Poème (non MCO)

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Raang
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Re: Poème (non MCO)

Message par Raang »

Et pour rester dans le thème :

Phrase 19 : Vie Donnée
Il est tard le soir, ou tôt le matin, et le réveil sonne déjà.
J'ai les yeux qui piquent, je me sens fatigué, mais pour la bonne cause, n'est-ce pas ?
Je prenais mon repas, me préparais, et commençai mon rituel quotidien.
Seul, évidemment, il y a une conviction à laquelle je tiens.

Enfin, depuis quelques jours, je ne sais plus que croire.
Chaque jour, ces questions me reviennent et me hantent devant mon miroir.
Plus je me regarde, et plus je me demande,
S'il mérite autant d'offrandes.

Qui a besoin de voir le monde tel qu'il est actuellement ?
Mes actes ont-ils eut plus d'importance, par autant ?
(À) Qui et que dois-je écouter ? Regarder ? Parler ?
Est-ce un besoin de l'Homme d'espérer qu'il ait pu exister ?

Malgré ma vie et le rythme de mon quotidien
Ces questions ne partent pas, elles s'accrochent.
Et moi, toujours avec mon symbole dans ma poche,
Symbole d'une mort de plus, qui n'a servi à rien.

Ma matinée est terminée, je me vêtis de ma seconde peau.
Blanc nacré, brodé au fil d'or, ce costume si beau,
Devenu le symbole terrible de mon triste quotidien, de cette vaste blague.
Qu'Il a créé aussi facilement qu'on offre une bague.

La musique est enclenchée, je dois avancer.
Et je vois un rêve, que je ne peux exaucer.
"Unis devant Dieu", quelle magnifique phrase !

Pourquoi a-t'il fallu que je le fasse ?
Mais bon, on a besoin de moi pour accomplir ce travail,
D’apparence pur, qui cache un sale goût d'ail.
Après tout, j'ai donné ma vie à Dieu !
Alors, quel serait le problème d'unir deux âmes pures ?
Je commence à parler, je souhaite et exprime mes vœux.
Oui, je suis le prêtre de cette ville, et ceci n'est pas une heureuse sinécure.
Rayan
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Chaltimbanque
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Re: Poème (non MCO)

Message par Chaltimbanque »

Bon sang, je viens de retrouver quelques textes que j'avais écrit lors de mes années lycée et que je croyais avoir perdus !
Je vais vous en faire partager un ou deux... Attention, prose sortie du passé ! :x-):

Bientôt

Bientôt, je serai morte.

Pourtant, je ne pense pas avoir été plus injuste ou plus cruelle que vous-même. A mon humble connaissance, je n’ai jamais été celle qui a jeté la première pierre, et cela depuis ma naissance. J’ai cherché, je le crois, à être la plus équitable et la plus paisible possible, afin de rendre la vie plus agréable pour tous. Parfois, il est vrai, je me suis montrée sous des jours moins tolérants et mes colères, déchaînées, devenaient alors aussi puissantes que terribles. Je puis même avouer les avoir sincèrement regrettées un nombre incalculable de fois, car elles frappaient aveuglément des innocents.
Mais vous, que pouvez-vous me reprocher ? Vous savez aussi bien que moi que la colère, muée en une fureur sourde et folle libérée de toute emprise, devient totalement incontrôlable et ravage tout ce qui aura l’audace insensée de se trouver sur son passage. Car, oui, mes colères, aussi terrifiantes et dévastatrices soient-elles, ont toujours été la conséquence de l’audace démesurée que l’on m’opposait, et cela de manière systématique. Jamais, je vous le répète, je n’ai jeté la première pierre à quiconque. Et pourtant, bientôt, je ne serai plus de ce monde, au sens propre du terme.
Je ne parviens pas à comprendre le pourquoi de ma condamnation à mort. Je n’imagine pas une seule seconde la raison qui pourrait me démontrer que j’ai mérité mon sort. Je ne peux d’ailleurs pas imaginer une telle raison, puisqu’une telle raison n’existe pas. Et à supposer qu’elle vienne à exister, ce qui est hautement improbable, je ne serai plus là pour la connaître.

Quel est donc mon crime ?

