TEEGER59 a écrit : 24 juil. 2019, 03:14
Va dans le topic MCO saison 4 (fanfic) page 11.
Épisode 4, révélations.
Pour ce que j'en ai lu, c'est pas mal!
Chapitre 10: Lumière
Esteban ne sait pas où il est.
Autour de lui, il n'y a que ténèbres. Cette sensation de flotter nulle part. Il essaie de situer ses ailes, son bec, mais échoue misérablement. Et il déteste ça.
Il n'y a pas de lumière. Il ne voit rien. Il ne peut pas bouger, sentir, faire quoi que ce soit face à sa situation. C'est tout juste s'il pouvait encore penser clairement.
« Ça craint. »
Il se sentait plutôt amer, mais qui pouvait l'en blâmer? Son corps était assailli, probablement déchiré par les mains et plans diaboliques d'Ambrosius, et tout ce qu'il a pu faire était d'abandonner le navire. Il aurait fait un piètre marin, décidément.
Au moins il n'avait plus mal, et c'était déjà ça. Il ne savait pas pourquoi donc une machine aurait mal, mais il se disait que c'était pour la même raison qu'il sentait le vent sous ses ailes ou la terre sous ses pattes. Maintenant qu'il n'avait plus mal, il pouvait réfléchir à ce qui se passait.
Il ne pouvait pas bouger. Il se sentait à peine, il savait juste qu'il était…là. C'était où, « là »? Qui sait. Lui n'en sait rien. Ça pourrait être pire, donc il ne s'en plaindrait pas. Mais il se demandait quand même ce qui se passerait ensuite. Ce qu'il allait faire.
« Pourquoi? »
Pourquoi? Eh bien, parce que...parce que ça craint, c'est tout! Il était empêtré jusqu'aux ailes, et ne pouvait rien y faire! Dans un pareil moment, il se sentait bien stupide et inutile.
« Parce que. »
Qu'est-ce qu'il pourrait dire d'autre? Il n'en savait rien, pour sur. Il n'avait même pas envie de se chercher des excuses.
« Pourrais-tu donner une réponse plus précise? »
Oh, bien sûr qu'il pouvait. C'est pas comme s'il avait grand-chose d'autre à faire, à part flotter dans le vide.
« Parce que...j'aimerais savoir ce qui se passe. Mais je peux pas. Je peux juste m'inquiéter. »
À propos de ses amis. De son corps. Et de plein d'autres choses qui lui sortaient de l'esprit là maintenant, mais dont il s'inquiétait quand même.
« Ton inquiétude prouve ta bonne volonté. Ce n'est rien d'inutile. »
S'il avait encore des épaules, il les aurait haussées.
« J'aimerais en faire plus. Mes amis sont sûrement en danger, et moi je suis là, à me plaindre. »
« – Que ferais-tu, si tu pouvais faire tout ce que tu voulais? »
Il y réfléchit. Il n'avait pas beaucoup d'options, même si son corps était en parfait état.
« Je...je m'envolerais vers eux. Et je détruirais le vaisseau du traître. »
Il aurait
juré entendre un petit rire à l'arrière de son esprit.
« C'est là un plan audacieux. Mais ton corps y résisterait-il? Et s'il était actuellement retenu loin de la lumière du soleil? Si tes amis se trouvaient à bord de ce bateau? »
C'était hélas possible. Ambrosius n'était pas bête, il aurait certainement amené le Condor là où la lumière ne passerait pas. Ce qui expliquait sans doute cette pénombre.
« ...je ne sais pas. J'ai aucune idée de ce que je ferais. »
« – Ce sont là de sages paroles. Celui qui n'a pas la réponse et admet ses torts a plus de chances de réussir que celui qui porte une confiance aveugle en ses plans. »
C'était pas faux. Mais ça ne l'aida pas plus.
