Les Mystérieuses Cités d'Or - Saison 4 (fanfic)
Posté : 04 févr. 2018, 22:22
Chapitre 1
Il faisait chaud. La température moyenne annuelle flirtait avec les trente degrés Celsius. Le ciel était dégagé et son sobre teint bleuté contribuait pleinement à la magnificence du paysage. S'y élevait une longue série de pyramides dont la légère vétusté, conséquence des années passées après leur construction, ne faisait que rendre plus apparentes l’essence et la richesse culturelle et historique de cette partie du monde.
Le silence était maître des lieux. Seules quelques brises légères animaient un modeste fond sonore. C’était précisément ce dont elle avait besoin : de calme, paix et sérénité. Sérénité qui fut bien vite troublée par une voix dont le timbre lui était – malheureusement – familier.
– Nous sommes enfin arrivés ! Quel paysage splendide ! C’est magnifique ! Bien qu’il fasse un peu...
– Silence, Gaspard ! vociféra une deuxième voix, coupant court à la tirade de l’Espagnol.
Ledit Gaspard s’exécuta aussitôt, toute trace d’enthousiasme et d'ébahissement ayant quitté son organisme pour laisser place à un sentiment de frayeur et d’intimidation, bien connu de ce dernier.
– A… A vos ordres, capitaine Ambrosius, chevrota-t-il.
Pour toute réponse, le concerné émit un grognement étouffé, la vision et l’esprit accaparés par la feuille de papier rectangulaire qu’il tenait entre ses mains gantées. Un énigmatique rictus fendant ses lèvres, il releva le menton afin de poser son regard brillant sur le monument qui s'élevait en face de lui, le surplombant de toute sa grandeur.
Laissant ses bras retomber le long de son corps, il annonça d’un air triomphant :
– Nous y sommes ! La Pyramide des Âges Éternels ! Je l’ai trouvée !
Il marqua une pause et pivota la tête vers celle qu’il avait toujours considérée comme étant son bras droit.
– Qu’en dis-tu, Laguerra ?
Demeurée silencieuse jusqu’à lors, la jeune femme mit fin à sa contemplation du beau paysage qui s'offrait à elle afin de reporter l’intégralité de son attention sur l'alchimiste. Rage, amertume et tristesse s'emparèrent de son être à l'instant où ses pupilles se posèrent sur ce dernier. L’image des enfants et du capitaine, l’écho de leurs voix absorbées par le vide, son incapacité à esquisser le moindre mouvement : tout lui revint en mémoire. Le cœur lourd, semblant peser près de cinquante tonnes sur sa poitrine, elle dut se faire violence pour ne pas cracher au visage d'Ambrosius – également connu sous le nom de « Zarès » - toutes les insultes et les atrocités qui ne cessaient de lui traverser l’esprit, tandis qu’elle continuait de le toiser.
Bien qu'étant habitée d’un calme absolu et d’un sang-froid inébranlable à l'ordinaire, Laguerra sentait ses nerfs faiblir à chaque minute passé en compagnie de ses deux énergumènes. Il allait de soi que ces longues heures de voyage où la voix exaspérante de Gaspard et sa bêtise légendaire avait été omniprésentes ne lui avaient en aucun cas été bénéfiques.
Ils avaient été contraints de faire escale en Inde dans le but de récupérer un objet dont ils ne pouvaient, selon ledit alchimiste, se passer. Ce dernier avait bien évidemment pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas se faire remarquer dans ce pays qui leur était désormais peu favorable.
– J’en dis que nous avons finalement trouvé ce que nous cherchions, finit-elle par répondre, le visage impassible.
– Exactement ! se réjouit son interlocuteur. Allons, il ne faut surtout pas perdre plus de temps. Entrons !
Joignant le geste à la parole, il se précipita vers ce qui semblait être l’entrée du monument égyptien, laissant les deux Espagnols derrière lui.
