Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 1.

Deux jours plus tard.

Non loin de la frontière séparant les comtés de Guînes (possession Anglaise) et d'Artois (province des Pays-Bas espagnols), un homme grand, bien bâti, écarta les pans de sa cape, dégrafa son ceinturon pour le passer à l'épaule, avant de baisser son pantalon. Enfin prêt, il urina longuement sur l'herbe clairsemée en soupirant d'aise. Son besoin assouvi, il se rajusta prestement avant de retourner à son poste. Depuis la tombée de la nuit, il épiait le groupe venu s'installer en contrebas de sa position. Des Romanichels. Il avait reconnu ce ramassis de vermines, ces nomades puants à leur roulottes bigarrées.
Voilà qui n'était pas prévu. Cependant, le guetteur n'avait pas la possibilité d'avertir son supérieur. Qui aurait pu prévoir qu'un tel campement s'installerait, même pour la nuit, dans un coin aussi peu hospitalier, justement choisi pour son éloignement? Toutefois, la situation ne présentait pour l'heure aucune gravité. Les quelques familles campant dans la cuvette herbue étaient notoirement pacifiques.
Les Bohémiens ne montraient aucune velléité de gravir la pente poussiéreuse, de franchir le consistant rideau de hêtres tortillards qui entourait la butte pour atteindre le haut du tertre que gardait la sentinelle. Du reste, ayant déballé leurs maigres affaires de leurs chariots branlants, les nomades se restauraient, tranquillement assis en cercle, les enfants déjà couchés. Ils devaient se rendre dans l'une des grandes foires du sud, non loin de la cité de Perpignan.
Le veilleur remonta et s'assit contre un rocher. Il était trop tard pour reporter la mission, mais pas pour se permettre une petite douceur.

12.PNG

William Howard sortit donc de son pourpoint de velours une pipe, taillée dans un os. Il la bourra de quelques herbes prélevées dans l'une de ses bourses.
Une fois son objet fétiche allumé, le jeune lord aspira profondément la fumée dégagée qui diffusait des arômes sucrés. La lueur émise par la bouffarde dévoila une courte chevelure, une peau blafarde, un nez droit, une moustache fournie et une barbe pointue en paraphe sur ses joues. C'était un visage singulier, rehaussé d'un regard bleu perçant, semblable à l'abîme infini d'un ciel céruléen.
William Howard chavira presque tant le mélange herbeux se diffusait dans son corps. Il s'apaisa tandis que le narcotique fusait, embrumant son esprit. C'était la deuxième pipe que s'octroyait l'oncle d'Anne Boleyn depuis la tombée du jour.
La tête vacillante, il se mit à piquer du nez, sans s'en apercevoir. Il savourait les réactions provoquées par les feuilles de tilleul séchées.
Il lui fallut retrouver une relative contenance quand un grognement se fit entendre. Un grognement qui fut suivi d'un hurlement sinistre, puis d'un second un peu plus loin. C'était la voix rauque et solitaire de quelques carnassiers de la forêt voisine de Guînes.
WH: Des loups! (Pensée).
Ces cri aigus et prolongés étaient une invitation à la chasse.
Tout près du lord Anglais, les braises d'un feu de camp éclairaient un petit autel de pierre noirci, sur lequel dégoulinait encore du sang. Howard avait dépecé deux lapins, étape obligatoire pour se sustenter en pleine nature.
Étourdi par la morsure de son remède préféré, il avait justement oublié de se débarrasser des peaux. Oublié également de surveiller le campement au-delà des arbres. Heureusement pour lui, les Gitans dormaient déjà d'un sommeil confiant, ignorants ce qui allait suivre.
Le jeune seigneur secoua la tête pour s'éclairer les idées. Il devait au moins se préparer à une éventuelle attaque des loups. Les canidés avaient dû flairer le sang et aussitôt s'être mis en quête de proies.
Songeur, William gratta distraitement le dos de sa main. Une expression mauvaise prit brusquement possession de son faciès. Au lieu de raviver les braises, il avança jusqu'à l'autel, saisit les fourrures animales et les emporta sans perdre de temps à travers les rameaux tordus et retombants des hêtres, jusqu'à la pente qui menait au campement gitan.
En bas, les peaux se retrouvèrent projetées à une vingtaine de pas du cercle des roulottes, où régnait à présent un silence total.
Satisfait, il remonta à toute vitesse vers le tertre où l'homme qu'il attendait n'allait plus tarder à apparaître. Sa démarche pressée aurait pu paraître comique, n'était l'aura de malveillance qu'il dégageait. L'Anglais se positionna un peu en retrait du feu de camp, à la lisière des traces de sang. Il lui restait une dernière précaution à prendre. De sa ceinture, il tira une lame large, à la pointe acérée, un couteau à manche de corne polie sans aucune marque distinctive. Puis, il grimpa dans un arbre.
Voilà, il était prêt. Anticipant ce qui allait s'ensuivre, ses narines palpitaient d'un plaisir trouble encore contenu, rehaussé par les effets des fleurs de tilleul.
Les dés étaient jetés. Ici, sur les hauteurs du Blanc Mont, débutait la mission organisée par la main habile du duc de Suffolk, que le jeune seigneur haïssait. Ce qui ne s'avérait pas exceptionnel en soi. Bien qu'étant ambassadeur, William Howard accordait à tout le monde le même flot de haine.