« Qu'est-ce que je dois faire, alors? Comment me sortir de ce pétrin? »
Ce pétrin qu'il a causé lui-même. Tout ce qui s'est passé était de sa faute, et il s'en sentait horriblement coupable.
« Regarde autour de toi. »
Il essaya. Il essaya de se concentrer, de voir toute la lumière qu'il pouvait voir. De se concentrer sur la moindre petite lueur qui l'atteindrait. Et il échoua.
« Il n'y a rien. Juste du noir. »
« – Tu essayes de voir avec ton regard de condor. Avec un corps massif aux milliers d'angles. Pour le moment, tu as besoin d'une perspective plus humble. »
Une...perspective plus humble? Ça voulait dire quoi? Il y réfléchit pendant un moment, confus, puis la réponse vint.
« L'emblème du soleil! Je...je l'ai éjecté, et me suis éteint une seconde après. Le Condor ne peut pas voler si l'emblème n'y est pas...mais du coup, ça veut dire que..? »
« – Cela veut dire que ton esprit est actuellement préservé dans ce petit disque solaire. »
C'était logique, maintenant! Ça expliquait pourquoi il ne pouvait pas bouger, et ne voyait que très peu des alentours.
« C'est logique. Mais comment me sortir de là? Et comment... »
Il se tut. La lumière avait changé, dans ce qu'il reconnaissait comme étant le cockpit du Condor. Quelque chose venait de bouger.
« Quelque chose approche! », mit-il en garde, sans savoir si ça servait à quoi que ce soit.
Quelque chose bougeait autour. Quelque chose de grand et de dandinant, de vivant. Un monstre? Non, attends. Il devait changer de point de vue. Il devait- ouille! La chose s'était cognée contre lui.
« Mais fais attention! », dit-il par réflexe.
La chose s'arrêta, remua. Et le toucha à nouveau.
Esteban?
S'il avait encore ses paupières, il aurait cligné de surprise. Il reconnaissait cette voix!
« Pichu! Pichu, c'est toi? »
Esteban!!
« Pichu, par ici. Tu peux ramasser l'emblème du soleil? Ramène-moi dans la lumière, s'il te plaît. »
Le perroquet hésita, avant de ramasser le disque dans son bec et de l'emmener à la lumière. Il était tombé sous un siège lorsque Esteban l'avait éjecté, ce qui expliquait pourquoi il ne pouvait plus rien voir. Pichu parvint à le soulever et à le laisser tomber sur le siège du pilote, où la lumière passait déjà mieux. Esteban recouvra la vue, ce qui était un soulagement.
Il faisait encore sombre. La lune brillait faiblement. La tête du Condor était ouverte, et le vent soufflait doucement; il était dehors. Sous cette perspective, Pichu avait l'air d'une boule de plumes géante.
« Pichu, où sont les autres? Tu le sais? »
Ambrosius, Ambrosius! Tao parti! Zia parti! Alerte, alerte!
Quel immonde personnage! Qu'est-ce qu'il leur avait fait? Il tenta de penser à un plan, à un moyen de les sauver avant qu'il ne soit trop tard.
« Et où est-il maintenant? Qu'est-ce qu'il compte faire? Tu peux me dire? »
Esteban, à l'aide! À l'aide!!
Et il se mit à voleter de détresse. Esteban n'en saurait pas plus de sa part, mais c'était mieux que rien.
« Je comprends rien... », soupira-t-il. « Qu'est-ce qu'il peut bien vouloir? Il a déjà le double médaillon, et sait où se trouve la cinquième Cité. »
Qu'est-ce qu'il leur voulait? Avait-il trouvé une énigme qu'il ne pouvait pas résoudre? Voulait-il forcer Tao et Zia à lui montrer le chemin de la Cité? Ça n'avait pas de sens…
Il repensa au signal qu'il avait suivi. L'appât qu'il avait gobé sans y penser. Pourquoi poser un tel piège dans des ruines vides d'intérêt? Il n'y avait pas de sixième Cité d'Or par ici, pas si près de la cinquième. Ça n'avait rien de logique.