J’ai vu des générations se succéder de manière aussi imperturbable que la rotation continuelle des planètes du système solaire. J’ai entendu, à votre image, les rires cristallins des enfants fascinés par les bondissements spectaculaires des dauphins. J’ai souri avec bienfaisance aux bulles de savon qui s’envolaient gracieusement vers les cieux, emportant avec elles les sourires éphémères des passants, même lors des jours sombres où la tristesse emplit les cœurs ombrageux. Je me suis, moi aussi, émerveillée face au spectacle cyclique de la Vie qui, pourtant, a pris son départ hésitant il y a de cela des milliers d’années. J’ai appris, comme la plupart d’entre vous, les évènements historiques qui ont marqué les temps précédant le nôtre. Mais le Temps nous rattrape tous à présent, et la dette qu’il réclamera d’ici peu est loin d’être payée.

Enfants, pardonnez mon sinistre jugement, mais peut-être vaudrait-il mieux que vous n’existiez jamais plus. Je vous aime plus profondément que vous ne pouvez l’imaginer.
J’ai fait, il y a de cela bien longtemps, abstraction tant de vos différences que de vos ressemblances, afin de mieux les sublimer dans vos yeux remplis d’espoir.
Mais, en grande majorité, vous grandissez et oubliez ce que vous avez été.
Vous mourez silencieusement, à petit feu, dans le cœur des Hommes pendant que leur mémoire efface scrupuleusement tout ce qui peut vous lier. Alors, ces Enfants Oubliés deviennent des Hommes irresponsables et arrogants, désormais désespérément attachés à l’argent, ce poison infernal dont la principale conséquence a été de répandre le sang jusque dans les entrailles de la terre.

L’Oubli vous perdra. Moi, je n’ai rien oublié. Je me souviens de mon enfance, alors que vous n’existiez même pas.
Je me souviens du soleil qui, chaque matin, perçait la brume enveloppant les hautes herbes pour venir, calme et serein, illuminer les gouttes de rosée perlant sur les feuilles des arbres qui semblaient, alors, briller de mille éclats liquides ! Je me souviens également des sables brûlants du désert dont les innombrables particules s’envolaient au gré du souffle de l’harmattan. Le spectacle des nuits glaciales où la voûte céleste s’embellissait au fur et à mesure qu’elle habillait son corps nu, bleu foncé ou noir, d’étoiles rivalisant de beauté et de lumière, demeure – et demeurera jusqu’à ce que je disparaisse – dans ma mémoire.
Il est des choses que vous n’avez jamais comprises. Certains d’entre vous, si, et je garde précieusement le souvenir de leur sagesse en mon sein.
A travers le temps, vous vous êtes sans cesse dressés les uns contre les autres, vous avez inventé les plus terribles machines et avez fait couler le sang de vos semblables. Le sol et les pierres en sont devenus écarlates, et le Soleil n’a jamais pu effacer complètement l’horreur de cette triste réalité. Paradoxalement, vous avez également prouvé que vous êtes capable d’une sagesse infinie, d’une bonté d’âme remarquable et d’un courage exceptionnel. Aussi loin que peut remonter le cours de mes souvenirs, vous m’avez toujours fascinée, tour à tour par votre audace et votre inconscience. Seulement, vous m’avez défiée.

Mes lois sont irréversibles, et votre irrespect à leur encontre ne demeurera pas impuni.
J’ai tenté de vous avertir. En vain. Vous ne pourrez pas éviter ma sentence, aussi intelligents que vous puissiez être. Le ciel, vous l’avez caressé sans le toucher, mais bientôt vous le fuirez en hurlant. Le feu vous a réchauffé le corps et le cœur depuis des temps immémoriaux, mais vous n’en conserverez d’ici peu qu’un infime souvenir ou qu’une brûlure insupportable.
Dure comme la pierre ou douce comme la mousse, la nature est la source de votre vie.
Mais elle peut aussi vous tuer, et lorsque viendra la dernière danse, vous serez dans ses bras accueillants.

