Merci à Marco pour la relecture et bonne lecture à vous

Le retour des enfants du soleil et de la lune
Esteban et Zia étaient restés très longtemps de l'autre côté, auprès des sages de Mu et d'Atlantide. Les jours, les mois étaient passés et bientôt trente ans s'étaient écoulés sans que les deux enfants ne réapparaissent, ni ne grandissent. Mais un jour, Zia eut envie de revoir ceux qu'ils avaient laissé derrière eux, il y a si longtemps. Inconscients du nombre d'années écoulées, le couple réapparu à l'endroit même où il avait disparu trois décennies auparavant. Et le monde avait changé en son absence. Des petits pas grands choses qui n'existaient pas à leur départ. Ils furent recueillis par un homme en tenue jaune et à capuche en forme de condor. Ils ne le connaissaient pas, mais lui les connaissait. Les enfants élus, ceux qui avaient voyagé aux côtés du grand maître de l'Ordre du Condor.
-Nous avons été placés ici dans l'attente de votre retour. Il craignait que vous ne soyez perdus en revenant ici, et souhaitait que vous rencontriez des personnes pouvant vous guider.
-Tao, il est encore vivant ? S'exclama Esteban.
-Oui. Il se trouve à Pattala, aux dernières nouvelles.
Esteban et Zia échangèrent un regard malicieux, leur ami avait bien rejoint l'Inde et probablement une certaine indienne. Ils émirent le souhait de le retrouver, impatients qu'ils étaient de le revoir lui et tous leurs autres compagnons. L'homme les installa dans une sorte de capsule dorée pourvue d'une hélice. Il leur en expliqua les commandes, leur assurant qu'ils arriveraient en Inde en quelques heures. Ils prirent un peu de temps pour admirer le paysage, mais furent bien vite arrivés à destination. C'est ainsi qu'ils firent leur première grande découverte qui les cloua sur place.
-INDALI !
Ils avaient remarqué que le monde avait changé en leur absence mais... En voyant qu'ils arrivaient à présent à la taille de leur amie et que cette dernière avait les cheveux grisonnants... Ils percevaient davantage le temps qui était passé. L'Indienne les accueillit avec un sourire charmant, mais son regard était teinté de tristesse. Les années avaient passées, et le temps avait fait ses ravages. Et pas que le temps, la souffrance était aussi passée par-là. Mais lorsqu'ils lui demandèrent comment allait le troisième membre du trio.
-Ah... Tao...
Les yeux d'Esteban et de Zia s'agrandirent d'horreur, craignant le pire pour le Naacal. Mais Indali eut tôt fait de les rassurer, il était vivant et allait bien. Enfin, les deux enfants eurent un doute en voyant les yeux de leur amie s'assombrir de tristesse. Oui, Tao était encore vivant, mais ils doutaient qu'il aille réellement bien. Et cela les inquiéta et les fit culpabiliser. Ils étaient partis, plein d'espoir et de confiance en l'avenir. Pensant que malgré les obstacles, leurs amis s'en sortiraient toujours. Mais maintenant...
-Indali, Zia prit les mains de la femme entre les siennes, où est Tao ? Je me doute bien qu'il a grandi lui aussi, mais nous voulons le revoir. Il est ici, non ?
-Oui Zia, il est ici.
Indali soupire, et fait mine de vouloir s'éloigner. Mais cela suffit à faire comprendre aux deux plus jeunes que non, quelque chose n'allait pas avec leur ami. Et cela ne fit que les rendre plus désireux de le voir. Où est-ce qu'il était exactement ? Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Ils pouvaient peut-être l'aider. Et il serait sans doute très heureux de les revoir. Indali acquiesça, mais paraissait toujours aussi malheureuse. Les deux enfants continuaient à l'assaillir de questions, et elle finit par les prendre chacun par une main. Son front était soucieux, et ils comprirent qu'elle hésitait. Elle voulait leur dire où se trouvait leur ami, mais hésitait en même temps. Esteban fut prit d'un doute.
-Indali, où est Mendoza ? Il est toujours ici ? Et Isabella ?
-Venez, je vais vous montrer.