Quand Esteban et ses amis se sont posés ici, Ambrosius l'a attaqué de front. La nuit était alors tombée, il n'avait plus d'énergie. Ambrosius voulait-il s'approprier le Condor? Mais il avait déjà sa nef…
Une nef qu'il a essayé d'attaquer. De lui-même. Un Condor sans pilote, ce qu'Ambrosius aurait très vite remarqué.
Est-ce...est-ce qu'il savait que l'âme d'Esteban avait fusionné avec celle du Condor? Mais même s'il le savait, qu'est-ce qu'il lui voulait?
« Je comprends pas! J'y comprends plus rien! »
Il en avait marre, il était épuisé. Il n'avait pas assez de forces pour réfléchir, avec si peu de lumière. Il ne savait pas ce qui se passait, et il détestait ça. Il voulait juste revoir ses amis, et s'envoler loin d'ici pour ne jamais revenir. Il en avait eu assez, par sa seule faute.
Il voulait pleurer, mais n'avait plus d'yeux pour le faire. Et c'est peut-être ce qu'il haïssait le plus dans cette histoire.
« Qu'est-ce que tu ne comprends pas? »
« – Je ne sais pas ce que je fais ici. Pourquoi Ambrosius en a après moi. Qu'est-ce qu'il me
veut! »
Il se recroquevilla, comme un enfant boudeur dans une mauvaise humeur. Il ne comprenait plus rien, il se sentait en faute. Et personne n'était là pour l'aider.
Personne à part cette voix.
« ...qui es-tu, d'ailleurs? », demanda-t-il au bout d'un temps, exaspéré. « Je crois bien que je te connais. Mais qui? »
Le silence régna durant un long moment. Esteban craignit l'avoir offusquée, ou dit quelque chose de mal. Mais la voix revint finalement.
« Je t'ai accompagné depuis le moment où tu m'as vue. Depuis que tu as retrouvé mon corps dans le temple de la montagne Pachamama. »
La montagne Pachamama? C'était le volcan près du grand lac, où ils ont cru trouver la première Cité d'Or. Mais au lieu de maisons et de rues en or massif, il n'ont trouvé que de la pierre, de la lave, et…
« ...le Grand Condor. »
Son sang n'aurait fait qu'un tour, s'il lui en restait encore.
« C'est bien toi? Le Grand Condor? Tu es...son âme? »
La voix prit un moment pour répondre.
« C'est bien cela, je crois. »
Et ainsi la voix d'Esteban s'emplit de joie.
« Mais c'est...c'est fantastique! Je ne savais même pas que le Grand Condor avait
vraiment une âme! Ça expliquerait ce que je fais ici...mais quand même, c'est...c'est si fou! »
Quelques mots de cette voix ont suffi à lui faire oublier ses inquiétudes et sa mauvaise humeur. À la place, l'excitation envahit son âme d'enfant.
« Tu dois avoir des centaines...des milliers d'années! As-tu connu le peuple de Mu? Est-ce que tous les véhicules d'orichalque ont une âme? Comment tu t'es retrouvée sur cette montagne? Où- »
« – Voyons, Esteban, pas tant à la fois! », s'amusa la voix. « S'il te plaît, tu me poses beaucoup trop de questions. J'adorerais te répondre, mais tu comprendras que le temps presse. S'il te plaît, mon petit, ralentis donc. »
« – Désolé. C'est juste que...ouah, et dire que je t'ai piloté durant tout ce temps, et que je n'ai jamais réalisé…! »
« – Tu ne pouvais pas savoir. Et pour être honnête avec toi...je ne voulais pas que tu saches. »
« – Hein? Pourquoi pas? »
Une fois encore, le silence dura.
