FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

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Akaroizis
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Akaroizis »

Ra Mu a séquencé les topics par Tome ! :D

MERCI ! ;)
Le présent, le plus important des temps. Profitons-en !

Saison 1 : 18.5/20
Saison 2 : 09/20
Saison 3 : 13.5/20


Ma présentation : viewtopic.php?f=7&t=80&p=75462#p75462
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Ra Mu
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Ra Mu »

De rien!

Donc, avis à la populaschtroumpf, J'ai séparé le topic de la fanfic collective pour améliorer sa lisibilité et son accessibilité aux nouveaux, futurs nouveaux, ex anciens et revenants.
Cependant, le topic du volume 1 est est devenu trop gros. Je ne peux pas le faire maigrir sans porter atteinte à la cohérence des discussions, et c'est une partie de l'histoire du forum. Donc, je le verrouille. Si vous voulez donner des appréciations sur le tome 1, Raang a ouvert un autre topic spécial ici.
Pour l'instant, le topic du tome 2 est laissé en l'état, suite aux désiderata des auteurs "historiques" et pour une simplification de gestion.

Bonne lecture. ;)
- On s'est tout de même embrassés, cela ne signifie donc rien?
- HEIN? T'as embrassé Ambrosius?
- *soupir* Allez, déblaie!
HOP HOP HOP! :x-):
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nonoko
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par nonoko »

Chapitre 13 : Les pêcheurs d’éponge. Partie 1.