Indali les éloigna de la résidence principale de l'Ordre et les emmena dans une annexe qui ressemblait à un temple. Mais il s'agissait plutôt d'une sorte de musée. L'intérieur était spacieux, et à l'entrée les éventuels visiteurs étaient accueillis par deux statues d'Esteban et de Zia. Les deux enfants affichaient une mine réjouie,
-C'est lui qui a tenu à placer ces représentations ici. Il voulait qu'on vous connaisse. Tous les deux. Et que ceux qui viennent aient une bonne image de vous. Dans ses plus mauvais jours il rajoutait « même si Esteban ne le mérite pas » mais je savais qu'il ne le pensait pas vraiment.
Les relations entre Esteban et Tao avaient toujours été un peu houleuses. Les deux s'adoraient et feraient n'importe quoi l'un pour l'autre, du moins du temps où ils voyageaient ensemble, et visiblement l'âge n'avait pas enlevé cette gentille animosité chez le Muen. Enfin... S'il était encore vivant. Parce que les paroles même d'Indali semaient le trouble chez le petit couple. Zia s'approcha de sa propre statue, et caressa le bec d'un oiseau juché sur ses épaules.
-Le petit Pichu est mort il y a deux ans, hélas. Quant à Mendoza et Isabella, ils sont par à-bas.
-Comment ? Ils habitent ici dans le musée ?
-Pas exactement, non.
Mendoza et Isabella étaient bien présents, mais sous forme de statues. Ils se tenaient fièrement dos à dos, leurs épées sorties et fixant ceux qui les regardaient comme s'ils les défiaient en duel. Un duel où seuls les meilleurs auraient une chance contre les deux redoutables combattants qu'ils étaient, à n'en point douter. C'est en regardant ce groupe statuaire qu'Indali fini par leur annoncer tristement la mort des deux guerriers. Cette annonce peina les enfants qui avaient espéré les revoir. Ils demandèrent ensuite ce qu'étaient devenus Sancho et Pedro, et la réponse fut aussi attristante que pour le couple d'épéistes. Indali les invita à faire un tour dans l'intégralité du musée. Les enfants y retrouvèrent de nombreux visages connus, parce que leur ami avait tenu à y faire représenter une fois chacune des personnes qu'ils avaient rencontrés et l'avaient marquées un tant soit peu. Des petits encarts étaient disponibles dans différentes langues... Dont l'espagnol. Et les enfants finirent par comprendre peu à peu ce qu'il s'était passé.
-Indali, une guerre ? Comment cela ?
-Tout a commencé dix ans après votre départ. Le sanctuaire de Pattala a été assailli par un groupe d'hommes habillés comme Zarès et possédant la même puissance que lui. La grande majorité d'entre nous ne savait pas se battre, et l'Ordre n'a dû sa survie qu'à la vaillance de Mendoza. Malheureusement, ce dernier n'a pas survécu à ses blessures.
***
Le décès du vaillant marin espagnol avait profondément attristé les autres membres de l'Ordre. Isabella et Tao avaient été les plus bouleversés d'entre tous. Mais ils n'avaient pas eu le temps de panser leurs blessures. Des membres du groupe qui étaient positionnés en Catalogne les informèrent que le roi Charles Quint était en train de lever une armée. Pire encore, la France, le Portugal et la Grande-Bretagne joignirent leurs forces au royaume d'Espagne. Face à cette coalition, l'Ordre du Condor ne pouvait compter que sur le soutien du rajah d'Inde et sur l'aide de quelques moines Tibétains qu'ils avaient réussi à contacter. La supériorité des technologies muennes et atlantes les aidèrent grandement durant le combat.
Hélas, l'Espagne et ses alliés avaient beau être moins avancés technologiquement, ils étaient beaucoup plus nombreux. Et ils disposaient d'un petit groupe de simili-Zarès qui donnaient bien du mal aux combattants de l'Ordre. Isabella avaient été la combattante la plus tenace et dangereuse de tous, car elle était bien décidée à faire payer à leurs ennemis la mort de son amour. Pendant les années du conflit, Tao aussi avait changé. Il était devenu plus sombre, plus renfermé. Notamment parce que la guerre l'avait obligé à faire des choix terribles, à commencer par l'utilisation du savoir de ses ancêtres dans le cadre de conflits. Il aurait aimé que ça ne soit pas le cas, que ça n'arrive pas. Parce que la guerre était un mal, parce que l'héritage des anciens ne devait pas servir à répandre la destruction et la mort.
