait guère brillant.

Mais malgré ces petites satisfactions, l'envie de savoir plus lui trottait en tête. Il avait besoin d'apaiser ces doutes qui montaient en lui, de savoir ce qui allait advenir de lui; en même temps, il avait peur de savoir, de tricher ainsi, de ce qui se passerait s'il se mettait à attendre son destin au lieu de le faire arriver. Il pourrait enfin savoir quel était son but, sa destinée, et s'il allait l'accomplir; mais il restait une chance qu'il n'aime pas ce qu'il y trouve, et qu'il parcoure sa vie avec cette déception en tête. Mais quel choix difficile! Qu'aurait fait Mendoza, à sa place?

« ... »

Il réfléchit un moment, et se décida. S'il n'était pas sûr de vouloir connaître la réponse à son existence, il pouvait au moins connaître d'autres réponses.

« Qu'est devenu Mendoza? »

Il se demanda s'il aurait dû préciser quel Mendoza, ce nom étant très commun. Mais le miroir pourpre n'en eut pas besoin, car il lui donna la bonne réponse du premier coup.

« Juan Carlos Mendoza se trouve à Valencia, en compagnie de Pedro Gutiérrez, Sancho Ribalta et Isabella Laguerra. Il est actuellement en train de défaire une conspiration du milieu aristocratique où s'est impliquée la famille Laguerra il y a plusieurs années. »

Esteban eut un sourire soulagé. Mendoza n'était décidément pas homme à rester et attendre sans rien faire, alors qu'il y avait de l'action à trouver partout. Au moins, il n'était pas en prison, ni blessé ni laissé pour mort dans une geôle sordide. Pedro et Sancho étaient avec lui, et sauraient l'aider en cas de besoin. Et on dirait bien qu'il a fini par se réconcilier avec Laguerra, s'il l'aidait avec ses affaires de famille. Tout allait bien. Esteban se sentait rassuré.

Et il ne voulait pas gâcher ce sentiment en essayant de connaître son destin, pour n'affronter qu'une déception majeure. Mais tout le soulagement du monde ne pouvait rien face à cette curiosité qui lui rongeait le ventre, qui le poussait à la tentation de poser la question de trop. Il y avait des choses que personne ne devait savoir, et c'était tricher que de se servir du destin de manière si égoïste. Oui, essayer de lire la fin de son livre serait égoïste, et allait à l'encontre de son devoir de Héros. Il ne devait pas céder. Les Cités d'Or ne le laisseraient pas faire.

Quoique, si tel était le cas, alors elles n'auraient pas laissé le miroir pourpre là où il pourrait le trouver et s'en servir, non?

Ah, mais qu'est-ce qu'il se disait!? Il ne devait pas. C'était mal. Personne ne devait connaître son propre destin, ça allait à l'encontre de...de quelque chose, il ne savait pas quoi. Il n'avait pas envie de savoir, c'est tout! Enfin, si, il avait envie de savoir, mais...oh, et puis zut.

Une seule question. Une seule. C'était tout ce qu'il s'accorderait, avant de se lever, d'aller aider Zia et de ne plus penser au miroir pourpre. Une seule entorse, une seule tricherie.

Il réfléchit. Il regarda le ciel au dehors, regarda ses amis qui s'affairaient chacun dans leur coin, regarda Pichu qui se nettoyait les plumes sur un autre appareil délicat, regarda le miroir qui affichait toujours la destination de Mendoza. Il y réfléchit longuement, avant de se décider à poser une question sur laquelle il n'aurait aucune influence.

« Qu'est-ce que l'on attend exactement de moi? »

Il se dit que c'était là une question trop générale, trop obscure, à laquelle le miroir pourpre ne pourrait pas répondre. Sans doute avait-il brisé la machine avec un tel paradoxe, plus encore que celui des zèbres.

Mais à sa grande surprise, au bout d'une demi-minute de silence, une réponse apparut.

« Vous ne pourrez pas satisfaire les attentes que l'on a de vous. Vous êtes trop âgé, trop averti pour obéir à la volonté de Mu. »

Esteban sentit son poing se serrer. Mais avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit, le texte continua de s'écrire.

« Il serait plus sage à ce stade de vous créer vos propres attentes et objectifs. »

Se créer ses propres attentes? Qu'est-ce que ça voulait bien dire?

Était-il censé comprendre que...de toute manière, sa quête était sans but? Où qu'il aille, quoi qu'il fasse, il n'arriverait jamais à accomplir la volonté de Mu, et qu'il ferait mieux d'abandonner?

« Mais tu te fiches de moi!? », dit-il tout haut.

Il sentit son cœur battre à ses tempes, ses doigts se crisper.

« J'ai fait tout ce chemin, accompli toutes ces prophéties, pour qu'au final on me dise que c'était inutile!? C'est ça, que je suis censé comprendre!?! »

D'un coup de rage montante, il frappa du poing sur le clavier, imprimant une série de caractères aléatoires sur le miroir. Sa respiration s'accélérait, comme sous l'effet du vertige, et l'espace d'un instant il se sentit tout aussi trouble. Ça ne pouvait pas être vrai! Ça ne se pouvait pas…

Il ne pouvait pas avoir fait tout ça pour rien!