Mendoza referma le registre de comptes et resta un moment pensif, les coudes sur la table, le menton posé sur ses mains croisées. Encore quelques jours, et ils seraient de retour à Barcelone. D’ici là, l’argent leur manquerait pour régler les dernières transactions. Il faudrait convaincre les marchands de leur faire crédit, ou d’accepter d’attendre leur prochain passage s’ils voulaient écouler leur marchandise dans les règles. La situation s’était déjà présentée le matin même, à Cadix. Mendoza avait dû négocier âprement pour pouvoir s’approvisionner en huile d’olive produite dans la région voisine de Séville et qui était revendue sur la côte. Il espérait ne pas avoir les mêmes difficultés à Huelva. Depuis que ces ports s’étaient considérablement enrichis grâce aux expéditions outre-Atlantique, les négociants locaux étaient particulièrement arrogants et durs en affaires. Hortelano, celui avec lequel Mendoza avait dû traiter, avait fait preuve d’une telle condescendance frisant le mépris que le marin avait failli perdre son sang-froid et lui assener un bon coup de poing pour se défouler. Heureusement, Isabella était à ses côtés et avait usé d’un charmant sourire pour faire céder le marchand récalcitrant. Mendoza savait combien elle détestait ce genre de situation et combien de mépris se cachait derrière un tel sourire, mais Hortelano l’ignorait, et crut avoir fait une faveur à la senorita. Elle n’avait cependant pas pu s’empêcher ensuite de manifester sa contrariété en s’exerçant à attraper avec son fouet tous les objets qui traînaient sur le pont de la Santa Catalina, manquant faire chuter un marin qui lança une bordée d’injures bien senties et dut s’excuser aussitôt quand il rencontra le regard noir d’Isabella. Celle-ci était alors partie s’isoler au bout de la jetée pour se calmer. Depuis que Mendoza s’était remis de ses blessures, il ne s’était pas passé un jour sans que la jeune femme ne disparaisse brusquement comme si elle était incapable de faire face à la moindre situation un peu tendue. Et les occasions ne manquaient pas, car lui-même avait du mal à décider quel parti prendre après ce qui s’était passé à Oran. Au lieu de s’abandonner à la joie des retrouvailles, il n’avait d’abord eu de cesse d’interroger Isabella sur la somme de la rançon. Elle avait fini par la révéler, en précisant qu’elle avait apposé sa signature sur la reconnaissance de dettes faite à Escosia. Savoir qu’elle s’était engagée ainsi pour lui l’irritait : elle n’avait pas à subir les conséquences de sa mésaventure, qui lui laissait un goût amer, comme à chaque fois qu’il était pris en défaut. Elle avait beau lui répéter qu’il n’était en rien responsable, il ne pouvait s’empêcher de revivre l’attaque et de penser qu’il aurait dû remarquer le projectile lancé sur Gonzales et se montrer plus prudent. Il croyait même se souvenir avoir entendu le sifflement de la tuile lancée à toute force, et le bruit qu’elle avait fait en se fracassant contre le mur. Mais il n’aurait pu cependant le jurer, car ses souvenirs de cette nuit à Oran demeuraient confus. Isabella avait protesté qu’elle se fichait pas mal d’avoir signé ce fichu papier, du moment qu’il était sauvé, cela n’avait pas suffi à le défaire d’un sentiment de culpabilité tenace, dont elle avait fini par se moquer, excédée. Plus tard, quand elle lui avait fait partager ses soupçons, de nouvelles dissensions étaient apparues. Il avait été outré qu’elle ait pu soupçonner Alvares, un homme qu’il avait lui-même choisi et dont il connaissait la loyauté. Elle lui avait rapporté les paroles du second de la Santa Catalina, et il en avait été meurtri malgré tout, même s’il savait que ce genre de réaction est bien humaine. L’argent, le profit avant tout…Il s’était obstiné à trouver des excuses à Alvarès, ce qui avait fait enrager Isabella. Quant à Fuentes, il faisait un suspect idéal, mais il n’existait aucune preuve, et Mendoza se refusait à suivre la jeune femme sur ce terrain. Elle ne comprenait pas qu’il ne cherche pas à savoir qui avait pu leur tendre un tel piège. Il lui avait expliqué calmement que ce n’était pas sa priorité, et qu’il importait davantage de terminer leur périple en veillant à sauvegarder au mieux les intérêts de Ruiz, de Pedro et de Sancho. Elle s’était tue, résistant à l’envie de le secouer pour lui faire perdre son flegme, et était sortie de la cabine comme une furie.
Mendoza soupira au souvenir de cette scène. Comment faire comprendre à Isabella ce qu’il ressentait, sans qu’elle paraisse aussitôt près d’éclater en reproches ? Il comprenait que ses nerfs aient été mis à rude épreuve ces derniers jours, mais il ne parvenait pas à trouver les mots justes, sans doute parce qu’il ne partageait pas la même vision des choses, ni des êtres qui étaient concernés par cette affaire. Il était clair que lui, Mendoza, avait négligé ses devoirs envers ses amis Pedro et Sancho, sans compter Ruiz, en songeant uniquement à régler le problème que représentait Gonzales. Il s’était efforcé de garder cette pensée pour lui, craignant qu’Isabella ne prenne cela comme un reproche : elle pouvait croire que Gonzales était un problème parce qu’il lui tournait autour et qu’elle semblait ne pas savoir comment réagir. Lors de la première visite de Gonzales à Mendoza après son réveil, ce dernier avait clairement perçu la gêne de l’un et de l’autre. Isabella avait préféré sortir presque immédiatement après l’entrée du jeune métis dans la pièce. Plus tard, il avait laissé entendre à plusieurs reprises qu’il se sentait redevable envers le jeune homme. Il avait raconté l’attaque à Isabella, et s’était efforcé de rassembler ses souvenirs un peu flous, mais il en était certain : Gonzales lui avait sauvé la vie, au moment où le bandit fonçait vers lui poignards en main, juste avant qu’il ne s’effondre. Isabella avait reconnu elle-même que Gonzales avait dit toute la vérité, et qu’il s’était montré exemplaire dans les heures et les jours qui avaient suivi. Malgré cela, elle persistait à présent à l’éviter et s’énervait dès qu’il était question de lui. Mendoza avait pourtant répété qu’il ne l’aiderait plus dans sa quête du trésor, mais Isabella paraissait ne plus être disposée à croire quoi que ce soit, si elle l’avait jamais été. Elle avait même avoué que tous les hommes autour d’elle lui semblaient trop préoccupés par leurs propres intérêts pour être honnêtes et sincères, et elle incluait Mendoza dans le lot. Cet aveu, fait la veille au soir, avait profondément blessé Mendoza, bien qu’il n’en ait rien dit. Il s’était contenté de rester silencieux. Le pire était qu’il ne pouvait donner complètement tort à Isabella, ni lui mentir. La situation dans laquelle il se trouvait lui était intolérable. Il avait redouté ce qui était arrivé le matin-même, et il ne se sentait pas d’humeur à renouveler l’expérience. Il n’avait qu’une hâte : rentrer à Barcelone et rembourser Ruiz, par tous les moyens possibles. Il ne trouverait le repos qu’une fois qu’il aurait recouvré la pleine maîtrise de son destin et qu’il ne devrait plus rien à personne. Il grimaça. Il serait aussi content d’être débarrassé de ce mal de tête persistant, et de pouvoir se passer des drogues de Gonzales.
Le lendemain, le même cauchemar se répéta. Cette fois, il était prêt à jeter le marchand, un certain Garcia, dans le port d’Huelva, à l’endroit même d’où était parti Christophe Colomb. Isabella ne l’accompagnait pas, elle se sentait un peu lasse. Garcia demeura inflexible et refusa de faire crédit. Mendoza n’insista pas et passa le reste de la journée enfermé, laissant le soin à Alvares et Gonzales de s’acquitter des transactions. Il ne reparut que le soir et ordonna de faire voile sans plus tarder vers Gibraltar. Dans les jours suivants, il garda la même stratégie d’évitement, se contentant de noter dans le livre de comptes les sommes qui s’accumulaient, ou les refus de crédit. Dans cette partie du voyage, ils n’avaient que peu de marchandises à vendre, et les rentrées d’argent ne suffisaient pas à couvrir les dépenses. Gonzales avait essayé de le persuader d’employer aussitôt les sommes entrantes pour acquérir ce qu’ils étaient venus chercher, mais cette idée avait vite montré ses limites, et Mendoza avait préféré la solution du crédit, décrétant que seuls étaient dignes de traiter avec Pedro et Sancho ceux qui lui feraient assez confiance pour attendre leur argent. Il fut soulagé quand la Santa Catalina arriva en vue de Barcelone. Dès qu’ils furent à quai, il se rendit sur le San Buenaventura pour s’entretenir avec Gonzales. Ce dernier avait évité soigneusement de le contrarier lors de leur voyage de retour en n’abordant les questions d’argent que lorsque cela s’avérait nécessaire, et il avait limité le plus possible ses visites en tant que médecin, laissant à Isabella le soin de jouer les infirmières. Mais quand il entendit à travers la porte de sa cabine la voix de Mendoza qui demandait la permission d’entrer, il sut que le moment était venu de jouer plus serré que jamais.
G : Entrez, Mendoza, je vous en prie !
M : Bonjour, Gonzales, content d’être de retour ?
G : Pas autant que vous, je parie. Mais asseyez-vous.
M : Non, merci, ce ne sera pas long. Je voulais vous demander de m’accompagner chez Ruiz dès que possible. Cependant, une fois là-bas, j’aimerais que vous me laissiez parler et que vous n’interveniez pas.
G : Pourquoi dois-je vous accompagner alors ? Vous pouvez vous entretenir seul à seul avec Ruiz, cela ne me gêne pas le moins du monde.
M : J’aimerais que vous soyez présent, comme une sorte de… témoin.
G : Diantre ! Vous me faîtes là un bien grand honneur !