Mais il a dû le faire. Il a dû laisser son héritage effectuer un carnage.
Comme des millénaires auparavant.
Les années étaient passées, et l'Ordre ne faisait principalement que de se défendre, soutenu seulement par quelques alliés. Les répliques devenaient par contre de plus en plus puissantes et brutales, ne se limitant qu'aux armées et épargnant au maximum les civils. Mais les rois d'Europe devenaient de plus en plus cruels. Sancho et Pedro moururent pendant ce conflit. On raconte qu'ils seraient morts en essayant de protéger leurs femmes de l'assaut d'une troupe hispano-française. Personne n'avait jamais su la vérité, mais par amitié ceux qui les appréciaient leur laissaient le bénéfice du doute. Ces deux-là étaient des froussards de première... Mais l'Amour était source d'une grande force.
Cinq ans après le début de la guerre, Charles Quint accomplit un acte horrible. Il envoya des Incas désarmés vers Tao qui avait été localisé. Le Muen s'en était approché, en compagnie d'Isabella et Gaspard. Il avait été d'autant plus impossible à retenir qu'il avait reconnu Maïna parmi les personnes présentes. Mais alors que le Nacaal se trouvait à quelques mètres, le groupe inca et maya explosa. Des petites bombes avaient été introduites dans leurs corps sans que les malheureux ne s'en aperçoivent. Isabella s'était jetée sur Tao pour le protéger, et le duo n'avait dû sa survie qu'à Gaspard qui avait usé de son corps pour couvrir Laguerra. C'est ainsi que le conquistador repenti mourut. Donnant sa vie pour celle dont il s'était entiché jadis.
***
Zia s'était laissé tomber sur le sol, pleurant la mort de malheureux Incas victimes de la folie des puissants. Indali marqua un temps de pause dans son récit et ferma les yeux comme si elle revivait elle-même l’événement. Elle n'avait pas été présente, mais Tao lui avait raconté l'horreur de la scène avec force de détails. L'explosion retentissante qui lui avait sonné les tympans. L'odeur de poudre et de fumée dans l'air. Et surtout, surtout, les bouts de corps éparpillés aux quatre coins de la plaine. Et les visages ahuris des sacrifiés qui pour la majorité n'avaient pas eu le temps de comprendre quoique se soit.
-Mon peuple, mon pauvre peuple...
Esteban avait pris Zia dans ses bras et la berçait. Les larmes de l'Inca finirent par se tarir tandis que son regard se posait sur le groupe statuaire de Maïna et Viracocha. La fille adoptive de Papacamayo avait donc péri dans des circonstances atroces, et Tao n'avait rien pu faire. Il n'avait pas pu sauver cette fille vers laquelle il s'était senti attiré. Enfin, Zia se reprit suffisamment pour se relever. Et malgré le choc qu'ils subissaient, les enfants demandèrent à l'Indienne de continuer son récit.
***
Les Espagnols avaient été trop loin. Tao avait enduré beaucoup, avait pris sur lui pendant toutes ses années pour contenir la violence qui s'était emparé de lui lentement mais sûrement. Était-ce parce qu'il s'agissait d'innocents, de membres du peuple de Zia ou de personnes qu'il connaissait, sans doute les trois à la fois, mais le Muen avait bien failli sombrer à la suite de cela.
Pendant les cinq ans qui s'étaient écoulés, il avait mit au point plusieurs technologies de guerre, mais toutes n'avaient pas été utilisées. Tao avait gardé pour lui les plus effrayantes, craignant de reproduire l'erreur qui avait conduit à l'anéantissement des Empires de Mu et de l'Atlantide. L'une d'elle lui faisait peur, car elle ressemblait trop à ce qui avait pu causer la chute de ces deux grandes civilisations. Mais l'enfant devenu un homme n'en pouvait plus de la cruauté humaine. Il en avait été gavé et maintenant, c'était comme si elle s'était mise à bouillonner dans son corps. Il fallait que ça sorte, il fallait que toute cette souffrance jaillisse enfin pour embraser le monde.