« Je n'en suis pas sûre moi-même. Peut-être que le moment n'était pas venu. Peut-être avais-je peur de te détourner de ta quête. Je n'ai donc rien dit, et j'ai attendu...et en attendant, je t'ai observé. »
Il jurerait sentir la voix devenir plus...affectueuse.
« Je vous ai observés, toi et tes amis, alors que vous partiez à l'aventure. J'ai appris quelle genre de personne tu étais, comment tu pensais et agissais. Je t'ai vu mûrir et grandir. Et je ne t'ai certes connu qu'une année de ta vie, mais je ne la regrette en rien. »
Esteban se sentit un peu gêné par cette déclaration. Depuis le début de son temps de pilote, il y avait eu une âme en lui, qui l'observait. Qui en était
heureuse.
« Eh bien...merci. Je...je ne sais pas quoi dire, mais...si tu es content, moi aussi, Condor. »
Il s'arrêta.
« Attends. Le Grand Condor, c'est un nom qu'on t'a donné. Mais toutes les machines de Mu ont un vrai nom...tu voudrais bien me donner le tien? »
La voix sembla hésiter. Une fois encore, il eut peur d'avoir mal fait, d'offenser cette présence qui était si gentille avec lui. Mais il l'entendit parler à nouveau, cette fois-ci d'une voix plus douce.
« Je m'appelle Killa. C'est tout ce que je sais. »
Il savait qu'il y avait là un sens caché, mais il passa outre pour le moment.
« C'est un plaisir de te rencontrer, Killa. Enfin...on s'est rencontré autrefois, mais maintenant je connais ton nom. »
C'est un très joli nom, se dit-il.
« C'est un plaisir de connaître le tien, Esteban. »
Au dehors, la lune avait reparu de derrière les nuages, et les environs étaient plus visibles, lui rappelant où il était. Ce qu'il avait à faire.
« Killa, est-ce que tu sais ce qu'Ambrosius veut de nous? J'ai l'impression qu'il ne nous a pas capturés sans raison. »
« – Je crains bien que oui. »
La lumière de la lune baignait le cockpit d'une douce lueur pâle, couvrant tout d'un halo d'argent. Il y garda son attention, alors qu'il écoutait le récit du Condor.
« J'ai autrefois entendu dire que si le peuple de Mu avait une connaissance avancée de la mécanique et des machines, le peuple de l'Atlantide connaissait le corps et l'âme de l'homme plus que personne. »
Peu à peu, une vision lui vint en tête. Une pensée qui n'était pas la sienne, que Killa partageait avec lui. Une vision de silhouettes entourées d'une lumière dorée.
« Ils connaissaient les faiblesses du corps humain, la manière dont il se dégradait avec l'âge. Ils cherchèrent donc un moyen d'effacer les effets du temps. »
« – Le secret de la vie éternelle. »
Son père lui en avait touché mot, alors qu'il parlait de son temps au sein de l'Ordre du Sablier. La quête de l'alchimie pour atteindre l'immortalité. Le but de l'Ordre, après le moyen de créer de l'orichalque.
« Ils finirent par le trouver. Leur savoir a depuis été perdu, mais l'ordre des alchimistes essaie de le retrouver. »
« – Mais qu'est-ce que ça a à voir avec nous? »
« – Penses-y pendant un moment. Quel est l'autre but des alchimistes, ce qu'ils étudient et cherchent en vain? Cette chose dont ils essayent de percer les mystères? »
Il y réfléchit. Sa première réponse fut les Cités d'Or et leur savoir, naturellement. Un savoir scientifique, mécanique, magique et défensif. Ça ne l'aurait pas surpris si elles renfermaient également le secret de l'immortalité.