M : Non. C’est juste que je crains de ne pas avoir le courage d’aller au bout de ma décision.
G : Vous m’intriguez et m’inquiétez tout à la fois, Mendoza. Depuis votre malheureuse aventure à Oran, vous êtes d’humeur bien sombre. Il n’est jamais bon de prendre des décisions importantes dans ces conditions.
M : Je n’ai pas le choix.
G : Allons, on a toujours le choix, n’est-ce pas vous-même qui m’avez soutenu cela ?
M : Eh bien, j’avais sans doute tort. Alors, puis-je compter sur vous ?
G : Ai-je le choix ?....
Mendoza esquissa un sourire.
M : Merci, Gonzales, je savais que je pouvais compter sur vous.
G : Le temps de régler un ou deux détails, et je vous rejoins, cela vous convient-il ?
M : A merveille !
Il allait quitter la pièce quand il se ravisa.
M : Au fait, Gonzales, je crois que je n’ai pas eu l’occasion de vous remercier pour m’avoir tiré d’affaire. Isabella m’a tout raconté.
G : Vous voulez rire ! Si elle avait pu me jeter dehors et s’occuper de vous entièrement…
M : Je sais ce que je vous dois. Et je vous dois beaucoup.
G : Allons, votre constitution robuste a plus fait pour votre guérison que mes potions…Vous ne me devez rien.
M : Je n’oublie pas que sans vous, je serais mort. Vous m’avez sauvé deux fois, lors du guet-apens, et quand vous avez proposé d’utiliser les fonds de Ruiz pour la rançon. Vous avez soutenu Isabella. Si Alvares et Fuentes s’en étaient remis à la garde, je ne serais peut-être plus de ce monde.
G : Dites surtout que vous avez eu de la chance de ne pas vous fracasser le crâne en tombant dans le ravin. Là, je n’aurais rien pu faire. Vous avez été bien imprudent !
Mendoza éclata de rire.
M : C’est vrai, je le reconnais ! Mais je déteste plus que tout être entravé ! La liberté est le bien le plus précieux dont un homme puisse jouir, et dès que j’en suis privé, d’une façon ou d’une autre, il faut que je la récupère, fût-ce au péril de ma vie…
G : Votre liberté compte donc plus que…la senorita Laguerra ?!
Le visage de Mendoza se ferma aussitôt, et Gonzales se maudit pour son indiscrétion. Le marin le toisa un instant, impassible, avant de sortir de la cabine.
M : A tout de suite, Gonzales.
Dès qu’il eut connaissance de leur présence, Vicente Ruiz les fit entrer dans son bureau. Il avait guetté avec impatience le retour des deux navires, et s’était inquiété de leur retard de plusieurs jours sur la date prévue. Il savait que cela n’arrivait quasiment jamais avec Mendoza comme capitaine, et c’est bien pour cette raison qu’il lui avait confié le commandement de la petite flotte. Aussi les reçut-il avec empressement, bien décidé cependant à obtenir des explications satisfaisantes. Lorsqu’il confiait ses affaires et son argent à quelqu’un, il entendait être pleinement satisfait.
R : Capitaine Mendoza, Capitaine Gonzales, enfin, vous voilà de retour ! Je commençais à désespérer de revoir le San Buenaventura et la Santa Catalina dans le port…
M : Nous avons dû faire face à quelques difficultés…Vous ne m’aviez pas dit que vous comptiez sur moi pour trouver un trésor.
Ruiz jeta un coup d’œil à Gonzales, mais celui-ci demeura muet, comme il s’y était engagé, et fit semblant de ne pas remarquer que Ruiz le dévisageait.
R : Je vois… Le capitaine Gonzales ne se sentait pas de partir à la chasse au trésor seul.
M : Vous savez parfaitement qu’il avait l’intention de me solliciter. C’est même ce qui vous a décidé à m’engager.
R : Allons donc, qu’allez-vous imaginer ? Je comptais sur vous pour veiller à mes intérêts, tout simplement. Votre réputation…
M : Vous n’aviez donc pas confiance en Gonzales ?
R : Mais…si, bien évidemment ! Mais ce n’est pas un marin d’expérience comme vous !
M : Effectivement, il est encore bien jeune pour être capitaine…mais il se débrouille.
R : Ecoutez, Mendoza, c’est vrai que je n’ai pas été complètement honnête avec vous en omettant de mentionner cette histoire de trésor. Auriez-vous accepté de travailler pour moi si je vous avais fait part de ce projet ?
M : Il est probable que non.
R : C’est ce que je me suis dit…
M : Et c’était un mauvais calcul. Cela vous aurait évité d’être au bord de la faillite.
R : Que voulez-vous dire ?
M : J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous : la bonne nouvelle, c’est que nous avons repéré l’épave ; la mauvaise, c’est qu’il faudrait des moyens importants pour repêcher le trésor. Et que vous ne disposez pas de ces moyens.
R : Soyez plus clair, Mendoza ! Vous avez vu le trésor ?
La convoitise s’était allumée dans les yeux du marchand.
M : Vous ne nous proposez pas quelque chose à boire ? J’ai une petite soif et le vin que vous nous avez servi la dernière fois était excellent…
Ruiz sourit, et s’empara de la carafe qui trônait sur son bureau, à côté d’un plateau garni de verres.
R : Je manque décidément à tous mes devoirs… C’est la cuvée spéciale de nos chers amis, Pedro Ramirez et Sancho Martinez. Prenez un verre, je me ferai un plaisir de vous servir.
M : Vous êtes un hôte attentionné…
Le marin prit tout son temps pour savourer son verre. Gonzales et Ruiz se jetèrent des regards à la dérobée. Le jeune métis s’amusait beaucoup, mais Ruiz avait du mal à dissimuler son impatience. Enfin Mendoza reposa son verre sur le plateau.
M : A présent parlons affaires, Ruiz. J’ai le regret de vous annoncer que notre voyage n’a pas été très fructueux. Vous avez même perdu de l’argent, pas mal d’argent.
Ruiz reposa lui aussi son verre pour écouter attentivement les paroles de Mendoza.
M : Tout d’abord, nous nous sommes fait voler à Oran la somme que vous deviez remettre au sieur Escosia. Nous sommes tombés dans un véritable guet-apens et malheureusement ces brigands n’en sont pas restés là : j’ai le regret de vous annoncer qu’une partie de vos fonds a été utilisée pour payer une rançon.
R : Une rançon ?! Mais en échange de qui ?
M : Moi.
Ruiz, incrédule, se tourna une fois de plus vers Gonzales, qui se contenta de confirmer d’un signe de tête.
M : Je vous passe les détails, mais si vous voulez voir les cicatrices que m’ont valu cette aventure…
A ce moment- là, Ruiz remarqua effectivement de multiples cicatrices sur les mains et les bras du marin.
M : Celle-ci cependant est un souvenir de ma plongée pour explorer l’épave.
R : Je suppose que je dois vous croire…
M : Vous n’êtes pas obligé. Toujours est-il que nous avons dû contracter pas mal de dettes lors de nos escales le long de la côte espagnole, sur le chemin du retour. Voici le livre de comptes où tout est noté.
Il le posa sur le bureau, devant Ruiz, qui l’ouvrit lentement et se mit à consulter les dernières pages. Quand il eut terminé, il ne dit pas un mot.
M : Je vous rassure cependant, senor Ruiz. Je compte vous rembourser intégralement la somme que je vous ai fait perdre, et qui inclut la somme volée, la rançon et les transactions manquées.
Gonzales eut un mouvement de surprise.
M : Le capitaine Gonzales s’était engagé à prendre en charge une partie de la somme, mais je le délie de son engagement. Il m’a sauvé la vie, je suis donc son débiteur.
Gonzales s’apprêtait à protester quand Mendoza l’arrêta d’un geste.
R : Et comment comptez-vous vous y prendre, capitaine Mendoza ? C’est une somme énorme.
M : Et je ne compte pas passer ma vie à la rembourser. Voici ce que je vous propose : je vous ramène le trésor, et nous sommes quittes. Gonzales aura sa part, bien entendu. Je repars avec la Santa Catalina. Il me faut un peu d’argent pour engager des plongeurs, car l’épave est trop profonde. Si vous me faites confiance, vous aurez récupéré les sommes perdues et bien plus d’ici peu.
R : Vous voulez que je vous prête encore de l’argent ? alors que vous m’en devez ? Mais vous allez véritablement me ruiner !
M : Il ne me faut pas une grosse somme. Et si vous ne récupérez pas rapidement vos fonds, vous allez vite être en difficulté.
R : Je le suis déjà, non ? Et vos amis par la même occasion. Pourquoi ne leur demandez-vous pas de vous aider ?
M : Vous me prêtez l’argent, ils fournissent le navire. Vous gardez le San Buenaventura pour continuer vos affaires. Si cela devait mal tourner, vous pourrez toujours revendre le San Buenaventura. Vous avez misé sur ce trésor, assumez les risques jusqu’au bout.
R : Et vous, qu’en pensez-vous, Capitaine Gonzales ? On ne vous a pas entendu jusqu’à présent…Avouez que j’apprends là de bien drôles de nouvelles, et que je pourrais tout aussi bien croire que vous et Mendoza avez monté toute cette histoire pour vous enrichir sur mon dos et disparaître….
Gonzales consulta Mendoza du regard. Ce dernier l’invita à parler.
G : Je ne peux hélas que confirmer ces nouvelles, et vous demander de nous croire. J’ai avec moi un double du document que j’ai signé avec le sieur Escosia, qui attestera de ma bonne foi.
Ruiz examina attentivement le document et le rendit à Gonzales. Ce dernier entreprit de lui faire un récit détaillé de leur voyage, et précisa qu’il avait tout consigné sur le registre de bord du San Buenaventura.
R : Et vous pensez que le Capitaine Mendoza est vraiment capable de récupérer ce trésor ?
G : Eh bien….S’il le dit, je pense qu’on peut le croire. C’est un homme de parole.
R : Et il ne chercherait pas à avoir sa part ?
M : Ma seule récompense sera d’être délié de toute obligation envers vous.
R : Et qu’en penseront vos associés ? Peut-être ne seront-ils pas d’accord pour briser ainsi nos engagements communs ?
M : Ne vous inquiétez pas, je saurai les convaincre. Et Barcelone ne manque pas d’hommes qui seront prêts à travailler avec vous. Quant à moi, je vous assure que cela sera notre dernière collaboration.
R : Laissez-moi réfléchir jusqu’à demain, et revenez à la même heure, je vous donnerai ma réponse.

