FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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nonoko
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par nonoko »

C'est corrigé, merci Akar, comment ai-je pu oublier un mot, c'est pas faute de relire pourtant, bouh ouh ouh...Heureusement que Captain Akar veille et ne laisse rien passer! ;) (tu as relu parce que je n'avais rien publié de nouveau? :x-): )
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Akaroizis
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Akaroizis »

nonoko a écrit : 09 mars 2018, 19:04 (tu as relu parce que je n'avais rien publié de nouveau? :x-): )
:x-):
Perspicace, cette chère Nono ! ^^
Le présent, le plus important des temps. Profitons-en !

Saison 1 : 18.5/20
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DeK
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par DeK »

Ah, je me doutais bien que ce métis de malheur allait passer tôt ou tard à l'action ! Une vérité qui éclate au grand jour (enfin, façon de parler car la Lune brille dans ce passage :roll: ) et nos héros découvrent cette fois le vrai visage du serpent ! Gonzales a pris un très grand risque en se jetant sur Tao si sauvagement, j'avouerais bien que cet excès de violence m'a choqué, toutefois je n'ai pu m'empêcher d'arborer un sourire assez malveillant en lisant cette agression quasi gratuite ; tout comme la tentative d'Indali pour intercepter le fuyard ainsi que l'intervention de Zia m'a réjoui, ne jamais sous-estimer ces jeunes femmes ! :x-):

Eh ben, Tao se décide enfin à avouer ses sentiments —ce n'est pas trop tôt mais fallait-il vraiment en arriver là ?— et nous laisse sur un joli moment malgré une situation dramatique.

Le rythme était déjà particulier (ce n'est pas un reproche) dans le chapitre précédent, il est, dans cette partie, haletant ce qui est vraiment plaisant. Dès le vol des artéfacts, les actions, leur violence et leur conséquence s'enchaînent et c'est très réussi ; pendant la course poursuite dans les bois qui se termine en haut de la tour je m'imaginais courir aux côtés de Mendoza, presque autant essoufflée que lui. J'ai failli croire que Gonzales était pris au piège à un moment, mais évidemment le diable a plus d'un tour dans son sac... :twisted: Une évasion inattendue par la voie des airs après avoir dérobé le butin !? :) Voilà qui me fait subitement penser à Moriarty dans le Sherlock Holmes de Miyazaki et Mikuriya.
Bref,
nonoko a écrit :M : La prochaine fois, face à face, si tu as un peu d’honneur !
comme j'attends cet affrontement fatal.

Chaltim' a déjà relevé la phrase imagée qui avait retenu mon attention et qui résume bien l'état d'esprit de Mendoza : le marin se réveille et ça va saigner. Je n'en dirais donc pas plus si ce n'est que, le «surdosage» fait plaisir à lire !
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Chaltimbanque
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Chaltimbanque »

Bon, j'ai fait ce que j'ai pu... ;)

Pourquoi fallait-il que les mains soient attachés par-devant ?!? C'eût été tellement plus simple si elles avaient liées dans le dos...
Ah oui, pour permettre de dessiner tout ça sans que ça soit classé X, suis-je bête... :lol:

En tout cas, je vous assure que j'ai mis une application toute particulière à l'effet huilé. :x-):

Inspiré, donc, du chapitre 16, partie 4 (et pour Seb, je précise qu'il s'agit de la page 47 de ce topic). 8)

06-partie1.png
06-partie2.png
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nonoko
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par nonoko »

C'est un fanart spécial Pâques? Dans ce cas tu as bien caché les oeufs! 8-x
Tu as tout compris à propos des mains...je me revois en train de réfléchir à l'improbable possibilité que quelqu'un ose dessiner la scène :lol:
L'éclat des yeux de Gonzales est superbe, et j'aime beaucoup la deuxième image, avec les poings en avant.
Un Mendoza hiératique fort réussi, mais on voit que tu n'aimes pas Gonzales, une vraie peau de crabe! Une carapace à s'y casser les dents, c'est un coriace, c'est sûr!
Merci pour la surprise! :-@
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Chaltimbanque »

nonoko a écrit : 02 avr. 2018, 22:01 C'est un fanart spécial Pâques? Dans ce cas tu as bien caché les oeufs! 8-x
Hin-hin ! :x-):
nonoko a écrit : 02 avr. 2018, 22:01 On voit que tu n'aimes pas Gonzales, une vraie peau de crabe! Une carapace à s'y casser les dents, c'est un coriace, c'est sûr!
En fait, je ne le déteste pas tant que ça. C'est un antagoniste très réussi, ce qui fait que j'ai envie de lui coller des baffes quant à ses actions, mais je sais apprécier un bon méchant. ^^
Bref, peu importe.
nonoko a écrit : 02 avr. 2018, 22:01 Merci pour la surprise! :-@
You're most welcome. I'm glad you like it. :D
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DeK
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par DeK »

Pinaise comme je suis heureuse d'avoir été patiente, quelle belle surprise de découvrir ce dessin entièrement ! :D
Je dois t'avouer que j'avais une autre vision en tête dès l'instant où tu m'as dit que tu t'attaquais à la scène du marché aux esclaves, mais cette version est cent fois mieux que ce que j'ai pu imaginer.
L'effet huilé est plus que réussi, il met formidablement bien en valeur leur corps d'athlète, toutefois je m'étonne que la surenchère d'abdominaux n'ait pas rendu jaloux certains membres de ce forum. :roll:
Je kiffe tout simplement le regard de Gonzales, il n'y a rien à redire. Je sais bien que ce n'est qu'un dessin, mais ces «yeux de feu» dégagent quelque chose de particulier, j'ai dû passer 2 ou 3 bonnes minutes à essayer de les défier tellement ils m'hypnotisaient. ^^ D'ailleurs, cela ne me surprendrait pas de rêver de ses yeux reptiliens dès cette nuit.
Enfin, mention spéciale au Mendoza stoïque qui semble attendre patiemment la fin de la vente. :-@

Comme toujours, c'est du grand art !
Modifié en dernier par DeK le 03 avr. 2018, 21:34, modifié 1 fois.
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Chaltimbanque »

DeK a écrit : 03 avr. 2018, 20:49 Pinaise comme je suis heureuse d'avoir été patiente, quelle belle surprise de découvrir ce dessin entièrement ! :D
[...]
Comme toujours, c'est du grand art !
Je te remercie chaleureusement, mais je pense que tu aurais fait au moins aussi bien, sinon mieux (surtout au niveau du décor :roll: ). ;)
Je suis contente que les "yeux de feu" fassent leur petit effet ! ^^
Et puis évidemment, Mendodo, parce que c'est toujours un challenge (on se demande bien pourquoi...). :x-):

En bref: muchissimas gracias, señorita ! :D
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Ra Mu »

Chaltimbanque a écrit : 02 avr. 2018, 20:26 Bon, j'ai fait ce que j'ai pu... ;)
Pourquoi fallait-il que les mains soient attachés par-devant ?!? C'eût été tellement plus simple si elles avaient liées dans le dos...
Ah oui, pour permettre de dessiner tout ça sans que ça soit classé X, suis-je bête... :lol:
Et les deux parties vont bien ensemble. 8)
Tu t'es fait plaisir avec l'huile, voilà qui met du sel dans cette scène avant qu'elle ne tourne au vinaigre.
Bravo Chachat!
- On s'est tout de même embrassés, cela ne signifie donc rien?
- HEIN? T'as embrassé Ambrosius?
- *soupir* Allez, déblaie!
HOP HOP HOP! :x-):
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par nonoko »

Tout vient à point à qui sait attendre :roll:
Cette fois, ce n'est pas un message pour rien :x-):
Avec toutes nos excuses...( d'autant plus qu'il va peut-être falloir relire les parties précédentes pour vous rafraîchir la mémoire [-| )


Troisième partie.