« On raconte des choses, au sein de l'Ordre. », continua la voix. « Comme on me l'a un jour dit, leurs deux buts sont étroitement liés, plus encore qu'ils ne le savent. Peut-être même ne font-ils qu'un. »
Leurs deux buts...l'immortalité et l'orichalque? D'accord, mais qu'est-ce que ça avait à voir avec lui? Il n'était pas immortel. Quand bien même il était un descendant de l'Atlantide, il n'était qu'un enfant, dont l'âme reposait dans un condor géant. Il n'était pas immortel, il avait juste…
Il…
...attends voir une minute. Il est bel et bien mort, pas vrai? Il est mort! Il a cessé de vivre, ses amis ont assisté à ses funérailles, et son corps de chair reposait désormais à Patala, où son père se trouvait! Alors comment pourrait-il toujours être là? Comment son âme pouvait-elle rester intacte, prisonnière du corps d'orichalque de ce volatile?
Et puis, peu à peu, il comprit. Il comprit ce qui se passait. Il vit où Killa essayait de le mener, ce qui se passait avec lui. Ce qu'Ambrosius voulait.
« ...le secret de l'immortalité. », souffla-t-il. « La faiblesse du corps humain...la réponse, le secret, c'est de le remplacer par un corps qui ne peut pas mourir, un corps en orichalque! C'est ça, le secret, c'est ça qu'il veut!! »
C'est comme ça qu'Esteban a survécu. Il est mort, mais son âme était toujours là.
« Et maintenant qu'il nous a faits prisonniers, il va le trouver! Il va comprendre comment ça fonctionne, et il deviendra invincible et immortel! »
Ce n'est qu'en cet instant qu'il comprit la profondeur du pétrin où il s'était fourré, et les conséquences désastreuses qu'aurait la victoire d'Ambrosius.
« Il faut l'arrêter! On ne peut pas le laisser faire! »
« – J'admire ta détermination. Mais notre aile et notre queue sont toujours endommagées. Quand bien même le soleil brillerait, nous ne pourrions pas décoller. »
« – Mais on ne peut pas rester ici à rien faire! »
« – Esteban, calme-toi donc. Réfléchis à un plan avant d'agir. »
Un plan. Mais quel genre de plan? Comment s'en sortir lui et ses amis? Il ne pourrait pas, voilà le problème! Il était coincé ici, et n'y pouvait rien.
« Même si j'avais un plan, ça changerait quoi? Je ne peux pas bouger d'ici. »
« – Pourquoi dis-tu cela? »
Il aurait aimé encore avoir ses bras, pour montrer à grands gestes tout ce qui l'entourait.
« Tu l'as dit toi-même, ma conscience est prisonnière de l'emblème du soleil, qui n'avait définitivement pas de pattes la dernière fois que j'ai vérifié! Et même si je parvenais à le remettre dans le Condor, on est toujours blessés, au milieu de la nuit. »
C'est un miracle qu'il puisse rester éveillé.
« Puis-je te confier un secret? »
Pour être honnête, ces mots attirèrent toute son attention.
« Quel secret? »
« – Imagine-toi coincé sur place, incapable de bouger. Toutefois, tu peux projeter tes sens, voir et entendre ce qui se passe ailleurs. Tu peux créer une image de toi-même, qui se déplace à loisir alors que ton âme reste au même endroit. »
« – Tu veux dire que...je peux
vraiment sortir d'ici? »
« – Tu peux en effet temporairement dépasser les limites du Condor. »
S'il pouvait, il aurait sautillé d'excitation.
« Comment ça marche? Tu sais le faire? Montre moi, je t'en supplie! »
« – Esteban, reste calme. Je peux t'enseigner, mais j'ai besoin de ton calme et de ton attention. Nous n'avons que jusqu'à l'aube. »
En toute honnêteté, il n'a jamais eu beaucoup d'attention à prêter. Les leçons du monastère étaient si ennuyeuses qu'il se demandait comment il avait bien pu apprendre à lire.
« ...je suis obligé? », plaida-t-il.