Une fois qu’ils furent dans la rue, Gonzales n’y tint plus.
G : Mendoza, je ne sais comment vous remercier ! Vous avez changé d’avis !
M : Ne me remerciez pas. Je fais cela uniquement pour moi. Je vous l’ai dit, je tiens trop à ma liberté. Cette fois, c’est moi le maître du jeu.
G : Et si Ruiz n’accepte pas de vous prêter de l’argent ? Je parie que vous avez songé à une autre solution…
M : N’y comptez pas, Gonzales. S’il y a bien une chose sur laquelle je ne reviendrai pas, c’est mon refus de mêler Esteban à cette histoire qui ne le concerne en rien. De toute façon, il se trouve en ce moment Dieu sait où et je n’ai pas la patience d’attendre qu’il revienne. Plus vite cette affaire sera réglée, mieux je me porterai.
G : Vous allez vraiment engager des pêcheurs d’éponge ?
M : Oui.
La joie de Gonzales retomba. Puis il se reprit. On ne pouvait pas toujours gagner sur tous les plans. Si Mendoza lui apportait le trésor, c’était déjà une victoire. Pour le reste, il trouverait bien une occasion, à condition de garder la confiance du capitaine jusque-là.
G : Et où comptez-vous les trouver ?
M : Sur la côte tunisienne.
G : Vraiment ? Mais…n’est-ce pas risqué ?
M : Si vous pensez à Barberousse, n’oubliez pas qu’il est occupé en ce moment à ravager les côtes italiennes et françaises. Nous avons là l’occasion rêvée d’aller récupérer le trésor tranquillement. Je pourrais essayer d’engager des pêcheurs de corail sardes, mais je n’ai guère envie de naviguer dans cette partie de la Méditerranée pour me rendre en Sicile. Les ottomans pourraient avoir envie de faire un tour en Sardaigne…ce ne serait pas la première fois. Nous passerons par le Sud, depuis la Tunisie, après avoir embarqué nos pêcheurs. Ils seront sûrement moins réticents à accepter notre offre si nous ne passons pas par le détroit de Messine.
G : Vous avez pensé à tout…
M : Bien sûr, cela reste une expédition risquée. La Tunisie est une terre très convoitée. Le sultan Hafside Mulay Hassan, allié de la couronne espagnole, vient de se faire détrôner par son fils Ahmed, qui lui a laissé le choix entre l’aveuglement ou la mort. Je comprendrais que vous ne vous joigniez pas à moi.
G : Comment pouvez-vous penser une chose pareille ? Vous avez besoin de moi ! Ne serait-ce que pour vous recoudre…
M : Je pourrais très bien me passer de vous. Je n’ai pas l’impression que vous me portiez chance. Cette fois, j’espère bien revenir intact.
G : Je comprends….pour vous je ne représente qu’une source d’ennuis. Mais je serais bien ingrat de vous laisser assumer les risques seuls.
M : Allons, Gonzales, ne faites pas cette tête ! Je plaisantais ! Et j’aurai bien besoin de vous à mes côtés. Vous êtes un jeune homme courageux.
Le marin s’était arrêté, et le considérait avec bienveillance. Gonzales sourit.
G : Alors, c’est entendu. Je pars avec vous. Mais si Ruiz…
M : Il acceptera.
Il restait à Mendoza à annoncer sa décision à Pedro et Sancho, ainsi qu’à Isabella. Il avait donné rendez-vous à ses associés à la taverne de Rico. Comme il s’y attendait, les deux anciens marins commencèrent par pousser les hauts cris en apprenant le montant des sommes perdues. Ils se voyaient déjà en faillite. Mais le seul mot de trésor suffit à calmer leurs inquiétudes, et ils approuvèrent vigoureusement le plan de Mendoza, lui faisant simplement promettre de ramener la Santa Catalina en un seul morceau. Au moment de partir, Mendoza hésita, puis leur demanda s’ils accepteraient de loger Isabella chez eux quelque temps.
P : Ben pourquoi ? Elle ne vient pas avec toi ? Vous vous êtes disputés ?
M : Non, mais ça ne saurait tarder…Je ne lui ai encore rien dit.
S : Ah, ça, les femmes n’aiment pas qu’on leur cacache, qu’on leur cache quelque chocho, quelque chose !
P : C’est toi qui nous caches quelque chose, Mendoza, je vois vraiment pas pourquoi elle ne t’accompagnerait pas !
M : Parce que je ne le souhaite pas.
P : La belle raison, eh ! Faudra trouver d’autres arguments !
S : Elle va mal le prendre, c’est sususu, c’est sûr !
M : Elle est enceinte. Et je ne veux pas lui faire courir de risques inutiles.
P : Quoi ?!!!
S : Oh, tu veux dire que que que…tu vas être papapa…papa !!!
P : C’est le plus beau jour de ma vie ! Je vais être enfin tonton !
S : Moi je veux être le papapa, le parrain !
P : Hein ? Ah ben non, moi aussi je veux être le parrain ! Pourquoi ce serait toi d’abord ?
S : T’as qu’à être la mama, la marraine, eh eh eh !
M : Taisez-vous ! Acceptez-vous, oui ou non ?
P : Tout ce que tu veux, si c’est moi le parrain !
S : Et voilà, faut toutoutou, toujours que tu penses qu’à toi !
M : De toute façon, je doute qu’elle soit d’accord…
P : Pour que je sois parrain ? Faut la convaincre, je t’en supplie !
S : C’est moi qu’ai demanman, demandé en premier, eh ! Coco, copieur va !
Mais Mendoza ne les écoutait déjà plus, il quittait la taverne , les laissant se chamailler, en regrettant d’avoir abordé le sujet. Au moins étaient-ils au courant à présent, mais cela ne l’aidait en rien. Il devait assumer les conséquences de sa décision. Comme il s’y attendait, Isabella l’écouta froidement et quand il eut fini, elle déclara qu’elle ne le laisserait pas partir seul cette fois-ci.
M : Je suppose que rien ne pourra te faire changer d’avis ?
I : Pourquoi changerais-je d’avis ? Je ne suis pas comme toi.
M : Depuis la dernière fois que nous avons parlé de cela, il s’est passé bien des choses…Je ne peux pas faire autrement. Tu préfères que je passe le reste de ma vie à travailler pour rembourser Vicente Ruiz ? Je te signale que c’est son silence sur ses véritables intentions qui nous a conduits là où nous en sommes. Jamais je n’aurais accepté…
I : En es-tu si sûr ? Tu pourrais aussi bien rejeter la faute sur Gonzales. C’est lui qui est à l’origine de cette histoire de trésor. Dis plutôt que tu ne seras pas en repos tant que tu n’auras pas ramené à la surface ce que tu as vu dans l’épave.
M : Je ne sais pas… Tu as peut-être raison…Mais je ne supporterai pas d’être lié à Ruiz plus longtemps. Et c’est l’occasion d’être véritablement libre ! Tu sais très bien que tout ce que je gagne sert à rembourser le dette que j’ai contractée envers Pedro et Sancho, à cause de Roberto ! Et tu voudrais que je rajoute à cela la dette envers Ruiz ! Toi-même, tu as dû signer une reconnaissance de dette à Escosia ! Je ne peux pas te laisser dans une situation pareille ! Sans compter que les affaires de Pedro et Sancho sont compromises à cause de moi ! Si je repêche ce trésor, j’en mettrai une part de côté pour eux.
I : A t’entendre, ce trésor est la solution à tous tes problèmes. On croirait entendre Gonzales.
M : Isabella, je t’en prie, ne sois pas cynique…
I : Je ne le suis pas. C’est un constat. Mais ne t’inquiète pas, je ne vais pas essayer de te faire changer d’avis une fois de plus. Je respecte ta décision. Respecte la mienne. Je t’ai dit que je partirais avec toi si tu allais chercher ce trésor, et c’est ce que j’ai l’intention de faire.
M : Pense à toi, pense à l’enfant…Pedro et Sancho peuvent t’accueillir en mon absence.
I : Je sais ce que je fais. Tu n’es pas à ma place. Quant à l’enfant, il va très bien.
Elle se planta devant lui, souleva son chemisier, prit la main de Mendoza et la plaqua sur son ventre. Surpris, il sentit sous sa paume une onde légère, si légère qu’il crut que ses sens le trompaient. Isabella fit glisser sa main doucement sur son ventre arrondi, et cette fois il perçut clairement une série de petits coups qui soulevaient à peine la peau tendue ; il se recula vivement.
I : Tu devrais voir ta tête…
M : Comment est-ce possible ?
I : Que croyais-tu ? Qu’il se tenait bien tranquille et essayait de se faire le plus discret possible ?
M : C’est….incroyable…
I : Ce sont les petits miracles de la nature…
M : Isabella, je n’ai pas le droit de t’obliger à me suivre…Pas dans ces conditions…S’il t’arrivait quelque chose, je me le reprocherais toute ma vie…
I : Non, car tu ne me survivrais pas. Et tu ne m’obliges à rien. C’est ma décision.
Elle l’attira à nouveau à lui, et l’embrassa longuement, passionnément, éperdument.
"On savoure mieux ce qu'on a désiré plus longtemps, n'est-ce pas Mendoza?"
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TEEGER59
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par TEEGER59 »