L'Espagne allait payer pour ses crimes !
-Tao, non, tu ne peux pas faire ça ! S'exclama Indali.
Revenu au sein de son laboratoire à Pattala, le descendant de l'Empire de Mu avait été rejoint par son amante indienne qui ne l'avait jamais abandonné pendant toutes ses années. Pressentant le pire, Indali avait judicieusement suivi Tao dès son retour et avait accouru à lui lorsqu'elle avait vu où il se dirigeait. Vers ce qu'il appelait une bombe à grande portée, capable selon lui de raser une ville européenne. Avec plusieurs d'entre elles, il serait capable de causer de gros dégâts à cette Espagne maudite, là-bas. Lorsqu'il lui avait affirmé cela, Indali avait eu très peur et aurait pu s'enfuir. Elle aurait pu le faire oui, mais ça aurait sans doute sonné le glas pour des milliers de personnes. Comment aurait réagi Tao face à un tel abandon ?
-Tao, je sais ce qu'il s'est passé. Je sais ce que Charles Quint a fait... Mais tu ne peux pas châtier tout un pays à cause des crimes de son dirigeant. La grande majorité des habitants ne veulent que vivre une vie paisible.
-Eux aussi, ceux qu'il a tué, eux aussi auraient voulu vivre en paix. Mais ils n'ont pas pu. A cause de la stupide soif d'or des Espagnols. A cause de leur avidité et de leur méchanceté.
Tao aurait pu continuer plus longtemps, mais sa gorge se noua. La vision qu'il avait eu dés qu'il avait pu sortir la tête de sous le corps de Laguerra le hantait, elle le hanterait toujours. Jamais de toute sa vie il n'avait vu une pareille horreur et il ne supportait pas cela. Il tourna résolument le dos à Indali, souhaitant reprendre son œuvre de mort, mais l'Indienne l'attrapa par les épaules et l'obligea à se retourner une nouvelle fois.
-Tous ne sont pas comme ça. Répéta-t-elle avec force.
-Je pense à Zia... Elle aimait son pays et... Ils le détruisaient déjà petit feu. Les Incas et les Mayas peinaient à survivre. Et lui... Et les Espagnols...
-Pense à Esteban, à Mendoza, à Isabella.. Et même à Sancho et Pedro ! Et Athanaos, il n'était pas Espagnol peut-être ?
Le rappel de ces personnes pour la grande majorité absentes fit frémir le Muen qui commençait à faiblir. Il pensait à eux oui, leur souvenir l'habitait. Parfois, il aimerait croire que tout cela n'était qu'un mauvais rêve. Un cauchemar dont il se libérerait bientôt. Mais non, ce n'en n'était pas un. Ils étaient plongés dans une guerre à cause de l'Espagne. Une guerre qui n'avait duré que trop longtemps. Il entendait les paroles d'Indali, mais le conflit devait cesser. Ou d'autres comme Maïna seraient tués pour l'atteindre.
-D'accord... Alors je n'en n'utiliserais qu'une. Contre Madrid.
-Parce que tu crois qu'il n'y a que des soldats et des décideurs là-bas ?!
Cette réplique avait eu raison des dernières velléités de destruction de Tao. Il y avait des innocents partout, même dans la capitale de ce pays contre lequel il s'était si brutalement mis en colère. Désormais désemparé, le Naacal avait regardé plusieurs fois successivement son arme de mort puis la jeune Indienne. Sentant qu'il redevenait enfin lui-même, Indali lui prit les mains pour lui parler d'une voix douce. Malgré la peur qu'il lui avait inspiré au début de leur conversation, elle voulait croire que celui qu'elle aimait était toujours présent. Là, quelque part. Meurtri par l'horreur de trop et ayant besoin d'aide.
-Je comprends que tu sois triste et en colère contre ces puissances. Moi aussi je le suis. Mais si tu assassines des innocents, tu deviendras comme eux.
-Il faut que ça s'arrête Indali, maintenant...
-Nous trouverons une solution, j'en suis sure. Nous tiendrons.
