A la recherche de l'Empire perdu

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nonoko
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par nonoko »

Bravo pour les références et l'aspect 'scientifique' (qui me dépasse, j'avoue, va falloir que je relise ça à tête reposée). Sinon pour la gamine qui impressionne Ambrosius, tu t'es vraiment inspirée de qui je pense? Intéressant...(et sinon, intéressant aussi!)
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Xia
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par Xia »

Chapitre 3 : L’isthme del Darién


Été 1517, quelque part dans la mer des Caraïbes

Depuis plusieurs mois, la nef traversait le mythique océan où le Titan Atlas portait la voûte céleste sur ses épaules.
C’était en tout cas ce qu’avait raconté Athanaos à la jeune Isabella – Fernando s’était enfin décidé à dévoiler son vrai nom – lorsqu’elle lui avait demandé où ils se trouvaient. Il contait volontiers les histoires, qu’elles soient véridiques ou légendaires, qu’il connaissait. Du moins quand l’occasion se présentait. Et quand il avait un auditoire.
— Ainsi, tu viens de la Cour de Portugal ? lui demanda un jour Athanaos.
— Oui. Je suis portugaise de naissance mais seules mes origines paternelles sont portugaises. Ma mère a été offerte en cadeau par Vasco da Gama au roi Manuel lorsqu’il est revenu de l’Inde, expliqua la fillette, répétant ce qu’elle avait dit à Ambrosius.
Offerte…
Athanaos n’aimait pas ce mot. Mais c’était les usages de son temps. Lorsqu’un explorateur ou autre homme était mandaté par un souverain, il se devait de ne pas revenir les mains vides. Quitte à arracher un enfant à sa famille. Une pensée qui le dégoûtait au plus haut point.
Mais cette histoire lui rappelait surtout celle d’une femme qu’il avait connue dans le passé. Serait-il possible que…
— Comment s’appelait ta mère ?
— Kamala Mukherjee, répondit-elle, quelque peu étonnée par sa question.
L’alchimiste tressaillit à ce nom.
Kamala Mukherjee.
Ainsi c’était sa fille… La ressemblance était frappante, il aurait pourtant dû s’en douter.
— Comme elle est décédée à ma naissance, c’est son amie, Flor, qui m’a élevée, poursuivit Isabella. Elle m’a appris tout ce qu’aurait dû m’apprendre ma mère car elles étaient toutes deux préceptrices à la Cour. Et je possède la même instruction que la future reine !
— Que la future reine ?
— Oui. Quand je suis partie, une rumeur courait que le Portugal allait sceller une alliance avec son voisin grâce au mariage de l’infante Isabel et le roi des Espagnes Charles de Habsbourg, fit-elle, les yeux brillants d’admiration.
Tout en parlant, Isabella jouait machinalement avec les fioles d’Ambroise de Sarle.
Violettes, bleues, jaunes, vertes, rouges… Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel étaient réunies sur les étagères des parois de la nef. De quoi attiser la curiosité insatiable d’une enfant comme elle.
— Repose ça toute de suite, ordonna Athanaos d’une voix ferme. Si Ambrosius te voit avec…
Il préférait ne même pas imaginer. À contrecœur, la fillette remit les flacons à leur place.
— À moi maintenant de poser les questions ! Athanaos, est-ce un nom ou bien un surnom ?
— Un surnom, fit le dénommé en souriant. Je préfère qu’on m’appelle ainsi.
— Et puis-je savoir ton vrai nom ? demanda Isabella, le regard espiègle.
Mais quelle curieuse, celle-là ! Exactement comme sa mère !
— Athanase d’Éphèse, lâcha-t-il. Athanaos est une contraction de mon prénom, auquel j’ai rajouté le suffixe –os. Un clin d’œil à ma Grèce natale.
— En fait, c’est le même principe qu’Ambrosius et Ambroise de Sarle, réfléchit la jeune fille à voix haute. Il a rajouté un –ius latin parce qu’il est français !
— Tout à fait ! confirma l’alchimiste.
— Et mon père ?
— Oh lui… Il a changé son nom en Docteur simplement parce qu’il aime se vanter qu’il est le premier de nous trois à avoir déchiffré le langage de Mu.
— Est-ce quelqu’un pourrait enfin m’expliquer de quoi il s’agit, ce fameux langage de Mu ?
Alors qu’Athanaos allait lui répondre, la voix tonitruante d’Ambrosius résonna dans la salle.
— ON A BESOIN DE VOUS EN HAUT !
— Ne t’en fais pas Isabella, lui dit-il en posant la main sur son épaule. Tu sauras tout quand on sera arrivé à Ormuz.

