Retrouvailles après Kûmlar.
Alors que la nuit tombe, les enfants et les marins prennent un peu de repos à la terrasse d'une auberge en Égypte sans se douter qu'ils sont épiés.
: Nom d'une barrique! Mais la bouteille est vide et j'ai encore soif!
: Et moi qui ai congédié les serviteurs afin que nous dînions tranquilles.
: Il devrait y avoir d'autres bouteilles dans la petite salle, sinon, l'un de nous devra aller en commander en bas. La plus jeune d'entre nous, par exemple.
Sancho gloussa:
: Bon... bon... bon... Bonne idée!
: Il n'en ai pas question! C'est vous qui buvez, c'est à vous de vous déranger.
: Pffffffff!!!!!!!!!!
: Je m'en occupe, je ne voudrais pas que vous épuisiez vos corps d'athlètes, les gars!
Mendoza se leva de sa chaise. Il descendit du belvédère et se dirigea vers l'entrée du bâtiment.
Passé l'effet de surprise de les retrouver bien vivants, Gaspard avait préféré laisser aux trois hommes le temps de boire et de se détendre, un bon moyen d'endormir leur vigilance. Mais à présent, le moment d'agir était venu en se basant sur la stratégie édictée par messire Ambrosius et dont le capitaine au bouc bien taillé ne voulait pas dévier.
Il leva sa main pour attirer l'attention de sa complice. Puis, il pointa Laguerra de l'index et lui désigna Mendoza, avant de se passer la main en travers de la gorge. Lui-même et Zarès s'occuperaient des deux autres.
L'ordre était clair.
Furtive, elle bondit sur la terrasse et se dirigea à son tour vers la rotonde, veillant bien à largement contourner le belvédère et à rester dans l'ombre.
Au moins, malgré son incartade, c'était à elle qu'il incombait d'éliminer l'Espagnol.
:
Mission pourrie!
L'aventurière formula cette pensée, l'esprit tournoyant en tous sens.
Dans une petite salle attenante à la principale, Mendoza venait de déboucher une nouvelle bouteille de vin. Il en avait trouvé toute une réserve posée sur une table. Laguerra entra dans la resserre sur la pointe des pieds.
En dépit de la furtivité de l'aventurière, le capitaine se retourna brusquement. Il ne pouvait la reconnaître, à cause de sa chasuble. Et pourtant. Il écarquilla les yeux de surprise et souffla:
: Laguerra? C'est vous?
La jeune femme combla l'écart qui les séparait, sa lame le long du corps. Elle se rapprocha à le toucher. Vivement, se haussant sur la pointe des pieds, elle embrassa le Catalan, goûtant à la saveur de ses lèvres. Dès qu'elle rompit le baiser, elle l'assomma en le frappant du pommeau de son arme, veillant bien à ne pas cogner trop fort.
Mendoza s'effondra.
Laguerra devait faire vite. Gaspard ou Ambrosius pouvaient arriver d'un instant à l'autre. Elle fendit la tunique du capitaine pour dénuder sa poitrine. Elle retroussa sa propre manche et s'entailla le creux de l'avant-bras. Puis elle fit couler son sang sur le torse du marin et sur la découpe de son vêtement.
:
Cela devrait suffire.
Elle l'espérait, en rabaissant sa manche, sans se soucier de l'entaille qu'elle s'était faite. Le navigateur donnait à présent l'impression, à ne pas y regarder de trop près, d'avoir reçu un coup de lame en pleine poitrine.
Laguerra se pencha sur lui et l'embrassa une nouvelle fois.
Un bruit de pas ténu se rapprochant de l'extérieur l'alerta. Elle ne l'aurait pas entendu si elle n'avait tant été sur ses gardes.
L'aventurière changea de posture. Elle colora sa lame d'un peu de sang puisé sur la tunique et se redressa comme si elle venait de frapper le capitaine. Gaspard apparut pour vérifier que Laguerra avait bien effectué sa tâche. Il jeta un coup d'œil au corps ensanglanté. Leurré par le stratagème, il marqua son approbation d'un hochement de tête. Il fit signe à l'aventurière de le suivre. La voie était libre, il était temps de s'occuper des enfants. Les deux sbires de Zarès ressortirent sur la terrasse. Gaspard avait finalement choisi d'attaquer les autres à eux trois, ainsi que l'avait préconisé l'alchimiste.