J'ADORE!
Les passages Mendoza/ Isabella sont les plus réussis à mon goût...
J'aime bien la fin. J'ai écrit un truc dans le même style, mais pas encore publié. Vivi peux en témoigner.
D'ailleurs, voici l'extrait:

La gorge nouée, il s'attaqua aux lacets de son corset. Quand il l'eut enlevé, il glissa sa main sous la chemise et la plaça avec une infinie douceur sur le ventre encore plat de sa compagne. Isabella gémit en fermant les yeux quand il caressa sa peau veloutée et tiède. Bien qu'il fût trop tôt à ce stade de la grossesse pour ressentir quoi que ce soit, le futur père eut la sensation irréelle d'avoir franchi un seuil et de toucher l'avenir.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par nonoko »

Merci Teeger, j'ai bien fait de publier maintenant alors! :x-):
En fait ça fait un petit moment que j'avais écrit ça, j'ai fini par trouver le temps de relire ce soir, et je rame toujours pour la fin du chapitre ( tout dans la tête, mais faut pouvoir s'y mettre! )
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par TEEGER59 »

Est-ce mon avatar qui t'a incité à publié ce passage au plus vite? :tongue:
Modifié en dernier par TEEGER59 le 07 mai 2017, 08:52, modifié 1 fois.
:Laguerra: : AH! Comme on se retrouve!
:Mendoza: : Ma première leçon ne t'a pas SUFFIT?
:Laguerra: : Cette fois, tu ne t'en sortiras pas si FACILEMENT!
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par nonoko »

TEEGER59 a écrit : 06 mai 2017, 22:16 Est-mon avatar qui t'a incité à publié ce passage au plus vite? :tongue:
Euh, ben non...mais t'as raison, j'aurais dû attendre d'avoir écrit la fin du chapitre, parce que maintenant ce sont les pauvres lecteurs qui vont devoir attendre un temps indéterminé (sans compter les autres chapitres tout prêts dans la tête depuis des lustres...) La fanfic, une école de patience... :x-):
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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par Seb_RF »

nonoko a écrit : 06 mai 2017, 22:31
TEEGER59 a écrit : 06 mai 2017, 22:16 Est-mon avatar qui t'a incité à publié ce passage au plus vite? :tongue:
Euh, ben non...mais t'as raison, j'aurais dû attendre d'avoir écrit la fin du chapitre, parce que maintenant ce sont les pauvres lecteurs qui vont devoir attendre un temps indéterminé (sans compter les autres chapitres tout prêts dans la tête depuis des lustres...) La fanfic, une école de patience... :x-):
également école d'écriture :x-):
note serie:
MCO1: 18/20

Trahison/Insulte totale:
MCO2: 7/20
MCO3: 4/20
MCO4: 3/20 (et je suis "gentil" par ce qu'il y a les effets visuels)

Fanarts: viewtopic.php?f=14&t=2301 :x-):
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Message par Seb_RF »

illustration de Mai Li qui dort (au moment ou les ravisseurs arrive dans la chambre la porte et tout juste ouverte)


31_Mai Li dodo.png
note serie:
MCO1: 18/20

Trahison/Insulte totale:
MCO2: 7/20
MCO3: 4/20
MCO4: 3/20 (et je suis "gentil" par ce qu'il y a les effets visuels)

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Re: FANFICTION COLLECTIVE : Tome 2

Message par nonoko »

Chapitre 13, Partie 2.