Les mots lui avaient écorché la bouche. Devoir admettre – surtout devant Fernando – qu’il avait besoin de celle qu’il avait qualifiée quelques instants plus tôt de « malédiction » était plus fort que lui. Mais s’il voulait passer dans l’embouchure comme prévu, il allait avoir besoin de plusieurs personnes. Deux de chaque côté. Et quatre au total, cela impliquait Laguerra junior.
Tout allait bien jusqu’à l’heure précédente.
Ambrosius au gouvernail, le Docteur sur le pont, tous deux surveillaient la mer. Le premier scrutait l’horizon de ses yeux perçants derrière ses lunettes, cherchant son détroit.
Toujours rien.
Il ne s’était quand même pas trompé. Pas encore !
Soudain, le Rio Chuchunaque apparut au loin et l’alchimiste poussa un soupir de soulagement… pendant que le deuxième continuait son monologue.
Fernando avait encore essayé de l’amadouer au sujet d’Isabella, cette fois en peignant un tableau péjoratif de la vie à la Cour de Portugal :
— Tu ne te rends pas compte Ambroise ! Sa nourrice vient de mourir. Et il parait que les enfants illégitimes comme elle sont considérés comme pire que des esclaves ! Imagine un peu ce qu’il serait advenu de ma fille si elle était restée là-bas sans protectrice !
— C’est toi qui ne te rends pas compte : les femmes à bord des navires portent malheur ! Je n’ai pas envie de couler ! répliqua le petit homme.
Après un court moment de réflexion, il reprit :
— Elle porte ton nom. Elle n’est donc pas illégitime.
— Sa mère et moi n’étions pas mariés. Même si je l’ai reconnue, elle est illégitime aux yeux de Dieu. Enfin du curé.
— Ah…, fit évasivement Ambrosius.
Mais le Docteur sentait que son ami n’était pas vraiment convaincu.
J’aurais dû inventer autre chose que ça, maugréa-t-il.
— C’est vrai que ce genre d’enfants est pire que des esclaves ?
Fernando leva les yeux au ciel.
Ce genre d’enfants !
Ambrosius aurait pu trouver autre chose comme expression, tout de même ! Non, en vérité, il n’en savait rien et s’en moquait. Mais la voix d’Ambroise s’était faite plus douce. Aussi il décida d’enfoncer le clou :
— Oui : bons à faire la cuisine, le ménage et toutes les corvées que les serviteurs rechignent à faire.
— Si tu me l’avais dit tout de suite, je l’aurais acceptée de bon cœur…
Mais l’un comme l’autre savait pertinemment que c’était faux.

Athanaos et Isabella arrivèrent sur le pont au moment où les rives du Rio Chuchunaque s’élargissaient, ce qui amena un large sourire sur les lèvres d’Ambrosius.
— Et voilà mon passage ! s’exclama-t-il en écartant les bras en signe de triomphe.
— Et tu as besoin de nous pour admirer la vue ? ironisa Athanaos.
Ambrosius lui jeta un regard noir.
— Non. D’après les écrits de Vasco Núñez de Balboa en 1513, c’était surtout les pirogues indiennes qui utilisaient cette brèche. Les explorateurs eux-mêmes ont eu du mal à franchir ce fleuve. C’est étroit pour une nef comme la mienne. Et je n’ai pas envie d’accident, lança-t-il à l’attention du Docteur qui comprit très bien le sous-entendu. C’est pour ça que j’ai besoin de vous. S’il vous plait…
— Si tu pouvais répéter la dernière phrase, nous le ferions avec un grand plaisir, fit le Grec, moqueur.
— N’abuse pas de ma patience…, siffla Ambrosius entre ses dents, tandis qu’Isabella fixait la pointe de ses bottes pour ne pas éclater de rire.
— Très bien ! Nous, on prend la gauche, vous la droite.
J’aurais préféré le contraire, grommela l’alchimiste.