-Non... Non... Je ne tiendrais pas... Tao posa ses mains sur les épaules de son amie en gémissant.
-Quoi ?
-Je ne tiendrais pas Indali... Parce que là, maintenant, j'ai oublié... j'ai oublié l'honneur du peuple de Mû! Je l'ai trahi !
Et Tao s'était effondré, en larmes, dans les bras d'Indali qui s'était laissé tomber sur le sol avec lui. Elle l'avait bercé et consolé jusqu'à ce qu'il se calme, et cela avait pris du temps. Tao avait même réclamé Esteban et Zia de temps à autres, et l'indienne lui promit de rester à ses côtés. Une chose en lui avait été brisée à ce moment-là.
En ce jour qui aurait pu être terrible pour le pays de Cervantès.
A défaut de marquer le début de la fin pour l'Espagne, le jour où Tao failli commettre l'irréparable fut le point de départ pour le renversement de la situation. Tao, Isabella et Indali formèrent un petit groupe qui fut chargé de s'introduire dans l'Alcazar royal de Madrid pour atteindre le roi Charles Quint. Le but était de l'enlever pour l'emmener à Pattala et discuter avec lui. Le groupe atteignit son but, mais se heurta à une autre personne. Le véritable cerveau derrière tout cela: Ambrosius lui-même !
Comme Tao et son Ordre, Zarès et ses sbires avaient guidé dans l'ombre les puissances auprès desquelles ils pouvaient agir. Mais si le jeune Muen avait agit pour la paix et le progrès de la science, celui qui avait un temps était son modèle agissait pour son propre profit, sa propre gloire. Charles Quint n'était une marionnette qu'il agitait à sa guise pour diriger les puissants d'Europe.et il avait juré de mettre à bas le précieux ordre de Tao pour s'emparer une bonne fois pour toute de la sagesse de Mu.
La confrontation entre le Muen et le Français plus qu'être un combat entre un père et un fils adoptif, était surtout un duel d'esprits. Tao représentait peut-être ce qu'avait été Ambrosius jadis, un jeune plein de rêves et aimant découvrir et apprendre toujours plus. Et Zarès représentait ce que Tao aurait pu devenir. Ce en quoi il aurait pu se transformer si, par exemple, Indali avait échoué à le raisonner lorsqu'il avait voulu punir l'Espagne pour le meurtre de dizaines d'Incas et de Mayas. La science pour le bien commun et la science pour son propre profit s'étaient confrontées. Et finalement, Zarès avait été vaincu. Tué par Isabella qui mourut, heureuse d'avoir tranché la tête de celui qui à coup sûr était le meurtrier véritable de Mendoza. Dans un dernier souffle, elle avait demandé à Indali et Tao de ne pas pleurer, mais de veiller à ce que l'héritage de Mu et d'Atlantide soit bien utilisé.
La chute définitive de Zarès ne marqua pas la fin total du conflit. Il fallu soigner un roi d'Espagne affaibli par des années de gavage de drogues. Il fallu ensuite apaiser les autres puissances qui s'étaient elles aussi mises en guerre contre Pattala. Des accords avaient été signés, des armistices conclus. L'Europe fut pacifiée et l'Inde pansa ses plaies.
***
Un long silence accueilli la fin du récit d'Indali. Esteban et Zia avaient du mal à reprendre pied sur terre, tant le récit de leur amie les bouleversaient. La majorité de ceux qu'ils avaient connus étaient morts. Les peuples d'Amérique du sud avaient été lourdement impactés par le conflit. Indali essuya des larmes qui commençaient à couler sur ses joues. Son récit avait éveillé en elle de douloureux souvenirs. Elle termina d'une voix tremblante.
-Après la guerre, l'Ordre est resté dans l'ombre et a continué à œuvrer auprès des puissances pour les apaiser. Il a veillé à ce que plus jamais une guerre pareille ne se reproduise et veille à maintenir des esprits éclairés au pouvoir. Zia, ton peuple n'est pas tout à fait mort. Tao a mis un point d'honneur à lui rendre ses terres et à le protéger. Et il a réussi. Les Incas et les Mayas possèdent leurs terres, aujourd'hui encore.
-Il... Il a fait ça ?
