Chapitre 14 : L'Arabie. Partie 1.
Au petit matin, Esteban se réveilla, l'horloge condor indiquait huit heures du matin, il savait qu'il devait décoller au plus tôt s’ils voulaient parcourir un maximum de distance pour atteindre leur prochaine destination, même si pour le moment il ignorait où ils allaient se rendre. Il voulut se lever mais Zia le bloquait. La veille, ils avaient veillé assez tard et elle s'était endormie, blottie contre lui ce qui n'était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Sans le vouloir, Esteban fit un mouvement qui éveilla sa douce fiancée, elle ouvrit doucement les yeux et lui sourit de manière radieuse, mais un petit je ne sais quoi d’inhabituel était perceptible sur son visage.
E : Bonjour...
Zia ne répondit pas, elle se contentait de profiter du moment, mais Esteban avait l’impression qu’une inquiétude secrète la tourmentait, comme une honte injustifiée dont il ne connaissait pas la cause. Instinctivement, pour la réconforter, il rabattit son bras contre elle ; surprise par ce geste inattendu, elle sentit les larmes lui monter aux yeux.
E : Zia ? Que t'arrive-t-il ?
Elle resta muette un moment avant de murmurer :
Z : ... J'ai peur...
E : Mais de quoi donc ? Il n'y a aucun danger actuellement...
Z : Si... Il y a un danger : moi... Je... Je suis un danger...
Esteban fut choqué par ces paroles, dont il devinait à présent la cause...
E : Zia... Ne dis pas ça... Tu sais aussi bien que moi que tu n'avais pas le choix : Si tu n'avais pas réagi Indali aurait pu mourir...
Zia se redressa et s'assit à ses côtés.
Z : Je le sais bien, mais c'est justement ça qui fait de moi un danger... Imagine ce dont je suis capable, nous avons des capacités que le commun des mortels n'imagine même pas, mais moi contrairement à toi, je peux aussi bien m'en servir pour faire le bien comme pour faire le mal... Oui cette fois j'ai sauvé Indali... Mais qu'arriverait-il, qu'arriverait-il si quelqu'un avait le moyen de me contrôler ? Si je me suis imposé de ne jamais me servir de ce pouvoir contre des êtres vivants, c'est pour une seule raison : je sais parfaitement que je suis un danger... Et plus le temps passe plus j'ai peur de ce qui pourrait arriver, si un jour, un jour il m'arrivait de craquer et d'utiliser ce pouvoir à des fins hostiles... Ce qui me fait le plus peur, c'est ce que tu viendrais à penser de moi ce jour-là...
A ces mots, elle se colla au torse de son fiancé et commença à pleurer à chaudes larmes. Esteban, consterné par le cas de conscience qui torturait l'âme de sa fiancée, ne savait que faire, que dire, alors il la prit dans ses bras et la serra contre lui très fort et lui chuchota :
E : La femme que j'aime ne fera jamais de mal à quelqu'un de bien, jamais... Ne doute pas tant de toi, tu es extraordinaire, mais ce ne sont pas tant tes capacités qui font de toi quelqu'un de merveilleux... Zia, tu es extraordinaire par ton esprit...
Z : Esteban arrête, personne ne peut totalement se contrôler...
E : Non c'est vrai, mais tu es capable de te contrôler suffisamment pour éviter des tragédies, et comme je te l'ai dit il y a de cela fort longtemps, tu es la plus forte d'entre nous...
Z : Pourquoi Esteban...pourquoi crois-tu autant en moi ? Même au moment où je ne crois plus en moi-même ? Pourquoi ?
Esteban lui sourit, il prit le visage angélique de Zia entre ses mains et de son pouce il essuya les larmes qui inondaient le visage de sa dulcinée.
E : Mais pour la simple et unique raison que je t'aime... Jamais je ne te laisserai tomber, et certainement pas dans ces moments. Je croirai en toi à jamais... Maintenant, je t'en prie, ma chérie, cesse de te poser ces questions existentielles, ou je vais recommencer moi-même à me tourmenter. Ce n’est pas toi qui me disais il y a peu de cesser de me rendre malheureux alors que le bonheur me tendait les bras ?