Quelques jours plus tard, la Santa Catalina filait en direction des côtes tunisiennes. Alvares avait insisté pour se joindre à l’expédition, et aucun homme d’équipage ne s’était désisté. Mendoza leur avait clairement exposé les risques, et tous avaient accepté de le suivre. Des marins du San Buenaventura avaient même essayé de convaincre le capitaine de les prendre à bord, espérant une récompense dont ils étaient privés pour l’instant. Mendoza avait négocié avec Ruiz une part à redistribuer entre tous les marins des deux navires, en raison des risques déjà encourus et à venir. Alvares, de son côté, avait clairement refusé d’être payé : il se sentait encore coupable de sa réaction malencontreuse à Oran, et voulait ainsi prouver à Mendoza sa loyauté, même si ce dernier n’en doutait pas. De plus, Alvares n’avait qu’une confiance limitée en Gonzales : s’il devait arriver quelque chose à Mendoza, il n’entendait pas laisser Isabella seule avec le jeune métis. Il n’avait guère apprécié le fait d’être écarté par Gonzales lors des trois jours qui avaient suivi leur escale à Oran. La Santa Catalina devait se rendre dans la baie de Gabes, réputée pour ses éponges. Mendoza espérait qu’en évitant les grands villes, théâtres des rivalités entre Espagnols et Ottomans qui soutenaient les branches ennemies de la dynastie berbère des Hafsides, ils ne rencontreraient pas de problème majeur, car la Tunisie restait majoritairement sous contrôle espagnol depuis la conquête de Tunis par Charles Quint en 1535. Mais il savait qu’en cette année 1543 la situation était particulièrement tendue. Tunis était sans doute repassée sous contrôle ottoman, grâce au soulèvement d’Ahmed, mais les Espagnols détenaient toujours La Goulette, d’où ils ne cessaient de harceler leurs ennemis. Au moins La Santa Catalina ne devait-elle croiser ni la route de Barberousse, ni celle du terrible amiral ottoman Dragut, fait prisonnier par le neveu du fameux amiral Doria trois ans plus tôt, et qui attendait toujours sa libération en échange d’une rançon. Dans la baie de Gabes, l’île de Djerba avait été débarrassée de la présence des frères Barberousse, mais restait une base potentielle pour d’autres corsaires ottomans. Mendoza comptait faire escale dans les petits ports du fond de la baie, puis se rendre à Gergis, en face de Djerba, car ils savait y trouver des plongeurs chevronés. Alvares n’avait pas manqué d’afficher son scepticisme sur la réussite de l’entreprise, alors qu’il se trouvait seul un soir sur le pont avec son capitaine.
A : Comment comptez-vous convaincre ces hérétiques ? Les événements récents donnent plutôt à penser qu’ils sont hostiles aux Chrétiens. Le nouveau roi Ahmed semble avoir le soutien du peuple. Bien des tribus se sont soulevées à ses côtés.
M : Nous n’agissons au nom d’aucun pouvoir, et l’argent reste un puissant moyen de persuasion.
A : Mais ne craignez-vous pas qu’ils nous trahissent ? Une fois qu’ils auront repêché le trésor, qu’est-ce qui les empêchera de nous massacrer pour le garder pour eux ?
M : A vous entendre, nous allons embarquer une armée : quelques hommes suffiront. Tout le monde n’est pas capable de plonger réellement en profondeur. La plupart se contentent de pêcher les éponges sur les hauts fonds. Ne me dites pas que vous ne vous sentez pas de force à contenir quelques hommes, non armés de surcroit. Je ne compte en embarquer qu’un ou deux à chaque fois. S’ils ne se connaissent pas, il leur sera plus difficile de se mettre d’accord pour fomenter un complot contre nous. Ne vous inquiétez pas, Alvares.
A : Je persiste à penser que nous aurions dû rester en eaux plus sûres, et engager des Sardes.
M : Il n’existe pas d’eaux « plus sûres » autour de la Sicile, vous le savez bien. Qui plus est, les Sardes n’auraient jamais été assez fous pour nous suivre.
A : Et les pêcheurs d’éponge le seront ?
M : Les habitants de cette région sont habitués à avoir affaire avec des étrangers, qui cherchent à les manipuler, qu’ils soient Espagnols ou Ottomans, Gênois, Vénitiens… Ils sont sans doute plus enclins à profiter des occasions qui se présentent à eux, en essayant de tirer le meilleur parti des offres qu’on leur fait. Et dans ces temps troublés, tout argent est bon à prendre. Qui sait de quoi sera fait demain ?
A : Espérons pour nous en tout cas que l’avenir ne nous réserve pas de mauvaise surprise.
Dans les premiers villages de pêcheurs où ils débarquèrent avec la chaloupe, dans la baie de Gabès, ils furent accueillis avec crainte, puis avec méfiance. Mendoza avait pour stratégie de ne pas rester plus d’une heure au même endroit, afin de ne pas risquer de se faire surprendre par un navire ottoman, ou attaquer par des villageois hostiles. Mais ces derniers, comme il l’avait prévu, s’ils n’étaient pas amicaux pour la plupart, ne songeaient pas à s’en prendre à eux. Il leur suffisait de savoir qu’ils ne risquaient rien de la part de ces Espagnols solitaires, qui ne faisaient partie d’aucune flotte et n’étaient pas des corsaires. Ils écoutaient leur proposition avec davantage d’indifférence que d’intérêt. Pourtant Mendoza réussit à embarquer trois jeunes gens, dont deux faisaient partie du même village. Tous affirmaient être capables de descendre à plus de trente mètres, et avaient montré un réel enthousiasme à la perspective de participer à l’aventure, ce qui n’avait pas été le cas de leurs proches, qui avaient vainement tenté de les retenir. Ils s’étaient toutefois consolé avec la somme que Mendoza leur avait remise pour l’achat de plusieurs lots d’éponges de qualité, car Ruiz, en bon négociant qu’il était, entendait tirer quelque profit facile de cette expédition. C’était pour lui une belle occasion de se procurer de la marchandise sans passer par des intermédiaires. La Santa Catalina contourna ensuite prudemment l’île de Djerba pour descendre plus au Sud, au-delà de Gergis, sans toutefois aller trop loin, car ils risquaient de tomber en territoire ottoman. A bord, la tension était palpable, et les hommes d’équipage regardaient les pêcheurs comme s’ils étaient des pirates, mais ces derniers ne semblaient pas le moins du monde affectés par cet ostracisme et profitaient pleinement de leur voyage en haute mer, sous la surveillance constante toutefois d’Alvares et de Gonzales. Mendoza ne parvint cependant à recruter personne et dut se résoudre à remonter vers Djerba, pourvu toutefois d’une cargaison conséquente d’éponges. Alors qu’ils arrivaient en vue du littoral de Gergis , Gonzales alla trouver Mendoza.
G : Ne pouvons-nous nous contenter de ces trois jeunes gens ? Ils font tout à fait l’affaire, et je ne pense pas que nous aurons de problèmes avec eux. Qui plus est, cela nous évite de dépenser plus d’argent. On dirait d’ailleurs que ce n’est pas cela qui les attire, contrairement à ce que vous pensiez.
M : Si nous avions deux hommes de plus, ce ne serait pas de trop. N’oubliez pas qu’ils ne peuvent pas rester très longtemps sous l’eau à une telle profondeur, et moins nous avons d’hommes, plus nous multiplions le temps passé à fouiller l’épave, et plus nous risquons de nous faire surprendre par un danger quelconque.
G : Mais nous nous rapprochons du danger en venant sur cette côte.
M : J’aurais préféré éviter cela, croyez-moi. Si nous ne trouvons personne aujourd’hui, je ferai route vers la Sicile. Mais une autre chose m’inquiète. Pourriez-vous jeter un œil sur Isabella ?
G : La senorita Laguerra ? Elle ne va pas bien ?
M : Je ne sais pas…Elle reste dans sa cabine et ne mange presque rien.
G : Avec ce soleil infernal, je comprends qu’elle veuille rester à l’ombre. Moi-même, j’ai du mal à supporter ce soleil éblouissant. Ces côtes sont quasi désertiques, vous ne trouvez pas ? Je n’ai jamais vu autant de palmiers de ma vie. Quant à son appétit, ne vous inquiétez pas, la chaleur n’incite pas à manger beaucoup. Cela lui évitera des complications, croyez-moi. Boit-elle suffisamment ? C’est cela qui est essentiel.
M : Je n’y ai pas prêté attention.
G : Où en sont nos provisions d’eau ? La dernière ration que j’ai bue n’avait rien d’engageant, et si j’étais à la place de la senorita, je m’abstiendrais de boire une eau qui a séjourné plus d’un jour à bord.
M : Vous savez très bien que nous ne pouvons pas nous permettre de nous approvisionner quotidiennement. Jusque-là, cela n’a pas posé aucun problème.
G : Vous me demandez mon avis, je vous le donne. Je doute qu’une eau croupie soit bénéfique pour la santé de la mère et de l’enfant.