– Quel lieu romantique ! Vous ne trouvez pas, señorita Laguerra ? lança Gaspard au bout de quelques secondes, le sourire aux lèvres.
Même l'intérieur d'une vulgaire cuvette de toilettes vous paraîtrait « romantique » de toute manière, songea-t-elle en levant les yeux au ciel d’une façon pire qu'insolente. Dire que le comportement de l’ancien marin l'insupportait serait un doux euphémisme.
Sans prendre la peine de lui répondre, la « señorita » se mit à marcher en direction de cette fameuse pyramide. Insatisfait et quelque peu troublé par l’étrange mutisme de la belle aventurière depuis leur « bataille » à Kûmlar, l’Espagnol lui emboîta le pas.
– Que se passe-t-il, señorita Laguerra ? l'interrogea-t-il, une fois arrivé à sa hauteur. Vous n’avez pratiquement pas ouvert la bouche depuis que nous avons quitté cette maudite cité sans valeur. Je ne comprends pas… Nous avons pourtant triomphé ! Vous devriez vous en réjouir !
L’envie de lui transpercer la poitrine à l’aide de son épée l'eût à nouveau démangée. Pourtant, en dépit de son courroux, Laguerra sentit son cœur se briser à l’entente de ses paroles. Les cris des enfants – ainsi que le regard que lui avait porté Mendoza, cet homme dont le courage n’avait d’égal que sa douceur – inondèrent son esprit, élargissant le trou béant qui lui torturait la poitrine. Faire subir le même sort à l'incapable qui était responsable de leurs décès semblait constituer une bonne initiative. Cependant, elle savait parfaitement bien que cela n’aurait aucun impact sur la situation, si ce n’est lui procurer la satisfaction d’avoir éliminé cet imbécile, puisque la finalité des choses resterait la même : Esteban, Zia, Tao et Mendoza étaient morts.
Dorénavant, Isabella se devait de rester pleinement concentrée sur son objectif, comme elle l’avait toujours été. Rester attentive et impénétrable, demeurer maîtresse absolue de ses émotions, ne jamais rien regretter : tels étaient les trois préceptes que lui avait enseignés son père. Depuis son plus jeune âge, elle s’était imposée de toujours les suivre, et ce à la lettre.
Arrivée à l’intérieur de la pyramide, l’aventurière déclara d’un ton calme mais glacial :
– J’aurais une question à vous poser, Gaspard.
Le concerné se fendit d'un large sourire et incita son interlocutrice à poursuivre d’un vif mouvement de tête.
– Je suis tout ouïe, señorita ! répondit-il, enthousiaste.
– Comment diable avez-vous réussi la prouesse de vous supporter et de vivre avec vous-même pendant toute ces années ?
Son sourire s'évanouit et un mélange d'incompréhension et de confusion vint se peindre sur son visage. Roulant exagérément des yeux, Laguerra le contourna afin de gagner la chambre où devait indubitablement se trouver Ambrosius. Son regard se baladait un peu partout, inspectant chaque recoin des lieux. Cette pyramide n’avait rien d’extraordinaire en soi ; son architecture était semblable à celle de beaucoup d’autres, et pourtant, les secrets qu’elle renfermait suffisaient à la rendre unique.
Laguerra finit par gagner la fameuse pièce où se trouvait l'alchimiste et aperçut ce dernier. Ses pupilles noires furent ensuite attirées par les multiples inscriptions qui ornaient les murs. La jeune femme fut d’autant plus intriguée quand elle constata que ceux qui étaient à l’origine de ces inscriptions avaient écrit chaque ligne en une langue différente.
Les sourcils légèrement foncés, elle s’avança vers l’un des murs.
– Laguerra, te voilà enfin ! Regarde-moi tout ça ! N'est-ce pas prodigieux ?
La voix d'Ambrosius lui arracha un soubresaut. Instinctivement, elle tourna la tête vers lui. Ledit savant se rapprocha promptement d’elle avant de brandir un rubis de taille moyenne dont les riches et vifs tons rouges offraient un beau contraste avec le peu de lumière dont ils disposaient dans cette chambre.