A ces mots Zia se stoppa net, avant de se rapprocher, de l'embrasser. Avant de se placer à plat ventre contre lui la tête sur le côté et de le serrer le plus fort possible...
Z : Tu seras toujours mon sauveur Esteban, Merci...
E : Tu n'as pas à me remercier... Mais si tu souhaites vraiment en savoir plus, lorsque nous irons chez les Chaldis pour inviter Malik, Hakim et Nadim nous pourrons nous rendre à Kûmlar, peut-être que ton ancêtre serait ravie de t'aider à y voir plus clair concernant tes pouvoirs.
Elle acquiesça doucement.
Une heure plus tard, ils sortirent de la chambre après avoir pris la décision de laisser Tao et Indali dormir, ils avaient sans doute veillé davantage qu'eux deux.
En ouvrant la porte du poste de commande, ils furent éblouis par le soleil, situé parfaitement face à la vitre.
A l'ouverture, ils purent distinguer une silhouette se tourner vers eux depuis le siège avant gauche...
I : Bonjour vous deux ! Désolée, je n'ai pas osé vous réveiller...
Z : Indali... Mais que fais-tu là ? Tu dors à cette heure-ci d'habitude…
I : Je me suis réveillée tôt, je n'arrivais pas à dormir...
Z : Ah bon ?
I : Oui mais ne t'inquiète pas ce n'est rien...
E : Zia, tu veux prendre les commandes ?
Z : Non je te laisse ce plaisir... Je sens qu'Indali a besoin de réconfort.
Esteban se mit aux commandes
E : Euh, au fait où va-t-on ? Au Japon ou en Arabie ?
Z : Quelle date sommes-nous ?
E : Le 28 Juillet. Pourquoi ?
Z : Eh bien dans ce cas, je pense qu'il serait plus judicieux de partir pour l'Arabie.
I : Pourquoi cela Zia, ne sommes-nous pas plus près du Japon ?
Z : Si, mais il vaudrait peut-être mieux attendre encore un peu pour éviter les dernières pluies. On ne va pas obliger Esteban à appeler le soleil tous les jours...
E : Tu plaisantes, au contraire je serais ravi de me rendre utile ! Dis plutôt que tu aimes les longs vols en condor…et moi aussi ! Allez, c’est décidé pour l’Arabie !
Esteban décolla, ils saluèrent tous trois Li Shuang qui les regardait depuis le chemin de ronde.
Pendant une bonne demi-heure, les filles discutèrent sur la banquette arrière gauche, avant de s'enlacer longuement pour se réconforter. Zia savait pertinemment que leur mésaventure avait beaucoup affecté la jeune indienne.
A cet instant Tao entra, on voyait à n'en pas douter qu'il se réveillait tout juste. Il salua ses amis qui firent de même, avant de se renseigner sur la destination.
E : On va en Arabie.
T : Pourquoi, on est plus près du Japon pourtant !
E : Zia avait peur que je m’épuise à appeler le soleil…
T : Oh, je vois, si Zia s’inquiète pour toi, alors, je ne vais pas risquer de la contrarier ! Vous comptez y aller quand du coup ?
E : Rien ne presse, il faudra juste éviter de trop traîner pour ne pas y aller en pleine saison des typhons à la fin août.
T : Bien bien bien, ça nous laisse de la marge, chouette !
I : Pourquoi es-tu si content ?
T : Je vais pouvoir faire quelques études à Kûmlar...
Z : Tu veux encore tenter d'expérimenter le sable d'orichalque ?
E : Tu as déjà échoué à plusieurs reprises, tu ne devrais pas plutôt étudier ce sujet avant de te lancer dans des expériences ?
T : Je compte plutôt étudier le système de champ de force...
Tout le monde éclata de rire mais Zia parvint à articuler :
Z : ... Tao tu ne crois pas que tu t'attaques à beaucoup trop complexe cette fois ? A ce qu'on en a vu c'est extrêmement perfectionné...
T : Je sais mais j'en ai vraiment très envie...