Les paroles d’adieu de Gonzales transpercèrent Mendoza. « Notre prochaine rencontre… » Combien ardemment il la souhaitait ! Et combien douloureusement il devait accepter sa défaite momentanée…tout son être était tendu vers l’anéantissement de cet ennemi qu’il avait si longtemps ignoré. S’il avait pu lui sauter à la gorge et le déchiqueter tel un chien enragé, il l’aurait fait. Mais l’objet de sa haine avait disparu dans la nuit, le laissant en proie à un désir de meurtre inassouvi qui le faisait atrocement souffrir, d’autant plus qu’il s’efforçait de contenir les cris de rage dont Gonzales n’aurait pas manqué de se réjouir s’il les avait entendus. « Saluez bien Isabella… » Jamais il ne s’était senti si seul, comme un fossoyeur qui aurait creusé sa propre tombe sans aucune aide, parce que personne n’était plus là pour l’aider, tous s’étaient éloignés, lui avaient tourné le dos, et il n’avait rien fait pour les retenir, car il n’y avait rien à faire, il avait tué leur amour. Alors, au prix d’un effort extrême, il s’éloigna du vide au bord duquel il hésitait, reculant de quelques pas, puis il regagna les escaliers et se mit à descendre machinalement, heurtant les murs comme un homme ivre. Après quelques marches, il s’arrêta sur un étroit palier qui donnait accès à une salle exigüe, où il se laissa choir, dans l’espoir que le sol dur et froid absorberait sa fièvre, se nourrirait de son désespoir et boirait le fiel qui coulait dans ses veines. Son bras droit heurta alors un objet métallique. Il sentit sous le dos de sa main une poudre douce encore tiède, et se laissa pénétrer de sa chaleur tandis que son esprit s’apaisait sous l’effet du questionnement qui chassait les démons en faisant appel à la raison. Mais il n’eut pas plutôt compris qu’il regretta de s’être laissé tomber dans cette pièce, et roula sur le côté pour s’éloigner des cendres et se remettre sur pied. Combien de temps avait-elle attendu là, tapie dans cette tour ? Il ne put s’empêcher de scruter l’ombre pour déceler d’autres traces de sa présence : un tapis d’herbes, une couverture abandonnés, avaient accueilli son corps. Pourquoi ne l’avait-elle pas surpris, cachée dans cette pièce, quand il grimpait les marches à la poursuite de Gonzales ? Il lui aurait été si facile de lui transpercer le cœur de son poignard. Pourquoi tenait-elle ce poignard à la main, au lieu de le lancer sur lui, au moment où elle disparaissait ? Il faisait une cible si facile. Si elle voulait l’éliminer, pourquoi avait-elle laissé passer ces occasions ? Voulait-elle donc le rendre fou, à lui échapper ainsi alors qu’elle était si proche ? L’avait-elle laissé en vie par jeu, par cruauté, comme si elle seule décidait du sort de la créature qu’elle avait marquée de son sceau ? Il porta la main à son cou. La brûlure qu’il s’était infligée se rappelait soudain à lui, une douleur cuisante mais salutaire : la honte s’empara de lui, à l’idée de s’être laissé ainsi manipuler, et d’éprouver encore quelque chose pour celle qui ne méritait que sa haine. Il avait voulu effacer la marque sur son corps, alors qu’elle était imprimée dans son âme, et dans celle d’Isabella. Ceux qui avaient fait cela devaient payer. Ceux qui l’avait réduit à l’état de pantin, de mort-vivant, pourriraient bientôt, les entrailles à l’air. Alors peut-être trouverait-il le repos. Animé de sa seule haine, il quitta la tour, toujours dévoré par la flamme de la vengeance, mais l’esprit clair et déterminé. Au moment où il sortait, une voix le héla. Esteban, qui s’apprêtait à entrer, entendant des bruits de pas dans l’escalier, s’était caché dans l’attente de savoir qui allait surgir. Il étreignit son ami brièvement, n’osant le questionner, tant son calme le frappa. Mendoza le repoussa doucement, et, sentant le trouble d’Esteban, parla le premier.
M : Il m’a échappé.
E : Dans cette tour ? Mais…
Il n’osa pas continuer, parler des gémissements qu’il avait cru entendre, et qui l’avaient poussé à venir jeter un œil dans la tour, alors que les deux hommes avaient disparu à sa vue.
M : Hava était là, elle devait l’attendre. Depuis quand…je ne sais pas, mais j’ai retrouvé des traces de sa présence, elle a probablement dormi là plusieurs nuits. Ils avaient une sorte de zephti au sommet, je n’ai rien pu faire, ils se sont enfuis comme des lâches.
E : Tu es en vie, c’est l’essentiel. Je suppose que nous entendrons encore parler d’eux…un zephti....mais comment….
M : Ne te torture pas l’esprit inutilement. Nous le saurons bien assez tôt. Dans ton état, il vaut mieux que tu rentres au condor. Enfermez-vous à bord, ils ne pourront rien.
E : Et s’ils y sont allés ?
M : Je ne pense pas, la priorité de Gonzales était de nous échapper, il ne va pas tenter une nouvelle attaque maintenant.
E : Et qu’est-ce que tu en sais ?
M : De toute façon, après ce qui s’est passé, Zia a dû prendre des précautions. Je vais chercher Isabella.
E : Je ne vais pas te laisser y aller seul !
M : Je n’ai pas besoin de toi. Reste avec les autres. C’est à moi de régler ça. Et si nous ne revenons pas avant le lever du jour, ne vous occupez pas de nous. Partez. Et le plus loin possible.
Il ne laissa pas à Esteban le temps de protester une nouvelle fois, et le jeune homme dut se résoudre à le suivre jusqu’au condor, les dents serrées. Quand sa blessure le lancerait moins, il aurait sans doute les idées plus claires. Et Zia ne manquerait pas de le suivre sur les traces de Mendoza, que cela plaise à ce dernier ou pas. Zia…il avait soudain très envie de la serrer dans ses bras. De la réconforter. Elle avait empêché de justesse que Gonzales ne fracasse le crâne d’Indali. De justesse…Au souvenir du corps étendu sous le bec du condor, Esteban frissonna. Une fois de plus, tout basculait, vers le pire. Etait-ce donc là ce monde que ses ancêtres lui avaient fait miroiter ? Un monde de paix et de progrès ? Quel prix devrait-il donc payer pour cette chimère ? La statuette…Au moment où il se mit à souhaiter qu’elle coule à pic au fond des abysses, lui revint en mémoire un rêve ancien, un rêve où il flottait dans une lumière bleue. Aussitôt, il secoua la tête pour chasser le rêve, et se concentra sur sa marche pour éviter de trébucher dans l’obscurité.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Après avoir examiné Indali, Zia réalisa qu’elle n’avait pas pensé une seconde à aller voir comment se portait Nacir. Confusément, elle sentait qu’elle avait mis tous les passagers du condor en danger, en laissant Gonzales à bord. Comment un homme qui avait pris tant de soin d’un blessé pouvait agresser aussi sauvagement deux personnes sans défense, elle ne se l’expliquait pas, mais elle savait maintenant qu’il était capable de tout. Elle se dirigea le cœur battant vers la chambre où reposait Nacir, et se glissa sans bruit à l’intérieur. Aussitôt son nom retentit.
N : Zia !
Z : Oh, tu es réveillé…
N : Oui, depuis un moment déjà, il y a eu du bruit…ce n’était pas normal…j’ai entendu des cris, j’ai essayé d’appeler mais personne ne m’a entendu. Que s’est-il passé ?
Elle hésitait. Elle-même avait encore du mal à y croire. Il avait toute confiance en Gonzales, qui lui avait sauvé la vie. Mais à quoi bon essayer de le tromper ? Il saurait tôt ou tard la vérité.
Z : Je suis désolée d’avoir à te dire cela, mais Gonzales est un voleur. Esteban et moi nous nous étions absentés et…bref, il est revenu à bord, et il a agressé Tao et Indali pour voler certains objets….nous l’avons surpris…Esteban et Mendoza sont partis à sa poursuite.
Totalement pris au dépourvu, Nacir ne sut d’abord que répondre, puis il tenta de se lever comme s’il voulait participer à la poursuite, ce qui ne fit que lui arracher un cri de douleur. Doucement mais fermement, Zia l’empêcha de se redresser.
Z : Je suis navrée Nacir…toi et moi, nous ne pouvons qu’attendre. Sois raisonnable. Au moins, à toi, il n’a pas fait de mal, alors calme-toi.
Il se laissa faire, et resta quelques instants immobile, les yeux perdus dans le vague, les poings serrés.
N : Je ne comprends pas…qu’est-ce qui lui a pris ? Et les autres ? Comment vont-ils ?
Z : Tao n’a rien de grave…Indali aurait pu mourir.
N : Je lui faisais confiance…et Mendoza aussi.
Z : Tu n’as rien à te reprocher. Il nous a tous trompés.
