Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

C'est ici que les artistes (en herbe ou confirmés) peuvent présenter leurs compositions personnelles : images, musiques, figurines, etc.
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Este
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Mais tu doit travailler comme une folle pour faire ça ! Tu mérite amplement nos félicitations en plus c'est super !
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 17.

Le lendemain matin, le Yeoman se réveilla à huit heures, emmitouflé dans sa cape, auprès d'un réconfortant petit feu. Couvert de baume et de pansements, il ne souffrait pas trop de ses blessures, mais se sentait bien trop épuisé pour envisager de se lever.
Théo: On a réussi! Par tous les saints du Paradis, je n'en reviens pas! Ça a marché!
La voix joyeuse du mage lui fit redresser la tête.
En face de lui, Théophraste avait saisit les mains de la danseuse et l'entraînait dans une gigue, sous le regard amusé des deux Suisses.
D'instinct, Mendoza jeta un coup d'œil à gauche et à droite. Son attention se fixa sur un corps inanimé vêtu de pourpre. Au prix d'un gros effort, le Catalan réussit à se mettre en position assise. Contenant ses tremblements, il apostropha Bombast von Hohenheim:
:Mendoza: : Et ton Zarès? On en fait quoi?
La fureur glacée qui perçait dans sa voix doucha net l'enthousiasme du théologien.
Macumba en profita pour s'approcher de son sauveur et lui faire boire un gobelet d'herbes aux vertus apaisantes et reconstituantes, cueillies par Hans.
Théo: Zarès?
Théophraste tiraillait sa barbe, clairement ennuyé.
Rendu irritable par son état de faiblesse, Juan siffla:
:Mendoza: : Oui, à t'entendre, l'affaire est réglée. Or, je ne suis pas de cet avis. Son sort reste en suspens... Et je compte bien y remédier si tu...
Théo: Ttt-ttt-ttt... Il est sous ma responsabilité. C'est à moi de m'en charger. Repose-toi, John. Tu dois reprendre des forces.
Le mage se dirigea vers leur prisonnier. Toujours encapuchonné, le renégat gisait sur le sol, bien ligoté. Il venait à peine de reprendre conscience. Théophraste avait pris soin de récupérer le gantelet magique et de l'empaqueter dans sa besace. Mais point de pyramide… Ambrosius ne l'avait pas sur lui.
Avec un sourire de fauve, le Catalan se réjouit:
:Mendoza: : Ce grand échalas est dans une piètre forme, encore pire que la mienne... (Pensée).
Théo: Infortuné Zarès, tu peux être fier de toi!
Le médecin-voyageur sourit tristement.
Théo: Devine qui m'envoie? Je suis sûr que tu t'en doutes. Et tu sais que je dois le faire.
:Zares: : Non, pas ça, Théo! Nous étions amis... Souviens-toi! Pas ça, par pitié!
La voix du sorcier, privée de son modulateur, se perdait dans les aigus. À bout de force, drainé par sa blessure à la tête suite à sa mauvaise chute, il fut pris d'une quinte de toux rauque, tachée de son sang.
Théo: C'est trop tard, Zarès. Tu as laissé trop de morts dans ton sillage, trop d'infamies. Tu t'es placé bien au-delà du pardon.
Le ton du mage débordait de pitié. Il avait les épaules voûtées par la peine. Néanmoins, en dépit de ses sentiments, en dépit des supplications de l'homme sans visage, il devait accomplir son devoir. L'alchimiste apposa sa main tannée sur le front blême et trempé de son confrère. De l'autre, il dessina dans l'air un essaim de runes étudiées pour cette occasion précise.
Théo: Mère Nature, réponds à mon appel, vois ton enfant impie. Mère!
Une fragrance de foin séché et de feuilles automnales emplit leurs narines. Autour de la main de Théophraste, un ovale de lumière naquit, d'un jaune plus pâle mais presque aussi aveuglant que celui du soleil. Herta*, divinité majeure de la mythologie Germanique, symbolisant la Terre Mère, se manifestait. La lumière baigna les visages du mage et du sorcier d'un écrin jaune et vert, gagnant encore en intensité. Zarès écarquilla les yeux devant la vision qui se déroulait pour lui seul. Alors, il hurla, son corps arqué, forcé par une pression invisible, engendrée par le biais du contact de Théophraste.
Ce cri inhumain glaça Macumba qui se recroquevilla. Mais le hurlement ne dura pas. Épuisé par ce qu'il venait de subir, le rouquin sombra de nouveau dans l'inconscience. La lumière surnaturelle décrut jusqu'à disparaître.
Visiblement satisfait, Paracelse annonça:
Théo: C'est fait! Herta a repris ce qu'elle avait accordé. Zarès est désormais coupé de son mana. Pour un être comme lui ou comme moi, cela signifie qu'il n'est plus rien. Il est inoffensif.
:Mendoza: : Peut-être... Il peut cependant en envoyer d'autres de son acabit à ma poursuite. Il y a bien des moyens de nuire, et je gage que ton inoffensif sorcier les connaît tous. Ce n'est pas dans mes habitudes de laisser un tel ennemi derrière moi, sain et sauf!
Théo: Tu ne comprends pas, John. Mère Nature la lui a laissé la vie. Je ne peux donc pas le tuer, ni te laisser t'en charger.
Bombast von Hohenheim jeta un regard suspicieux sur son ancien camarade.
Théo: J'avoue qu'il ne m'inspire aucune confiance. Cependant, je ne peux en aucun cas passer outre la décision de ma déesse. Comprends-moi...
Mendoza réfléchit avant de répondre, sachant bien ce qu'il pouvait coûter d'obéir à certains ordres et de désobéir à d'autres. En conséquence de quoi, il répliqua:
:Mendoza: : Oh, je sais de quoi tu parles... Mais je voudrais au moins l'interroger. Je veux savoir qui l'a chargé de me tuer, et pourquoi!
Le mage soupira:
Théo: Il ne pourra te répondre. Le traitement que je viens de lui infliger lui a fait perdre la mémoire. Et il faudra un peu de temps pour qu'il la récupère. Écoute, je pense avoir trouvé un moyen de nous satisfaire tous deux. Je vais charger mes amis de le conduire vers l'ouest. Ils vont l'escorter, lui fournir quelques provisions. Ils nous rejoindront dès qu'ils l'auront assez éloigné.
Un murmure d'approbation courut parmi l'assistance.
Théo: Le temps que Zarès retrouve ses esprits et guérisse de sa blessure, il ne pourra plus te nuire, tout en restant vivant. Qu'en dis-tu?
:Mendoza: : J'en dis que je vais te faire confiance... J'espère pour toi ne pas avoir à le regretter.
Les yeux de l'Espagnol étaient toujours cloués sur le sorcier, emplis de haine.
Il était clair qu'il aurait préféré quitter ce campement qu'après l'avoir purifié de sa présence. Une nouvelle crise de frissons secoua son corps amoindri. La Gitane avait épuisé toutes les plantes de la sacoche médicinale ainsi que celle de Théophraste. Mendoza pensait pouvoir marcher, certes pas combattre. Il aurait été stupide, dans son état, de s'opposer à la décision du mage.
Théo: Bien. Tu as perdu beaucoup de sang et tu as besoin de repos, John. Macumba t'a fait absorber une potion qui va te faire dormir encore un peu. Nous verrons, un peu plus tard, comment se comportent tes plaies. Reste tranquille, je m'occupe de tout.
:Mendoza: : N'oublie pas une chose, Théo. Je t'ai aidé. Ta mission s'achève, parfait. C'est à ton tour maintenant, car j'ai moi aussi mes obligations. Il est impératif que je me rende à Barcelone. Avant la fin de la Feria de Santa Llúcia* et avant le jour des Corts*. Pour moi, c'est vital!
Le mage lut clairement l'urgence transmise par les yeux sombres du mercenaire. Ses mains agiles se levèrent de nouveau en signe d'apaisement.
Théo: Fort bien. N'aie pas d'inquiétude, je t'aiderai à gagner la cité...
Il se détourna pour donner ses directives aux archers. Avant de partir, Hans vint se tenir face à Macumba, la contemplant sans rien dire, sans rien montrer, durant plusieurs minutes. Puis, il partit rejoindre son frère auprès du renégat pour faire route vers l'ouest, comme convenu.
Un peu plus tard, lorsque le Catalan se réveilla, le trio se prépara à partir. Juan s'habilla lentement.