La conversation dura encore une ou deux heures, puis ils survolèrent Akkad.
E : Est-ce que cela vous tente d'aller taquiner Jabbar ?
Esteban posa cette question avec le même sourire enfantin qu'il avait depuis toujours, un sourire dont Zia ne se lassait pas.
Z : Si tu veux, je dois avouer que j'éprouve un grand plaisir à le voir gesticuler dans tous les sens et enrager contre ses hommes...
T : Personnellement je préférerais éviter ça pour aujourd’hui. Rappelez-vous la dernière fois. On a rasé le toit de la salle au trésor, et même si Jabbar est une crapule de la pire espèce, je m'en voudrais quand même si par mégarde on détruisait son harem.
E : Son harem ? Depuis quand tu te préoccupes de ça toi ? Sacré Tao ! D’accord, on va juste survoler l’oasis, histoire de ne pas semer la panique !
Une heure plus tard, l'oiseau d'orichalque et ses passagers survolaient l'oasis de Manfourah. Peu de temps après ils croisèrent un zephti. Zia crut reconnaître une silhouette qui lui était plus que familière mais avec la distance à laquelle se trouvait l'aile volante, il lui était impossible de savoir qui en était le pilote. Ils arrivèrent en vue du campement.
Comme autrefois Esteban se posa au pied de la colline de sable, puis ils montèrent rejoindre leurs amis bédouins.
En arrivant au centre du campement, Esteban, Zia et Tao cherchèrent du regard leurs amis, Indali, émerveillée par la beauté qui l'entourait, resta légèrement en retrait. Zia se dirigea vers la pente où les zephtys étaient entreposés en entraînant les deux garçons avec qui elle voyageait depuis l'âge de onze ans, elle voulait voir qui était la personne qu'elle avait cru reconnaître, vérifier si elle ne s'était pas trompée.
N : Zia ! Esteban ! Tao !
Z : Nadim !!
Les quatre amis se prirent dans les bras.
Nadim était devenu un beau jeune homme, il portait maintenant une dish-dasha de la couleur de la tribu ainsi qu'un keffieh de couleur blanche. La beauté de son visage aux traits encore enfantins était soulignée par un collier noir magnifiquement sculpté.
E : Comment vas-tu Nadim ?
N : Bien et vous ?
Z : Pour nous aussi tout va bien. Et nous ne sommes pas venus seuls, une de nos amies nous accompagne, nous allons te la présenter. Eh ! Mais où est Indali ?
T : Elle est là bas, elle ne nous a pas vus partir à mon avis.
N : Elle a l'air un peu perdue, vous devriez la rejoindre. Il faut que j'aille faire mon rapport à Malik : Je n'en ai pas pour longtemps. J'en profiterai pour l'avertir de votre présence.
E : D'accord. A tout de suite.
Nadim se mit courir à travers le camp, laissant en plan les trois jeunes gens. Ils rejoignirent Indali qui les cherchait.
I : Vous voilà ! Je me demandais où vous étiez passés.
T : Désolé, on pensait que tu nous suivais.
Z : Désolée Indali, c'est ma faute : c'est moi qui ai embarqué les garçons.
I : Ce n'est pas grave, tant que vous ne me laissez plus toute seule.
T : Promis
I : Merci.
Elle sourit.
I : Qu'est-ce que vous étiez allés faire ?
E : Retrouver un ami, celui qui était à bord du zephty, un de ces engins volants là-bas.
Z : Le voilà d'ailleurs, et Malik est avec lui !
Tous se tournèrent dans la même direction et virent approcher les deux bédouins. Malik, contrairement à Nadim, n'avait pas beaucoup changé en dix ans. Il arborait le même sourire qu'il avait adressé à Zia il y a dix ans lorsqu'il les avait retrouvés dans le désert.
Ma : Soyez les bienvenus tous les tr... Quatre...
Malik venait de remarquer Indali qui, par sa timidité, s'était glissée derrière Tao.
Z : Malik, Nadim laissez moi vous présenter Indali, c'est une amie qui vient d'Inde. Nous l'avons rencontrée peu de temps avant vous.