M : J’en doute également, et je fais de mon mieux pour nous approvisionner le plus régulièrement possible, mais j’ai d’autres contraintes à gérer !
G : Profitez de notre escale pour vous approvisionner, c’est tout ce que je peux vous conseiller. La senorita ne devrait pas se trouver à bord, mais je sais que vous n’êtes pas à blâmer. Je vais aller voir ce qu’il en est, mais je doute qu’elle me reçoive aimablement.
M : Merci, Gonzales.
La cabine était plongée dans la pénombre. Isabella reposait dans un fauteuil, jambes posées sur la table. La fenêtre était ouverte pour capter la brise marine, qui faisait onduler le rideau de fortune qu’Isabella y avait fixé.
G : Excusez-moi de vous déranger, senorita…
I : C’est Mendoza qui vous envoie, j’espère ? Vous n’oseriez pas me déranger de votre propre chef…
G : Effectivement. Il s’inquiète pour votre état de santé.
I : Il n’a pas à s’inquiéter. Je supporte comme je peux les conditions actuelles. Je savais à quoi je m’exposais.
G : Et votre orgueil vous empêche donc de vous plaindre.
I : Si seulement je pouvais me dégourdir les jambes un peu plus souvent…Mais je vous avoue que je ne supporte pas les regards de l’équipage quand je sors. Et Mendoza ne veut pas que je descende à terre, question de sécurité…Il ne s’étonnera pas si je saute à l’eau tout à l’heure.
G : Vous avez dit que vous l’accompagneriez jusqu’en Sicile. Il veille simplement à ce que vous ne preniez pas d’autres risques inutiles. Mais je lui parlerai : il n’est pas bon pour une femme dans votre état de rester confinée ainsi sans raison valable. Au contraire, cela pourrait nuire à votre santé et à celle de votre enfant. Je parle d’expérience.
I : Vous ? Vous avez des enfants peut-être ?
G : Ne vous moquez pas, je vous en prie. Il arrive que tout se déroule parfaitement et qu’inexplicablement, l’état de la mère se dégrade brusquement. J’ai été témoin de cela, et croyez-moi, c’est un souvenir que je préfèrerais oublier.
I : C’était cette femme…la compagne de votre père.
G : Oui. J’ai étudié un peu la question depuis, pour tenter de comprendre ce qui s’était passé, mais je n’ai guère trouvé de réponse. La seule chose que je puis vous dire, c’est que je n’approuve pas que vous restiez ainsi confinée, alors que vous êtes manifestement en parfaite santé.
I : Je vous avoue que je me sens comme une lionne en cage…
G : Alors Mendoza devrait prendre garde à vos coups de griffe…Nous allons faire escale bientôt, prenez votre mal en patience. J’ai insisté pour que nous nous approvisionnons aussi plus régulièrement en eau.
I : Ah, Gonzales, que ferais-je sans vous, je me le demande ?
Il ne répondit pas, à moitié irrité par l’impertinence du ton de la jeune femme, et tourna les talons après une courte révérence. Il avait de plus en plus de mal à se contenir en sa présence. S’il avait osé, il aurait tenté un de ces baise mains dont il avait le secret, mais il craignait d’aller trop loin. La savoir si proche et si inaccessible le rendait fou. Il se sentait des envies de meurtre, et sa mission commençait à lui peser. Il avait considéré Mendoza comme un moyen pour arriver à ses fins, mais puisque ce dernier ne semblait pas décidé à faire appel aux enfants, lui était-il véritablement encore d’une quelconque utilité ? Pour récupérer le trésor, peut-être, mais ensuite ? N’était-ce pas mort que Mendoza lui rendrait le plus service ? D’ailleurs, n’était-ce pas ce qu’on lui avait suggéré et qu’il n’avait pas voulu reconnaître jusqu’à présent, trop sûr de la réussite de son plan ? Ne s’était-il pas trop laissé prendre au plaisir de côtoyer cet homme et sa compagne ? Il avait certes prouvé au capitaine sa valeur, mais, lorsqu’il avait insisté pour se charger de cette mission, ce n’était pas à lui qu’il était question de la prouver, mais à ceux qui doutaient encore de lui et ne le prenaient pas réellement au sérieux. Pourtant, il avait déjà tué bien des hommes, mais il est vrai, toujours à l’occasion de combats. Il ne parvenait pas à mettre sa science au service de ses crimes. Le plaisir de voir renaître la vie chez un être moribond était plus fort en lui : il était à la portée du premier imbécile venu de supprimer une vie, mais celui qui pouvait la préserver, celui-là détenait la véritable puissance. Il avait hélas bien peu d’occasions de l’exercer. Mais l’heure n’était pas aux regrets : quand tout serait fini, il serait libre de choisir sa voie. Cette liberté, que Mendoza chérissait tant, il était déterminé à la conquérir lui aussi.
La Santa Catalina mouillait au large de la presqu’île de Gergis. Afin de mettre plus de chances de son côté, Mendoza avait demandé à un des plongeurs, un dénommé Nacir, de les accompagner, lui, Gonzales, Isabella et quelques hommes chargés de l’approvisionnement. Le jeune homme avait accepté avec plaisir, heureux de cette marque de confiance qui lui permettait d’échapper momentanément à l’atmosphère tendue qui régnait à bord. Mendoza n’avait pas voulu jusque-là amener aucun plongeur à terre, craignant qu’ils ne changent d’avis et ne leur fausse compagnie. Mais devant sa difficulté à recruter, il avait décidé de tenter le coup, en pensant que Nacir n’abandonnerait pas son camarade du même village. Il était contrarié de recourir à de tels procédés, mais il était davantage contrarié de la présence d’Isabella, même si Gonzales lui avait expliqué que cela ferait beaucoup de bien à la jeune femme. Il ne pouvait détacher ses yeux de ses rondeurs, qu’elle s’efforçait pourtant de cacher sous une tunique ample, et craignait que sa présence ne dissuade les éventuels candidats. Mais elle lui avait lancé un tel regard quand elle était sortie de la cabine pour mettre fin aux protestations qu’il commençait à émettre devant la suggestion de Gonzales, qu’il avait cédé sans discuter davantage. Isabella posa avec délices le pied sur le sable mouillé de la plage, et entreprit aussitôt de longer le rivage en marchant dans l’eau jusqu’aux genoux, tandis que les autres s’activaient de leur côté. Mendoza demanda à Gonzales de la surveiller de loin, et se dirigea vers les quelques maisons de pêcheurs qui bordaient cette côte quasi désertique, en compagnie de Nacir et des autres marins. La présence du jeune homme avait au moins un effet positif : on les accueillit avec moins de méfiance et on ne fit aucune difficulté à leur indiquer la direction du puits où ils pourraient puiser de l’eau, en échange de quelques pièces. La curiosité le disputait même à la méfiance, en raison de la présence d’Isabella. Une vieille femme insista même pour qu’ils prennent place à l’ombre d’un olivier qui prodiguait un peu de fraîcheur dans la cour de sa maison, et voulut qu’Isabella se joigne à eux. Mendoza envoya Gonzales la chercher, et c’est en sa présence que Mendoza dut se résoudre, autour d’une tasse de thé, à évoquer la raison principale de leur visite. Il avait demandé à parler au chef des pêcheurs, mais on lui avait répondu qu’il était en mer. Plusieurs jeunes gens cependant étaient présents, et écoutèrent attentivement l’Espagnol, puis Nacir. Mais quand il fut question de plonger à trente mètres, tous secouèrent la tête en haussant les épaules et en riant. La vieille femme intervint :
F : Tu n’as pas de chance, l’Espagnol, tu es tombé sur un village de couards ! Seul mon fils et mon petit fils ont assez de cran pour plonger aussi profondément, mais ils ne sont pas assez fous pour risquer leur vie pour toi ! Nous gagnons peu, c’est vrai, mais si Dieu est assez bienveillant pour éloigner de nous le malheur, c’est bien assez. Toi-même, pourquoi cours-tu après ce trésor ? Crois-moi, rentre chez toi !
M : Peut-être ton fils ne sera-t-il pas du même avis que toi…
F : On voit que tu n’as pas encore d’enfants, l’Espagnol, sinon tu comprendrais qu’une mère cherche à tout prix à protéger les siens. C’est vrai, les enfants sont attirés par la liberté et l’aventure, comme ce malheureux que tu as réussi à convaincre de quitter sa famille. Mais moi, je serais prête à te crever les yeux plutôt que de te laisser emmener un seul des fils de ce village.
M : Eh bien, nous te remercions de ton hospitalité, et nous n’insisterons pas.
Il se leva pour partir. La vieille femme fixait Nacir, qui affectait de ne pas être touché par son discours en arborant un sourire crâneur, mais il était clair qu’il se sentait mal à l’aise. Il était inutile de rester davantage, ou il refuserait de rembarquer, Mendoza en avait la conviction. Il quitta sans plus tarder la cour de la maison, suivi de Nacir. Isabella achevait de siroter son thé comme si tout cela ne la concernait pas, et Gonzales dut l’attendre tandis que la vieille femme les observait. Alors qu’elle allait partir, après avoir renouvelé ses remerciements, la femme la retint par le bras :