Elle se leva soudain, et sortit sans un mot de plus, abandonnant Nacir à ses pensées. Oui, Gonzales les avait tous trompés, mais jusqu’à quel point ? Se pouvait-il qu’il doive la vie à un homme pareil ? Devait-il donc transformer sa reconnaissance en haine ? La douleur, qui s’était estompée sous l’effet de l’onguent préparé par Zia, se réveilla soudain, comme si son corps voulait lui rappeler ce qu’il avait enduré depuis sa chute. Sa chute sur le pont de la galère de Romegas, au moment où il lançait son poignard en direction d’Hava… une autre voleuse, une criminelle…La douleur lui fit perdre le fil de ses pensées, il n’était plus qu’un corps souffrant.
Zia s’était rendue à l’avant, et , assise son siège au poste de pilotage, s’était mise à surveiller la forêt tout en jouant inconsciemment avec la roue dentée qu'elle avait récupérée sur le sol. Elle avait besoin de faire le point, seule. Face à Nacir, elle se sentait si coupable, sans trop savoir pourquoi. Et elle ignorait si elle aurait encore le courage de pénétrer dans la chambre où Tao veillait sur Indali. Qu’est-ce qui lui avait pris, quelle folie, pourquoi diable avoir fait monter Gonzales à bord au risque de le laisser sans surveillance, malgré ses soupçons ? Elle voulait le protéger, le soigner, il en avait besoin après son altercation avec Mendoza, mais elle aurait dû rester, et le surveiller de près… Rien ne serait arrivé, elle aurait tout empêché, et Indali n’aurait pas frôlé la mort. D’autant plus qu’elle avait menti à Tao, pour ne pas l’inquiéter certes, mais en vérité elle n’était pas sûre de la gravité de l’état de la jeune femme, elle savait juste que plus tôt elle ouvrirait les yeux et plus cela serait rassurant.
Et pour ne rien arranger, à présent c’était Esteban et Mendoza qui étaient en danger… Une poursuite de nuit face à un adversaire si imprévisible…Elle se rassura en se disant qu’ils étaient deux contre un, et que Gonzales n’avait plus son épée. Peu après, elle distingua une tache blanche entre les feuillages, enfin Esteban revenait, mais il semblait seul.
Après s’être assuré qu’aucune autre présence ne rôdait aux alentours, elle ouvrit le bec puis accourut vers son fiancé. L’odeur du sang qui ruisselait sur son bras la saisit. Elle ne put s’empêcher de crier.
Z : Que s’est -il passé !? Où est Mendoza ?
Elle n’attendit même pas la réponse d’Esteban, agrippa son bras indemne et le traina à l’intérieur. Bousculé par ces fulgurantes retrouvailles, il put à peine bredouiller que le marin était parti chercher Isabella. Bientôt, il se retrouva assis sur leur lit et reprenait peu à peu ses esprits tandis qu’elle désinfectait la plaie. Il tenta de se dégager.
E : Ce n’est pas urgent..
Z : Je ne vais certainement pas te laisser saigner, il faut soigner ça. Et puis ça me rend plus utile…
E : Ton temps serait bien mieux employé auprès d’Indali ou Nacir. Comment…
Z : Ils vont bien, enfin…il ne s’en est pas pris à Nacir, pourquoi l’aurait-il fait d’ailleurs ?
E : Et Indali ?
Z : Je ne peux rien faire …
E : Bien sûr que si, tu es la meilleure guérisseuse que je connaisse.
Z : Elle est inconsciente, on ne peut rien faire de plus qu’attendre. Le temps est et sera toujours le seul et unique maitre, Esteban…
Sur ces dernières paroles elle finit de serrer le bandage, puis se tut. Esteban la remercia en lui caressant la joue, mais il n’obtint aucune réaction, la jeune femme semblait figée.
E : Sans toi, que ferions nous…
Z : C’est ma faute…
E : Tu ne pouvais pas le savoir…
A cet instant, elle se leva brusquement, et s’emporta, la voix tremblante.
Z : Bien sûr que si ! Depuis des jours et des jours mes doutes envers Gonzales m’occupaient l’esprit, il y avait trop de coïncidences ! Mais j’ai préféré ne rien dire en voyant Mendoza le défendre aussi ardemment, puis toi! J’ai gardé ça pour moi, pour ne rien dévoiler, et être sûre de mes accusations. Je doutais, alors que je n’aurais pas dû. Et au moment, au moment précis où j’aurais dû faire preuve de bon sens, je l’ai… j’ai l’ai fait entrer ici. Au moment où mes doutes auraient dû m’inciter à me méfier, je l’ai laissé seul avec Indali et Tao…
Esteban se leva à son tour, et de son bras valide chercha à enserrer sa taille.
E : A ce moment-là c’est ton cœur qui a parlé… tu as voulu sauver une vie, il n’y a aucun mal à cela, tu ne pouvais pas savoir à qui tu avais affaire…
Elle le repoussa brusquement, ce qui choqua le jeune homme.
Z : Tu ne comprends rien !!! Peut-être que c’est mon cœur qui a parlé, mais dans ce cas j’ai mis mes meilleurs amis en danger ! J’aurais dû rester, j’ai été irresponsable, jamais je n’aurais dû le laisser seul avec eux, jamais !
Esteban voulut rétorquer, mais elle partit en courant, le laissant désemparé. Ainsi, elle avait eu des soupçons, comme Isabella. Elle les avait gardés pour elle. Elle ne les avait pas partagés avec lui. Elle s’en voulait. Et lui, lui en voulait-il ? Le pensait-elle ? Il devait lui parler, la rassurer. Mais au moment où il allait sortir pour la rejoindre, il se ravisa. S’il parlait maintenant, aurait-il la sincérité suffisante ? Il se sentait blessé, malgré lui. Gonzales avait fait beaucoup de mal autour de lui ce soir-là.
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
Depuis la chambre d’Indali dont la porte était entrouverte, Tao avait tout entendu, les paroles de Zia l’avaient particulièrement secoué. Certes elle avait une part de responsabilité dans les évènements, mais comment lui en vouloir ? Il ne pouvait pas. Il fallait pourtant qu’il trouve un responsable, ou il deviendrait fou. Indali gisait inconsciente près de lui, et il ne pouvait s’en prendre à personne ? A lui-même, oui, pour n’avoir pas pu la protéger, pour s’être laissé embobiner, pour avoir baissé la garde, pour avoir oublié sa méfiance naturelle. Mais s’il l’avait fait, était-ce à cause de Zia ? Qui donc les avait tous incités à avoir confiance ? La réponse était simple. Et le pardon ne serait pas facile à accorder. Mais à Zia, il l’accorderait sans hésitation. Elle en avait besoin. Il sortit pour se mettre à sa recherche, et entendit bientôt des sanglots derrière la porte du laboratoire. Ainsi, c’était là que sa sœur de cœur s’était réfugiée…Il se sentit encore plus proche d’elle. Doucement, il toqua à la porte.
Z : Laisse-moi seule !
T : Zia c’est moi…
La surprise d’entendre une autre voix que celle d’Esteban la prit totalement au dépourvu.
T : Ouvre, s’il te plait…il faut qu’on parle…
Z : Pas maintenant Tao… Laisse-moi seule…je t’en prie…
T : Tu sais, si tu n’ouvres pas… je sais comment ouvrir cette porte…
Il n’obtint aucune réponse. Après avoir attendu vainement quelques minutes, il décida d’agir. Il n’allait pas la laisser comme ça, que ça lui plaise ou non. Il ne pouvait rien faire pour Indali, mais il avait besoin de se rendre utile ; il ne supportait plus son impuissance. Il prit son matériel, et eut vite fait d’ouvrir la porte. La jeune femme était assise sur le sol, les jambes repliées et les mains sur les genoux, les yeux emplis de larmes.
Tao commença par s’assoir devant elle.
Z : Tu n’abandonnes jamais ?
T : Tu sais bien que non…Et puis Esteban n’a pas insisté car il savait pertinemment qu’il ne te raisonnerait pas… seule une personne à qui tu crois avoir porté préjudice le peut… Tu as toujours été comme ça….
Z : Je suis vraiment désolée Tao… Je suis seule responsable de ce qui s’est passé.
Il resta silencieux quelques instants avant de poser ses mains sur les siennes ; elle tenta d’abord de se dérober, mais il parvint à garder les mains de son amie dans les siennes, les enserrant dans une douce pression.
T : Pourquoi devrais-tu te sentir seule responsable ? Nous avons tous été trompés…et certains plus que d’autres. Veux-tu que je te dise ? Je n’ai rien à te reprocher … Je suis nettement plus coupable que toi…
Z : Ne sois pas ridicule…
T : J’aurais pu refuser qu’il entre… J’aurais pu ne pas commencer à étudier cette pièce…
Z : Il est inutile de refaire le passé. Je comprends que tu t’en veuilles, alors, comprends-moi aussi. Je sais que je ne devrais pas réagir comme ça, mais je n’y peux rien. Il faut juste me laisser un peu de temps, ça ira mieux bientôt.
T : J’aimerais bien pouvoir dire la même chose. Mais je crois que je vais avoir du mal à digérer tout ça. A arrêter de m’en vouloir, et d’en vouloir à…aux autres.
Z : On va tous avoir du mal à surmonter ça, mais on va y arriver. On ne va pas laisser Gonzales gagner. Il ne nous séparera pas, n’est-ce pas ?
Elle le fixait à présent, et il se sentit rougir sous son regard intense. Il avait l’impression qu’elle pouvait lire en lui. Il eut honte et se mit à bredouiller pour se justifier.