Ils la saluèrent et elle en fit de même.
Ma : Ravi de te rencontrer Indali.
N : Bonjour Indali, enchanté.
I : Ravie de vous rencontrer également.
Nadim se tourna vers Zia.
N : Zia ?
Z : Oui ?
N : Vous comptez rester longtemps ?
Z : Je ne sais pas, quelques jours. Tao veut encore faire quelques expérimentations dans la cité.
N : Encore ?!
T : Oui c'est tellement passionnant. Et puis je voudrais montrer l'ancienne bibliothèque personnelle de la princesse Rana Ori à Indali.
I : Zia, la princesse Rana Ori, c'est ton ancêtre c'est ça ?
Z : Oui, on ne l'a compris que lors de notre deuxième visite.
N : Eh ! Mais !
E : Qu'est-ce qu'il y a Nadim ?
N : Si vous restez jusqu’à samedi ça veut dire que vous pourrez assister à la cérémonie !
Il se tourna vers Malik.
N : Enfin si ça n'est pas contraire au protocole...
Ma : Non ce ne l'est pas.
E : De quelle cérémonie vous parlez ?
Ma : De celle qui fera de moi le nouveau Cheikh Chaldis.
Z/E/T : Vraiment ?!
E : Félicitations Malik !
T : Je suis ravi pour toi ! Quel honneur !
Z : La tribu ne pouvait faire un meilleur choix !
Indali s'approcha de Tao et lui demanda :
I : Tao ? Qu'est-ce que c'est un Cheikh ?
T : Un Cheikh, c'est une sorte de seigneur et guide pour la tribu.
I : Oh je vois un peu comme le Radjah en Inde ?
T : En quelque sorte.
I : D'accord.
Elle se tourna vers Malik.
I : Félicitations à vous Malik, cela doit être un honneur pour vous.
Ma : Merci à vous. Oui c'est un très grand honneur de pouvoir devenir le nouveau Cheikh. Et Indali tu peux me tutoyer tu sais.
I : D'accord je vais essayer.
Un magnifique sourire vint sur le visage de chacun. Zia, Esteban et Tao savaient pertinemment qu'Indali continuerait à les vouvoyer, qu'elle se rattraperait en les tutoyant et qu'elle finirait par s'excuser.
Ma : Bien.
N : Alors, vous acceptez de rester ?
Z : Volontiers mais uniquement si nous sommes invités.
Ma : C'est le cas : Vous êtes tous les quatre invités à assister à la cérémonie. Vous serez même des invités d'honneur.
E : Eh bien nous en sommes ravis et acceptons l'invitation. Merci Malik.
Leur conversation dura encore un moment. Conversation pendant laquelle Malik expliqua aux quatre jeunes gens comment allait se dérouler la cérémonie le samedi suivant. La procession était nettement plus encadrée que ce que les hôtes auraient pu imaginer. Malik ajouta que malgré leur statut d'invités de marque, ils devraient néanmoins se conformer à leurs lois et faire l'effort de porter un keffieh pour le respect que les Chaldis doivent à leur Dieu.
Ils finirent par digresser sur divers sujets et se mirent à parler de tout et de rien, jusqu’à ce que Malik aborde la question qui lui était venue à l’esprit dès qu’il les avaient vus, mais qu’ils ne se décidaient pas eux-mêmes à aborder, laissant à leur hôte le soin d’en venir à ce sujet délicat.
Ma : Mais au fait : Que nous vaut l'honneur de votre visite ?
E : Eh bien…puisqu’on parle d’honneur et de cérémonie…
N : Ne nous dis pas que tu vas devenir cheikh toi aussi, Esteban !
Tous se mirent à rire. Esteban et Zia échangèrent un regard complice, et, encouragée par l’atmosphère détendue, Zia se pendit au bras gauche d'Esteban. Les deux amoureux étaient tout sourire.
Z : En fait, nous sommes venus vous annoncer une merveilleuse nouvelle.
Ma : Une merveilleuse nouvelle ? Quelle est-elle ?
E : C'est une nouvelle que l'on doit vous annoncer à vous deux et à Hakim.