La bouche d'Isabella s'entrouvrit et le sourire du vieux roux se fit plus grand à cette vue.
– Mais je pensais que les quatre gemmes se trouvaient toutes en Amérique ! lâcha-t-elle, abasourdie.
Ambrosius souriait désormais à s’en décrocher la mâchoire.
– Moi aussi ! Mais il se trouve qu'en fouillant la chambre, à la recherche de la carte que nous sommes venus chercher, je suis tombé sur cette merveille !
Laguerra ne savait plus ce qui la surprenait le plus : l'excitation d'Ambrosius depuis leur « triomphe », comme l’avait si bien formulé Gaspard, à Kûmlar ou le fait qu'une des quatre gemmes – la première, en l’occurrence – se trouve en Egypte et, en ce moment même, sous ses yeux.
– Il ne nous reste plus qu’à trouver les trois autres gemmes et la cinquième cité d’or sera à nous ! En plus d'être en possession du double médaillon de la dernière princesse de Mû, voilà que je trouve la première des quatre gemmes – et de façon inattendue et involontaire, de surcroît, renchérit-il, rayonnant.
– Où l'avez-vous donc trouvé ? demanda son interlocutrice, suspicieuse.
– À l’intérieur de ce coffre, répondit l'alchimiste en désignant l'objet de sa main droite. Le hasard fait vraiment bien les choses, tu ne trouves pas ?
– Pourrais-je l'examiner un instant ?
– Bien entendu ! De toute manière, il faut que j’aille décortiquer cette carte, déclara-t-il en faisant référence à la précieuse carte qu'il avait pris soin de ranger dans sa sacoche.
– Merci, dit-elle avant de saisir le rubis qu’il lui tendait.
Après s’être éloignée d’Ambrosius afin d’être plus tranquille, la belle Espagnole se mit à étudier la pierre avec minutie et intérêt. Il s’agissait bel et bien de la première gemme ancestrale : le rubis. Elle en était sûre et certaine. D'un geste souple, elle retira son gant droit et c'est sans grande surprise qu’elle constata que la pierre se mit à briller de mille feux, créant un halo de lumière vermeil, au contact de sa peau nue.
– Incroyable… souffla-t-elle, les yeux brillants.
– Elle s’est mise à briller, n'est-ce pas ? s’enquit Zarès, le regard cadenassé au document rectangulaire qu’il tenait entre ses mains.
– Affirmatif.
– Magnifique !
Il releva le menton, l’air ravi.
– Ne trouves-tu pas que cet endroit est merveilleux ?
Ce qui serait encore plus « merveilleux », ce serait que vous arrêtiez de me poser cette question dépourvue d'intérêt et, si possible, que vous n'ouvriez plus jamais la bouche, voulut-elle répondre.
– Oui, « merveilleux », comme vous dites, répliqua Laguerra en roulant imperceptiblement des yeux.
– Tu sais, ton père aurait adoré voir ça...
Le corps d'Isabella se tendit aussitôt à cette évocation. Ses membres se crispèrent et son cœur rata plusieurs battements. Initialement lente et régulière, sa respiration se fit plus difficile et saccadée. Si elle pouvait paraître simpliste et inoffensive, sa phrase était lourde de sous-entendus.
Ambrosius dissimula – non sans difficulté – le sourire qu’il voulut afficher face à l’expression qui prit vie sur le visage de Laguerra.
– Nous devrions partir, reprit-il en rassemblant ses affaires. Nous avons trouvé ce que nous cherchions et une longue route nous attend.
Ceci étant dit, il se mit à marcher en direction de la porte, jubilant intérieurement.
– Même si nous n’avons plus vraiment de raisons de nous hâter, étant donné le récent décès de nos adversaires, ajouta-t-il à l’intention d'Isabella, une fois arrivé dans le couloir qui menait à la sortie.