T : Tu as raison..mais ça sera difficile…si Indali ne va pas mieux, je ne suis pas sûr de, de pouvoir pardonner. Tout à l’heure, elle s’est réveillée, quelques instants, certes, mais elle était consciente, et puis, elle a refermé les yeux. Et si elle ne les rouvrait pas ? Qu’est-ce que je ferais ? Je ne sais pas si je pourrais pardonner, non, je ne sais pas…
Z : Tu dis qu’elle s’est réveillée ?
T : Oui, pas longtemps, mais elle était bien consciente.
Z : Oh, Tao, pourquoi ne l’as-tu pas dit plus tôt ? Allons la voir, tout de suite !
Elle entreprit de se lever. Elle était métamorphosée.
Z : J’ignorais la gravité réelle de la blessure d‘Indali, je ne voulais pas t’inquiéter, alors je t’ai dit que cela ne paraissait pas trop grave, mais je n’étais sûre de rien. Si tu dis vrai, alors nous pouvons reprendre espoir !
Quand Tao, suivi de Zia, ouvrit la porte de la chambre d’Indali, cette dernière était redressée sur son lit, et se tenait la tête, l’air égaré. En quelques pas, ils furent auprès d’elle.
T : Indali, tu, tu te sens mieux ?
Elle mit un temps avant de répondre, comme si elle cherchait à comprendre.
In : Tao que m’est-il arrivé ?
T : Tu ne te souviens pas ?
In : Non…je, je suis blessée ?
Z : Oui, tu as reçu un mauvais coup, mais ça va aller maintenant.
T : Tu ne te souviens vraiment de rien ?
Zia lui fit signe de se taire, et entreprit de s’occuper de la blessée. Désemparé, Tao la regarda faire quelques secondes, avant de tourner les talons et de quitter la pièce. Il aurait dû être soulagé, heureux même. Se pouvait-il qu’elle ait tout oublié, vraiment tout ?
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Il était clair que la mission était un échec. Son fils s’était montré en dessous de tout. Il avait bien rapporté cette mystérieuse pièce, qu’elle avait failli jeter par-dessus bord dans son énervement, mais il avait laissé échapper la statuette : le Maître serait furieux. D’autant plus furieux que Mendoza était toujours en vie. Et cela, elle ne pouvait que se le reprocher à elle-même, ce qui la rendait encore plus odieuse à l’égard de son fils, qu’elle accablait de son mépris pour mieux cacher sa propre honte. Il n’était pas dupe, et gardait un calme olympien qui irritait encore davantage sa mère.
G : Moi qui croyais que nous étions faits du même bois…c’est ce que vous me répétiez sans cesse…je vais finir par croire que je tiens davantage de mon père quoique cela ne m’enchante guère.
Elle lui jeta un regard noir avant de donner l’ordre d’appareiller. Il poursuivit sans se démonter.
G : Vous compter déjà rapporter la pièce au Maître ? Puis-je vous suggérer un autre plan ?
Elle l’ignora superbement et se dirigea vers sa cabine. Il la suivit tout en parlant.
G : Cette chère Pénélope comme vous vous plaisez à la nommer se trouve seule dans la maison à l’heure actuelle. Vous me débarquez dans la baie avec quelques hommes et le tour est joué. Mais nous ne devons pas perdre de temps.
Elle se retourna brusquement.
H : Tu comptes l’échanger contre la statuette ou la garder pour ton bon plaisir ?
G : Allons allons, mère, vous n’allez pas me reprocher de joindre l’utile à l’agréable ! Je ne ferais que vous imiter…
H : Non, dans ce cas tu tiendrais plutôt de ton père : moi je ne partage avec personne ! Si tu la ramènes ici, arrange-toi pour obtenir la statuette et pour garder Pénélope avec toi, ou élimine-la ! C’est le moins que tu puisses faire après ton lamentable échec !
G : Dois-je comprendre que vous approuvez mon plan ?
H : En cas de nouvel échec, je ne te couvrirai pas !
La porte de la cabine claqua derrière elle. Il ne fallut pas longtemps à Gonzales pour mettre son plan à exécution : il savait que chaque minute comptait. La perspective de posséder Isabella effaçait de son esprit les menaces de sa mère. Il ne pouvait douter de sa réussite. Aussi, quand il entra seul dans la maison en toute discrétion, après avoir donné l’ordre aux hommes de se tenir prêts à répondre à son appel, il était en proie à un mélange détonnant d’excitation, d’anxiété et de fébrilité qu’il n’avait jamais éprouvé auparavant. Elle l’attendait, là où il l’avait laissée, assoupie sur le lit, abandonnée à un sommeil peuplé de mauvais songes auxquels il allait mettre fin. Plus rien n’était impossible. La porte de la chambre était ouverte. L’avait-il laissée ainsi ? Il ne s’en souvenait pas. Encore un pas, et il serait à ses pieds, il la tiendrait dans ses bras, elle protesterait, en vain, il ne la laisserait pas le repousser, cette fois, elle le suivrait, malgré elle. Il tâta dans sa poche le flacon tout en poussant du pied la porte. Malgré l’obscurité il distinguait parfaitement le lit au fond de la pièce, il voyait la tache claire des draps repoussés sur le côté. Immédiatement ses sens furent en alerte mais il ne lui fallut pas plus d’une poignée de secondes pour avoir la certitude qu’aucune présence n’encombrait la chambre. Elle n’était plus là, et il avait échoué. Il fouilla les alentours par acquis de conscience, voulut se lancer à sa poursuite, renonça. Il se sentait las. La vie se jouait de lui, une fois de plus. Il allait encore falloir lui faire payer son insolence. Entre lui et elle, c’est à qui saurait infliger le plus de souffrances. Et à ce petit jeu, il finirait bien par gagner.
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Il pressait le pas, conscient que la menace planait désormais sur chacun des êtres qui lui étaient chers. Une fois de plus, le fragile équilibre avait été détruit. Depuis toutes ces années, il croyait être habitué à la lutte sans cesse recommencée, il avait fini par croire qu’elle était la seule vérité, et s’y préparait même dans les moments de bonheur guettant presque l’instant où tout basculerait et où il lui faudrait recomposer son être pour ne plus laisser aucune faille en lui. Mais cette fois il savait qu’il lui faudrait plus de temps qu’à l’ordinaire. Peut-être même ne parviendrait-il pas à éliminer toutes les failles. S’il devait en rester, il espérait que ce serait à lui qu’elles seraient fatales, et à aucun de ceux qu’il se devait de protéger. Une fois sorti du bois il s’était mis à courir, pour s’arrêter brutalement à quelques pas d’elle, surpris et soulagé à la fois, incapable de détacher son regard de la silhouette qu’il avait distinguée alors qu’elle marchait à pas rapides dans sa direction, sans chercher à l’éviter. Elle avait fini par ralentir et s’arrêter elle aussi et attaqua la première, d’un ton froid, la tête légèrement tournée de côté.
I : Je te trouverai encore souvent en travers de mon chemin ?
M : Je m’inquiétais pour toi que tu le veuilles ou non.
I : J’attendais Zia, pas toi.
M : Je vais t’accompagner jusqu’au condor et je te laisserai tranquille.
I : Tu ne me crois plus capable de marcher seule la nuit ?
M : Tu as pris des risques. Tu aurais pu tomber cent fois. Et rencontrer…
I : Gonzales ?
M : Et Hava.
Après un court silence elle reprit.
I : Elle aurait certainement eu des choses intéressantes à raconter. Avant que je la tue.
M : Ou qu’elle te tue. Ecoute, ne traînons pas, Gonzales a attaqué Tao et Indali, il a tenté de voler la statuette, Esteban et moi n’avons pu l’arrêter, il s’est enfui grâce à Hava.
I : Tiens donc…
M : Inutile de triompher, le mal est fait.
I : Non, ce n’était qu’un début. Pour ma part, je suppose que seule la mort pourra mettre un terme à mes souffrances. Et j’espère qu’elle viendra vite.
Sans attendre aucune réponse elle se remit en route, dépassant Mendoza qui la suivit en silence. S’il en avait eu le courage, il l’aurait prise dans ses bras. Mais elle avait découragé en lui toute tentative de réconciliation. Souhaitait-il lui-même une réconciliation ? Elle avait repris sa liberté et lui avait laissé la sienne. N’était-ce pas ce qui convenait le mieux à deux êtres tels qu’eux ? Ainsi, il était libre d’accomplir sa vengeance sans se soucier des conséquences. Il ne pourrait lui faire plus de mal que ce qu’il lui avait déjà fait subir. Elle, pourtant, n’était plus si libre qu’auparavant. Elle portait leur enfant. Et Mendoza n’allait pas la laisser jouer avec la vie d’un innocent, si telle était son intention. Elle ne serait vraiment libre que quand elle l’aurait mis au monde. La traversée des bois fut pénible. Isabella refusa toute aide malgré l’obscurité. Il attendit de la voir disparaître dans le condor pour se retirer à l’abri des premiers arbres et s’appuyer contre un tronc. De là il veillerait sur eux jusqu’au lever du soleil.