N : A Hakim ?
E : Oui. Cela pose un problème?
Malik et Nadim se regardèrent. La préoccupation se lisait très clairement sur leur visage. Esteban, Zia, Tao et Indali n'y comprenaient rien : Pourquoi leurs amis auparavant si souriants et si joviaux semblaient désormais tellement soucieux ?
Après de longues secondes interminables, Malik et Nadim se firent signe d'acquiescement puis l'aîné des deux hommes poussa un léger soupir avant de dire à ses invités :
Ma : Je crains malheureusement que cela vous soit impossible...
E : Comment ça ? Qu'est-ce que tu veux dire ?
T : Oui explique nous. Pourquoi ne pouvons-nous pas voir Hakim ?
Nadim se retint de pleurer et Malik soupira à nouveau.
Ma : Hakim est très malade...
E/Z/T : Quoi ?!!
Ma : Il y a une ou deux semaines, alors qu'il rentrait d'un voyage avec une caravane il est tombé malade, et depuis son état ne s'est pas amélioré. Pire encore, depuis hier son état empire d'heure en heure... Notre guérisseur ne sait que faire : ses soins ne semblent pas efficaces, il ne parvient qu’à prolonger l'échéance... Il refuse que quiconque entre dans sa tente à part lui de peur que cette maladie soit contagieuse...
Z : Emmène-moi à sa tente.
Ma : Je ne peux pas Zia... Imagine, si cette maladie est contagieuse. Je n’ai pas le droit de te faire courir un tel risque.
Z : Et si elle ne l'est pas ? Je peux peut-être l'aider.
Ma : Ta proposition est généreuse, Zia, mais n’insiste pas.
I : Faites... Fais lui confiance Malik. Quand ils sont venus pour la première en Inde, Zia est parvenue à élaborer un antidote et elle a sauvé mon Radjah.
Ma : Je te le répète, Zia, je ne veux pas que tu coures le moindre risque. Il est de ma responsabilité de prendre soin de mes hôtes.
Z : Je comprends, mais mon père m’a transmis son savoir afin que je vienne en aide aux gens. Comme lui, je souhaite soulager la souffrance et soigner. Je t’en prie, laisse-moi essayer.
E : Malik, tu sais très bien que tu ne pourras pas la faire changer d'avis. Quand Zia a quelque chose en tête, tu peux être sûr qu'elle le fera. Avec ou sans ton autorisation.
Ma : Je suppose qu'avec tous les arguments possibles et inimaginables que je pourrais trouver tu ne changeras pas d'avis ?
Z : Tout juste. Mais je préfèrerais avoir ton autorisation.
Ma : Allons y alors.
Les six amis traversèrent le campement. Quand ils furent arrivés devant la tente de Hakim, Nadim les stoppa car par souci de sécurité le guérisseur interdisait d'approcher davantage de la tente où reposait le Cheikh Hakim.
N : Nous ne pouvons pas aller plus loin. Zia, tu es sûre de toi ?
Z : Absolument.
Zia s'avança vers la tente et y pénétra. La tente était plongée dans une demi pénombre, la seule lumière provenait de la fente de l'ouverture de l'habitation, qui créait un halo lumineux assez faible, et d'une bougie presque entièrement consumée. D'autres bougies encore non-utilisées étaient posées sur une petite table, Zia en prit une et alla remplacer l'ancienne. Le bougeoir était disposé juste à côté de la tête d'Hakim qui semblait dormir profondément. Zia alluma la nouvelle chandelle, le bruit significatif de la naissance d'une flamme, un bruit pourtant faible, réveilla Hakim. Il tourna la tête vers la lumière de la flamme.
Ha : Zia ? Que fais-tu là ?
Sa voix était anormalement basse.
Z : Nous sommes venus vous rendre visite avec Esteban, Tao et Indali.
Ha : Indali ?
Z : Oui, une de nos amies des Indes.
Ha : Que fais-tu..
Une toux rauque l’interrompit, secouant son corps autrefois puissant de soubresauts qui le faisaient visiblement souffrir. Il réussit pourtant à reprendre son souffle.