CHAPITRE 2.

Depuis la nuit des temps, les relations entre le loup et l'homme ont toujours été houleuses. Le folklore montrait le canidé gris aux yeux dorés comme un prédateur sanguinaire, quel que soit le pays.
Trois énormes bêtes firent soudain leur apparition. Leurs formes gracieuses s'accompagnaient d'une odeur de fauve, tellement puissante qu'elle arracha à William un frisson de délectation.
Attirés par le goût de la mort, ils s'arrêtèrent et dirigèrent yeux, oreilles et museau en direction de l'effluve. Étant sous le vent, le moment était venu pour le jeune lord de monter un peu plus haut. Au lieu de cela, il se contenta de les contempler. Totalement hypnotisé qu'il était par leur apparence aussi menaçante que fascinante.
À demi courbés sur le sol, les loups humèrent les alentours. S'ils ne portèrent aucune attention à Howard, le sang frais des lapins les fit aussitôt réagir. Ils entamèrent une sorte de cérémonie de groupe qui incluait le fait de se tenir nez contre nez et de frétiller de la queue. Une fois ce rituel achevé, la chasse pouvait commencer.
Le mâle dominant plaqua sa truffe au ras du sol, lécha la tache pourpre et claqua des mâchoires avant de quitter le tertre. Suivi de ses deux congénères, il s'engagea à un rythme lopin sur la piste sanglante.
Ils venaient à peine de quitter la butte qu'une autre créature entra en scène.
La silhouette élancée de Mendoza se découpa à l'orée de la forêt. Posant son paquetage, il s'étira, appréciant la fraîcheur nocturne. D'un air de défi, il fixa le ciel étoilé, traversé de nuages lourds, la clarté de la lune permettant au lord de l'examiner. Les deux hommes ne s'étaient pas vu depuis un an, lorsque Howard fut envoyé en Écosse en tant que diplomate. Au cours de cette mission, l'Espagnol avait failli le tuer à cause de ses manigances.
Mendoza était revêtu de son uniforme de parade, arborant les insignes argentées du grade de capitaine, pantalon à parement latéral et bottes noires parfaitement cirées. Ses cheveux dépassaient à peine de son couvre-chef. Une épée ouvragée, rangée dans un fourreau à la hanche, constituait sa seule arme apparente. Il venait directement de Calais et n'avait visiblement pas pris le temps de se changer.