« – N'aie pas peur, ce ne sera pas une leçon au sens où tu l'entends. Je peux te montrer le procédé directement, de mon esprit au tien. »
Une autre image apparut dans son esprit, celle d'un lever de soleil sur un magnifique paysage. Pris de curiosité, il essaya d'en envoyer une en retour, un souvenir de lever de soleil sur l'océan. Quelle pratique méthode de communication...sans doute expliquait-elle ses rêves.
« Crois-moi, tu n'auras pas le temps de t'ennuyer ou de te distraire. C'est presque instinctif. Ainsi ai-je appris moi-même. »
« – Bon, ben...si tu le dis. »
Il essaya de se calmer et de taire ses nerfs. D'écouter ce que Killa avait à lui dire, à lui montrer. D'ouvrir son cœur.
La voix reparut, douce et chaleureuse. Familière.
« Tout comme ton père m'a appris le secret atlante de la transmutation, je vais t'apprendre le secret muien des luminoprojections. »
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« Comment ça, il ne marche pas? »
« – C'est ce que j'essaye de vous dire! Il refuse de s'ouvrir! »
« – Ce n'est qu'une machine, il ne peut rien refuser! »
Ambrosius leva le double médaillon à nouveau, mais le Condor s'obstina à garder le bec fermé, l'énervant encore plus.
« Soit! Je n'ai pas besoin d'accéder aux commandes. Je m'en sortirai très bien tout seul. »
Il réajusta les paramètres du rayon noir, et visa le ventre du Condor, tirant un fin rayon qui découpa une ouverture dans le corps du monstre. Un pan de sa coque tomba, dévoilant les rouages et mécaniques internes.
« Tant que je peux en extraire le cœur, le reste n'est que décoration inutile. »
L'intérieur était un cafouillis d'engrenages et de pistons, inactifs pour le moment. Bizarre, mais il n'allait pas s'en plaindre. Il se fraya un chemin à coups de lumière tranchante, faisant tomber plus de pièces en poussière de métal, progressant dans les boyaux du volatile.
Il n'y avait que des mécanismes là-dedans. Rien de différent comparé aux autres machines qu'il avait pu examiner dans sa vie. Avec un peu de mal, il se glissa à l'extérieur, reprenant pied au sol.
« Laguerra, très chère. Nous devons forcer cette bête à nous révéler ses secrets. Monte là-haut et vois si tu peux l'ouvrir. »
Elle regarda la tête du Condor, figée dans sa noble pose.
« Quoi? Là-haut? »
« – Oui, là-haut! Nous avons assez perdu de temps comme ça, il nout faut nous hâter. Ouvre cette chose, allez! »
Elle voulut protester, mais se tut, tournant autour de l'immense animal. Se préparant, elle s'accrocha à la queue, et grimpa comme elle pouvait, faisant attention à ne pas toucher les parties brisées. Son employeur ne lui rendait pas la tâche facile, vu qu'une bonne partie de la zone était désormais un désordre brunâtre qui ne volerait sans doute plus jamais.
Alors qu'elle se frayait un chemin vers le sommet, Ambrosius ramassa quelque morceaux tombés. La pourriture se répandait lentement comme de la moisissure sur du pain, ce qui le fit ricaner.
« C'est bien dommage... », dit-il à voix haute. « Tu as choisi là une bien belle bête pour t'y coller, mon garçon. Je ne m'attendais pas à mieux de ta part. »
Il découpa un autre morceau de l'oiseau, pour révéler les complexes rouages sous sa peau dorée.
« Tu t'es attaché à cette machine, comment pouvait-il en être autrement? Et je te comprends, tu sais, je te comprends vraiment. S'il eut été un rien plus spacieux, j'en aurais fait mon moyen de locomotion favori. »
Toujours pas de trace du cœur. Il commençait sérieusement à s'impatienter.
« Mais ce n'est pas ton œuvre. Un sang-mêlé comme toi ne parviendrait jamais à maîtriser un art que les plus éminents alchimistes ont encore du mal à concevoir! »
Sans prévenir, il frappa le Condor de son arme, enragé. Le métal pourri s'effrita encore plus, et Laguerra faillit tomber.