41.PNG

Ses vêtements consistaient en un pantalon noir et d'une chemise blanche bien trop large. Tribut prélevé sur les cadavres de la garde Écossaise, ainsi qu'une lance qui servirait à appuyer sa marche.
Il récupéra sa cape. Le soleil ne parvenait pas à le réchauffer. Il avait aussi froid que sous la pluie.
Ils se mirent en route en direction du sud.
Théo: Nous avons tous besoin de repos. Et toi John, de soins plus importants. Aussi, je propose que nous allions voir des amies. Elles nous aideront. Elles résident dans la province du Languedoc, le long de la frontière entre les royaumes de France et d'Aragon, au nord de la ligne des citadelles du vertige*. C'est sur ta route, non? Nous y serons en sécurité, sur le Pacte! Et de là, je trouverai un moyen de te faire entrer dans la cité couronnée, dans les temps.
Mendoza n'avait pas la force de trouver une autre solution. Marcher mobilisait déjà toute son énergie. Il opina du chef, trop heureux de pouvoir au moins avancer sur ses jambes chancelantes.

À suivre...

*
*Herta: Je vous vois venir! Non, ce n'est pas la reine des saucisses! :x-):
*Feria de Santa Llúcia: Marché de Noël à Barcelone.
*Corts: Assemblées des états et royaumes, représentées par trois états, la noblesse, le clergé et les représentants des villes. Elles sont considérées comme l'un des premiers parlements en Europe.
*Citadelles du vertige: Comprenant la cité de Carcassonne, pièce maîtresse du système défensif conçu au XIIIème siècle par Philippe Auguste et ses successeurs ET des châteaux de Lastours (4: Cabaret, Tour Régine, Surdespine et Quertinheux), de Termes (1), de Peyrepertuse (1: commune de Duilhac-sous-Peyrepertuse), d'Aguilar (1: commune de Tuchan), de Quéribus (1: commune de Cucugnan), de Puilaurens (1: commune de Lapradelle-Puilaurens) et de Montségur (1: la plus haut perchée des citadelles).
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Un petit intermède.
Dommage qu’Herta n’ait pas voulu faire des knacks de dinde avec Ambrosius.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Este
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Tu es incroyable Teeger ! Et j'adore ces chapitres !
Saison 1 : 18/20 :D
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 18.