F : Que fais-tu ici, avec ces hommes ? Ta priorité, c’est ton enfant. Ne pense qu’à lui, et méfie-toi de ceux qui te dévorent des yeux. Tiens, prends ceci.
Elle lui ouvrit la main pour y placer un petit collier de lapis-lazuli.
F : Tu le mettras au poignet de ton enfant. Je te souhaite bonne chance.
Elle referma la main d’Isabella sur son présent, et la poussa au dehors sans que la jeune femme eût le temps de réagir. Gonzales l’attendait et elle se hâta de le rejoindre, en jetant un dernier coup d’œil en arrière. Mais la vieille femme n’était plus là. Les marins avaient déjà chargé leur tonneau dans la chaloupe, il était temps de regagner la Santa Catalina. Alors qu’ils en approchaient, ils croisèrent une petite flotte de bateaux de pêche, menée à l’évidence par le chef des pêcheurs . Mendoza voulut leur parler, malgré la réticence de Nacir, qui se décida pourtant à les interpeler. Les pêcheurs les laissèrent venir à eux. L’échange fut bref, mais utile : les Espagnols eurent la confirmation de ce que leur avait déjà dit la mère du chef. Ce dernier déclina vigoureusement la proposition, avant d’ajouter qu’ils feraient mieux de quitter le coin au plus vite : un navire corsaire venait du large, et risquait bien de croiser leur route.
Quelques instants plus tard, la Santa Catalina appareillait en urgence. Alvares était dans tous ses états. Il se préparait à prendre la direction du Sud, quand Mendoza l’arrêta.
A : Capitaine ! Il faut partir au plus vite !
M : Vous avez entièrement raison, mais pourquoi voulez-vous nous servir sur un plateau à ces corsaires ? Il leur sera facile de nous rattraper, regardez leurs voiles : le vent les pousserait naturellement vers nous si nous prenons la direction du Sud, sans compter que je n’ai guère envie de rencontrer un autre navire ottoman remontant de Tripoli. Nous serions pris en tenaille.
A : Mais Tripoli est sous le contrôle des Chevaliers de Malte !
M : Ils ne tiennent pas toute la côte ! Toute cette partie de la Méditerranée est sous contrôle ottoman, ne l’oubliez pas !
A : Vous comptez aller vers Djerba ? Mais ils nous rattraperons aussi !
M : Nous avons le long de la côte un vent plus favorable pour remonter vers le Nord. Nacir !
Le jeune homme espéra un instant que l’Espagnol lui propose, ainsi qu’à ses camarades, de prendre la chaloupe pour regagner la terre. Il commençait à prendre conscience des risques réels qu’il encourait, mais il n’était pas question qu’il laisse deviner sa crainte. Il répondit donc d’une voix claire à l’appel de Mendoza.
N : Oui, Capitaine ?
M : As-tu déjà navigué par ici ?
N : J’ai déjà navigué dans le golfe de Boughraba…
M : Peut-on contourner l’île par le Sud?
N : Non, la chaussée romaine barre l’entrée du golfe de ce côté -ci.
M : Tu en es certain ?
N : Certain, oui. De toute façon les hauts fonds et les bancs de sable ne permettraient pas le passage d’un navire de cette taille. De l’autre côté du golfe, il n’existe qu’un chenal étroit pour sortir…
A : Qu’espériez-vous, Mendoza ? Vous savez bien que cette région était connue dès l’Antiquité pour ses fonds traitres…Et si nous continuons à longer la côte ainsi, nous allons finir par nous échouer !
M : Je te remercie, Nacir. Ecoutez, Alvares, je maintiens que nous avons plus de chance par le Nord. Dès que nous aurons dépassé la presqu’île, nous virerons de bord pour gagner le large, mais jusque là, nous restons au plus près de la côte.
Pendant cette conversation, le navire corsaire avait progressé vers le Sud, comptant arriver à leur hauteur pour leur fondre dessus où qu’ils aillent. Mais comme l’avait calculé Mendoza, il était peu probable qu’ils parviennent à leur couper la route s’ils gagnaient rapidement l’extrémité de la presqu’île. La Santa Catalina filait à bonne allure, semant son poursuivant qui dut faire une manœuvre compliquée pour virer de bord et tenter de capter un vent favorable. Finalement, il se dirigea lui aussi vers la pointe de Gergis pour tenter d’intercepter la caravelle espagnole, mais cette dernière bondissait sous les manœuvres expertes de son capitaine, dont l’équipage relayait les ordres avec une parfaite coordination. Isabella était restée sur le pont pour profiter du spectacle, qui émerveillait également les trois jeunes pêcheurs. Au moins, au milieu de cette partition parfaitement maîtrisée, de ce concert de cordes et de voiles, ces quatre là n’avaient plus à subir le regard des autres. Ce sentiment de liberté les grisait tout autant que la sensation de vitesse. Bientôt, la Santa Catalina arriva en vue de Djerba. Alors Mendoza donna l’ordre de mettre cap au large. Il ne restait plus qu’à espérer que le corsaire ne soit pas assez rapide pour les intercepter, car la distance se réduisait entre les deux navires. Soudain, la vigie poussa un cri d’alerte : une nouvelle voile était apparue sur leur gauche, venant du Nord. Alvares jura.
A : Nous allons être pris en tenaille !
M : Gardez votre sang-froid, Alvares, et observez bien le nouveau venu.
A : Bon sang ! Un navire de l’Ordre ! Nous sommes sauvés !
M : Vous voyez que les abords de Djerba ne sont pas aussi dangereux que cela…Je propose que nous nous dirigions à présent à nouveau vers le Nord, qu’en pensez-vous ?
A : A vos ordres, mon Capitaine !
Gonzales s’était approché.
G : Une fois de plus, la chance nous sourit…Le corsaire se rapproche dangereusement. Il n’est pas sûr que votre manœuvre aurait réussi.
M : Mais cela n’a plus d’importance, n’est-ce pas ? Vous regrettez de manquer une nouvelle occasion de démontrer vos talents de bretteur hors-pair ? Je parie que vous n’avez jamais eu l’occasion de monter à l’abordage.
G : Hélas non, mais à vos côtés cela aurait été sûrement une expérience inoubliable.
M : Nous aurons d’autres occasions sans doute…En attendant, nous aurons peut-être droit à une belle canonnade, si ces deux- là décident de s’affronter. Il vaudrait mieux pour nous ne pas nous trouver au milieu des tirs.
G : Pourquoi remontez-vous au Nord alors ?
M : Pour intimider nos poursuivants. Nous prendrons nos distances dès que possible.
La Santa Catalina se dirigea donc vers le vaisseau battant pavillon des Chevaliers de l’Ordre de Malte, une croix blanche sur fond rouge, sans parvenir toutefois à décourager le corsaire ottoman.
G : On dirait qu’il a envie d’en découdre. Il espère peut-être une double prise.
M : Je le trouve bien présomptueux.
A : Mendoza ! Il vire de bord ! On dirait qu’il veut se mettre en position de tir !
M : A cette distance ? C’est une pure provocation, et une regrettable perte de poudre.
A : Regardez ! Il a du renfort !
En effet, un nouveau navire corsaire était apparu, venant manifestement de Djerba.
M : On dirait que ces corsaires s’ennuient. Bien, je crois qu’il est temps que nous laissions ces messieurs se battre sans nous. Cap à l’Est !
A : Mais nous allons nous trouver sur leur ligne de tir !
M : A la limite de leur portée, ne vous inquiétez pas. Si nous changeons de direction, nous les mettons en position de choisir entre nous et les chevaliers de Malte. Leur temps d’hésitation peut nous être salutaire. Et s’ils tirent, ils ne nous poursuivent plus…c’est une manœuvre d’intimidation.
A : Nous sommes une proie plus facile…et ils sont deux à présent.
M : lls peuvent choisir d’unir leurs forces contre l’Ordre. Si le premier navire veut nous stopper, il ne sera plus en mesure de faire face à son ennemi.
A : Mais si son collègue vient à la rescousse…
M : C’est un risque à prendre.
A : De toute façon, vous avez pris votre décision…
Soudain, un bruit assourdissant retentit. Le corsaire avait tiré dans leur direction. Les boulets plongèrent à deux ou trois mètres à peine de la Santa Catalina en projetant d’énormes gerbes d’eau .
G : Votre premier calcul était juste…
M : Ils n’ont plus aucune chance....ils vont se rabattre sur les Chevaliers. Ce sera une belle prise pour eux. Allons, cela ne nous regarde plus !
La Santa Catalina continua sa course, tandis que derrière elle s’engageait un combat dont ses occupants n’eurent que les échos comme autant de coups de tonnerre.
G : Nous voilà tirés d’affaire, pour le moment. Je suppose que nous faisons route vers Malte ?
M : Oui, en espérant que les vents nous soient favorables.
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