Quatrième partie.


Isabella n’avait pas fermé l’œil de la nuit mais au petit matin la fatigue l’avait vaincue. Quand elle s’était réveillée ils étaient déjà arrivés à Barcelone depuis longtemps. Tout était silencieux à bord. Personne dans la salle principale. Mais Esteban somnolait dans le cockpit, bloquant tout accès à la commande d’ouverture de la trappe. Il ouvrit un œil dès qu’elle s’avança vers lui.
E : Bien dormi ?
I : Sûrement mieux que toi. Je t’en prie, tu peux aller te coucher. Tu as passé la nuit ici ?
E : On ne peut rien te cacher. Mais je suis en pleine forme et prêt à t’empêcher de sortir.
I : Ces précautions sont ridicules. Une idée de Mendoza je suppose.
E : Non, je suis assez grand pour savoir ce que j’ai à faire. Et il me déplairait fort de savoir que tu as disparu dans la nature.
I : Je ne vois pas ce que j’irais faire à Barcelone.
E : Moi non plus mais on peut faire tant de mauvaises rencontres dans une grande ville. Souviens-toi d’Oran.
I : Tu crois qu’ils sont là eux aussi ? Si vite ?
E : Avec un navire à vapeur solaire rien ne m’étonne.
I : Et Mendoza est parti voir Ruiz…
E : Comme il en avait l’intention oui. Bien entendu, il a voulu y aller seul. Mais il n’y a pas de quoi s’inquiéter.
I : Non, d’ailleurs tu n’as pas l’air inquiet.
E : S’il n’est pas revenu d’ici la tombée de la nuit, nous partons chez Pedro et Sancho. Tu y seras très bien. Ainsi que Nacir.
I : C’est ce qu’il a prévu pour moi ? Et tu crois que je vais accepter vos petits arrangements ?
E : Je t’avoue que je ne sais pas quoi penser. Tout ce qui m’importe, c’est de te savoir en sécurité.
I : Ce n’est pas à toi de te préoccuper de cela. S’ils doivent s’en prendre à nouveau à vous je veux être à vos côtés.
Z : Je ne suis pas d’accord.
La jeune Muenne était entrée sans bruit.
Z : C’est nous qui sommes concernés par cette affaire, à laquelle vous n’auriez jamais dû être mêlés.
I : Il est trop tard…cela nous concerne tous que tu le veuilles ou non.
Z : Peut-être, mais cela ne concerne pas ton enfant. Et c’est à lui que tu dois penser avant tout. Nous nous débrouillerons très bien sans toi. En cas de danger, tu nous gênerais même. Mais je ne suis pas sûre que te laisser chez Pedro et Sancho soit une bonne idée.
E : Et pourquoi pas ?
Z : Dans d’autres circonstances, cela aurait été parfait, mais à présent…
I : Je sais me défendre.
E : Tu crois que Gonzales et Hava s’en prendraient à elle ? Ou à Nacir ?
Z : Pourquoi ne veux-tu pas la laisser sortir ? Désormais, nous sommes tous en danger, n’est-ce pas ?
I : Aucun lieu ne sera plus sûr qu’un autre dans ce cas. A moins de rester enfermés dans le condor. Très peu pour moi. Si c’est à ça que vous songez pour me protéger…
Z : Ce ne serait pas supportable, c’est évident.
I : La vie est faite de risques. Mais je peux entendre vos arguments. J’ai toujours eu horreur de m’imposer. Et je préférerais éviter de te donner encore des cauchemars, Zia.
Z : Si tu es auprès de moi, je parie que je dormirai sans problèmes.
I : Je ne prétends pas prendre la place d’Esteban. Je trouverai bien une solution. Ne vous inquiétez pas pour moi. Mais j’ai du mal à réfléchir le ventre vide ces temps-ci…
Z : Je vais aller te préparer quelque chose.
I : Inutile, je connais le chemin de la resserre.
Z : Alors laisse-moi t’accompagner. Je préparerai quelque chose pour Tao. Il n’a pas quitté le chevet d’Indali depuis des heures.
Quelques minutes plus tard, Isabella croquait une poignée d’amandes.
I : Je revis…Sincèrement, Zia, je pense que je ne resterai pas avec vous. Je prends trop souvent de mauvaises décisions en m’imposant auprès de qui ne veut pas de moi. Juan de Homèdes est bien le seul à qui j’ai obéi malgré tout, et le séjour qu’il m’a forcé à faire chez Catherine, à Malte, est un de mes meilleurs souvenirs.
Z : Juan de Homédes ?
I : Le Grand Maître de l’Ordre.
Z : Tu veux retourner là-bas ?
I : Pour rien au monde. Catherine est enceinte elle aussi, elle n’a pas besoin d’une charge supplémentaire. Et puis je ne peux pas reparaître devant Gabriel d’Aubusson dans ces circonstances. Il avait mis tant de cœur à me persuader que mon intérêt était de me marier…
Z : Tu as définitivement renoncé ?
I : Ne parlons pas de ça, je te prie.
Z : C’est toi qui as commencé.
I : Une faiblesse passagère…je dois encore manquer de sucre. Passe-moi ces raisins secs, ça me remettra les idées en place.
Z : Tiens…si tu n’es pas d’humeur aux confidences, permets- moi alors de t’embêter un peu avec les miennes. Je suis désolée que les événements nous aient donné raison. Je regrette d’avoir joué avec le feu. Je n’aurais pas dû laisser les choses se passer ainsi.
I : En ce qui me concerne, rien n’est de ta faute. Comment va Indali ?
Z : Son état est stabilisé et je ne suis plus trop inquiète. Mais c’est tout de même moi qui ai introduit le loup dans la bergerie…
I : Personne n’aurait pu prévoir ce qui s’est passé.
Z : Si, tu le sais bien…Et puis, Indali ne se souvient pas de ce qui s’est passé. C’est peut-être mieux ainsi, mais depuis, Tao est de l’humeur la plus sombre. Il doit craindre d’autres séquelles.
I : Et quel est ton diagnostic ?
Z : Avec ce genre de traumatisme, on ne sait jamais.
I : Alors c’est moi qui dois me sentir coupable. Si j’ai bien compris, tu ressens mes angoisses et cela a brouillé ta perception de ce qui allait se passer, alors que tu aurais pu éviter l’agression.
Z : Tu es trop dure avec toi-même. Le seul coupable c’est Gonzales.
I : Si seulement c’était aussi simple…
Z : C’est aussi simple…
I : Peut-être de ton point de vue…Mais moi je me demande toujours pourquoi je ne me suis pas débarrassée de lui comme je le fais d’ordinaire avec tous ceux qui osent porter ce genre de regard sur moi. Dès le premier soir, chez Ruiz.
Z : Je me souviens que Gaspard t’avait donné du fil à retordre. Et Gaspard n’arrive pas à la cheville de Gonzales.
I : Pas même à son orteil.
Zia esquissa un sourire. Isabella se tut et entreprit de mâcher consciencieusement ses raisins secs, un à un, le regard perdu dans le vide. La jeune Muenne regretta sa légèreté : sa compagne s’était refermée sur une pirouette. Zia avait voulu la tirer de ses idées noires mais n’avait sans doute réussi qu’à la persuader de les garder pour elle. Décidément, elle commettait trop d’erreurs ces derniers temps. Isabella avait raison, rien n’était simple.
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Le domestique introduisit Mendoza dans l’antichambre et le fit patienter. Quelques instants plus tard, le marin pénétrait dans le bureau de Vicente Ruiz, encore plongé dans la pénombre malgré l’heure matinale. Au dehors le soleil inondait les places mais se faufilait difficilement jusque dans les tréfonds des hôtels particuliers. Les lourdes tentures étaient à peine entrouvertes et l’atmosphère était glaciale. Le marchand ne se leva même pas pour accueillir le marin. Il avait le nez plongé dans ses livres de comptes qu’il consultait à la lueur d’une lampe à huile. Mendoza se planta devant le bureau et attendit patiemment que son hôte passe au second acte de sa mise en scène. Il attendit moins longtemps qu’il ne l’avait prévu : sans doute Ruiz était-il impatient de l’humilier, ce que vint confirmer le sourire mielleux qu’il afficha quand il daigna enfin rencontrer le regard de son visiteur.
R : Mon cher Mendoza ! Quelle bonne surprise ! Je suis heureux de vous revoir en forme quoique légèrement amaigri. La captivité ça peut ruiner un homme…mais vous rien ne vous entame, n’est-ce pas ? C’est d’ailleurs pour cela que je vous ai engagé.
Il attendit une réaction du marin, mais Mendoza laissa le silence planer entre eux.
R : Bien…laissez-moi deviner…vous êtes venu payer vos dettes. Pourtant je ne vois aucun sac. Où cachez-vous donc votre or ? Parce que c’est de l’or que je veux. Pas de ça.
Il sortit le lingot d’orichalque et le posa brutalement sur le bureau.
R : Vous pouvez le reprendre si vous voulez. J’ai déjà assez de presse-papiers. A moins que vous ne sachiez à qui je pourrais le revendre.
M : J’allais vous poser la même question.
R : Ah ? Pourquoi le saurais-je, moi ?
M : Parce que vous avez engagé un certain Gonzales, qui savait parfaitement que les lingots n’étaient pas en or.
R : Vous m’intéressez…mais je n’ai pas revu Gonzales depuis des lustres. Je le croyais avec vous. L’auriez-vous laissé croupir en captivité ? C’est la place qu’il mérite, pour m’avoir entraîné dans cette expédition désastreuse !
M : Malheureusement il a été libéré avec moi en échange du trésor. Mais il était complice de la criminelle qui exigeait la rançon. Et ils ont disparu.
R : Vous êtes en train de me dire que nous avons été utilisés par ces deux crapules ?
M : C’est ça.
R : Peu importe, qu’ils aillent au diable ! Puisque je ne peux pas compter sur Gonzales pour me rembourser, c’est sur vous seul que va retomber toute la charge.
M : Comment avez-vous connu cet homme ?
R : Qu’est-ce que cela peut vous faire ? Croyez-moi, il y a des choses plus importantes que la vengeance mon ami. Je n’ai aucune envie de me retrouver sur la paille. Oubliez ce Gonzales, vous vous en porterez mieux. Je suis déjà en train de l’oublier, moi.
M : Comment l’avez-vous connu ? Que savez-vous de lui ?
R : Mais rien de plus que ce qu’il vous a dit lui-même au dîner. Je l’ai recruté parmi d’autres et c’est son histoire de trésor qui a fait pencher la balance en sa faveur, si vous voulez tout savoir. Inutile de me blâmer, vous vous êtes fait avoir tout comme moi. Je ne connais pas un homme qui aurait résisté. Enfin, de tels hommes existent, mais vous et moi n’en faisons pas partie…
M : Personne ne vous l’a recommandé ?
R : Recommandé ?
G : Ce que Mendoza veut savoir, c’est si vous connaissez la personne qui m’emploie habituellement. C’est bien ça, n’est-ce pas, Mendoza ?
R : Que diable faites-vous ici ?!
Le jeune métis avait surgi de l’ombre sans un bruit. Ruiz était resté cloué dans son fauteuil mais sa main fouillait déjà sous le bureau pour trouver le cordon qui lui permettrait d’appeler son domestique. Gonzales esquissa un geste et le marchand s’affaissa après quelques soubresauts, la gorge transpercée d’un stylet. Mendoza tira son épée mais ne bougea pas. Gonzales tira la sienne et resta à quelques pas.
G : Eh bien, je parie que vous ne pensiez pas me revoir de sitôt ! Mais j’ai senti votre impatience et je m’en serais voulu de vous faire trop attendre.
M : Pourquoi l’avoir tué ?