-Oui, il le voulait. Pour toi surtout, il me l'a dit. Je crois que de tout ce que la guerre a engendré, c'est l'une des seules choses qui le réjouisse vraiment.
L'Espagne aussi avait survécu bien sûr, mais elle n'est pas encore consciente de la dette qu'elle a auprès d'une jeune indienne qui avait sû calmer à temps l'ire d'un esprit scientifique qui s'était laissé emporter par l'horreur que ce pays avait déchaînée.
-Et maintenant, où est-il ? Interroge Esteban.
-Esteban...
-Pourquoi tu ne veux rien nous dire ?!
Indali ferma les yeux, avant d'inspirer et d'expirer. Elle ne savait toujours pas si ce qu'elle avait fait était une bonne idée. Mais il fallait finir.
-J'ai hésité... Esteban. Zia. Tao est ressorti marqué de cet horrible conflit. Je vous ai dit qu'il avait sauvé les Incas pour toi Zia, et c'est vrai. Mais je crois que c'était aussi pour se racheter. Il ne se sentait plus digne de rien et surtout pas de l'héritage de ses ancêtres après tout ça. Après ce qu'il a failli faire subir à l'Espagne surtout. Les années qui ont suivi la chute de Zarès ont vraiment été éprouvantes pour nous.
-Il...
-Il a souffert. Il a été brisé et l'est encore aujourd'hui. Et s'il savait que je vous ai tout raconté, il serait dans tous ses états. il... Il avait peur de votre retour. Il ne m'a révélé cela que récemment, mais je le sentais. Vous revoir l'aurait ravit, mais l'aurait aussi glacé d'effroi.
-Mais pourquoi ?
-Esteban, intervint Zia, je crois que c'est notre regard qu'il craignait. En revenant ici, nous risquions d'entendre parler de tout cela. Et...
-Et il ne le voulait pas. Il ne veut pas que vous le jugiez, et il ne veut surtout pas entendre des paroles de condamnations de votre part. Le temps où vous étiez à ses côtés a été la meilleure période de sa vie. Toutes les épreuves que vous avez traversé ensemble n'étaient rien... Parce qu'au final, vous étiez toujours aussi proches. Les trois inséparables. Les enfants élus liés par une amitié inébranlable.
Esteban et Zia restèrent muets et attristés, surtout. La période dont ils parlaient leur semblait être hier pour eux. Mais le récit d'Indali et l'être entier de la femme vieillissante leur montrait à quel point le temps était passé. A quel point ceux qu'ils avaient aimé avaient soufferts, sans eux. Abandonnés et contraints à des choix affreux.
-Pendant que vous étiez auprès de vos ancêtres, vous avez pu rester purs et innocents, alors lui s'est sali les mains. Il s'est senti souillé par l'horreur de la guerre à laquelle il a failli contribuer. Les crimes de nos ennemis ne sont pas des excuses. Les actes de réparations ne suffisent pas. Même après toutes ses années, il n'est pas en paix avec lui-même.
Esteban sentait que quelque chose allait venir, mais n'arrivait pas à savoir quoi. Zia elle percevait, comprenait. La crainte qu'avait leur ami à leur égard. Une crainte terrible, qui la faisait souffrir. Oui, ils auraient pu être révoltés, voir ressentir de la répulsion après tout ce qu'ils avaient entendus de la bouche d'Indali. Leur ami n'était plus ce qu'il avait été. Il avait changé, alors que eux étaient restés les mêmes. Purs et sans tâches. Et l'affection qu'il leur portait toujours le rendait encore plus sensible à leur jugement.
-Si je vous ai tout raconté c'est pour que vous ne l'appreniez pas par une mauvaise personne, pour que vous sachiez réellement ce que nous avons vécu après votre départ. Esteban. Zia. S'il vous reste encore un peu d'amitié pour lui après tout ce que vous avez entendu, alors n'allez pas le revoir. Retournez d'où vous venez. Je cacherai votre retour à Tao, afin qu'il reste dans l'ignorance pour toujours. Malgré ce qu'il a fait et voulu faire, j'aimerais qu'il finisse ses jours avec tous ces bons souvenirs des moments qu'il a passé avec vous.