Les nerfs à vif et le sang bouillonnant, la jeune femme, munie de la pierre précieuse, quitta la pièce pour aller rejoindre l’impitoyable Français.
– Ce n’est pas comme ci leur présence constituait un obstacle notable, de toute manière, lança-t-elle d’un ton qui se voulait détaché.
– Tu as raison, mais ces sales gamins, ainsi que ce Mendoza, ont toujours eu le don de m'irriter au plus haut point. Dorénavant, nous n’aurons plus à nous soucier d'eux et des problèmes qu’ils pourraient engendrer. Nous sommes enfin tranquilles !
La belle aventurière s'apprêtait à répliquer quand une autre voix s'éleva :
– Au secours ! Capitaine Ambrosius ! Señorita Laguerra ! À l’aide !
Ses pieds effleurant à peine le sol, Gaspard fit irruption dans le couloir, la mine affolée.
– Ah, vous voilà enfin ! fit ce dernier, quelque peu soulagé. Vous n’allez jamais me croire ! Je viens de me faire poursuivre par une momie !
L'alchimiste et Laguerra plaquèrent leurs paumes contre leurs fronts en signe d’exaspération commune.
– Vous avez raison sur un point : nous n'allons jamais vous croire, finit par lâcher la jeune femme.
– Ça suffit ! Je ne veux plus jamais vous entendre, espèce d'incapable ! s'énerva Ambrosius.
– Mais je…
– Taisez-vous ! Viens, Laguerra, partons d’ici.
Agacé, le Français s’en alla. Une longue route les attendait. L’absence de leurs « ennemis » ne signifiait pas qu’ils pouvaient se permettre de négliger leur mission, bien qu'ils poursuivaient, chacun de leur côté, des objectifs bien distincts et hétérogènes.
– Señorita...
Isabella dévisagea longuement l'Espagnol, mitigée entre la pitié, la haine et le dégoût. Était-il possible de faire preuve d’autant de couardise ?
– Je… euh… me suis inquiété pour vous… J’ai cru qu’il vous était arrivé malheur ! Mais n'ayez crainte, je suis là pour vous protéger, señorita Laguerra !
Sans crier gare, Isabella s'empara de son fouet et, de sa main libre, le fit claquer de sorte à ce qu’il vienne s’enrouler autour de la jambe droite de l'Espagnol, engendrant une chute des plus phénoménales. Un cri pour le moins sonore émana des cordes vocales de ce dernier.
Le regard brûlant, la fille du docteur se rapprocha de l’homme qu’elle venait de mettre à terre en l’espace d’une demi-seconde et, une fois arrivée à la hauteur de son visage, le saisit – sans douceur – par le col du bout de tissu qui lui recouvrait le cou.
– Un conseil, Gaspard : commencez par apprendre à compter jusqu’à cinq et à distinguer votre gauche de votre droite et ensuite, seulement après avoir réussi ces prouesses, vous pourrez songer à protéger autre chose que votre derrière, lui recommanda-t-elle d’une voix dure et menaçante.
Ceci étant dit, elle le relâcha abruptement avant de le contourner pour se frayer un chemin jusqu’à la sortie. Rien ne lui indifférait plus que le sort de cet énergumène dépourvu de toute forme d'intelligence.
Diverses et multiples pensées lui embaumèrent soudainement l'esprit tandis qu’elle continuait d'avancer. Certaines d’entre elles concernaient les trois enfants et l’homme qu’elle avait vus périr sous ses yeux. Ce ne fut que lorsque le baiser qu’elle avait partagé avec le capitaine espagnol prit possession d’une partie de son esprit qu’elle entreprit de chasser toute pensée parasite de ce dernier.
Elle s'arrêta un instant et pressa les paupières en prenant une grande inspiration.
– Rester attentive et impénétrable, demeurer maîtresse absolue de ses émotions, ne jamais rien regretter, murmura-t-elle sous son souffle.