Il leur fallut plus d’une demi-journée, et avec l’aide d’autochtones conciliants – ce qui surprit Laguerra, tant les étrangers étaient mal perçus par la population indigène –, pour traverser les deux cent trente kilomètres qui les séparaient de la Mer du Sud.
Les trois hommes étaient descendus dans la pièce principale de la nef pour discuter de leur expédition. Du moins, c’est ce qu’avait supposé Isabella, restée seule sur le pont. Elle était surtout sensée vérifier que le bateau ne rencontrait aucun obstacle, car Ambrosius n’était pas certain que tout danger soit écarté. C’était la première tâche qu’il lui donnait à accomplir depuis leur rencontre quelques mois plus tôt, et elle ne voulait en aucun cas que ça ne soit la dernière.
Mais l’esprit de la jeune fille vagabondait malgré elle et elle était plus occupée à regarder le lointain que les alentours du navire. Sous ses yeux, l’astre solaire se couchait sur la vaste étendue d’eau qui se prolongeait à l’infini. Elle en restait bouche-bée. Ce n’était pas le genre de choses que Flor aurait pu lui apprendre. Pas dans les livres en tout cas.
— C’est tout simplement magnifique, murmura Isabella à voix basse.
— Oui. Cette mer est calme. Je dirais même pacifique, acquiesça une voix derrière elle.
Elle sursauta. Bien qu’elle eût pourtant l’ouïe fine, elle n’avait pas entendu l’ami de son père arriver.
— Elle a surtout l’air d’avoir la taille d’un oc…
— AAAAAHHHHHHHHH !
Au cri que poussa Ambrosius, ils se précipitèrent dans la salle principale. À l’intérieur, une épaisse fumée noirâtre les empêchait de discerner quoique ce soit. Mais lorsqu’ils eurent fini de tousser et leurs yeux de picoter, Isabella et Athanaos restèrent sans voix.
Modifié en dernier par Xia le 29 juin 2021, 17:51, modifié 2 fois.
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par nonoko »

Le nom d'Athanaos et les origines d'Isabella, bien vu! :D Mais pourquoi avoir choisi Ephèse, cité grecque d'Asie mineure?
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Message par Akaroizis »

Je suis fan, tout bonnement.
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par Xia »

nonoko a écrit : 19 janv. 2017, 20:36 Le nom d'Athanaos et les origines d'Isabella, bien vu! :D Mais pourquoi avoir choisi Ephèse, cité grecque d'Asie mineure?
:lol: Je trouvais ce nom joli, presque homérique... :lol:
A la base, je voulais une cité dédiée à Poséidon... Mais tordue comme je suis, je trouvais ça trop facile ! :shock:
Au final, j'ai trouvé le philosophe grec Héraclite d'Ephèse qui a inspiré une partie du Timée de Platon (donc de l'Atlantide).
J'ai donc fait un "mixage" des plus importantes personnalités de cette cité (philosophes, géographe, poètes) pour faire mon personnage d'Athanaos. Et il y a la fameuse bibliothèque de Celsus, troisième plus grande bibliothèque du monde antique. Bref, de quoi faire d'Athanaos un parfait alchimiste :tongue: !

Akaroizis a écrit : 19 janv. 2017, 23:38 Je suis fan, tout bonnement.
Ravie d'avoir trouvé un fan !!!
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par Xia »

Chapitre 4 : Les deux diables


— ALORS CETTE FOIS, C’EN EST TROP ! TOI, TU NE REMETTRAS PLUS JAMAIS LES PIEDS SUR CE BATEAU !
Au milieu des débris qui jonchaient le sol, ce qui ressemblait à Ambrosius hurlait de toutes ses forces en pointant la fille de son ami d’un doigt menaçant.
— Arrête de crier après Isabella ! Si tes fioles sont tombées, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ! Fabrique des vitres incassables ou je ne sais quoi d’autre, mais range tes flacons ! Ce n’est tout de même pas la faute de ma fille si…
— Oh que si ! Il me semble que c’est elle qui devait surveiller s’il n’y avait rien autour de ma nef ! Qu’est-ce qu’on a heurté Athanaos ?
Mais ce dernier avait beau cherché ce qui aurait pu provoquer ces dégâts, il ne savait quoi répondre. Il n’avait pas senti de secousses, ce qu’apparemment n’était pas le cas de l’alchimiste, ni entendu de bruit. Donc rien a priori. Sauf peut-être lorsqu’il discutait avec la jeune fille.
— Il n’y a rien eu. J’étais avec elle. Et elle n’a pas touché à tes fioles, rajouta Athanaos avant qu’Isabella n’ait pu ouvrir la bouche.
Les différents flacons qui avaient tant intéressé « Laguerra junior » s’étaient brisés sur le sol, et leurs contenus – gazeux pour la plupart – s’étaient mélangés entre eux. Et ce dernier n’avait visiblement pas fait très bon ménage.
Fernando Laguerra et Ambroise de Sarle avaient été tous deux aspergés d’une substance dont on n’aurait pu dire le nom, qui les avait rendus orange de la tête aux pieds et dont on ne distinguait plus que la fente des yeux.
— Préparez-nous un bain qu’on essaye de se laver…, fit le premier en soupirant.
— … en espérant que ça ne soit pas indélébile ! renchérit le second en maugréant.