G : Des questions, toujours des questions…il m’est plus utile mort que vivant mais pas pour la raison que vous imaginez ; il ne savait vraiment rien. Il ne connaissait même pas ma mère, si c’est cela qui vous préoccupe. Je vais vous expliquer….car vous voulez savoir n’est-ce pas. Vous voulez comprendre…
M : Je veux juste vous empêcher de nuire.
G : Oh vous savez très bien que si vous me tuez vous n’éliminez pas le danger pour autant.
M : Je règle une partie du problème.
G : Oui, c’est bien de procéder méthodiquement parfois. Tenez, moi j’ai tué ce pauvre Ruiz pour pouvoir vous proposer un marché : soit vous me procurez la statuette, soit je vous fais accuser du meurtre de Ruiz, je vous prive de liberté et vous envoie à la potence et je peux ainsi couler des jours paisibles avec Isabella sachant que vous aurez eu le temps avant de mourir de vous délecter de la nouvelle de notre union.
L’attaque fut brutale mais prévisible et Gonzales para le coup sans problème.
G : J’étais sûr de votre choix…ma mère avait raison, il vaut mieux faire le travail soi-même. Vous me voyez navré de devoir vous priver de ce que vous chérissez le plus, votre liberté….
De sa main gauche il dégaina un petit pistolet dont le projectile atteignit son adversaire en plein sternum en dégageant une vapeur jaunâtre. Suffoqué en une fraction de seconde le marin s’écroula après avoir tenté une vaine attaque tandis que Gonzales s’était vivement reculé. Quand le corps fut tout à fait inerte, le jeune métis s’empara de l’épée de Mendoza et en transperça le cou de Ruiz à la place exacte de la blessure fatale infligée par le stylet qu’il essuya soigneusement avant de le ranger. Puis il replaça l’épée dans la main du marin. Il ne lui restait plus qu’à disparaître. La drogue perdrait bientôt son effet, Mendoza était piégé. Gonzales alla tirer le cordon sous le bureau et s’avança vers l’angle droit de la pièce. Il exerça une légère pression sur le panneau de bois peint qui représentait Mercure survolant les mers, caducée en main. Une porte dérobée s’ouvrit, il s’apprêtait à s’y précipiter quand il se heurta à un obstacle. Derrière lui, Mendoza grogna et il entendit toquer à la porte du bureau. Une violente décharge d’adrénaline le traversa : colère et incompréhension le projetèrent à nouveau vers l’avant dans la ferme détermination à quitter les lieux . L’obstacle le repoussa rudement vers l’intérieur.
R : Vous n’allez pas nous quitter déjà, Gonzales ? A moins que vous ne préfériez que je vous appelle Garrido ?
Roberto tenait le jeune métis en joue de son pistolet. Derrière lui apparut Gomez, lui aussi armé.
R : Au moindre geste nous vous trouons la peau.
G : Faites donc je vous prie.
R : Pressé de mourir ? Un jeune homme comme toi a l’avenir devant lui, ce serait dommage….
Go : Mais nous, nous sommes pressés : un mot, et nous te débarrassons de Mendoza. Nous voulons la cargaison d’orichalque.
G : Impossible.
Go : Je peux voler la statuette pour toi…
G : Tu veux la donner à ton roi ? Philippe ne saurait qu’en faire !
Go : Tu m’as doublé….il me faisait confiance….c’est moi qui dois lui donner ce qu’il attend !
G : Tu as affaire à plus fort que toi…nous n’avons pas besoin d’intermédiaires !
R : Je crois qu’il est inutile de discuter davantage, mon cher Gomez, rendez-vous à l’évidence : c’est moi qui avais raison. Entrez !
La porte s’ouvrit sur le domestique qui s’arrêta net sur le seuil devant cette scène improbable avant de reculer vivement en hurlant à l’aide. Gonzales tenta alors de fuir par la porte laissée ouverte, d’un bond de félin dont il avait le secret, tout en jetant dans les yeux de ses adversaires une poudre violette tirée de sa manche. Deux détonations retentirent, il vacilla, s’abattit contre une boiserie peinte où il laissa une marque sanglante au milieu des nymphes et des satyres avant de se projeter en avant dans un élan furieux, de franchir le seuil et de disparaître tandis que les deux hommes pestaient en se frottant les yeux et que Mendoza se relevait péniblement.
Go : Il va me le payer !
R : Courez donc au lieu de vous plaindre ! Ah, Mendoza foncez, ou il va nous échapper !
Go : Non, restez !Roberto, vous n’êtes qu’un idiot ! Il ne nous reste plus que Mendoza !
Le marin s’élançait déjà quand Roberto lui coupa le passage, les yeux en pleurs.
R : Gomez a raison, vous n’irez nulle part. Et lui n’ira pas bien loin, il est touché mais encore dangereux. Laissons les domestiques s’en occuper. Gomez, à vous de jouer !
Le marin tenu en joue par Roberto n’eut d’autre choix que de laisser Gomez passer.
M : M’expliquerez vous ce que vous faites ici ?
R : Je vous sauve la vie, tout simplement. Un investissement comme vous, ça se protège. Vous pouvez oublier la prison, Gomez se charge de tout. Le coupable a filé mais avec un peu de chance…je n’ai pas bien vu si nos deux balles l’avaient touché ou une seule…quelle saleté cette poudre ! Si on le rattrape je lui demanderais bien la recette, elle est diablement efficace !
M : Quand êtes-vous arrivés ?
R : Nous étions là depuis le début dans le passage secret que Garrido, enfin Gonzales, a emprunté pour venir. Nous l’avons suivi. Cela fait des mois que Gomez attend son retour pour lui demander des comptes. Il l’a doublé auprès de Philippe, savez-vous ?
A ce moment là, Gomez entra suivi d’un domestique qui portait un linge humide et une carafe d’eau.
Go : Tenez, nettoyez-vous les yeux. Ah, mon cher Mendoza, quel plaisir de vous revoir, même si les circonstances sont un peu dramatiques. Mais je vous assure que vous ne serez pas inquiété.
R : Par contre, je compte sur vous pour faire fructifier mon investissement. Quant à Gomez, je crois qu’il va diversifier son activité et s’associer à moi. Les affaires avec Philippe sont trop risquées, n’est-ce pas ? Trop de requins prêts à tout pour se partager le gâteau. Et j’imagine que vous ne coopéreriez pas pour voler une certaine statuette…
Mendoza fit un bond en avant. Le bras de Gomez l’arrêta.
Go : Il plaisantait…
M : Vous connaissiez Gonzales ? C’est vous qui…
Go : Non, nous n’étions pas associés avec ce criminel.
R : Mais il est venu me voir il y a quelques mois pour me racheter la statuette que je n’ai plus, vous savez bien pourquoi, et qui ne m’intéresse de toute façon pas. Il disait s’appeler Alfonso Garrido. J’en ai touché deux mots à Gomez car je savais que la statuette pouvait l’intéresser, rapport à Philippe, et je lui ai suggéré de suivre ce Garrido. Et d’aller voir du côté du condor…
Go : Vous connaissez la suite sûrement mieux que nous. Tout ce que j’ai pu faire, c’est d’assister impuissant à mon éviction auprès de Philippe. Il avait trouvé mieux que moi pour satisfaire ses ambitions. Un de mes espions a vu ce Garrido au palais lors de votre dernière escale à Barcelone. Il s’est avéré qu’il a embarqué ensuite avec vous. J’ai mené ma petite enquête mais je n’ai rien trouvé d’intéressant sur lui, à part qu’il avait passé quelques années dans nos colonies dans sa jeunesse. J’ai fait surveiller Ruiz. Et puis ce matin on m’a signalé la présence d’une galère inhabituelle à quelques kilomètres du port. Et celle du condor. Puis la présence de Garrido en ville. Et la vôtre. Alors Roberto et moi sommes venus voir ce qui se passait. Vous pouvez nous remercier.
R : Tu avais tout de même envisagé de tuer Mendoza en gage de bonne foi pour appâter Garrido.
Go : C’est vrai, mais tu as su me remettre les idées en place. On ne peut pas faire confiance à ces serpents de métis.
R : Et puis ma sœur en aurait été chagrinée. Comment se porte-elle ? Elle ne va tout de même pas reprendre la mer avec vous ?
M : Que voulez-vous ?
R : Je vous l’ai déjà dit, j’attends mon retour sur investissement. Vous reprenez la mer, et nous ne parlons plus de cette triste affaire. Quand est prévu l’accouchement ? Et le mariage ? Il serait grand temps ! Notre père au moins avait le bon goût d’épouser les filles qu’il engrossait.
M : Comment osez-vous…
R : Eh, tel père tel fils, je suis un homme de principe, et j’aime les contrats en bonne et due forme, alors je vous conseille d’épouser ma sœur. Vous ne voudriez pas que je me charge d’élever ce petit parce qu’il n’a pas de père ? Quoique, avec un père marin, c’est bien ce qui risque d’arriver…
M : Elle ne souhaite pas m’épouser.
R : Oh ? Eh bien j’en suis à moitié surpris…Après tout peu importe, regardez moi, un père absent, qui abandonne son foyer, sa femme, son enfant, ça vous forge un homme ! Ce petit est promis à un grand avenir !
M : Ne vous avisez pas de vous mêler de sa vie ou je vous jure que je vous tue.
R : Eh bien, si nous signions un contrat pour vous rassurer : vous savez que je respecte toujours mes contrats. Vous vous engagez à me servir et moi je m’engage…
M : Nous avons déjà signé un contrat, et je reprendrai la mer dès que possible.
R : Vous me faîtes confiance ? J’en suis honoré…Je veillerai sur Isabella en votre absence. Car s’il lui arrivait quelque chose, je suppose que notre contrat ne tiendrait plus. Si ce Garrido, par exemple…qu’a-t-il dit tout à l’heure ? Bref, je ne voudrais pas que vous perdiez votre temps à accomplir une vengeance quand vous avez tellement mieux à faire. N’est-ce pas ?
M : Je me vengerai quoi qu’il arrive. Où est le navire qui a été signalé ce matin ?
Go : Je peux vous l’indiquer, mais je compte envoyer des hommes de mon côté. Garrido va probablement chercher à le rejoindre, n’est-ce pas ?
Mendoza acquiesça.
M : Le condor peut venir en appoint.
Go : A la bonne heure, je vois que nous allons enfin nous entendre ! Laissons Mendoza essayer de se venger, et en échange il s’engage à s’embarquer dès que la Santa Catalina est de retour, dans deux ou trois jours je crois. De toute façon, Mendoza, n’oubliez pas que je peux toujours vous faire mettre en prison, vous, votre second Alvares ou vos amis Pedro et Sancho, pour le meurtre de Ruiz. Une association qui a mal tourné, c’est monnaie courante…Alors ne vous avisez pas de disparaître pour je ne sais quelle mystérieuse destination.
R : Puisque tout est dit, si nous trinquions à la mémoire de ce cher Ruiz, qui a eu le mérite de nous réunir aujourd’hui ? Son porto est excellent.