Après s’être itérativement remémorée et récitée les trois règles du docteur Fernando Laguerra, Isabella se remit à marcher.
Il faisait chaud. La température moyenne annuelle flirtait avec les trente degrés Celsius. Le ciel était dégagé et son sobre teint bleuté contribuait pleinement à la magnificence du paysage. S'y élevait une longue série de pyramides dont la légère vétusté, conséquence des années passées après leur construction, ne faisait que rendre plus apparentes l’essence et la richesse culturelle et historique de cette partie du monde.
Le silence était maître des lieux. Seules quelques brises légères animaient un modeste fond sonore. C’était précisément ce dont elle avait besoin : de calme, paix et sérénité. Sérénité qui fut bien vite troublée par une voix dont le timbre lui était – malheureusement – familier.
– Nous sommes enfin arrivés ! Quel paysage splendide ! C’est magnifique ! Bien qu’il fasse un peu...
– Silence, Gaspard ! vociféra une deuxième voix, coupant court à la tirade de l’Espagnol.
Ledit Gaspard s’exécuta aussitôt, toute trace d’enthousiasme et d'ébahissement ayant quitté son organisme pour laisser place à un sentiment de frayeur et d’intimidation, bien connu de ce dernier.
– A… A vos ordres, capitaine Ambrosius, chevrota-t-il.
Pour toute réponse, le concerné émit un grognement étouffé, la vision et l’esprit accaparés par la feuille de papier rectangulaire qu’il tenait entre ses mains gantées. Un énigmatique rictus fendant ses lèvres, il releva le menton afin de poser son regard brillant sur le monument qui s'élevait en face de lui, le surplombant de toute sa grandeur.
Laissant ses bras retomber le long de son corps, il annonça d’un air triomphant :
– Nous y sommes ! La Pyramide des Âges Éternels ! Je l’ai trouvée !
Il marqua une pause et pivota la tête vers celle qu’il avait toujours considérée comme étant son bras droit.
– Qu’en dis-tu, Laguerra ?
Demeurée silencieuse jusqu’à lors, la jeune femme mit fin à sa contemplation du beau paysage qui s'offrait à elle afin de reporter l’intégralité de son attention sur l'alchimiste. Rage, amertume et tristesse s'emparèrent de son être à l'instant où ses pupilles se posèrent sur ce dernier. L’image des enfants et du capitaine, l’écho de leurs voix absorbées par le vide, son incapacité à esquisser le moindre mouvement : tout lui revint en mémoire. Le cœur lourd, semblant peser près de cinquante tonnes sur sa poitrine, elle dut se faire violence pour ne pas cracher au visage d'Ambrosius – également connu sous le nom de « Zarès » - toutes les insultes et les atrocités qui ne cessaient de lui traverser l’esprit, tandis qu’elle continuait de le toiser.
Bien qu'étant habitée d’un calme absolu et d’un sang-froid inébranlable à l'ordinaire, Laguerra sentait ses nerfs faiblir à chaque minute passé en compagnie de ses deux énergumènes. Il allait de soi que ces longues heures de voyage où la voix exaspérante de Gaspard et sa bêtise légendaire avait été omniprésentes ne lui avaient en aucun cas été bénéfiques.
Ils avaient été contraints de faire escale en Inde dans le but de récupérer un objet dont ils ne pouvaient, selon ledit alchimiste, se passer. Ce dernier avait bien évidemment pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas se faire remarquer dans ce pays qui leur était désormais peu favorable.
– J’en dis que nous avons finalement trouvé ce que nous cherchions, finit-elle par répondre, le visage impassible.
– Exactement ! se réjouit son interlocuteur. Allons, il ne faut surtout pas perdre plus de temps. Entrons !
Joignant le geste à la parole, il se précipita vers ce qui semblait être l’entrée du monument égyptien, laissant les deux Espagnols derrière lui.
– Quel lieu romantique ! Vous ne trouvez pas, señorita Laguerra ? lança Gaspard au bout de quelques secondes, le sourire aux lèvres.