La matinée s'était déroulée dans le calme, sans contretemps et sans pluie. Ils cheminaient à travers la forêt de la Braunhie, lentement mais sûrement. Avec une habileté acquise au fil de ses voyages, Théophraste avait réussi à leur faire éviter toutes les patrouilles. Elles étaient de plus en plus fréquentes à mesure qu'ils se rapprochaient de la zone des citadelles, marquant l'entrée officielle de l'enclave de l'Empire, au sud du massif des Corbières.
Toujours prompt à casser la croûte, le mage proposa une halte après avoir dépassé le village de Concots. Installés sous un saule pleureur, les trois compagnons avaient partagé du pain, du lard et du fromage, accompagnés d'une gourde de vin du pays: le noir de Cahors. Clément Marot* avait chanté les vertus de cette "liqueur de feu".
Si Mendoza peinait, il tenait bon. Son endurance, acquise dès l'enfance à nager dans les torrents des montagnes, à escalader les falaises siliceuses des Pyrénées ou à chasser dans les pinèdes, lui permettait de résister. La marche avait au moins contribué à réchauffer son corps épuisé. Macumba se leva pour aller se laver au bord d'une source proche.
L'Espagnol terminait un morceau de pain que la danseuse avait eu la bonne idée de poser sur une pierre au soleil. Théophraste vint s'asseoir à ses côtés, pipe allumée, l'œil pétillant de malice:
Théo: Le danger semble écarté, pour le moment... Puisque nous voilà seuls, je voudrais aborder un sujet plus réjouissant. Voilà... Hans m'a demandé de te parler.
Le luthier de la médecine, qui avait retrouvé sa bonne humeur coutumière, gloussa:
Théo: C'est au sujet de Macumba. Il veut avoir ta permission pour la courtiser. Il est fou d'elle, ça ne fait aucun doute.
:Mendoza: : Ma permission? Et pourquoi moi? Cette chica ne m'appartient pas, elle est libre de ses choix.
Si le Catalan s'attendait à discuter d'un tel sujet! Il appréciait la jeune femme, la trouvait séduisante. Cependant, comparée à sa mission et à sa vengeance, elle n'avait que peu d'importance.
Théo: C'est que... avec ton air renfrogné et votre différence d'âge, il t'a pris pour son père. Sans vouloir te manquer de respect!
:Mendoza: : Quoi?!?
Juan en avala son pain de travers.
Théo: Ce qui est une nourriture pour l'un, est un poison pour l'autre. (Pensée).
Le teint framboisé, beau donneur d'accolades à l'outre, le Zurichois cachait mal son hilarité. Se mordant les joues pour s'empêcher de pouffer de rire, il avait dû poser sa bouffarde pour ne pas l'abîmer.
:Mendoza: : Je n'ai que vingt-huit ans, Théo! Et Macumba doit avoir dépassé la vingtaine. Ça fait peu, comme différence!
Théo: Oh, rassure-toi! Je l'ai détrompé, bien sûr! Hans était tout confus. Il s'est aussitôt excusé.
Le mage écarta ses main avant d'ajouter:
Théo: Mais il n'a pas voulu en démordre. Il veut ton accord avant de se déclarer.
:Mendoza: : Bon! Après tout... Que veux-tu de moi?
Théo: Eh bien, simplement ta bénédiction. Mais selon l'usage, je dois d'abord te parler de Hans.
Il adopta un ton plus sérieux pour continuer:
Théo: Malgré son jeune âge, c'est un soldat d'expérience, déjà honoré parmi les cantons pour ses talents d'archer, que tu as pu apprécier. Issu d'une famille de fondeurs de cloches, il est bon pisteur et bon chasseur. Les siens n'auront jamais faim. Un point important de la mentalité Helvète car ils se marient pour la vie. Hans a remporté les dernières joutes du pays de Vaud, à l'arc évidemment, la discipline principale. Sa famille est nombreuse. Il a quatre frères: un plus jeune, Peter, que tu connais déjà, puis trois plus âgés, Jakob, Orell et Wilhelm, tous mariés. Le destin de ce jeune homme sera brillant, à n'en pas douter! Nous autres, Confédérés, sommes des gens pacifiques pour peu que les Français et les princes protestants Allemands ne nous chatouillent pas trop. Le clan de Hans est situé dans la grande forêt du bois d'Orjulaz, près d'Estagnyeres*. C'est un lieu sacré, protégé par Herta. La vie y est douce. Macumba y sera bien accueillie et en sécurité. Si tu y consens, il suffit que tu donnes ton accord verbal. Hans est un bon garçon, John. Depuis notre rencontre, je n'ai eu qu'à me louer de lui. Et d'après ce que j'ai cru voir, Macumba est loin d'être insensible à son charme... Qu'en dis-tu?
Juan pris le temps de mûrir sa réponse. Il était hors de question de l'emmener avec lui en Espagne. À Barcelone, il n'aurait pas le loisir de veiller sur elle. Il se remémora l'air si triste qu'elle affichait lorsqu'ils s'étaient vus pour la première fois.
La Gitane l'avait suivi sans se plaindre ni le trahir, ne récoltant que froid, faim, peur et danger en guise de paiement. Sans compter qu'elle lui avait sauvé la vie à au moins deux reprises.
:Mendoza: : J'ai une dette envers elle, je le reconnais, et je veux qu'elle soit heureuse. Mais encore faut-il qu'elle en ait envie, de ton archer.
Théo: Les as-tu regardés tous les deux, ces derniers temps? Ils ne le savent pas encore, mais ils sont faits l'un pour l'autre.
:Mendoza: : Fort bien! Alors quand il nous rejoindra, annonce à ton gamin qu'il a mon aval. Mais si jamais j'apprends un jour qu'il lui a manqué de respect en quoi que ce soit, je viendrai moi-même lui enfoncer son arc dans la gorge... Nation Suisse ou pas. Tiens, d'ailleurs... Prends ceci, je te demande de l'utiliser au mieux pour leur avenir. Quand Hans sera de retour chez lui, tu seras le garant de leur installation, Théo. Telle sera ma condition.
Les cent réaux d'or de Pero Laxo feraient une belle dot.
Empochant la bourse, le mage s'exclama:
Théo: Par le Sefer HaBahir!* Tu me plais, John! Je m'y engage. Macumba sera très heureuse là-bas.
Le mage reprit d'un sourire, un sourire chaud comme le soleil, limpide comme l'eau, tranquille comme la terre:
Théo: Je suis ravi de t'avoir rencontré. Les événements ont démontré que nous pouvions devenir amis et j'en ai le sincère désir. Si tu me parlais un peu de toi? Que vas-tu faire dans la capitale de la Catalogne?
:Mendoza: : Tu ne m'es pas antipathique, c'est un fait, Théo. Cependant, je ne suis pas libre de parler. Trop de choses sont en jeu.
C'était la vérité. Mendoza appréciait le mage. De là à lui accorder une totale confiance et à s'épancher... Ce n'était certes pas son style.
Théo: Je comprends. Et je respecte. Chacun ses secrets. Ah! Voici notre douce Macumba qui revient toute propre de son bain. Tu vas pouvoir aller te laver et te raser. Ce ne sera pas du luxe! Regarde-toi! Tu es couvert de sang et de poussière.
L'Espagnol gémit en se relevant. Ses muscles s'étaient refroidis durant la halte. Il regarda ses mains.