Isabella avait mis plus de trois heures à blanchir les vêtements des deux hommes.
Pendant ce temps, ses pensées allaient de la colère d’Ambrosius à une phrase qu’avait laissée échapper Flor quelques années auparavant. D’après elle, sa mère aurait fréquenté un Athanase peu de temps avant de faire la rencontre de Fernando Laguerra. Aussi se plaisait-elle à rêver d’une éventuelle parenté entre Athanaos et elle. Après tout, Athanase n’était pas un prénom courant, surtout au Portugal.
Un cousin, un oncle ? Ou peut-être même un lien plus proche ? Cette dernière idée la fit sourire. Oui, si elle pouvait se choisir un père entre le vieux ronchon rabougri et l’élégant homme toujours radieux de l’étage intérieur… Eh bien, le dilemme était vite résolu !
Lorsqu’Athanaos monta sur le ponton de la nef, Isabella l’interrogea de ses yeux bruns :
— La pigmentation commence à disparaitre. Où en es-tu avec les habits ?
— Ils seront bientôt secs. Mais avec l’humidité de la mer, j’ai bien peur qu’ils n’aient rétrécis. Cette fois, j’en suis sûre : Ambrosius va me tuer ! grimaça-t-elle.
L’alchimiste lui jeta un regard navré. Elle avait raison : il en était bien capable.
— Redescendons voir où ils en sont.
Isabella prit chemises, pantalons et chausses et suivit Athanaos vers l’échelle. En bas, les deux malheureux compères étaient sortis de leur bassine, laquelle l’eau s’était teintée d’une couleur cuivrée, presque marron.
— Tu vois, Ambrosius : tout est redevenu comme avant. Inutile d’en faire un drame, fit le seul qui n’avait pas été victime de l’incident, cherchant à détendre l’atmosphère électrique de la pièce.
— Tout sauf les cheveux ! s’écria ce dernier en désignant le haut de son visage.
— On a eu beau savonner : impossible de ravoir nos cheveux, expliqua le Docteur.
— Regarde de quoi on a l’air maintenant ! De diables !
Ambrosius jeta un regard assassin à Isabella, restée en retrait sur les conseils d’Athanaos, tant il savait son ami capable de l’étrangler.
Tandis que ses compagnons s’habillaient, l’alchimiste resta songeur. La remarque d’Ambroise de Sarle avait fait resurgir une scène de son passé qu’il avait délibérément enfouie au plus profond de lui-même deux ans plus tôt.