Même l'intérieur d'une vulgaire cuvette de toilettes vous paraîtrait « romantique » de toute manière, songea-t-elle en levant les yeux au ciel d’une façon pire qu'insolente. Dire que le comportement de l’ancien marin l'insupportait serait un doux euphémisme.
Sans prendre la peine de lui répondre, la « señorita » se mit à marcher en direction de cette fameuse pyramide. Insatisfait et quelque peu troublé par l’étrange mutisme de la belle aventurière depuis leur « bataille » à Kûmlar, l’Espagnol lui emboîta le pas.
– Que se passe-t-il, señorita Laguerra ? l'interrogea-t-il, une fois arrivé à sa hauteur. Vous n’avez pratiquement pas ouvert la bouche depuis que nous avons quitté cette maudite cité sans valeur. Je ne comprends pas… Nous avons pourtant triomphé ! Vous devriez vous en réjouir !
L’envie de lui transpercer la poitrine à l’aide de son épée l'eût à nouveau démangée. Pourtant, en dépit de son courroux, Laguerra sentit son cœur se briser à l’entente de ses paroles. Les cris des enfants – ainsi que le regard que lui avait porté Mendoza, cet homme dont le courage n’avait d’égal que sa douceur – inondèrent son esprit, élargissant le trou béant qui lui torturait la poitrine. Faire subir le même sort à l'incapable qui était responsable de leurs décès semblait constituer une bonne initiative. Cependant, elle savait parfaitement bien que cela n’aurait aucun impact sur la situation, si ce n’est lui procurer la satisfaction d’avoir éliminé cet imbécile, puisque la finalité des choses resterait la même : Esteban, Zia, Tao et Mendoza étaient morts.
Dorénavant, Isabella se devait de rester pleinement concentrée sur son objectif, comme elle l’avait toujours été. Rester attentive et impénétrable, demeurer maîtresse absolue de ses émotions, ne jamais rien regretter : tels étaient les trois préceptes que lui avait enseignés son père. Depuis son plus jeune âge, elle s’était imposée de toujours les suivre, et ce à la lettre.
Arrivée à l’intérieur de la pyramide, l’aventurière déclara d’un ton calme mais glacial :
– J’aurais une question à vous poser, Gaspard.
Le concerné se fendit d'un large sourire et incita son interlocutrice à poursuivre d’un vif mouvement de tête.
– Je suis tout ouïe, señorita ! répondit-il, enthousiaste.
– Comment diable avez-vous réussi la prouesse de vous supporter et de vivre avec vous-même pendant toute ces années ?
Son sourire s'évanouit et un mélange d'incompréhension et de confusion vint se peindre sur son visage. Roulant exagérément des yeux, Laguerra le contourna afin de gagner la chambre où devait indubitablement se trouver Ambrosius. Son regard se baladait un peu partout, inspectant chaque recoin des lieux. Cette pyramide n’avait rien d’extraordinaire en soi ; son architecture était semblable à celle de beaucoup d’autres, et pourtant, les secrets qu’elle renfermait suffisaient à la rendre unique.
Laguerra finit par gagner la fameuse pièce où se trouvait l'alchimiste et aperçut ce dernier. Ses pupilles noires furent ensuite attirées par les multiples inscriptions qui ornaient les murs. La jeune femme fut d’autant plus intriguée quand elle constata que ceux qui étaient à l’origine de ces inscriptions avaient écrit chaque ligne en une langue différente.
Les sourcils légèrement foncés, elle s’avança vers l’un des murs.
– Laguerra, te voilà enfin ! Regarde-moi tout ça ! N'est-ce pas prodigieux ?
La voix d'Ambrosius lui arracha un soubresaut. Instinctivement, elle tourna la tête vers lui. Ledit savant se rapprocha promptement d’elle avant de brandir un rubis de taille moyenne dont les riches et vifs tons rouges offraient un beau contraste avec le peu de lumière dont ils disposaient dans cette chambre.