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Théo: Tu veux que je t'aide?
:Mendoza: : Ça ira, merci... À tout à l'heure.
Juan clopina jusqu'au ruisseau des Valses dont revenait la jeune femme, toute pimpante. Ses jambes semblaient aussi dures que la pierre, ses cuisses et ses mollets le brûlaient de fatigue. Ses reins l'élançaient et les frissons revinrent à la charge. Il jura tout son saoul en claquant des dents. Conscient qu'il était incapable de se défendre face au danger, il était obligé de se reposer sur le médecin et la Gitane. Tout en grelottant, il réussit à se laver et à se sécher.
Dès qu'il eut terminé ses ablutions, ils se remirent en route.

☼☼☼

Tout en ouvrant la voie de son pas souple, Théophraste ne cessait de discourir. Il possédait un savoir passionnant qu'il dispensait pour divertir Macumba. Mendoza constata que, depuis le début de leur rencontre, la Gitane avait perdu de sa tristesse résignée. Le grand air lui avait redonné de bonnes couleurs et son visage s'ouvrait à la perspective d'une vie différente.
Nulle vision ne s'était manifestée à elle.
Théo: Au fait, je vous emmène dans un lieu tout à fait singulier. Vous êtes-vous déjà rendus dans un comptoir d'échange Languedocien? Un endroit convenable, vous verrez. Nous pourrons y reprendre des forces. Et puis, les frères Füssli et moi y avons laissé un compagnon blessé que nous devons récupérer. C'est le meilleur ami de Peter: Ysengrin le Rusé. Je pense, chère enfant, que vous l'apprécierez. Ah, décidément, quelle belle journée pour voyager!
L'Espagnol ne partageait pas cet avis. Serrant les dents, il avançait comme il pouvait et se défendait de demander quand ils arriveraient à destination. Ses blessures cicatrisaient normalement, mais il restait épuisé. Des vagues de frissons le prenaient régulièrement, le laissant au bord de la syncope. Malgré tout, il irait jusqu'au bout, un pas après l'autre, sans abdiquer.

☼☼☼

Le lendemain soir, après avoir passé une journée similaire, le trio atteignit la forêt de Grésigne, qui dépendait du territoire de Puycelsi. Ils furent rejoints par les archers qui avaient ramené du gibier. La soirée fut paisible. Hans parla peu, couvrant Macumba de son regard pénétrant. La danseuse rougissait fréquemment de ces attentions. L'Espagnol put ainsi vérifier les dires de Théophraste. Il avait raison, l'attirance des deux jeunes gens était manifeste.
Le mage se révéla un précieux compagnon, toujours prêt à discuter, à rire ou à chantonner. Empli d'une sereine énergie, il vivait chaque instant à sa juste valeur, impressionnant Juan par l'harmonie simple de son âme, qu'il offrait sans restriction. Quant à Hans et Peter, ils le regardaient avec une adoration sans bornes. Macumba semblait, elle aussi, particulièrement l'apprécier.
Pour une fois, Mendoza s'endormit le premier, bercé par le récit d'une des aventures du savant-voyageur. Son procès contre un important chanoine: Lichtenfels. Ce dernier n'avait pas réglé les émoluments promis, ce qui, à l'époque, avait mis Théophraste dans une profonde colère. S'il se voulait médecin des pauvres, le mage avait toujours mis un point d'honneur à faire payer les riches au prix fort. Il était notoire que Paracelse aimait le bon vin et en abusait souvent.
Le Catalan sombra bien avant la fin du récit.

☼☼☼

Comme Théophraste l'avait proposé au mercenaire, les deux frères avaient convoyé Zarès à l'ouest, s'enfonçant profondément dans l'une des vastes forêts qui couvraient le secteur.
Le personnage donnant dans la gouape fut laissé sous une petite hutte, rapidement montée par les mains habiles de Hans. On l'abandonna là, au bord du Lot avec de l'eau et des provisions, puis le mauvais sujet fut laissé à lui-même. Son état actuel ne lui permettait pas de voyager. Il ne risquait donc pas de s'élancer à la poursuite des Suisses ou de l'Espagnol.
Au bout d'une heure pourtant, alors que les frères Füssli avaient disparu, l'alchimiste se leva, sortit de son abri précaire et se dirigea vers le nord. Une volonté puissante, bien plus que la sienne l'appelait, le convoquait.

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Zarès marcha, rampa même par endroits, sans jamais s'arrêter malgré sa blessure à la tête, malgré son état de faiblesse extrême, sans jamais penser à ce qui était en train de se produire. Sans s'en rendre compte, il répétait:
:Zares: : Je viens, je viens!
Le sorcier était possédé.
Pendant des heures, il parcourut la forêt, attiré malgré lui par un monceau de roche granitique bleu. Sans même s'arrêter pour reprendre son souffle, il s'engagea dans la clairière qui s'offrait à lui. C'est à bout de forces qu'il gravit les escaliers de sa nef.
Enfin libéré de la transe qui l'avait guidé, il retrouva ses esprits. La première chose qu'il effectua en entrant fut de vérifier si la pyramide était toujours en place. C'était le cas. Rasséréné, il alla s'écrouler sur la banquette en songeant à ce qu'il allait pouvoir bien faire désormais.
Sa mission ayant lamentablement échoué, il était inutile de se représenter devant le roi de France.
:Zares: : Si La Châtre s'en est sorti, il doit sûrement être en train de faire son rapport... (Pensée).
Il était temps pour Ambrosius d'aller voir ailleurs, de prêter serment d'allégeance à un autre. Son choix fut vite fait. Celui-ci se porta sur l'homme le plus puissant de la chrétienté...