Ha : Que fais-tu ici ?
Z : Malik et Nadim nous ont informés de votre maladie. J'ai insisté pour vous voir, car j’ai l’espoir de pouvoir faire quelque chose pour vous. Je suis guérisseuse moi aussi.
Ha : Tu prends des risques...
Z : Ou peut-être pas... Laissez-moi vous examiner.
Et, sans laisser au cheikh le temps de protester, elle entreprit de l’ausculter pendant de longues minutes. Il était atteint d'une fièvre impressionnante et son corps était couvert de plaques rouges, en particulier son torse et ses bras. Au fil d'une discussion quelque peu compliquée par les nombreuses quintes de toux d'Hakim, Zia put prendre connaissance des différents maux dont souffrait Hakim : Il subissait surtout des maux de tête à répétition, de ventre qui l'empêchaient de s'alimenter suffisamment et une douleur aiguë le prenait à la gorge d'où ses nombreuses toux. Tous ces symptômes lui causaient une fatigue démesurée, les cernes sous ses yeux en étaient une preuve formelle.
Cela faisait une demi-heure que Zia était avec Hakim quand elle ressortit de la tente, elle rejoignit ses amis qui l'attendaient impatiemment. Nadim se précipita vers elle, visiblement inquiet.
N : Alors ? Tu as trouvé ce qu'il a ?
Z : Oui j'ai trouvé.
N : Et tu peux le guérir ?
Z : Oui, ses symptômes ressemblent beaucoup à ceux d'une maladie de mon pays. Il n'y a que deux problèmes...
Ma : Lesquels ?
Z : Le premier c'est que les herbes dont j'ai besoin ne peuvent pas se trouver dans les environs mais ce problème peut être réglé en allant à Shaolin. Le plus gros problème c'est que son état est vraiment critique... Si je ne lui donne pas un remède dans les prochaines 24 heures, je ne pourrai plus rien faire...
E : Il n’y a pas de temps à perdre alors !
Z : Mais je ne peux pas vous accompagner, il faut que je reste près d'Hakim. Vous devrez vous débrouiller. Je vais vous faire une liste des plantes dont j'ai besoin. Vous irez voir le Grand Maître : il vous les donnera. Par contre, partez maintenant, plus tôt je donnerai le remède à Hakim, plus on évitera de trop graves séquelles.
Pendant que Tao et Esteban se dirigeaient vers le condor, Indali hésitait.
Z : Tu ne pars pas avec eux Indali… ?
I : Je ne vais quand même pas te laisser seule ici…
Z : Ne t’en fais pas, les Chaldis sont d’excellente compagnie, et puis je dois rester au chevet d’Hakim. Si tu ne pars, tu manqueras quelque chose, je t’assure. Ne te prive pas de cette occasion.
I : Tu es sûre ?
Z : Mais oui, vas-y ! Et profites en pour parler à Tao…
Le visage de la jeune femme rougit légèrement, puis elle s’empressa de rejoindre les garçons.
Juste après le décollage, Nadim s’approcha de Zia. Sa nervosité était perceptible à la manière dont il ne cessait de caresser son collier.
N : Zia… si tu arrives à faire le remède, peut-on espérer une guérison rapide ?
Z : Eh bien, il devrait théoriquement mettre une semaine pour se remettre, après il faudra qu’il bouge le moins possible pendant environ deux semaines. Et par la suite il serait judicieux de lui éviter les déplacements pendant quelques mois… ce qu’il a est très grave Nadim…
N : Je vois, et il n’y aura pas de séquelle ?
Z : Normalement non.
N : Ah, bien…c’est très bien. J’espère vraiment qu’ils vont réussir à rapporter les plantes. Si tu parviens à guérir Hakim, tu n’en seras que plus précieuse à mes yeux.
Il avait prononcé ces dernières paroles d’une voix tellement basse que Zia eut du mal à comprendre ce qu’elle venait d’entendre. Elle sentait que Nadim était gêné. Elle tourna la tête vers lui, prête à l’assurer de sa confiance dans la guérison du cheikh, quand elle remarqua que le jeune homme avait la tête baissée. Pleurait-il ?