« Je sais que tu m'entends, Esteban! Ne joue pas l'innocent. Dis-moi comment tu t'y es pris, ou bien ni toi ni tes amis ne reverrez jamais la lumière du jour! Dis-moi qui t'a aidé! »
Sur le cou du Condor, Laguerra parvint finalement à se hisser jusqu'au cockpit ouvert. Elle s'y laissa glisser, soulagée de fouler à nouveau un sol solide.
« Il se croit malin, avec ses ordres... », marmonna-t-elle. « J'ai une tête à savoir comment cet engin fonctionne? »
Les lumières du tableau de bord étaient éteintes, et il n'y avait aucun moyen de pilotage. Elle appuya sur des boutons au hasard, toucha çà et là, cherchant à l'activer. Mais comment faisaient donc ces gamins? Il se passait un truc bizarre ici.
Au loin, le soleil se montrait déjà. Elle craignit une activation soudaine de la machine; mais heureusement, rien de ce genre ne se produisit. Pas d'allumage, aucun bruit bizarre.
« Bon, au moins tu n'iras nulle part, poulette. »
Elle s'assit sur le siège du pilote, et pendant un moment s'imagina chevaucher cette bête géante à travers les cieux; mais elle se débarrassa vite de cette vision stupide. C'est alors qu'elle sentit quelque chose sous sa cuisse; en se levant, elle vit un petit disque de métal gravé dans les pans du siège.
« ...évidemment. »
Elle le ramassa, l'examina. Ce truc entrait sûrement dans la fente ronde du tableau de bord. Ça ne voulait dire qu'une chose, alors.
Alors qu'elle s'apprêtait à l'y mettre, elle entendit alors une voix.
Je ne ferais pas ça si j'étais vous.
Elle s’arrêta net. Cette voix…! C'était celle du gamin!
« Toi! Tu es
vivant! »
En êtes-vous sûre? Vous l'avez vu, pourtant. Vous étiez aux premières loges.
Un frisson lui parcourut l'échine. Ce ne se pouvait pas...c'était impossible!
Vous m'avez vu chuter vers ma mort.
« Tu mens! C'est une illusion, c'est ça!? »
Elle essayait de garder la tête froide malgré sa nervosité et sa peur montante. D'en bas, la voix d'Ambrosius lui parvint.
« Qu'est-ce que tu fais donc? Ouvre-moi, le soleil va se lever! »
Sa lumière se répandait lentement sur le corps du Condor, l'entourant d'un halo doré dont les reflets lui donnèrent le vertige. Elle recula, se tenant au siège pour rester debout, ses jambes tremblantes.
Vous m'avez vu mourir, Isabella. Et vous savez ce qui a provoqué ma mort, n'est-ce pas? Vous et vos alliés êtes responsables!
« Tu mens! Tu mens!! »
Je ne dis que la vérité! Et vous serez tous punis pour vos crimes!!
C'en était trop. Elle jeta l'emblème du soleil, prise de panique. Elle ne pouvait pas le supporter, l'imaginer! Et maintenant, à cause des actes d'Ambrosius, elle serait hantée par l'esprit vengeur de l'enfant qu'ils avaient tué!
« Laguerra! Réponds! »
Il devait tout faire par lui-même, pas vrai? Soit! Ambrosius s'accrocha à la queue du Condor, et se mit à escalader à son tour. Le soleil se répandait, courait sur chaque plume de la machine géante, mais il savait qu'elle ne décollerait pas. Il était trop près du but pour échouer! S'accrochant comme il pouvait, il atteignit le dos de la bête, se penchant pour ne pas être déséquilibré. D'ici, il voyait son assistante recroquevillée dans le cockpit.
« Eh bien, qu'est-ce qui se passe? Je ne peux décidément pas te faire confiance... »
À sa grande surprise, elle se tourna vers lui, les yeux écarquillés.