☼☼☼

L'alchimiste avait vu juste.
Tandis qu'il songeait à sa nouvelle alliance, Joachim de La Châtre, après avoir attendu quelques instants seul dans une sorte d'antichambre tendue de velours, accédait, guidé par Jean Stuart, le capitaine de la première compagnie, à une pièce somptueuse. Elle était tendue d'une toile entièrement brodée d'or qui brillait comme une mitre d'évêque. Le soldat vaincu se trouvait à Cahors, au second étage de la grosse tour carrée, vestige du palais Duèze. Au milieu de la salle, éclairé par un candélabre où brûlaient une profusion de cierges, et par des lampes de cristal, une sorte de trône se dressait sous un baldaquin de pourpre frappé des armoiries du maréchal de France. Une devise était inscrite sur le phylactère: Fidus et verax in justitia judicat et pugnat. (Celui qui est fiable et véridique dans la justice peut seul juger et combattre).
Sur ce trône, un homme était assis.
Son visage sombre, ses yeux chargés d'éclairs qui considéraient le nouveau venu en silence n'auguraient rien de bon. D'une voix grave et sonore qui aurait pu être celle d'un chanteur, il dit enfin:
Anne: Le roi t'a chargé d'abattre l'Espagnol. Et tu as failli à ta mission!
Le Seigneur de Nançay tressaillit. Cette voix qu'il avait appris à respecter, à craindre même, rebondit sur les parois en pierres de taille, le faisant sursauter. Il se jeta aussitôt au sol, où il s'aplatit dans une posture de soumission.
Devant lui se dressait Anne de Montmorency dont les mains agrippaient les accoudoirs, signe de mécontentement. Il apostropha son sous-fifre:
Anne: L'Espagnol est donc toujours en vie! Le roi est deçu, La Châtre! Il espérait tant de toi...
J.C: J'ai fait ce que j'ai pu... Mais ce maudit Ambrosius a tout fait échouer.
Le capitaine releva la tête pour tenter de s'expliquer. Devant l'audace du soldat dont les yeux le considéraient maintenant avec insolence, la colère d'Anne éclata. Le maréchal se redressa et sa main fouetta l'air avant de percuter violemment le Seigneur de Nançay. Projeté au sol, ce dernier eut la joue profondément marquée.
Anne: Tu peux garder tes excuses, La Châtre. Tu sais que notre roi n'admet pas l'échec. Tant pis pour toi!
Montmorency s'avança, prêt à frapper.
Le soldat bredouilla:
J.C: Il y avait un autre mage aussi... et deux Confédérés. Cela dit, faites-moi exécuter si cela peut vous satisfaire.
Ce tranquille courage éteignit la fureur du duc. C'était, en effet, de toutes les vertus, celle qu'il appréciait le plus:
Anne: Tu ne crains pas la mort?
J.C: Pourquoi la craindrais-je? La vie ne m'a rien apporté qui mérite d'être regretté.
Le gouverneur du Languedoc s'approcha et se pencha un peu pour scruter les profondeurs de ce regard qui ne fuyait pas le sien. Soudain, il tira de sa ceinture une dague dont la poignée d'or était enrichie de pierreries et en appuya la pointe sur le cou du militaire:
Anne: Je t'accorde le temps de dire une prière!
J.C: C'est inutile. Dieu n'a rien à me pardonner car je ne crois pas l'avoir jamais offensé gravement. Lui, en revanche, s'est plu à me faire souffrir. S'il consent à entendre de moi une prière, qu'il accorde à ma Françoise la joie d'être mère, elle qui sera veuve d'ici peu.
Il ferma les yeux, attendant que l'arme s'enfonce mais déjà elle s'éloignait. D'un geste vif, le duc rengaina sa lame.
Anne: Je crois, pardieu, que tu dis vrai. Tu n'as pas peur...
Une idée subite venait de suspendre son geste. Un projet qu'il caressait depuis plusieurs mois, sans avoir jusqu'ici trouvé l'occasion de le concrétiser.
Anne: Sors, Jean Stuart! Et toi, relève-toi! Je vais te garder à mon service, La Châtre. Ne crains rien, j'arrangerai la chose avec le roi et tu pourras ainsi regagner ses faveurs.
J.C: Dieu me garde de jamais vous déplaire, Monseigneur.
Anne: Je te crois, Joachim. Mais pour l'instant, tu vas rester dans cette tour sous bonne garde. Ceux qui veilleront sur toi m'en répondront sur leur tête car je ne te permettrai pas d'échapper à la sanction que tu mérites. Pour l'heure, j'ai à faire... Sois cependant certain que je ne t'oublierai pas!
Remis à nouveau au capitaine Stuart, La Châtre allait sortir quand Montmorency l'arrêta:
Anne: Un instant! Sais-tu ce qu'il est advenu d'Ambrosius? Est-il toujours en vie?
J.C: Je l'ignore.
Haussant les épaules, Montmorency lui fit signe de sortir.
Peu après, il s'engagea à son tour dans le couloir mal éclairé. Ainsi, La Châtre avait échoué. De même que le sorcier et la horde. Face à un homme seul! L'Espagnol se révélait bien plus résistant que prévu. Tant pis, le monde offrait maints tueurs prêts à se charger de son sort. Et avec ce qu'il avait décidé pour le Seigneur de Nançay, son projet marquait un net avancement.
Somme toute satisfait de la tournure des événements, il descendit une série d'escaliers qui débouchaient sur la rue. Il avait rendez-vous en ville.

À SUIVRE...