Novembre 1515, Barcelone, royaume d’Espagne

Lorsqu’il entra dans la taverne, un brouhaha assourdissant remplissait la salle, où fusaient des insultes venues de toutes parts. Visiblement, ce lieu n’était pas seulement un endroit pour boire et discuter, c’était surtout l’endroit idéal pour déclencher une violente altercation loin des yeux et des oreilles de la garde royale.
Athanaos s’assit à une table, vers laquelle accourut aussitôt un petit homme rondouillard.
— Ne faites pas attention, compère. Nous avons des marins milanais aujourd’hui. Alors associés à des Espagnols, des Français et des Vénitiens, ça donne ça, dit-il en désignant l’assemblée du menton. Ils cherchent le nom de la bataille qui les a opposés il y a deux mois. Mais ivres comme ils sont, ils sont incapables de s’en rappeler. Vous n’auriez pas une idée ? continua l’aubergiste, les yeux remplis d’espoir.
En effet, des noms de villes, plus absurdes les uns que les autres, étaient criés à tue-tête.
— Non, répondit l’homme vêtu de rouge d’un air navré.
— Tant pis, fit Rico, déçu. Je vais devoir me les coltiner toute la soirée.
Merichan, Malligan, Morigan, … Tout y passa.
— MAGELLAN ! s’écria soudain quelqu’un.
— Imbécile ! Magellan, c’est le nom du cinglé qui veut faire le tour de la Terre ! Va surtout s’casser la figure au bout d’la mer. Elle est plate, j’te dis !
— Non, elle est ronde ! Tous les marins savent ça ! Mes neveux veulent le suivre plus tard.
— Quoi ?! Sancho et Pedro ? Ben, vont s’casser la figure avec ! affirma l’autre en haussant les épaules.
— Y a qu’l’Église qui nous empêche de dire c’qu’on sait depuis toujours : les mâts apparaissent avant le reste. Donc elle est ronde. Et mes neveux n’vont pas se casser la figure !
— Laisse tomber, Hernández, dit Rico en haussant les épaules. Il en est à sa dixième chope. Il ne comprend plus rien.
Tandis que le tavernier s’éloignait en se disant pour la énième fois qu’il devrait changer de métier, une bohémienne s’approcha d’Athanaos.
— Laissez-moi vous tirer les cartes, mon ami, dit-elle en sortant un jeu de sa robe.
— Je ne crois pas à la bonne aventure, mais vous me le proposez si gentiment, je ne peux qu’accepter.
Alors qu’elle l’observait d’un œil moqueur, la vieille femme le laissa choisir huit cartes qu’elle disposa en étoile.
— Il ne s’agit pas de dire la bonne aventure : les arcanes nous donnent souvent une autre vision de la Vie que le Destin a choisi pour nous. C’est très instructif ! Grâce à ces connaissances, nous pouvons anticiper les évènements et donc avons le pouvoir de modifier leurs cours, fit-elle dans un sourire. En règle générale, bien sûr.
— Ce n’est pas le Tarot de Marseille habituel, remarqua Athanaos.
— Non en effet : il s’agit du Tarot égyptien. Je le trouve plus précis. On dit que c’est le dieu Thot qui s’exprime à travers ce jeu.
Effectivement, les huit tableaux tirés de la Kabbale ne ressemblaient en rien à ceux de la variante de Marseille. On y voyait des coupes, deniers, épées et bâtons. Le symbole le plus récurent selon lui était la femme et le serpent. Une référence à Ève ? Pas sûr…
La gitane retourna la première carte.
— La carte numéro 6 pour votre Situation présente. Vous cachez des secrets apparemment…
Elle continua :
— La 11 pour vous. C’est assez rare de tirer la Force pour soi-même. En revanche, la 18 pour les Autres n’est jamais bon signe…
— Qu’a-t-elle de si particulier ?
— Il s’agit de la Trahison.
Un frisson lui parcourut l’échine.
— Mais j’en saurai davantage une fois qu’elles seront toutes retournées.
Suivit la Prudence.
La femme aux turbans choisit d’autres cartes pour compléter son tirage.
— Les arcanes montrent une trahison à venir. Pas maintenant, mais dans quelques années. Après un heureux événement. Toutefois la naissance de votre fils sera suivie d’un grand malheur pour vous. Mais vous saurez y faire face grâce à la force qui est en vous, assura la bohémienne en souriant. Mais soyez prudent, mon cher : c’est parce que vous gardez jalousement votre secret que le Diable dort auprès de vous.
Si elle n’avait pas pris un air aussi grave, Athanaos aurait volontiers ri de bon cœur.
— Le Diable ? Rien que lui ?! Je pense tout de même que je saurai le reconnaitre !
— Ah, vous autres catholiques…, soupira-t-elle.
— Orthodoxe, rectifia l’alchimiste.
— Catholiques, orthodoxes, vous croyez tous aux mêmes Écritures… Ce jeu doit être interprété au sens figuré. Ne vous attendez pas à voir un homme cornu avec une queue fourchue ! Non : le Diable fait référence à Seth, notre dieu du Désert et du Mal. Il est roux. Ce n’est pas très courant par ici, ajouta-t-elle en balayant la salle de ses yeux perçants.
Il suivit son regard. Non, effectivement, ce n’était pas courant. Il fut sur le point de répliquer quand il se figea, incrédule.
Où était-elle passée ?
Autour de lui, il n’y avait que des marins, pas de gitane !
Athanaos se dirigea vers le comptoir de l’auberge et demanda, le cœur battant :
— Une bohémienne m’a tiré les cartes mais je n’ai pas eu le temps de la remercier. Où puis-je la trouver ?
Rico fronça les sourcils, l’air soupçonneux.
— Une bohémienne ? Ici ?! Ma parole, tu sors d’où, toi ?
— Cordoue, répondit l’alchimiste, qui ne voyait pas très bien le rapport avec celle qu’il cherchait.
— Ah, le pays des mahométans… Eh bien, sache, l’ami, que je n’ai pas envie d’avoir l’Inquisition sur le dos. Alors, les bohémiens et les diseuses de bonne aventure, ils restent à ma porte ! fit-il en haussant le ton. Eux, ils jurent parce qu’ils ont trop bu, mais vu que tu n’es pas d’ici, je ne te dénoncerai pas.
Comprenant le sous-entendu du tavernier, Athanaos le paya et se dirigea vers la sortie, manquant de percuter Hernández. Ce dernier lui décocha un clin d’œil qu’il ne sut comment interpréter. Se moquait-il de lui ou avait-il également vu la vieille gitane ?
Malgré un pressentiment persistant, il se jura d’oublier cet épisode de mauvais augure.
— MARIGNAN ! J’AI TROUVÉ, C’EST MARIGNAN ! cria celui qui s’était opposé à l’oncle de Sancho et Pedro, avant de s’affaler ivre mort sur son guéridon, sous les éclats de rire des occupants des tables voisines.
Modifié en dernier par Xia le 29 juin 2021, 18:54, modifié 2 fois.
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par nonoko »

si j'ai bien compris, Ambrosius et Fernando ont de sérieuses raisons d'en vouloir à Isabella, dis donc! :x-):
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par Xia »

nonoko a écrit : 25 janv. 2017, 22:23 si j'ai bien compris, Ambrosius et Fernando ont de sérieuses raisons d'en vouloir à Isabella, dis donc! :x-):
Je dirais plutôt que c'est seulement Ambrosius qui en veut à Isabella, et cela depuis le début... Mais au final, on le sait : il va finir par la respecter (après je ne sais pas trop comment :shock: )
Quant à Fernando, il la couvre quoi qu'elle fasse. Mais ça, il y a peut-être des limites :lol:
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par Xia »