La bouche d'Isabella s'entrouvrit et le sourire du vieux roux se fit plus grand à cette vue.
– Mais je pensais que les quatre gemmes se trouvaient toutes en Amérique ! lâcha-t-elle, abasourdie.
Ambrosius souriait désormais à s’en décrocher la mâchoire.
– Moi aussi ! Mais il se trouve qu'en fouillant la chambre, à la recherche de la carte que nous sommes venus chercher, je suis tombé sur cette merveille !
Laguerra ne savait plus ce qui la surprenait le plus : l'excitation d'Ambrosius depuis leur « triomphe », comme l’avait si bien formulé Gaspard, à Kûmlar ou le fait qu'une des quatre gemmes – la première, en l’occurrence – se trouve en Egypte et, en ce moment même, sous ses yeux.
– Il ne nous reste plus qu’à trouver les trois autres gemmes et la cinquième cité d’or sera à nous ! En plus d'être en possession du double médaillon de la dernière princesse de Mû, voilà que je trouve la première des quatre gemmes – et de façon inattendue et involontaire, de surcroît, renchérit-il, rayonnant.
– Où l'avez-vous donc trouvé ? demanda son interlocutrice, suspicieuse.
– À l’intérieur de ce coffre, répondit l'alchimiste en désignant l'objet de sa main droite. Le hasard fait vraiment bien les choses, tu ne trouves pas ?
– Pourrais-je l'examiner un instant ?
– Bien entendu ! De toute manière, il faut que j’aille décortiquer cette carte, déclara-t-il en faisant référence à la précieuse carte qu'il avait pris soin de ranger dans sa sacoche.
– Merci, dit-elle avant de saisir le rubis qu’il lui tendait.
Après s’être éloignée d’Ambrosius afin d’être plus tranquille, la belle Espagnole se mit à étudier la pierre avec minutie et intérêt. Il s’agissait bel et bien de la première gemme ancestrale : le rubis. Elle en était sûre et certaine. D'un geste souple, elle retira son gant droit et c'est sans grande surprise qu’elle constata que la pierre se mit à briller de mille feux, créant un halo de lumière vermeil, au contact de sa peau nue.
– Incroyable… souffla-t-elle, les yeux brillants.
– Elle s’est mise à briller, n'est-ce pas ? s’enquit Zarès, le regard cadenassé au document rectangulaire qu’il tenait entre ses mains.
– Affirmatif.
– Magnifique !
Il releva le menton, l’air ravi.
– Ne trouves-tu pas que cet endroit est merveilleux ?
Ce qui serait encore plus « merveilleux », ce serait que vous arrêtiez de me poser cette question dépourvue d'intérêt et, si possible, que vous n'ouvriez plus jamais la bouche, voulut-elle répondre.
– Oui, « merveilleux », comme vous dites, répliqua Laguerra en roulant imperceptiblement des yeux.
– Tu sais, ton père aurait adoré voir ça...
Le corps d'Isabella se tendit aussitôt à cette évocation. Ses membres se crispèrent et son cœur rata plusieurs battements. Initialement lente et régulière, sa respiration se fit plus difficile et saccadée. Si elle pouvait paraître simpliste et inoffensive, sa phrase était lourde de sous-entendus.
Ambrosius dissimula – non sans difficulté – le sourire qu’il voulut afficher face à l’expression qui prit vie sur le visage de Laguerra.
– Nous devrions partir, reprit-il en rassemblant ses affaires. Nous avons trouvé ce que nous cherchions et une longue route nous attend.
Ceci étant dit, il se mit à marcher en direction de la porte, jubilant intérieurement.
– Même si nous n’avons plus vraiment de raisons de nous hâter, étant donné le récent décès de nos adversaires, ajouta-t-il à l’intention d'Isabella, une fois arrivé dans le couloir qui menait à la sortie.
Les nerfs à vif et le sang bouillonnant, la jeune femme, munie de la pierre précieuse, quitta la pièce pour aller rejoindre l’impitoyable Français.