*
*Clément Marot: Poète Français, né à Cahors. Le titre de cette fanfic est l'une de ses citations.
*Estagnyeres: maintenant orthographié Étagnières. Commune suisse du canton de Vaud, située dans le district du Gros-de-Vaud.
*Sefer HaBahir: Livre de la Clarté, développant un système de mystique Juive. L'ouvrage aurait été compilé durant le XIIème siècle par plusieurs auteurs successifs, d’abord dans les cercles piétistes Judéo-Allemands, puis dans les premières écoles kabbalistiques du Languedoc et de Catalogne, où il aurait trouvé sa forme définitive.
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:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Encore un beau chapitre, bien écrit.
Ça se rapproche pour Hans et Macumba...
Zut, Zarès est toujours opérationnel...
Mendoza est encore loin de parvenir à son but...
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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Este
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par Este »

Il commence à m'énerver Zarès !!
Saison 1 : 18/20 :D
Saison 2 : 13/20 :roll:
Saison 3 : 19/20 :-@ :-@ :-@
Saison 4 : 20/20 :-@ :-@ :-@ :-@ :-@

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TEEGER59
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par TEEGER59 »

Suite.

CHAPITRE 19.

Lorsque le maître de France fit son entrée dans la salle principale de l'auberge, la duchesse de Suffolk l'attendait, assise à une table. Montmorency connaissait les lieux. Le Guet n'y descendait jamais et l'anonymat de chacun était respecté. En avisant la clientèle de l'endroit, il ne put s'empêcher de sourire. Tous les mâles de la salle regardaient plus ou moins ouvertement Mary, ce qui n'était pas étonnant car elle exhalait une sensualité irrésistible. Il rejoignit la table et plongea ses yeux dans ceux de la jeune femme en lâchant d'un ton sec:
Anne: Viens avec moi!
Docile, elle suivit son amant à l'étage.
Une fois dans la chambre qu'il avait louée pour la journée, Anne ferma précipitamment la porte et jeta son manteau sur une table. Il se tourna vers Mary et la poussa en travers du lit. Elle s'écroula en le regardant d'un air gourmand et en s'étirant langoureusement.
Anne: Déshabille-toi!
Mary: Donne-moi d'abord ma dose de membe.
Anne: Oh non, ma tigresse! Premièrement, tu ne l'as pas encore méritée. Et deuxièmement, je préfère te voir en pleine possession de tes moyens.
Mary plissa des yeux de mécontentement mais ne dit rien. Elle s'exécuta sous le sourire d'Anne. Oui, il lui donnerait sa dose, évidemment. Mais seulement lorsqu'il se serait suffisamment amusé avec elle.
Le duc ôta sa chemise de soie noire, qu'il jeta négligemment derrière lui. Il déboucla sa lourde ceinture, maladroitement serrée à la taille, et la fit claquer dans l'air. Mary le dévisageait, les yeux brillants d'une lueur familière.
Bientôt le son mat des coups sur la chair emplit la pièce, ponctué par les gémissements de plaisir de la jeune femme et les halètements rauques de Montmorency.
Dans cette chambre, l'adultère régnait avec aisance et désinvolture. Amant et maîtresse s'en donnaient à cœur et à corps joie...

☼☼☼

Deux heures plus tard, ils reposaient l'un à côté de l'autre sur le lit dévasté. D'un ton indolent, l'épouse de Charles Brandon soupira:
Mary: Bon, tu me la donnes, maintenant?
Ruisselant de sueur, Anne se leva de la couche et se déplaça jusqu'à son manteau pour y prélever un sachet contenant la drogue promise, qu'il jeta à la jeune femme. Celle-ci ne quitta pas la dosette des yeux. Elle la rattrapa au vol, se retourna sur le ventre et se mit à contempler le membe, agitant le contenu du sachet devant elle.
Le maître retint une exclamation victorieuse. Son activité annexe et florissante de fournisseur de substances en tous genres lui avait appris à reconnaître ce type de regard. Elle était ferrée par ce produit. C'était manifeste.
Sans pouvoir cacher sa déception, Mary ajouta:
Mary: C'est tout? C'est tout ce que tu as pour moi?
Anne: Pourquoi, tu en voulais plus?
Maussade, la jeune femme ne répondit pas. Anne haussa les épaules et reprit son manteau. Il en sortit deux autres sachets qu'il lança sur le lit.
Anne: Tiens, mais à partir de maintenant, si tu en veux davantage, tu devras payer. Du membe aussi raffiné, ça coûte cher à produire.
Mary: Payer? Et comment?
Anne: Avec des informations. Des informations sur ce qu'il se passe à la cour de Londres...
Mary s'écria:
Mary: Mais je ne sais rien des manœuvres politiques de mon frère. Et si je le savais, jamais je ne livrerai ses secrets!
Son amant mentit:
Anne: Et jamais je ne te le demanderai. Mais il y a sûrement des intrigues de cour, des gens prêts à renverser le pouvoir en place. Tu dois sûrement pouvoir trouver des renseignements là-dessus...
Mary: Je verrai ce que je peux faire...
Anne: Bien... Je dois te laisser car celui que tu appelais auparavant "Monsieur mon beau-fils", non sans un peu d'ironie, m'attend.
Sans même le regarder, son attention rivée sur la drogue qu'elle agitait doucement devant elle, la duchesse lâcha:
Mary: Oui, surtout ne le fais pas attendre...
Son amant ne comptait plus. Sans se formaliser, il passa dans la pièce d'à-côté pour y faire une rapide toilette. Il en ressortit vêtu d'une nouvelle et impeccable tenue de soie noire. Il jeta un œil à la jeune femme, qui n'avait pas changé de position, passa son manteau et sortit sans rien ajouter, un petit sourire au coin des lèvres.
Mary ouvrit le sachet. De ses doigts fuselés, elle préleva une pincée de poudre qu'elle porta à ses narines. Elle inspira fortement et hoqueta tandis que les feuilles de coca pilées fusaient dans ses membres. Son regard se voila, ses pupilles se dilatèrent, et un peu de salive humecta la commissure de ses lèvres parfaites. Elle se laissa tomber en arrière sur le matelas avec un sourire indolent, les bras en croix.