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Nous l’avons vu réduit en cendres sous nos yeux….Tous, nous pouvons en attester. La malédiction de Rana Ori nous en a débarrassés, définitivement. Moi-même j’ai dispersé ses cendres d’un coup de pied…Je ne sais pas ce qui m’a pris. Un seul coup de pied. J’aurais pu en donner plusieurs dans ce tas de poussière si Zia ne m’avait pas arrêté. Et puis il a fallu partir. La cité se refermait. Pourquoi se refermait-elle alors que nous pouvions les ouvrir toutes, les réunir toutes ? Etait-elle souillée par ces cendres éparpillées ? Devait-elle se purifier avant de pouvoir renaître et nous confier ses trésors ? Moi en tout cas je me sentais souillé. La cendre collait à ma peau. Pourquoi avais-je donné ce stupide coup de pied ? Et puis, entre mes orteils il y avait ce morceau bizarre d’orichalque qui ne voulait pas partir même après quelques pas. Un bout de métal tordu qui devait se trouver dans les cendres. Ce n’était pas sa montre c’était beaucoup plus petit, c’était ce que je me disais en secouant mon pied, je me demandais quel objet cela avait pu être mais je ne voyais pas…une pièce ? non, plus petit encore. Je me suis arrêté pour le retirer mais j’ai juste réussi à me souiller les mains. Il s’était bien coincé. En repassant devant le bassin je n’ai pas pu m’en empêcher : j’ai trempé mon pied dedans, j’ai trempé mes mains, et tout est parti. Les cendres et le bout tordu d’orichalque. Il a aussitôt fondu, ou plutôt, il est redevenu liquide, englobant les cendres qui flottaient. J’étais fasciné. Je ne pensais plus à rien. Je regardais juste le phénomène. La voix d’Esteban m’a tiré de ma contemplation. J’ai rejoint les autres, débarrassé de ces scories. Purifié. Enfin, c’est ce que je croyais. Mais au fond de moi, est-ce que je ne savais pas ce que j’avais fait ? Tout ce qui est arrivé dernièrement, est ce que ce ne serait pas à cause de moi ? Si Indali souffre, est-ce que je dois vraiment en rendre Mendoza responsable ? Que s’est-il passé quand nous avons quitté la cité ? Qu’avons-nous laissé derrière nous ? Pourtant quand nous sommes revenus, il n’y avait rien, plus rien, plus de cendres…Pendant plus de dix ans je n’ai plus pensé à lui, je l’ai effacé de ma mémoire. Nous n’en avons plus jamais parlé. Est-ce que je devrais leur rappeler ce que j’ai fait ce jour là ? S’en souviennent-ils encore comme moi ? Ou ai-je rêvé tout ça ? Mon pauvre Tao, même l’eau de cette fontaine ne pourrait posséder un tel pouvoir. ..Alors, pourquoi te tourmenter pour un tas de cendres ?
Z : Tao ? Tao ? Tu es sûr que tout va bien ? Tu m’entends ?
Il réalisa soudain que Zia lui parlait en lui secouant légèrement l’épaule. Il se força à la regarder.
Z : Tu devrais sortir un peu d’ici. Elle ne craint plus rien. Je peux rester auprès d’elle si tu veux.
T : Non, non merci. Je suis bien ici. Occupe-toi des autres. Isabella va bien ? Et Nacir ?
Z : Je ne m’inquiète pas pour eux, mais pour toi.
T : Laisse moi.
Z : Mendoza est revenu.
T : Et alors ?
Z : Tu ne veux pas savoir ce qui s’est passé ?
Tao ne répondit pas. Zia attendit quelques instants puis quitta la chambre.
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Le condor survolait la côte. Esteban, Zia et Mendoza cherchaient à apercevoir la galère mentionnée par Gomez, en vain.
E : Tu es sûr que c’est dans ce secteur ?
M : Sûr et certain.
Z : Tu as pu te tromper, tu as mal entendu, tu n’étais pas dans ton état normal après ce qui s’était passé…
E : Ou Gomez t’a raconté des salades !
M : Non, regardez ces points, ce sont ses hommes, j’en suis sûr. Approche-toi.
Il fallut se rendre à l’évidence. Mendoza avait raison. Mais aucune trace de la galère.
Z : On dirait qu’elle ne nous a pas attendus…
M : Alors elle n’a pas attendu Gonzales non plus. Blessé, il ne pouvait aller bien vite.
E : Elle est trop maligne, ils ont dû se donner un autre point de rendez-vous.
Z : Ce ne serait pas étonnant. Tu crois qu’on peut la retrouver ?
E : On a déjà longé pas mal de kilomètres de côte. Je peux essayer, mais à mon avis on ne trouvera rien. Imaginez qu’elle ait prévu de rester quelques jours dans le coin. Elle a peut-être un moyen de dissimuler son navire à terre.
Z : S’il était petit, je ne dirais pas, mais ce n’est pas le cas.
E : Elle a pu en changer depuis la dernière fois. Et puis ce n’était peut-être pas le sien. Gomez n’a aucune preuve.
M : Il faut continuer à chercher. En se rapprochant du sol. On pourra détecter des traces de camouflage.
E : Et si on ne trouve rien avant le coucher du soleil ?
M : On va chez Pedro et Sancho. Vous me laisserez là-bas avec Isabella et Nacir. Et demain vous partirez. Loin.
E : En vous laissant, avec Hava dans le coin ?
Z : Esteban a raison, ça ne me plait pas.
M : Nous n’avons pas le choix, vous le savez bien.
I : Toi, tu n’as pas le choix. Les menaces de Gomez et de Roberto ne me concernent pas.
Mendoza sursauta légèrement en entendant la voix de la jeune femme derrière lui mais ne se retourna pas.
M : Mais celles de Gonzales, si.
I : Et je serais en sécurité avec Pedro et Sancho ?
M : Je saurais où tu es. Et Roberto fera tout pour veiller à mes intérêts.
I : On dirait que tu n’as pas compris que j’ai repris ma liberté. Quant à être protégée par cet être immonde avec qui j’ai le malheur d’avoir un lien de parenté, j’espère que tu plaisantes.
M : Tu as toujours été libre de n’en faire qu’à ta tête.
I : Pas plus que toi.
M : Il ne s’agit plus de toi et moi.
I : Je ne suis pas idiote. Et je te prie d’arrêter de prendre des décisions pour moi.
M : On ne sait pas quand ils vont frapper à nouveau. On ne sait pas qui ils sont. Ni quel est leur but. S’ils agissent pour eux-mêmes ou…
E : Tu sais, nous y avons réfléchi. Qu’est-ce qui nous assure que tous les hommes qui ont travaillé pour le Docteur Laguerra sont derrière les barreaux ? Et puis il n’était sûrement pas le seul à détenir certaines techniques, certains savoirs. Hava possède une aile volante : d’où vient-elle ? Combien de personnes sont capables d’en construire de pareilles, combien connaissent l’existence de la statuette ? Roberto prétend que Gonzales est venu le voir pour la lui acheter mais peut-être ment-il ? S’il était de mèche avec lui ? Et Gomez ? Il nous envoie sur une fausse piste…
M : Je ne fais confiance à personne. Tout ce que nous savons c’est qu’Hava et Gonzales détiennent une cargaison d’orichalque, veulent la statuette et s’intéressent à tout objet possiblement en orichalque. Et qu’ils ne sont pas de simples voleurs. Mais nous ne savons pas s’ils agissent pour leur propre compte ou pour quelqu’un d’autre.
E : D’après ce que tu nous as rapporté, si Gomez et Roberto disent vrai, Gonzales est en affaires avec Philippe…
Z : Qui garde sans doute un bien mauvais souvenir de sa rencontre avec nous…
I : Un roi se contente de fournir les fonds et attend les bénéfices de son investissement. La véritable question est de savoir si Hava est le véritable cerveau derrière tout ça. Elle m’a tout l’air d’en être capable. Si je ne la haïssais pas, je l’admirerais presque. Elle me fait presque regretter d’avoir délaissé l’enseignement que j’ai reçu des deux hommes qui m’ont servi de pères. A croire que j’ai suivi la mauvaise voie pour réussir, en affaires comme en amour : me voilà endettée et engrossée sans être mariée, alors qu’elle a volé une cargaison d’orichalque et le cœur du père de mon enfant. En tout cas, si elle a été l’élève ou la soror mystica du Docteur ou d’Ambrosius, elle les a dépassés : ils n’ont jamais été fichus de concocter un philtre d’amour digne de ce nom.
E : Hem…oui, c’est vrai qu’elle aurait pu être liée avec ces deux là…ou un autre…ou être son propre maître…hommes et femmes ont les mêmes capacités…
I : De nuisance.
M : Que comptes-tu faire ? Rester à bord du condor pour sauter sur Hava ou Gonzales dès qu’ils tenteront de voler à nouveau la statuette ?
I : Garde tes sarcasmes. L’effet de surprise ne jouera pas la prochaine fois, ils vont tenter autre chose.
E : Pour ma part je ne serais pas contre leur donner ce qu’ils veulent. Nous n’avons pas l’utilité de cette statuette et de ces pièces. Qu’on s’en débarrasse.
Z : Tu sais très bien que ce n’est pas si simple. Moi aussi j’aimerais tant vivre tranquille.
E : Je plaisantais.
Z : A moitié.
E : C’est vrai. Mais quoi, on va attendre de se faire attaquer à nouveau ?
M : A moins que l’on ne retrouve ce navire. Ou Gonzales.
E : Eh bien continuons à chercher…
I : Je vous souhaite bien du plaisir…
Elle s’était retirée aussi vite qu’elle était apparue. Ils avaient cherché en vain jusqu’au coucher du soleil dans un silence pesant, où chacun s’efforçait de garder pour soi les questions qui le préoccupaient. L’agressivité de la jeune femme avait installé un profond malaise entre les trois amis. Quand il fut clair qu’il fallait se résoudre à abandonner, tous se regardèrent, désemparés.
E : On va toujours chez Pedro et Sancho ?
M : Je ne sais plus…Elle a raison, elle a toujours eu raison…Je n’ai pas à lui imposer quoi que ce soit. J’aimerais simplement être sûr qu’elle soit en sécurité. Quant à Nacir…Gonzales ne l’a pas menacé…
E : S’il a été capable de s’en prendre à Indali, il est capable de tout. J’aimerais pouvoir te dire qu’avec nous ils seront en sécurité…
Z : En tout cas je suis prête à veiller sur eux s’il le faut. Nacir ne pourra pas marcher avant quelque temps. Mais hier Isabella m’a dit ne pas souhaiter rester avec nous.
E : Nous ne craignons tout de même pas grand-chose. Le monde est vaste et je doute qu’Hava soit capable de nous suivre sur de longues distances. Nous pouvons aisément la semer. Nous avons assez de refuges où nous retrancher. On va leur trouver un coin tranquille où ils seront à l’abri…
Z : Il n’est pas question que je vive dans la peur. Je n’ai aucune intention de me cacher. Si elle veut nous trouver elle nous trouvera. Elle ou quelqu’un d’autre. En attendant je ne veux rien changer à nos plans.
M : Notre histoire n’est pas la vôtre. Nos soucis n’ont pas à être les vôtres.
E : Tu dis n’importe quoi ! Si nous pouvons faire quelque chose pour vous nous le ferons, tu le sais très bien, que cela te plaise ou non.
M : Vous avez déjà fait assez, et je vous en remercie.
E : Et toi tu en as déjà fait trop. Tu as trop risqué. A cause de nous. Je ne te laisserai jamais tomber.
Z : De toute façon même si tu voulais couper les ponts, Mendoza, tu sais que c’est impossible : mon cerveau a la déplorable manie de me tourmenter quand mes amis sont en danger.
M : Je crois savoir que cela t'est arrivé avec Isabella, pas avec moi. Et puisque nous voilà séparés, il faut accepter l’évidence : je peux couper les ponts avec vous si je le veux.
E : Bon, ça suffit. Fais ce que tu veux, mais sache que je ne te le pardonnerai pas ! Et que je ne comprends pas ce qui se passe avec Isabella ! J’ai bien l’intention de vous voir tous les deux à notre mariage ! Alors tu as intérêt à ….
M : J’ai intérêt à … ?