Chapitre 5 : Le Livre des Sept Langages


Automne 1507, Ormuz, colonie portugaise

Il arpentait la ville de long en large, faisait connaissance avec les ruelles, écoutait les bruits de la mer qui rugissait au loin et savourait les senteurs typiques de l’Orient.
Afonso de Albuquerque était plutôt satisfait de sa victoire sur le souverain d’Ormuz, un territoire qu’il convoitait depuis quelque temps au nom du roi de Portugal. La bataille, qui s’était déroulée sur mer, n’avait duré à peine un mois. Elle avait été rapide comparée à d’autres. Peut-être même un peu trop rapide.
Il s’était promis de conquérir trois villes qui commanderaient les passages marchands afin de consolider la Casa da Índia portugaise. Ormuz, située à l’entrée du Sinus Persicus, était la première.
Peut-être faudrait-il bâtir une forteresse pour protéger la ville ? À voir…
Il rêvait secrètement de prendre la tête de la Maison des Indes, créée seulement cinq ans plus tôt, à Lisbonne pour assurer le monopole royal sur le commerce des épices avec l’Orient et s’occuper de la navigation. Deux domaines qu’il maitrisait parfaitement. Ceci dit, la fonction de vice-roi des Indes ne lui déplaisait pas non plus… Surtout s’il s’agissait de prendre la place de cet hypocrite de Francisco de Almeida. Dans tous les cas, la conquête de la cité d’Ormuz était une bonne chose pour lui.
À son passage, les gens se prosternaient au passage du vainqueur. Albuquerque n’aurait su dire si c’était par respect ou par crainte. Un peu des deux sans doute.
Tout le monde, sauf un.
Le nez arqué, le front fuyant mais surtout un regard empli de sagesse qui portait loin devant lui. Exactement le genre d’homme que tout habitant des bas-fonds du sultanat écoutait et qui pouvait déclencher une émeute sur un seul mot, quand bon lui semblait. Et ça, ça lui faisait peur.
— Toi là ! Ton nom ? lui cria-t-il.
— Al-Misrî, répondit l’interpellé d’un calme effronté.
— Baisse les yeux devant moi !
Mais il avait beau ordonner, l’autre ne cillait pas.
— J’ai dit « baisse les yeux », répéta Albuquerque dans un sifflement menaçant. Sinon…
Mais il n’eut pas le temps de terminer sa phrase.
Al-Misrî se contenta de tourner les talons et rentra dans sa boutique.
Heureusement pour lui que le seyd n’était pas accompagné de gardes. Ce n’était d’ailleurs pas très prudent de sa part : n’importe qui aurait pu s’en prendre à lui.
Mais pour l’heure, Orang al-Misrî, antiquaire respecté de l’ancien royaume d’Ormuz, devinait son existence menacée si la situation ne changeait pas. Et il devait trouver d’urgence un nouveau dépositaire.
Peut-être même plusieurs…
Car s’il venait à disparaitre, le Secret serait perdu à jamais, malgré que son prédécesseur lui ait assuré que les Sept Sages avaient pris toutes les précautions nécessaires…