☼☼☼

Une fois dehors, Montmorency remonta la rue qui menait jusqu'à la Tour Jean XXII à grandes enjambées. Quelques minutes plus tard, il réapparut dans l'ancienne cour du palais Duèze et salua les sentinelles sans les regarder. Il se trouvait à présent au cinquième étage, dans une salle de forme rectangulaire aux dimensions gigantesques. Il se dirigea vers le fond de la pièce où se trouvait un trône. Dessus, un homme siégeait. C'était le roi-chevalier, le Seigneur du royaume de France, l'ennemi juré de l'Empereur Charles Quint.
À trente-huit ans, François Ier dévorait encore la vie à belles dents. Ses lèvres de faune, ses yeux paillards attiraient les regards de toutes les femmes. Il était glorieux et triomphant. Son poignet pouvait encore soulever les plus lourdes épées. Large torse, larges épaules musclées, un corps taillé pour la guerre... et pour l'amour.
Mais le roi s'inquiétait et tremblait pour son royaume. Il vivait dans une crainte obsidionale qui grandissait de jour en jour. Cette crainte était marquée par de nombreuses tournées d'inspection des places et songeait à la création de sept milices provinciales de six mille hommes qui seraient affectés à la garde des régions frontalières. L'expérience entendait doter l'armée royale d'une infanterie nationale, chère à l'humanisme militaire, pour diminuer le recours à des mercenaires Allemands et surtout Suisses, ces derniers ayant été peu efficaces à Pavie et mêmes accusés de fuite.
Le grand maître de France s'approcha du trône et s'agenouilla aux pieds de son souverain, vêtu de velours mauve et de fourrure. En cette fin d'année 1532, l'hiver s'annonçait particulièrement rigoureux.