13.PNG

Le Catalan était conforme aux souvenirs de William. Toujours aussi détestablement sûr de lui, toujours aussi détestablement inquiétant. Face à lui, Howard se sentait inévitablement amoindri, rabaissé, sur la défensive.
De tous les êtres abominés de l'ambitieux lord, Juan-Carlos Mendoza, que William connaissait sous le nom de John Mendson, (il ignorait sa véritable identité et sa fonction de Yeoman), venait en tête de liste.
L'Espagnol leva la tête directement vers l'Anglais, bien que celui-ci se tint immobile, dans l'ombre du feuillage. Son visage farouche n'annonçait aucun plaisir à ses retrouvailles. Il finit par descendre de son perchoir.
Nul salut ne fut échangé entre les deux hommes liés par une antipathie mutuelle. Le capitaine toisa Howard de ses yeux si sombres, dénués de toute chaleur. Affirmant d'entrée son autorité, il le questionna d'une voix aussi froide qu'un torrent de montagne battu par un vent d'hiver:
:Mendoza: : Où sont les chevaux, lord Howard?
L'expression qui s'afficha sur le faciès trouble de William lui déplut instantanément.
:Mendoza: : Répondez! Où sont-ils?
Son regard se fit plus glacé encore, transperçant le lord comme une lance ébarbée.
Remarquant les pupilles de son interlocuteur, leur taille se réduisant à une tête d'épingle, Mendoza enchaîna, sourcils froncés:
:Mendoza: : Vous avez recommencé, hein! Sinistre imbécile... C'est plus fort que vous!
William ne put s'empêcher de tressaillir. La haine qu'il portait à ce soldat ne l'amenait pas à le sous-estimer. Plus maintenant. Ce Mendson était dangereux, à considérer avec précautions. Il l'avait mainte fois prouvé.
Ce dernier reprit:
:Mendoza: : Qu'avez-vous fait des chevaux?
WH: Euh... On me les a volés à l'auberge...
:Mendoza: : Quel pitoyable mensonge! Ces chevaux... soit vous me dites où ils sont, soit je vous tue. Vous avez une préférence? Moi, oui...
Maussade, le lord allait lui dire où les bêtes se trouvaient lorsqu'un grognement rauque s'éleva au-delà du bosquet. Il fut suivi d'un immense cri d'effroi et de désespoir. C'était un hurlement de fureur impuissante d'un homme en détresse.
:Mendoza: : Qu'est-ce qui se passe, par là?
WH: J'ai vu des loups qui traînaient dans le secteur...
:Mendoza: : Ce qui explique le fait que vous vous perchiez dans cet arbre... Espèce de pleutre...
Le Catalan le considérait toujours d’un œil aussi froid. Howard était pour lui un foutu couard en plus d’un imbécile.
:Mendoza: : Restez ici! Je vais voir. Et surtout, pas d'initiatives.
N'espérant réaction sensée de la part de l'Anglais, Mendoza dégaina son épée avant de la rejeter. Elle ne lui servirait à rien contre les prédateurs.
D'un geste coulé, maintes fois répété, il étendit la main vers sa botte gauche. Une dague apparut alors. Prêt au combat, il s'élança d'une foulée alerte à la suite des canidés, sur la piste sanglante. Aux bruits qu'il commençait à percevoir de l'autre côté des arbres, il comprit que le festin avait déjà débuté.