« Il faut partir, Ambrosius! Vite! »
Il ne fit qu'en rire.
« Partir? Et pourquoi donc? Nous sommes trop proches pour quitter, désormais! »
Il se laissa tomber dans le cockpit, examinant les alentours.
« Regarde donc ça! L'emblème du soleil a disparu! Tout véhicule a besoin d'une clé, et celui-ci n'a plus la sienne! »
« – Je suis sérieuse. Il faut qu'on parte! On a assez causé de problèmes comme ça! »
« – Des problèmes? Nous aurions pu tout avoir, si ces maudits garnements n'avaient pas fait des leurs! Et maintenant qu'ils nous ont offert le but ultime sur un plateau, tu voudrais
partir!? »
Il ricana. Un rire menaçant, sadique qui déformait son visage de gnome. Elle ne pouvait pas supporter ce spectacle, mais se força à lui empoigner les épaules.
« Notre but n'a plus d'importance! Vous ne voyez pas ce qui s'est passé? Nous avons
tué cet enfant, et maintenant il revient nous hanter! »
Il s'esclaffa, et la repoussa.
« Superstitions! Je n'ai pas le temps pour ces sornettes. Ce gamin a été assez bête pour causer sa propre perte, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même! »
Il fouilla aux alentours pour retrouver l'emblème du soleil, ignorant l'allure apeurée de Laguerra.
« Je te croyais plus raisonnable. »
« – Je
suis raisonnable. Assez pour ne pas rester ici et énerver les fantômes. »
« – Les fantômes! Des inventions idiotes de gens trop lâches pour s'entre-tuer. Ça ne m'a jamais posé problème, pourquoi devrais-je en avoir peur? »
Il se releva, tortillant sa barbe dans ses doigts.
« Je ne vois l'emblème nulle part. Les autres ont dû l'emporter avec eux. »
Laguerra cligna des yeux, ses mains déformant presque le tissu du siège.
« C'est...c'est impossible. Il était juste là, je l'ai vu! »
« – Juste là? Et pourquoi ne me l'as-tu pas apporté, au lieu de te cacher comme une peureuse? »
Elle ne put répondre. Alors qu'ils se disputaient, le soleil s'était levé, et enveloppait le Condor de sa lumière. Elle se diffusait dans l'air comme un voile, brouillant tout et les obligeant à ferme les yeux. Et c'est alors qu'ils entendirent la voix du dessus.
Maintenant, Pichu!!
Quelque chose s'agita dans les airs, et il y eut un clic. Ambrosius ouvrit les yeux malgré la lumière, et vit le perroquet vert pousser l'emblème dans sa fente.
Le Condor trembla, et la lumière se refléta tout autour, l'enveloppant d'une armure étincelante qui le fit crier de douleur en se couvrant les yeux. Il tomba à genoux, des étoiles lui brillant au coin des yeux, s'accrochant à ce qu'il pouvait. La tête du Condor se releva et son bec s'ouvrit, les renversant presque, et ses ailes se déployèrent sous le soleil.
« Tu ne t'en sortiras pas si facilement! », hurla Ambrosius, essayant de voir à travers la lumière aveuglante.
Mais c'est alors que la lumière bougea, comme si elle prenait vie. À travers ses doigts, il la vit pendre forme, s'assembler sur le cou du Condor. Il n'arrivait pas à distinguer ce qui se passait, même quand l'éclat se calma; mais il entendait clairement. Il entendit une voix, la voix d'un enfant qu'il ne connaissait que trop.
Je vais sauver mes amis. Toi, tu t'occupes de ces deux-là.
Et juste après, une autre voix. Plus mûre, plus imposante.
Celui là n'ira nulle part. Pas après ce qu'il m'a fait.
L'enfant de lumière sourit, et sauta hors du Condor.
Le prochain chapitre sera le dernier.
trop de suspeeeeense!!!!