– Ce n’est pas comme ci leur présence constituait un obstacle notable, de toute manière, lança-t-elle d’un ton qui se voulait détaché.
– Tu as raison, mais ces sales gamins, ainsi que ce Mendoza, ont toujours eu le don de m'irriter au plus haut point. Dorénavant, nous n’aurons plus à nous soucier d'eux et des problèmes qu’ils pourraient engendrer. Nous sommes enfin tranquilles !
La belle aventurière s'apprêtait à répliquer quand une autre voix s'éleva :
– Au secours ! Capitaine Ambrosius ! Señorita Laguerra ! À l’aide !
Ses pieds effleurant à peine le sol, Gaspard fit irruption dans le couloir, la mine affolée.
– Ah, vous voilà enfin ! fit ce dernier, quelque peu soulagé. Vous n’allez jamais me croire ! Je viens de me faire poursuivre par une momie !
L'alchimiste et Laguerra plaquèrent leurs paumes contre leurs fronts en signe d’exaspération commune.
– Vous avez raison sur un point : nous n'allons jamais vous croire, finit par lâcher la jeune femme.
– Ça suffit ! Je ne veux plus jamais vous entendre, espèce d'incapable ! s'énerva Ambrosius.
– Mais je…
– Taisez-vous ! Viens, Laguerra, partons d’ici.
Agacé, le Français s’en alla. Une longue route les attendait. L’absence de leurs « ennemis » ne signifiait pas qu’ils pouvaient se permettre de négliger leur mission, bien qu'ils poursuivaient, chacun de leur côté, des objectifs bien distincts et hétérogènes.
– Señorita...
Isabella dévisagea longuement l'Espagnol, mitigée entre la pitié, la haine et le dégoût. Était-il possible de faire preuve d’autant de couardise ?
– Je… euh… me suis inquiété pour vous… J’ai cru qu’il vous était arrivé malheur ! Mais n'ayez crainte, je suis là pour vous protéger, señorita Laguerra !
Sans crier gare, Isabella s'empara de son fouet et, de sa main libre, le fit claquer de sorte à ce qu’il vienne s’enrouler autour de la jambe droite de l'Espagnol, engendrant une chute des plus phénoménales. Un cri pour le moins sonore émana des cordes vocales de ce dernier.
Le regard brûlant, la fille du docteur se rapprocha de l’homme qu’elle venait de mettre à terre en l’espace d’une demi-seconde et, une fois arrivée à la hauteur de son visage, le saisit – sans douceur – par le col du bout de tissu qui lui recouvrait le cou.
– Un conseil, Gaspard : commencez par apprendre à compter jusqu’à cinq et à distinguer votre gauche de votre droite et ensuite, seulement après avoir réussi ces prouesses, vous pourrez songer à protéger autre chose que votre derrière, lui recommanda-t-elle d’une voix dure et menaçante.
Ceci étant dit, elle le relâcha abruptement avant de le contourner pour se frayer un chemin jusqu’à la sortie. Rien ne lui indifférait plus que le sort de cet énergumène dépourvu de toute forme d'intelligence.
Diverses et multiples pensées lui embaumèrent soudainement l'esprit tandis qu’elle continuait d'avancer. Certaines d’entre elles concernaient les trois enfants et l’homme qu’elle avait vus périr sous ses yeux. Ce ne fut que lorsque le baiser qu’elle avait partagé avec le capitaine espagnol prit possession d’une partie de son esprit qu’elle entreprit de chasser toute pensée parasite de ce dernier.
Elle s'arrêta un instant et pressa les paupières en prenant une grande inspiration.
– Rester attentive et impénétrable, demeurer maîtresse absolue de ses émotions, ne jamais rien regretter, murmura-t-elle sous son souffle.
Après s’être itérativement remémorée et récitée les trois règles du docteur Fernando Laguerra, Isabella se remit à marcher.