☼☼☼

En bas, dans le camp gitan, la panique le disputait à l'horreur. Tous avaient été réveillés par un horrible cri d'agonie, poussé par un gamin lorsqu'un des loups lui avait arraché le bras d'un coup sec.
Les bêtes sauvages avaient envahi le campement et bondissaient d'une victime à l'autre, usant de leurs incisives très tranchantes. Leurs mâchoires pouvaient exercer une pression suffisante pour briser la plupart des os. Ils auraient tout le loisir de se restaurer à la fin de leur assaut. Même si les victimes n'étaient pas toutes mangées, les loups ne laissaient jamais de rescapés.
Plus tard, quand ils se retireraient dans leur tanière, ils auraient besoin d'un surplus de viande prêt à l'emploi.
De sa position, le lord admirait le spectacle en gloussant. Inspiré par cette sauvagerie, il descendit la pente et se posta derrière un bouquet de trois arbres. Il se mit à proférer de courts bredouillements en savourant les supplications déchirantes poussées par les hommes, les femmes et les enfants.
Les loups massacraient sans hésitation, protégés par leur insaisissabilité, leurs sens aiguisés, leur grande endurance et leur capacité de neutraliser et de tuer rapidement.
Tout proche du camp, Mendoza se mouvait avec l'aisance qui caractérisait un soldat maraudeur. Tout en dévalant le chemin, il se concentrait. Pour lui, aucune alternative: ne pas se laisser encercler, frapper sans s'arrêter, toujours en mouvement. Les Tziganes ne pourraient l'aider en rien. Inutile également de compter sur Howard...
Affronter trois hommes armés ne lui faisait pas peur. Combattre trois bêtes sauvages ayant goûté au sang représentait un tout autre défi.
Les loups en avaient déjà fini avec les hommes. Ils prenaient le temps de s'occuper des femmes et des enfants, proies encore plus délectables. Les petits Manouches, terrorisés, ne pensaient pas même à fuir. Pour aller où? Un loup pouvait humer une piste sur plusieurs jours.
Le capitaine arriva sur les lieux du carnage. Le premier loup lui tournait le dos, trop occupé à se jouer d'une mère de famille émaciée, armée d'une simple fourche en bois. Le deuxième, plus loin, s'acharnait à étriper un corps anonyme. Enfin, ce qu'il en restait... Le dernier venait de sauter dans un chariot, provoquant des cris d'une insoutenable détresse. Mendoza n'y pouvait rien. Pourvu que les prédateurs ne se retournent pas... Le Catalan disposait d'un unique avantage. Perturbées par la frénésie du massacre, les bêtes ne détectèrent pas son arrivée.
Mendoza s'approcha.
Le premier loup évita sans effort la fourche de la mère de famille dirigée vers son ventre et lacéra la Gitane d'un coup de griffe. Avant de pouvoir conclure d'un claquement de mâchoire, il fut surpris par une frappe parfaite: le Catalan lui avait enfoncé sa lame dans le corps, entre ses deux omoplates.
La dague se fora un passage inéluctable à travers la fourrure grise, la chair, la vie.
C'en était fini pour lui.
Cependant, les deux autres étaient toujours en vie, n'hésitant pas à semer la mort parmi les Tziganes. Dans le chariot, les gémissements affolés se transformèrent en gargouillis.