Cinq ans plus tard

L’un était Français, l’autre Portugais et le troisième venait d’Anatolie.
Ces trois-là ne se connaissaient pas encore, mais maitre Orang présageait déjà une future amitié entre eux. Il les savait tous trois intéressés par le Grand Œuvre et ils souhaitaient ardemment percer les mystères anciens.
L’antiquaire les attendait maintenant avec impatience. Le temps comptait.
Cela faisait maintenant plusieurs années qu’il sondait ses visiteurs qui se disaient occultistes afin de désigner son ou ses successeurs. Et son choix s’était arrêté sur trois d’entre eux.
Ce fut un grand homme brun aux yeux rieurs qui franchit la porte en premier.
— Athanase d’Éphèse ! s’écria al-Misrî, en lui donnant une chaleureuse accolade.
— Je vous souhaite bien le bonjour, maitre !
Les Européens arrivèrent peu de temps après.
Fernando de Lagurra et Ambroise de Sarle les saluèrent poliment mais non sans une certaine réserve. Tous deux n’étaient pas venus à Ormuz depuis quelques années, contrairement au Grec, et demeuraient méfiants quant à la raison de cette curieuse invitation.
Les trois hôtes d’Orang al-Misrî firent cependant rapidement connaissance et se trouvèrent d’emblée de nombreux points communs, comme le vieil homme l’avait espéré.
— Venons-en à votre venue dans cette ville, commença-t-il.
Le Portugais et le Français échangèrent un regard.
Nous y voilà…
— J’ai en ma possession un manuscrit qui, je le sais, va vous intéresser.
— Je suis curieux de voir cela…, fit Ambrosius en croisant les bras sur sa poitrine, un sourire narquois sur les lèvres.
Ça commence bien…
L’antiquaire commençait déjà à regretter sa décision de lui avoir demander de les rejoindre. Il était encore temps de faire marche arrière…
Et puis non ! 3 était un nombre sacré dans l’empire de Mu. Et de toute manière, les Anciens lui auraient fait savoir s’il s’agissait d’un mauvais choix.
— Vous connaissez très certainement l’histoire du royaume perdu des Atlantes…
Nouvel échange désemparé entre Fernando et Ambroise.
— Non…
— J’en ai entendu parler, maitre Orang, déclara Athanaos.
Al-Misrî lui décocha un coup d’œil amusé. De sa part, cela ne l’étonnait pas. Il était réputé pour sa mémoire hors du commun. On disait qu’il connaissait par cœur les trois plus grandes bibliothèques de l’Antiquité – Alexandrie, Pergame et Celsus –, mais ce n’était que légende, car toutes avaient disparues depuis des siècles.
C’était la principale raison pour laquelle son choix s’était porté sur lui. Principale, car son intuition lui chuchotait qu’Athanaos était bien plus concerné que les autres par ce qu’il allait révéler.
— L’Atlantide était une très ancienne civilisation située dans le Grand Océan dont la technologie était issue du Soleil. Malheureusement, elle entra en conflit avec l’empire de Mu, dans la Mer du Sud, qui utilisait la même énergie. Ces deux cultures s’autodétruisirent et leurs connaissances furent oubliées. Du moins, c’est ce que l’on raconte…
— Ce que l’on raconte ? demanda Lagurra en fronçant les sourcils.
— Oui, acquiesça l’Arabe. C’est le récit que le Grand Prêtre égyptien Solon a fait au philosophe Platon. Cependant, avant le cataclysme qui engloutit les deux continents, l’Empereur Ra Mu a fait rédiger deux livres…
— Deux livres ?! Vieux de dix mille ans ?! l’interrompit Ambrosius, soudainement intéressé.
— L’un d’eux est une encyclopédie qu’aurait emportée avec lui un sujet de l’Empereur qui aurait migré avant la catastrophe. L’autre, on l’appelle le Livre des Sept Langages. J’ignore comment il est parvenu jusqu’à nous. Tout ce que je sais, c’est qu’il a été transmis au sein de l’Ordre du Sablier pendant des siècles… jusqu’à ce qu’il disparaisse.
— Il… il a disparu ? Comment un trésor pareil a-t-il pu disparaitre ? s’exclama le Français, ahuri.
— À cause de l’Ordre, tout simplement. Au Vème siècle de notre ère, les émeutes qui se sont déclenchées à Alexandrie en Égypte ont eu raison de cette organisation.
— Il n’en reste aucun membre ?
— Aucun, Ambroise. C’est pour cela que le Livre a disparu. Cependant, il y a quelques dizaines d’années, un bédouin est venu ici. Il prétendait détenir la preuve de l’existence de Mu en me montrant ce manuscrit.
Sur ce, al-Misrî se dirigea vers le fond de sa boutique où il ouvrit un coffre caché sous de nombreuses couches de tissus anciens. Les trois compères entendirent plusieurs déclics – sans doute ouvrait-il des compartiments secrets – avant de voir l’antiquaire revenir vers eux, un objet à la main.
— C’est… le Livre ? demanda Ambrosius, qui ne put que mal dissimuler son excitation.
Maitre Orang se contenta d’un sourire énigmatique.
Il laissa un Fernando admiratif devant l’ancien manuscrit, lequel ne pouvait s’empêcher de feuilleter les pages avec une délicatesse inouïe.
— Qu’est-ce que cela à voir avec nous ? demanda le Grec en haussant les sourcils.
— J’y viens, j’y viens. Le nomade m’a également relaté une légende – qui va l’intéresser Athanaos, j’en suis certain – que gardait l’Ordre du Sablier. D’après lui, l’Empereur Ra Mu aurait désigné Sept Sages parmi les habitants de Mu et de l’Atlantide. Sept gardiens en quelque sorte. Ils veilleraient à ce que leur Savoir ne disparaisse jamais. On dit que ce sont eux qui auraient fondé l’Ordre…
— Et… c’est tout ? demanda Ambroise de Sarle, incrédule.
— C’est tout ce que l’homme du désert m’a dit, s’excusa Orang. Je commence à me faire vieux et je ne veux pas que le Livre des Sept Langages retombe dans l’oubli. C’est pour cela que je vous ai choisis. Vous trois.
Fernando de Lagurra, Ambroise de Sarle et Athanase d’Éphèse se dévisagèrent. C’était donc cela, la fameuse raison de ce voyage…
— Pour ma part, je suis d’accord pour être un nouveau Gardien…, déclara le Portugais avant que les deux autres n’aient pu ouvrir la bouche.
— Je ne crois pas qu’il nous demandait notre avis…, murmura Athanaos.
Seul Ambrosius ne pipait mot.
Le boutiquier l’interrogea silencieusement, essayant de faire abstraction des sentiments contradictoires qui l’animaient.
— Je vous suis, fit-il au bout d’un moment.
— Pourriez-vous nous aidez à le déchiffrer, maitre ? supplia Lagurra, brûlant d’impatience à l’idée de lire l’écriture inconnue de tous, vieille de plusieurs millénaires, qu’il entraperçue en parcourant le Livre.
Al-Misrî secoua la tête :
— Non, je suis navré, mon ami.
— Com… comment voulez-vous que nous gardions un secret si nous ne savons pas de quoi il s’agit ?
— Je vous ai révélé tout ce que je savais. Maintenant, c’est à vous de reprendre le flambeau. Vous venez d’en faire le serment.