Z : Nadim ? Est-ce que ça va ? Je vais faire tout mon possible…
N : Oui…oui, bien sûr, mais…
Comment pouvait-il le lui dire ? Elle se tenait si près de lui ! Malick lui avait pourtant dit qu’il n’avait aucune chance, mais s’il ratait cette occasion, il s’en voudrait à jamais. Reprenant un peu d’assurance, il redressa la tête et s’efforça de sourire.
N : J’ai toute confiance en toi, Zia. Tu réussiras. Dans quelque temps, Hakim pourra à nouveau contempler la beauté de notre terre. Regarde ! Notre oasis n’est-elle pas magnifique ?
Z : Oui, c’est un endroit magnifique…
N : Si nous allions faire un tour ?
Zia, surprise, sourit à son tour, elle retrouvait dans le ton et l’attitude de Nadim le jeune garçon impulsif qui lui avait volé son médaillon autrefois. Il était déjà prêt à s’élancer, fébrile, les yeux brillants, et l’invitait à le suivre d’une main tendue.
Z : D’accord, mais pas longtemps, je dois surveiller l’état d’Hakim…
N : D’accord, viens !
Il l’entraîna soudain en lui prenant la main, et ils coururent ainsi à petit pas vers l’ombre des palmiers.
Z : Nadim, doucement ! Tu n’as pas changé ! Un vrai feu follet !
Elle riait en prononçant ces mots, et Nadim lui adressa en retour un sourire radieux.
N : Et toi, tu es devenue encore plus belle que dans mes souvenirs…
Ils s’arrêtèrent, main dans la main. Zia sentit que la main de son camarade tremblait légèrement. En une seconde elle avait compris, et aurait voulu parler la première, mais il fut plus rapide.
N : Zia, depuis notre rencontre, le jour où je t’ai pris ton médaillon, et que vous êtes partis du camp pour la première fois, je ne cesse de penser à toi, ton visage se projette en permanence dans ma tête, mais quand tu es là , je n’arrive pas à te parler, jusqu’à présent j’ai gardé ça au fond de mon cœur, alors aujourd’hui je me jette à l’eau, Zia… je…je… je t’aime...
Zia, médusée, ne savait comment réagir. Cette déclaration était à la fois si touchante et si embarrassante !
Z : Nadim… ne dis pas de bêtise… on s’est vus à peine une dizaine de fois, tu me connais à peine …
N : Et alors, tu ne crois pas au coup de foudre ?!
Il avait dit cela sur un ton si enthousiaste qu’elle sentit sa tendresse pour lui redoubler : comment aurait-elle le cœur de briser ses illusions ? Il le fallait bien pourtant !
Z : Nadim, je suis très touchée par ce que je viens d’entendre, et je vais te parler sincèrement, tu es un ami que j’apprécie particulièrement, et je te souhaite vraiment de trouver ton autre moitié, mais ça n’est pas moi, ça ne peut pas être moi, car, vois-tu, moi j’ai déjà trouvé la personne avec qui je souhaite passer le reste de ma vie, depuis longtemps…. j’aime Esteban depuis toujours, et nous nous sommes fiancés récemment, c’est d’ailleurs la raison de notre venue…je suis désolée…nous aurions dû vous en parler plus tôt…
Elle posa son autre main sur la main de Nadim et l’enserra chaleureusement ; il tressaillit, puis le tremblement cessa ; les paroles de Zia, sa voix si douce, son geste si délicat eurent raison de sa déception. Il s’y attendait, et finalement, il était heureux d’avoir pu surmonter sa timidité, d’avoir osé.
Z : Maintenant, tu vas pouvoir remarquer toutes les jolies filles qui n’ont d’yeux que pour toi, et aller de l’avant. Je compte sur toi !
Nadim mit un moment à répondre, mais quand il le fit, ce fut en souriant.
N : D’accord ! Je te le promets ! Merci de ne m’avoir pas trouvé trop ridicule !
Z : Quand on aime, on n’est jamais ridicule…mais on dit parfois des bêtises !
A suivre...