:Mendoza: : Celui-là est occupé. Et l'autre, où est-il? (Pensée).
L'Espagnol eut à peine le temps de se retourner. Un concentré de haine, de nerf et de crocs le percuta en plein poitrail. Sous l'impact, Mendoza laissa échapper sa dague et s'effondra lourdement dans l'herbe avec son agresseur. Il parvint à brandir son avant-bras devant lui en guise de protection. Courbé sur lui, l'animal mordit le membre offert. Le capitaine ignora la douleur et tous deux roulèrent sur le sol. Empoignant le loup par le cou, tout en gardant ses pattes coincées contre son torse, le Catalan tenta de garder les crocs du prédateur hors d'atteinte, tandis que sa gueule énorme claquait dans le vide. Au bout d'un moment, le maraudeur réussit à se rejeter en arrière d'une roulade inversée.
Le loup retroussa ses babines et se jeta de nouveau sur sa victime. Mendoza replia les jambes pour recevoir le torse de la bête et saisir ses pattes avant. Accompagnant le mouvement, il roula en arrière, profitant de l'élan pour projeter l'animal furieux dans les airs. Celui-ci s'écrasa contre un chariot et se retrouva la tête coincée entre les rayons d'une des grosses roues du véhicule. Exhalant une plainte aiguë, il battit des membres, frénétiquement, sans parvenir à les replier suffisamment pour entamer le bois.
Le troisième carnassier choisit ce moment pour surgir de son perchoir, barbouillé de sang humain. Dans le campement, aucun Gitan ne donnait signe de vie. Huit minutes avaient suffi aux anthropophages pour tuer seize personnes.
Mendoza fut saisi d'une colère glacée. Un sourire très particulier prit possession de ses traits, exempts de toute humanité. Il affirma sa prise sur la dague brandie dans sa main gauche et se concentra. Il s'élança ensuite à la rencontre du loup.
Ramassé sur lui-même, l'animal parut surpris par cet assaut agressif. Il marqua un temps de latence. Deux pas avant le contact, l'Espagnol feinta à gauche pour s'écarter d'un bond à l'opposé. Porté par l'adrénaline, il avait anticipé la réaction de son adversaire. Déséquilibré par la manœuvre, le loup vint s'empaler le ventre sur la pointe de la dague. Le Catalan remonta sa main armée, éventrant l'animal de bas en haut.
À cet instant, le dernier loup réussit à s'extraire des traverses de bois. Son pelage aspergé du sang des Gitans gouttait sur le sol. Ses crocs appelaient la gorge du capitaine tout en crissant d'avance à l'idée de déchiqueter sa chair.
:Mendoza: : Allez, sale bête... Charge-moi! (Pensée).
L'homme attendit que l'animal amorce son attaque pour s'accroupir. Complètement pris au dépourvu par la manœuvre, la bête frappa dans le vide. Pas Mendoza. Un changement de main, suivi d'une inversion de prise, et sa dague trancha goulûment la cuisse de son ennemi. Le loup s'écroula sur le flanc dans une plainte déchirante. Avec une patte blessée, il n'était plus de taille à résister. D'un enchaînement de trois estocades, l'Espagnol mit fin à ses jours.