Il enfouit son visage dans ses mains, essaya de se calmer, de retrouver la raison. Ça ne se pouvait pas. Il devait avoir mal compris, lu trop vite… Il regarda le miroir à nouveau, mais tout le texte avait disparu.

Il voulait s'énerver. Il voulait crier, pleurer, faire quoi que ce soit...mais à ce stade, il n'avait plus d'énergie. Il se contenta de soupirer profondément, son instant de colère lentement remplacé par le fait que tout ce qu'il avait entrepris ces dernières années n'avait servi à rien.

Maintenant...qu'est-ce qu'il pouvait faire? Abandonner? Tout laisser tomber, retourner dans son monastère et oublier qu'il en était jamais sorti? Gâcher toutes ses aventures, ses rencontres, tout simplement car il savait désormais qu'elles n'auraient aucun but?

« Esteban? »

Il se tourna. Tao et Zia le regardaient, avec le visage de ceux qui avaient tout vu de sa crise de colère. Esteban ne savait pas quoi leur dire, ou comment se justifier, donc il n'essaya même pas, et se contenta de se lever.

Le miroir pourpre avait touché là où ça faisait mal. Mais en même temps...il n'avait pas tort non plus. Et si Esteban voulait s'assurer de son destin, il lui faudrait appliquer ses conseils.

« Je sais ce qu'on va faire. », dit-il.

Ses amis le regardèrent avec inquiétude, et un peu de doute aussi. Mais il le leur pardonna.

« Si tout ce qu'on fait n'a aucune importance...alors on peut faire ce qu'on veut. On oublie ces histoires de cycles, et on reprend à zéro. »

« – On ne pourra pas faire ça si facilement. On a un objectif, enfin! »

« – Qu'il aille au diable! Si les anciens de Mu nous jugent incapables d'accomplir leur besogne, alors ils ne verront pas de mal à ce qu'on fasse passer la nôtre en priorité. »

Il se rappela sa première visite de la Cité. Sa découverte de la clé tirée de l'une de ces machines, la clé qui avait conduit le Kalium jusqu'à la ville sous-marine.

« Mais...qu'est-ce que tu comptes faire? », demanda Tao.

« – C'est simple. Ils veulent qu'on fasse sortir leur continent de la mer? On va le faire. »

Et malgré lui, il se prit à sourire. Un sourire teint d'une certaine malice.

« Mais ce ne sera pas celui auquel ils s'attendent. »

« – Attends, attends. Tu ne veux quand même pas dire que…? »

« – Oh que si. »

Esteban se tourna vers eux. Les mots de Karsha lui revinrent en mémoire, ainsi que ceux de sa famille. La promesse de se revoir un jour, et l'espoir qu'ils avaient placés en lui.

« On va remonter l'Atlantide des profondeurs. Et je pense même savoir comment. »



(Quoi comment ca je déballe mes headcanons. C'est vous qui remballez.)
Je ne sais pas si je finis l'histoire au chapitre 12 ou bien si j'en rajoute un. Tout dépendra de l'aléatoire. Je sais jamais où aller, et il y a tant de trucs que j'aimerais faire avec ce concept mais que je peux pas, parce que à un moment faut bien choisir ce qu'on va balancer aux lecteurs.

Un peu de concept art:
Les tours d'Aitheras, hors camouflage
Les tours d'Aitheras, hors camouflage
Sandentwins a écrit : 21 juil. 2019, 02:30 Sinon, on peut tenter la Grèce, lieu d'origine du mythe de l'Atlantide. Une Cité aux allures de temple antique, aux couleurs or et blanc, serait du plus bel effet. Et puis on peut recouper pas mal d'éléments de la mythologie grecque à la sauce MCO, même sans chercher très loin.

-Une Cité dans l'espace...bon là j'avoue, c'est un peu gros. Mais pourquoi pas une Cité-observatoire, un monceau de savoir astronomique? Un laboratoire étudiant de plus près l'énergie solaire et stellaire, la lune, tous ces éléments récurrents. Peut-être est-ce là que toutes les prophéties sont faites, d'après l'étude des étoiles? On peut aussi y expliquer le truc du Soleil et de l'étoile Coyolite dans la saison 1. Aux couleurs or et violet, du plus bel effet. Avec de hautes tours d'astronomie, et des représentations de l'espace bien stylées.
Le Miroir d'Ether
Le Miroir d'Ether
:condor: Le meilleur personnage de toute la série, c'est la mère d'Esteban.:condor:

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S2: 15/20
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nonoko
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Re: "Sa Machine Ailée" et autres histoires

Message par nonoko »

Bah ça commence à devenir fort intéressant, tu peux faire sortir ton continent !
Plein de petits détails sympas ( frère Marcelo...) Et surtout un effort pour rationaliser la 'magie' des cités, moi ça me va, avec un petit air faustien en prime.
"On savoure mieux ce qu'on a désiré plus longtemps, n'est-ce pas Mendoza?"
Unagikami mon amour
"It was a skyfall, and a rebirth, a bloody honeymoon, for both of us"
Yokai Circus
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