44.PNG

F1: Anne, tu es là. À l'heure, comme toujours. Je t'écoute, mon ami...
Le duc de Montmorency narra calmement la disparition de l'alchimiste et l'échec de La Châtre. Le monarque siffla de dépit en apprenant ces nouvelles.
F1: J'espère que tu as châtié le capitaine comme il le méritait!
Anne: Mieux que cela, Majesté. Je vais l'utiliser pour l'accomplissement de mon petit projet. Je lancerai bientôt le processus. Il nous servira bien mieux que par le passé.
F1: Fort bien. Je te laisse juge. Tu sais que tu as toute ma confiance.
Le duc balbutia un remerciement puis demanda:
Anne: Majesté... Puis-je savoir pourquoi vous vous intéressez à cet Espagnol?
F1: Non, tu ne peux pas. Mais l'échec de la mission n'est pas si grave, après tout... Cela nous permet d'apprendre que ce Mendoza n'est pas n'importe quel soldat. La prochaine fois, il faudra agir en conséquence.
Anne: Le problème, Majesté, est que nous n'avons plus aucun moyen de le retrouver.
F1: Ne t'inquiète pas, cela viendra.
Le ton du roi-chevalier était formel. Il poursuivit:
F1: Oui, nous aurons une autre occasion de l'atteindre. Par les Saintes Reliques, ce temps viendra et l'Espagnol périra. Mais à présent, parle-moi plutôt de notre petite affaire avec les Anglais...
Anne: D'après les informations que m'a envoyées le duc de Suffolk, leur mercenaire a commencé sa mission. Il aurait pénétré notre territoire. Je ne sais rien de plus, et j'ignore bien évidemment son identité. Comme l'a exigé le roi Henri, les méthodes qu'emploiera cet homme pour résoudre notre problème resteront secrètes.
F1: Cela m'est égal. Je me doutais que ce renard de Tudor imposerait une telle condition. De toute manière, nous aurons bientôt notre réponse. Laissons-les faire, nous avons tout à y gagner...
Que le Yeoman, leur temporaire allié, et l'Espagnol dont le roi de France voulait la tête, soit le même individu, leur échappait totalement, sinon le Valois aurait suspendu l'exécution de Juan-Carlos Mendoza dont il ignorait le véritable rang au sein de la garde Anglaise.
Le monarque susurra encore:
F1: Et qu'en est-il de cette ravissante Mary?
À l'évocation de ce doux prénom, son œil brilla et sa lèvre devint gourmande en se souvenant du galbe de sa gorge d'albâtre.
Anne: Je pense que bientôt, elle sera en mon pouvoir. Elle résiste encore à l'attraction des feuilles de coca que je lui fournis mais cela ne durera pas. J'ai commencé à lui demander des renseignements sur la cour Anglaise. Elle devrait m'en fournir sous peu.
F1: Fort bien. Ne la brusque pas. Prends ton temps, il ne faut surtout pas nous l'aliéner. L'Angleterre n'est pas une priorité mais pourrait bien le devenir... Depuis des années, Henri VIII cherche par tous les moyens à faire annuler son mariage avec Catherine d'Aragon afin d'épouser légalement Anne Boleyn. S'il arrive à répudier la tante de l'Empereur, cela contribuerait à aggraver les liens entre l'Espagne et l'Angleterre. Une situation favorable pour nous... C'est bien, je suis content de toi.
Anne fut récompensé par ce nouveau compliment. Mais alors que le grand maître s'apprêtait à se retirer avec force salutations que son ami François lui rendait, et qu'après la courbette du comédien il réitérait en s'inclinant plus bas, le souverain ajouta:
F1: Reste, j'ai encore besoin de toi. Je reçois les Quatre. Je dois évoquer avec eux les dispositions à prendre en cas de nouvel échec. Si nous ne sommes pas prêts à affronter l'Empire sur les champs de bataille, il est toutefois hors de question de baisser les bras devant mon beau-frère. S'ils veulent la guerre, ils l'auront, et que la colère de Dieu les engloutisse tous!
La voix du roi enfla sur cette dernière phrase. le duc sentit un frisson lui parcourir l'échine. C'est alors qu'on entendit des bruis de pas dans le couloir. Les Quatre arrivaient.
Le souverain lâcha un petit rire nerveux.
F1: À présent, Anne, plus un mot. Contente-toi de regarder et d'écouter. Tout à l'heure, je te demanderai ton sentiment sur l'attitude de nos seigneurs de guerre. Car tel est notre bon plaisir...
Dans un concert de voix aux tonalités disparates, les Quatre poussèrent les portes qu'avait empruntées Montmorency et firent leur entrée. Ils se disputaient déjà.
Le grand maître se prépara à une longue et ennuyeuse session. Il savait à quoi s'attendre. Depuis un certain temps déjà, les réunions de commandement n'aboutissaient à rien. Les Quatre ne tombaient que rarement d'accord, se chamaillant souvent sous le regard amusé de leur roi, qui ne paraissait nullement se soucier de ce manque d'efficacité. D'ailleurs, Anne soupçonnait ce dernier de soigneusement nourrir leur antagonisme, entretenant sciemment leurs rivalités.
Ils entrèrent sans discrétion. Ayant chacun la faveur du roi, aucun d'eux ne voulait laisser aux autres l'honneur d'entrer le premier. Ils le firent donc côte à cote, veillant à ne pas se toucher.
Des hommes puissants, siégeant au Conseil des Affaires, s'inclinant pourtant bas devant leur prince.
Le premier de ces messieurs se nommait, Claude d'Annebault. Il semblait le plus en forme. Le plus jeune aussi. Personnage imminent à la cour, il fit l'apprentissage des armes et se distingua à la défense de Mézières en septembre 1521, puis assuma pour la première fois le commandement d'armées à la campagne Milanaise de 1528-1529. À son retour, le roi le couvrit d'honneurs en lui donnant sa propre compagnie. Depuis trois ans, il occupait la fonction de lieutenant "résident" du gouverneur de Normandie, l'amiral Chabot. Le dernier favori du roi se campait fièrement à côté de ses pairs. Ses yeux ne cillaient pas, braqués sur son souverain.
Philippe Chabot, son supérieur, se tenait à sa gauche, vibrant d'énergie nerveuse. Il avait des cheveux bruns et une barbe fournie. Un homme de taille moyenne, svelte et musclé, qui d'ordinaire, arborait son rang sur ses pattes d'épaule. Mais pas aujourd'hui. Amiral de France n'était pas un grade mais une dignité, tout comme maréchal de France, le nouveau statut de Fleuranges. Adoptant des manières faussement nonchalantes, son regard vif ne restait pas en place et, de temps à autre, un frisson secouait son corps tel un spasme.
Fleuranges, justement. Alias Robert III de La Mark était une singularité au sein même du Conseil: À Marignan, le roi l’avait adoubé de sa propre main. Les deux hommes se connaissaient de longue date. À l’âge de dix ans, le jeune Robert fut envoyé à la cour de Louis XII où il devint l’ami et le compagnon de jeux du jeune duc d'Angoulême. Presque aussi grand que Claude d'Annebault, sa musculature se rapprochait cependant de celle de Philippe Chabot, sèche et nerveuse. Le maréchal portait, comme ses confrères, une tenue blanche impeccable. Le moustachu salua le roi de sa voix de ténor.
René de Montjean était le dernier. Grand seigneur intrépide, il se tenait à l'extrême droite, bien a l'écart des trois autres. Il s'exprimait peu mais lorsqu'il le faisait, sa voix était sans réplique. Cette année, le roi lui avait cédé les revenus de la riche baronnie de Fougères. Le militaire avait joué à ce titre un rôle important dans la signature du Traité d'Union avec la Bretagne où il devint lieutenant général.
À la force brute de Claude et de Philippe, Robert préférait des méthodes plus sournoises. Quant à René, il était difficile de le cerner. C'était peut-être le seigneur de guerre que le roi appréciait le plus. Anne eût été bien en peine d'en connaître la raison.
Quatre personnages dissemblables d'aspect, de mentalité et de comportement, mais d'une puissance égale. Ils partageaient une chose, une soif de domination, une même haine de l'Empire ayant tous été faits prisonniers à Pavie. Si aucune amitié ne les unissait, une certaine communauté d'intérêt les liait toutefois, même si chacun nourrissait ses propres ambitions.
Si la présence du grand maître les gêna, ils eurent cependant la présence d'esprit de ne pas le signifier ouvertement. Ils méprisaient Anne de Montmorency et celui-ci le leur rendait bien. Heureusement pour lui, le duc ne rendait compte qu'au roi de France. À qui au moins, il accordait un sincère respect. Le prince le traitait en retour avec l'affection d'un ami. Cela étant, Anne ne parvenait pas à savoir si ce sentiment était bien réel ou en fait une autre manœuvre de son tortueux seigneur.
F1: Mes seigneurs! Nous pouvons débuter la réunion.
Ils prirent place autour de la table.

45.PNG

Anne: Et le dialogue de sourds peut commencer... (Pensée).
Montmorency porta la main à sa bouche pour étouffer un long soupir d'ennui.

À suivre...
Modifié en dernier par TEEGER59 le 22 juin 2020, 14:01, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
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yupanqui
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par yupanqui »

Débauche et perversion...
Modifié en dernier par yupanqui le 22 juin 2020, 23:26, modifié 1 fois.
« On sera jamais séparés » :Zia: :-@ :Esteban:
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IsaGuerra
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Re: Fanfic: Le monde est dans sa jeunesse.

Message par IsaGuerra »

Chapitre 17
→ Passage plutôt calme et agréable
→ Dommage qu'Ambrosius ne perde pas la mémoire définitivement (enfin dans ce cas là, on aurait perdu le grand méchant de la série)

Chapitre 18
→ « Théo: C'est que... avec ton air renfrogné et votre différence d'âge, il t'a pris pour son père. » Mais nooon mdrr :lol: :lol:

Chapitre 19
→ Toujours aussi sympathique ce Montmorency

En tout cas très bien écrit comme d'habitude
« On le fait parce qu'on sait le faire » Don Flack
« Ne te met pas en travers de ceux qui veulent t'aider » Sara Sidle

« J'ai de bonnes raisons de faire ce que je fais » Isabella Laguerra
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