☼☼☼

Le combat venait de s'achever. Après ce flot d'émotions perverses, l'ennui tomba soudainement sur Howard. Profitant de l'absence de Mendson, il remonta sur le tertre pour fouiller dans les affaires du maraudeur, abandonnées sur le sol. Un hennissement l'en empêcha.
WH: Les chevaux! (Pensée).
Dépité, il alla les quérir puis revint au spectacle en soufflant. À présent, il ne savait que faire. Il fut tenté de tirer quelques bouffées de sa pipe.
Non. Howard voyait maintenant l'Espagnol remonter la pente dans sa direction, le bras droit en écharpe. Déjà sellés, les montures attendaient.
Le lord se demanda s'il n'allait pas en emprunter une pour s'esquiver. Il avait fait fort avec les loups. Mais se retrouver face au duc de Suffolk, ou pire, face au roi lui-même, après ce qui venait de se passer... Ce n'était pas envisageable. Il mourait d'envie de se rallumer une pipe. Soudain, il se demandait si sa broigne serait une défense suffisante. Comment allait-il se protéger de la colère de Mendson? Avec le poignard contre son flanc ou en utilisant ses talents de diplomate?
L'habileté de William, lame au poing, était prouvée. Cependant, mieux valait encore se fier à sa fonction, plus appropriée en la circonstance. Il venait de voir le maraudeur éliminer trois loups avec sa dague pour seule arme.
Si Mendson esquissait le moindre geste hostile, Howard lui balancerait un bon coup de poing. Ça devrait le calmer, le soldat! Et après, il pourrait s'occuper sérieusement de lui... Il en rêvait depuis leur dernière mission commune, au terme de laquelle l'Espagnol lui avait méchamment brisé la main droite.
Mendoza était à présent à moins de dix pas. En voyant son expression, William glapit:
WH: N'avancez plus, Capitaine Mendson!
:Mendoza: : Ne vous énervez pas, Lord Howard. Vous savez comme moi que je vous méprise, mais vous savez également que je ne peux pas vous tuer.
WH: Assez! Je vous rappelle que je suis un membre de l'aristocratie Anglaise, et tout capitaine d'armée que vous êtes, vous devez vous soumettre à mon autorité.
Ignorant la tirade, le Catalan poursuivit:
:Mendoza: : Toutefois, cela ne change rien à notre affaire. Alors inutile de perdre notre temps à nous quereller. Le duc de Suffolk nous a confié une mission, le temps nous est compté.
Howard avait trop envie de le croire. Les paroles du Catalan sonnaient juste. Celui-ci avança encore de quelques pas, exposant son bras blessé. Howard vit que la morsure était profonde.
:Mendoza: : La moindre des choses est de me soigner. C'est le moins que vous puissiez faire pour réparer vos fautes! Car tout ceci est arrivé à cause de vous, n'est-ce pas?
Le demi-frère de Thomas Howard, troisième duc de Norfolk, s'étonna:
WH: Vous ne me ferez rien? Vous le jurez sur la Bible?
:Mendoza: : Diable, il va s'en sortir! (Pensée).
Avançant toujours, le sourire aux lèvres, Mendoza répondit:
:Mendoza: : Si cela peut vous agréer. Je jure sur la Bible... de vous trancher la gorge si vous ne m'obéissez pas!
WH: Ça suffit! Ce n'est pas parce que vous êtes le capitaine de la garde royale que vous pouvez vous permettre de me parler sur ce ton. Ceci est parfaitement intolérable.
Le maraudeur parcourut les derniers pas qui les séparaient d'un bond incroyablement rapide, se plaquant contre Howard. Il appliqua sa dague contre le ventre du lord, au niveau du nombril.
:Mendoza: : Un mot... Vous prononcez un mot et je vous embroche. Votre broigne ne suffira pas. Voyez-vous, si j'enfonce ma lame doucement, sans à-coup, comme cela... Vous sentez cette pression? Les macles de votre armure sont très sensibles au coup de pointe. Tiens, voici quelque chose de mou. Ah, mais, serait-ce votre bedaine? Lord Howard, quel volume! Allez, soignez-moi. Nous perdons du temps.
William sentait parfaitement la piqûre de la dague contre sa panse, à travers sa cotte de mailles.
WH: Vous n'oserez pas... Charles Brandon ne le permettrait pas.
:Mendoza: : Ah, Brandon...! Vous comprenez, mon bon Lord, ce qui importe à notre cher duc, c'est de voir la mission réussir. Il se moque des incapables dans votre genre. Avec votre bourde de ce soir, je ne donne pas cher de votre peau à la cour où vous prétendez si souvent paraître.