— Je pense que l’Ordre du Sablier doit renaitre de ses cendres…, commença Ambrosius, quelques heures plus tard.
À leur sortie de la boutique, où la chaleur était devenue étouffante, le trio s’était retrouvé sur le bateau d’Ambrosius.
— … tel un phénix… Rien ne disparait, tout se transforme dans ce monde. Alors oui, pourquoi pas ? Un deuxième Ordre…
— Je peux même vous proposer un symbole pour le représenter, sourit Fernando.
— Tu l’as déjà traduit ?
— Non, bien sûr que non, mais je suis certain d’y arriver ! Un jour…
Tenant le Livre dans ses mains, il leur désigna un graphisme du doigt. Trois triangles entrelacés les uns dans les autres renfermaient un sablier en son cœur. L’emblème du Temps semblait être bordé par une sorte de flèche et une droite traversée par une courbe à ses extrémités.
— Ma parole ! Une étoile elfique ! s’écria Athanaos, surprenant ses nouveaux amis.
— Tu connais ce symbole ?
— Oui. Ou une étoile féérique si vous préférez. On lui donne diverses interprétations. Certains pensent que cela représente le Pouvoir, la Sagesse, le Savoir, l’Harmonie, les Sciences, l’Honnêteté et la Magie, tandis que d’autres spéculent que ce sont les quatre éléments, la Vie, la Lumière et la Magie. Il y en a encore qui y voient les sept couleurs de l’arc-en-ciel, les sept Chakras, les sept Vertus, les sept Planètes, les sept jours de la semaine…
— Mais après ce que nous a révélé maitre Orang, on sait qu’il s’agit des Sept Sages de Mu ! en conclut Ambrosius.
— Et de l’Atlantide. N’oublie pas que l’Empereur Ra Mu a également confié cette tâche à des Atlantes, rajouta Lagurra.
Il ne savait pourquoi, mais il lui semblait important de rappeler que les Atlantes avaient pris part au dessein du monarque.
— Toutefois, cela peut avoir une autre signification, Ambroise. Chacun d’eux pourrait représenter une qualité ou un concept que d’autres cultures ont repris par la suite.
Devant son air buté et dubitatif, Athanaos renonça et préféra poursuivre :
— La droite et la courbe, quant à elles, me font penser à la partie inférieure du caducée du dieu grec Asclépios. Cela montrait à l’origine une couleuvre autour d’un bâton censé éloigner le mal.
— Et la flèche ? demanda Ambrosius.
— Je l’ignore. Cela ressemble au symbole païen de l’anti-déosil. C’est un mouvement utilisé pour la fermeture du cercle qui symbolise le bannissement. Peut-être pour montrer la transmission qui s’est faite des Sept Sages à l’Ordre du Sablier…

Le nouvel Ordre du Sablier vit le jour en cette année 1512.
Modifié en dernier par Xia le 06 juil. 2021, 09:50, modifié 2 fois.
La terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre (Tatanka Iyotaka)

Ma fanfic sur la préquelle des Mystérieuses Cités d'or, c'est par ici

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nonoko
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Re: A la recherche de l'Empire perdu

Message par nonoko »

Quel travail pour imaginer des réponses à certaines questions fondamentales!
"On savoure mieux ce qu'on a désiré plus longtemps, n'est-ce pas Mendoza?"
Unagikami mon amour
"It was a skyfall, and a rebirth, a bloody honeymoon, for both of us"
Yokai Circus
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