E : Oh, laisse tomber. Je faisais juste mon malin. Comme si je pouvais avoir une quelconque influence sur quoi que ce soit…sur qui que ce soit…sur toi…ou sur Isabella. C’est toujours pareil. Rien ne se passe comme on le voudrait. On imagine un avenir radieux avec les gens qu’on aime et on se retrouve harcelé par les assoiffés de pouvoir, les ennuis pleuvent, on s’éloigne les uns des autres, on se perd…
M : Je serai à votre mariage, je vous le promets. C’est tout ce que je peux promettre, sans garantie que la vie n’en décide pas autrement.
E : Je sais. Tu me connais, toujours à croire que le monde conspire contre moi et mes aspirations au bonheur, c’est plus fort que moi. Excuse-moi, j’ai été parfaitement égoïste.
M : Tu mérites d’être heureux. Toi et Zia, vous avez la vie devant vous.
Z : Tu le mérites aussi…
M : Il est trop tard. J’ai essayé bien des fois, mais c’est à croire que je ne suis pas fait pour ça. Tu penses peut-être, Esteban, qu’on se ressemble, mais je te rassure : toi, tu as reçu tant d’amour depuis ta naissance qu’il te portera toute ta vie et te permettra de traverser toutes les épreuves, sans te perdre. Moi, je suis une âme perdue depuis bien longtemps. Les gens comme moi sont des moulins ouverts à tous les vents, qui tournent en tous sens dans le vide, des navires ballotés dans la tempête, sans phare pour les guider. Parfois le vent se calme, la tempête faiblit…le soleil perce les nuages…mais il suffit que nous croisions la route d’une autre âme perdue pour replonger dans la tourmente. Car les âmes perdues s’attirent, chacune aspirée par le vide de l’autre, cherchant à le combler en vain, puisque chacune n’a rien à offrir à l’autre que le manque qui les hante toutes les deux. C’est ainsi.
E : Jamais entendu des sornettes pareilles ! S’il y a bien quelqu’un capable de surmonter toutes les épreuves c’est toi ! Quant à cette histoire d’amour et de manque, je te signale qu’il y a un enfant à naître qui a besoin de l’amour de ses parents !
Z : Esteban !
E : Je sais, tu vas dire que les choses ne sont pas si simples et que je ne comprends rien…Je comprends tout, mais c’est pas pour ça que je vais accepter les choses telles qu’elles sont ! A ce compte là on ne fait plus rien, on ne tente rien on ne se bat plus on ne se révolte plus , on n’essaye pas de trouver de solution, de réponse, de remède…on souffre en silence, on subit, on se laisse mourir, on se résigne…
M : Personne n’est moins résigné que moi. Mais j’ai mes priorités : empêcher qu’on jette Pedro et Sancho en prison, empêcher la mère et le fils de nuire, assurer la sécurité d’Isabella…le reste est secondaire.
E : La mère et le fils ?!
M : Tu vois bien que l’amour des parents ne produit pas que des réussites, s’ils sont des âmes perdues. Et en être privé n’est pas forcément mauvais.
E : N’essaye pas de m’embrouiller, je sais que j’ai raison.
Z : Mendoza a raison lui aussi, il y a des priorités.
M : Je te suggère donc de me déposer quelque part afin que je puisse mettre les quelques jours qui me restent avant d’embarquer à profit pour essayer de retrouver la trace de nos ennemis.
E : Ah là tu es bien d’accord pour dire que tes problèmes sont aussi nos problèmes.
M : C’est juste que tes problèmes sont aussi mes problèmes. Pose toi n’importe où.
E : Et je fais quoi du problème Isabella ? Tu nous laisses nous en occuper finalement ?
Z : Elle a dit qu’elle renonçait à rester avec nous et qu’elle trouverait une solution, alors on lui laisse quelques jours pour en trouver une sinon on la garde. Au début je pensais que ce n’était pas une bonne idée mais si Hava et Gonzales restent dans les parages il n’est pas question de lui faire courir le moindre risque.
M : Les menaces de Gonzales étaient on ne peut plus claires. Mais si elle a décidé de n’en faire qu’à sa tête je vous souhaite bien du courage.
Z : Les femmes ne sont pas des êtres dénués de bon sens.
Soudain le condor piqua vers le sol, obligeant Mendoza et Zia à se cramponner sur leur siège. L’atterrissage se fit pourtant en douceur après ce mouvement d’humeur du pilote.
Z : Qu’est-ce qui t’a pris ? Je te rappelle qu’on a deux blessés et une femme enceinte à bord !
E : Exactement. Et je crois que je gère très mal cette pression, surtout quand toutes les discussions tournent au vinaigre. Alors je me suis posé puisque Mendoza voulait qu’on se pose, mais il ne sortira pas tant qu’on n’aura pas résolu le problème !
Z : Il faudrait peut-être aller chercher Isabella…qui s’y colle ?
E : C’est bon, j’y vais, j’ai besoin de bouger, j’étouffe.
Quand il fut parti Zia poussa un profond soupir.
Z : Décidément je manque de tact ces temps-ci.
M : Je suis mal placé pour te blâmer.
Z : On a connu des situations plus difficiles, ça va aller…oh, je suis navrée Mendoza, je ne voulais pas…
M : Tu manques simplement de tact en ce moment…
Z : Je crois qu’Isabella serait bien à Malte. Elle m’en a parlé. Mais elle ne veut pas y retourner à cause du chevalier d’Aubusson, parce que vous n’envisagez plus de vous marier.
M : Alors elle n’ira pas.
Z : Rien ne te fera changer d’avis ?
M : Ce n’est pas à moi d’en décider.
Z : Tu ne veux pas en parler ?
M : Tu vois cette brûlure sur mon cou ? J’ai tenté d’effacer la marque qu’Hava y avait imprimée dans ma chair, pour signifier que je lui appartenais. Il était trop tard. Isabella avait tout compris. Compris que je m’étais livré corps et âme à Hava. Je ne peux plus revenir en arrière. A moins de la tuer. Elle et son fils.
Z : Les âmes perdues qui se nourrissent de tes manques.
M : Comme je me suis nourri de ceux d’Isabella, comme elle s’est nourrie des miens. Je suis près de tomber dans un gouffre sans fonds et je ne voudrais pas l’entraîner avec moi. Elle doit s’éloigner. L’enfant est sa chance. Sa chance de combler ses manques. C’est le seul être qui peut en être capable. A condition que vous l’aimiez. Promets-le moi, Zia.
Pour toute réponse la jeune femme prit la main du marin et la serra longuement dans la sienne.
Z : Te souviens-tu comme je me blottissais contre toi lorsque j’étais effrayée, autrefois ? J’aimerais tant que ton enfant puisse se réfugier dans tes bras comme je l’ai fait. Laisse moi croire qu’il n’est pas trop tard, laisse moi espérer que les âmes perdues ne le sont pas pour toujours.
Il fixait l’obscurité qui noyait progressivement le condor, évitant de regarder la jeune femme, luttant contre l’émotion qui menaçait de le submerger, sans parvenir pourtant à se décider à retirer sa main, comme si sa volonté ne lui obéissait plus. Qu’est-ce qui lui avait pris de lui demander cette promesse ? Seule la vengeance comptait, le reste était secondaire. Il ne devait pas risquer de laisser son cœur battre à nouveau pour quiconque, pas même pour son enfant. Un être qui n’existait même pas et dont tout le monde parlait comme s’il était la chose la plus précieuse au monde. C’était ridicule. D’un mouvement brusque, il retira sa main. Zia le regarda tristement sans rien dire.
E : Mission accomplie. De votre côté, vous avez été inspirés ?
Esteban laissa vite tomber son ton faussement enjoué en constatant que l’atmosphère s’était alourdie d’une tristesse presque palpable. Derrière lui, Isabella se laissa tomber sur la banquette en soupirant.
I : L’atterrissage délicat d’Esteban a failli me faire perdre le fil de mes pensées…voyons voir…je me disais que si nous voulions en savoir plus sur nos ennemis il fallait sans doute chercher du côté de ceux qui avaient pu être en contact avec eux, comme Roberto qui prétend qu’il n’a reçu qu’une visite de Gonzales, ou Ruiz, qui malheureusement ne peut plus rien dire, ou notre bon souverain Philippe, si l’on en croit les dires de Gomez. A bien y réfléchir, la piste la plus sérieuse est celle de Philippe. Evidemment, je n’imagine pas que vous alliez lui tirer les vers du nez. Probablement ne sait-il rien lui-même. Mais il peut encore être approché par nos ennemis ou leurs émissaires ou leur employeur en personne, qui sait ? Je me souviens de pareils procédés utilisés auprès de Charles Quint pour lui faire miroiter une puissance capable de vaincre ses rivaux. Si on faisait surveiller Philippe, son entourage, son courrier peut-être apprendrions nous quelque chose d’utile au lieu d’attendre que nos ennemis ne se manifestent à nouveau et nous surprennent. C’est leur force, leur avantage. Il faut le leur enlever.
E : Surveiller Philippe ? Rien que ça ?
I : Je sais, ce ne sont que les élucubrations d’une femme enceinte…
Z : Mais c’est tout à fait possible !
I : Il suffit de s’adresser à la bonne personne. Qui en sait peut-être déjà plus que nous.
E : Charles Quint ? Et il ne nous aurait rien dit ?
Z : Pour le savoir il faut retourner le voir.
E : Bon. Pourquoi pas. De toute façon tu en avais l’intention n’est-ce pas ? Pour Marie…
Z : C’est vrai. J’aurais préféré n’y retourner que pour cela.
E : Nous ne sommes pas plus avancés pour autant avec notre ‘problème’.
I : J’ai l’impression que tu parles de moi…tu te souviens peut-être que j’ai quelque familiarité avec la Cour.
E : Nous pouvons traiter avec Charles Quint sans problème, tu ne te souviens pas ?
I : Comment aurais-je pu l’oublier…mais si vous allez là-bas, vous pourriez m’y laisser.
Z : Je croyais que tu n’avais pas de très bons souvenirs de cette époque.
E : Et la Cour n’est pas forcément un lieu très sûr.
I : Tu as raison mais je serai dans mon élément. Je pense pouvoir survivre. Et renouer avec d’anciennes connaissances. Sans gêner ou mettre en danger qui que ce soit. Il reste cependant un détail à régler. L’Empereur est très à cheval sur certains points. Et je ne pense pas pouvoir le tromper. D’ailleurs je ne le souhaite pas. Mais il faut que le père de l’enfant soit d’accord.
M : Tu as besoin d’un certificat de mariage ? S’il n’y a que cela pour régler le problème…cela pourra sans doute se faire dès demain, le temps de prévenir Pedro et Sancho.
E : Vous n’allez pas faire ça ? Pas ainsi !
Zia se leva et posa délicatement sa main sur le bras du jeune homme.
Z : Nous serons les autres témoins si vous le voulez bien.
M : Alors le problème est résolu.
E : Je ne renonce pas pour autant à aller vous chercher tous les deux pour vous amener à Patala le moment venu.
La dernière déclaration d’Esteban n’eut aucun écho de la part des personnes concernées.
"On savoure mieux ce qu'on a désiré plus longtemps, n'est-ce pas Mendoza?"
Unagikami mon amour
"It was a skyfall, and a rebirth, a bloody honeymoon, for both of us"
Yokai Circus
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