La dague s'enfonça d'un demi-pouce dans sa chair alors que Mendoza poursuivait:
:Mendoza: : Je n'ai pas besoin de votre misérable et puante carcasse pour accomplir ma tâche. Alors pour la dernière fois, écoutez bien: Ou vous me soignez tout de suite, et après vous pourrez toujours tenter de vous rachetez auprès du duc, ou je vous éventre comme le loup, tout à l'heure. J'avoue que je penche pour la deuxième option. Mais je m'en voudrais de vous influencer...
C'est en voyant le sourire du capitaine que William capitula. Il s'en souvenait de ce rictus, la fois où le soldat lui avait cassé la main. Sans attendre, le lord nettoya la plaie avec un peu d'eau vinaigrée. Le sang cessa de s'écouler. Il apposa ensuite un pansement propre fraîchement repassé avant de bander le bras.
Mendoza rengaina son arme, tapota gentiment l'épaule du lord et le récompensa d'un franc coup de tête au visage, agrémenté d'un coup de pied retourné. Projeté dans un buisson, Howard s'effondra, le nez en sang, tandis qu'un œuf de pigeon était en train de bourgeonner sur la tempe.
Le capitaine jeta un rapide coup d'œil aux alentours. Il n'y avait pas âme qui vive. Il reporta ensuite son attention sur Howard le temps de le dépouiller de ses affaires, prenant un plaisir particulier à briser sa foutue pipe et à lui confisquer ses feuilles de tilleul. Il traîna ensuite le corps inanimé du lord jusqu'aux chevaux.
De sa besace, il préleva un rouleau de corde pour saucissonner Howard bien serré. Toujours inconscient, ce dernier avait une vilaine mine avec son nez de travers. Un réveil difficile en perspective. Mendoza fit un ballot des possessions du lord, qu'il fourra dans les sacoches d'un cheval.
Il jugea que les morts ne seraient pas découverts avant plusieurs jours, le lieu du rendez-vous ayant été choisi pour son côté isolé. Et pour ce qu'il en savait, les Gitans étaient habituellement méprisés des autochtones. Leur disparition n'intéresserait pas grand-monde. En revanche, le premier qui passerait par là, pourrait se targuer d'avoir abattu trois loups et se faire un peu d'argent. En effet, versées depuis des temps reculées, des primes incitaient les ruraux à lutter contre la malebête en la détruisant. La traque de louveteaux, au printemps, devenait même parfois une activité fort prisée car lucrative.
Le Catalan pouvait véritablement commencer sa mission, comme il aurait normalement pu le faire sans l'intervention de cette fiente de lord!
Il commença par les armes. D'une besace de cavalerie, il préleva une grande pochette de cuir gras roulée sur elle-même, l'étala devant lui, et se lança dans un choix minutieux parmi l'éventail proposé. Les lames sélectionnées furent posées sur une couverture à l'écart. Une série forgée en acier de bonne trempe, sans fioriture particulière. La discrétion s'imposait et Mendoza n'avait aucun penchant pour les objets clinquants. Seul l'or l'intéressait. L'or et son épée... Cette arme unique, il ne s'en séparerait pour rien au monde.
Vint le tour des vêtements. L'Espagnol troqua son uniforme sali et déchiré contre une tenue offrant protection contre les intempéries, confort et anonymat: une tunique doublée, à manches courtes jaune canari, sanglée par une grosse ceinture à boucle dorée (sa seule coquetterie), un pantalon bleu-gris, une cape d'une teinte outremer qui se présentait comme le symbole de la sérénité, de la candeur. Enfin, des bottes de cuir souple, montant jusque sous le genou, complétaient cette sobre tenue, portée par la plupart des mercenaires itinérants. Aucun des vêtements n'était neuf, ce qui lui éviterait de se faire remarquer sur le territoire ennemi qu'il allait fouler.
Alors qu'il fourrait le reste de ses affaires dans un sac, Mendoza entendit quelque chose qui remuait dans son dos. Il se retourna. Le bruit provenait de derrière les buissons. Écartant légèrement les branches d'un épais cornouiller, il surprit un renard en plein mulotage. Couvert de sa plus riche fourrure, paraissant d'or clair tant il était roux, le malicieux tenait à présent sa proie dans sa gueule.

14.PNG

Détecté par le capitaine, il fila à toute allure à travers la forêt argentée, où, dans une nuit de murmures, dormaient des tas de bois écorcés sur des sols de copeaux roussis par les pluies.
Le Catalan retourna à ses préparatifs. Il s'arma consciencieusement, répartissant ses lames à divers endroits de sa personne. Sa dague dans sa botte, son épée droite à double tranchant dans son fourreau, attachée avec une double ceinture, conférant ainsi une meilleure stabilité à cheval. Il préférait se concentrer sur les préparatifs plutôt que sur la tuerie survenue naguère. Au moins ne craignait-il pas de faire de mauvais rêves au sujet du massacre des Gitans. Ses propres cauchemars étaient tout aussi horribles et bien plus personnels.
Il retourna vers le cheval de bât pour y prendre trois choses: une bourse en peau garnie de cent réaux d'argent, son fonds de secours, qu'il laça sous sa tunique. Une aumônière pour les frais courants dans laquelle se trouvait également un médaillon très spécial, et enfin, un étui renfermant diverses herbes curatives sélectionnées par Ciarán Macken, qu'il passa autour de son cou.
Il ne lui restait plus qu'une formalité à régler. Il referma la sacoche, agrippa le lord et le précipita sur l'un des chevaux avec une violence toute particulière, en travers de la selle. D'une grande claque sur l'arrière-train, il renvoya les deux bêtes vers Calais. Pas question de voyager avec Howard. Qu'il s'explique donc avec le duc!
Après le bruit de galopade, le tertre retrouva son apparence normale. Le cercle de pierres du foyer fut bientôt effacé par les bottes du capitaine puis, comme l'autel, recouvert de terre. Plus une trace des événements de la nuit. Plus de lord. Une bonne chose, somme toute. Qu'avait-il besoin de s'encombrer de lui, après tout? Malgré ses capacités diplomatiques, William Howard était aussi pervers qu'incapable. L'avoir à ses côtés ne ferait qu'augmenter ses chances de voir la mission échouer.
Aujourd'hui, le Catalan ne dépendait pas de son allié. La dernière fois, Howard menait leur équipe, et leur mission avait failli tourner au désastre.
D'ailleurs, l'Espagnol se demandait si le duc de Suffolk n'était pas fort capable de lui adjoindre Howard, sachant que ce dernier ne pourrait s'empêcher de le provoquer, poussant le soldat à s'en débarrasser une bonne fois pour toutes...
Pour l'heure, Mendoza allait devoir marcher pour rejoindre la première étape de son périple. Une bourgade du nom de Thuison. Et ensuite il aurait encore une distance conséquente à parcourir pour atteindre son but. Mais il n'avait pas le choix. Plus près des terres du royaume de France, le rendez-vous aurait été immanquablement repéré.
Avant de partir, il ouvrit son aumônière. Il y trouva la pièce d'or. Ce n'était pas un réal, c'était un médaillon qu'il avait subtilisé à un bébé il y a bien longtemps.
:Mendoza: : Barcelone... Le retrouverai-je, lui aussi? (Pensée).
Mendoza s'engagea à travers les collines vers le sud, accompagné d'une pluie sournoise. Tout en marchant dans la nuit, le Catalan fixa le ciel étoilé. Il contempla la lune d'un air de défi, comme si celle-ci allait lui dénier le droit de retourner au pays. En attendant, il était de retour sur le Vieux Continent. Ça faisait longtemps. Si longtemps. Il eut soudain envie de crier sa présence à la face de ce monde. Oui, il était de retour.
Ils allaient payer!

À suivre...
Modifié en dernier par TEEGER59 le 11 juin 2020, 09:14, modifié 4 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Félicitations Teegger !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Avatar du membre
yupanqui
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 3000
Enregistré le : 02 déc. 2012, 15:07
Localisation : Au cœur des 7 cités avec Zia
Âge : 52

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

C’est bien écrit. Mais quelle violence !
Modifié en dernier par yupanqui le 19 mai 2020, 21:10, modifié 1 fois.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

A part ces petites fautes c'est super !
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

yupanqui a écrit : 19 mai 2020, 14:15 C’est bien écrit. Mais quelle violence !
Merci, Yupanqui!
Modifié en dernier par TEEGER59 le 19 mai 2020, 21:13, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Avatar du membre
Este
Maître Shaolin
Maître Shaolin
Messages : 1709
Enregistré le : 02 avr. 2020, 15:06
Genre : Homme
Localisation : Kûmlar
Âge : 16
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

En tout cas c'était super !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

Perso préféré : Laguerra
Couple préféré : Mendoza et Laguerra
Avatar du membre
yupanqui
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 3000
Enregistré le : 02 déc. 2012, 15:07
Localisation : Au cœur des 7 cités avec Zia
Âge : 52

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

C’en était fini pour elle. Car la phrase précédente parle de la bête.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Bon, je vais changer " bête" alors.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Avatar du membre
yupanqui
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 3000
Enregistré le : 02 déc. 2012, 15:07
Localisation : Au cœur des 7 cités avec Zia
Âge : 52

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

En tout cas, petit clin d’oeil à Chacha notre renarde préférée.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
Avatar du membre
TEEGER59
Grand Condor
Grand Condor
Messages : 4538
Enregistré le : 02 mai 2016, 14:53
Localisation : Valenciennes
Âge : 46
Contact :

Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

yupanqui a écrit : 19 mai 2020, 21:14 En tout cas, petit clin d’oeil à Chacha notre renarde préférée.
Effectivement. :tongue:
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
Répondre