L’enseignement que pouvaient vous transmettre les morts n’aura servi à rien. Vous avez empoisonné mon corps et ravagé mes poumons à vos fins futiles !
Bientôt, le mouvement qui m’anime cessera. Le nom que vous m’avez donné disparaîtra pour l’éternité. Le bleu de mes eaux s’est estompé.
J’entends les cris déchirants des arbres qui me supplient de mettre fin à leurs souffrances.
Je vois mes animaux disparaître en maudissant l’existence même de l’Homme ! Ils pleurent votre folie et sont outragés face à votre insolence sans cesse grandissante. Ils me donnent leur dernier souffle de vie, calmement, presque heureux, dans l’espoir de ne plus jamais connaître le désespoir de la vie que vous leur avez imposée.

De même que vous punissez vos criminels, mes assassins paieront pour leurs actes déments. Bientôt, je serai morte, puisque vous m’aurez tuée. Bientôt, vous serez morts, puisque vous disparaîtrez avec moi. Moi, je sais ce que je suis : je suis la planète sur laquelle vous vivez, et non votre planète. Qui croyez-vous être pour oser penser que je vous appartiens ?

Car, finalement, qui êtes-vous ? Ou plutôt, qui n’êtes vous plus ?
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Raang
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Re: Poème (non MCO)

Message par Raang »

Woaw...je suis sans voix...c'est tellement... :cry:
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Re: Poème (non MCO)

Message par Akaroizis »

Pendant dix minutes, je réfléchissais, j'étais sans parole, et c'est ça, un véritable texte que je qualifierais sans hésiter de quasi-philosophique. Car il n'y a pas de voix à avoir, juste l'émotion transcrite par écrit.

Cela nous fait réfléchir, sur de nombreux points, et c'est ça que j'adore dans certains textes de Raang, et maintenant de toi.

Bravo. Si à mon âge tu faisais ça, je n'ose pas espérer ce que donnera ou donne d'autres textes de ta création, créés dans des moments plus avancés de ta vie (même si tu es jeune encore ;)).
Le présent, le plus important des temps. Profitons-en !

Saison 1 : 18.5/20
Saison 2 : 09/20
Saison 3 : 13.5/20


Ma présentation : viewtopic.php?f=7&t=80&p=75462#p75462
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Re: Poème (non MCO)

Message par Raang »

Bon, je fouillais mes papiers, et je me suis rendu compte que j'avais oublié de vous faire partager deux poèmes qui sentent encore bon le pain chaud :oops:
Donc je vous propose ma vingtième phrase, et dans quelques minutes, la dernière à l'heure actuelle.

Phrase 20 : Fin de la Faim, mort de la Mort, survie de la Vie
Mes amis, mes frères, mes collègues.
Ce sont mes derniers mots prononcés devant vous.
En trente ans, nous avons créé tant d'innovations, pour tous et pour n’importe où.
Ce monde a besoin du savoir qu'on lui lègue.

En tellement de temps, nous avons vu passer des génies.
Des inventions, des Prix Nobel, des écrits.
Nous faisant franchir, pas-à-pas,
Des limites que l'Homme n'imaginait pas.

Cela fait trente longues années que je travaille avec vous.
Des jeunes prometteurs, ou des vieux fous.
Je vous ai vu, vous de tous les âges.
Dans le but de réaliser nos rêves, plus ou moins sages.

Je me fais vieux aujourd'hui, pourtant mes rêves ne se sont pas enfuis.
Je compte désormais sur vous, les nouveaux.
Pour rendre notre monde plus beau
Je le saurais si l'un d'entre vous réussit.

Mes rêves ? Ai-je oublié d'en parler ?
Quoi de plus fort que l'Immortalité ?
Ou alors mieux : un monde mieux réparti ?
Où la chance, l'égalité et la paix,
Serons nos parfaits alliés.

Mes amis, mes frères, ma famille, La Terre.
Merci pour ce que vous m'avez permis de faire.
Je te remercie toi aussi, ma plus fidèle amie, pour mes envies.
Car on oublie trop souvent le cadeau merveilleux que tu es, chère Vie.
Rayan
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Re: Poème (non MCO)

Message par Raang »

Et...voilà mon dernier poème en date !

Phrase 21 : Petit bonhomme.
Petit bonhomme, marchant dans les bois.
Cherchant vaillamment des trésors cachés.
Bouchons de bouteilles, débris métalliques, jouets brisés.
Soudain apparut un petit soldat de plomb au milieu des coques de noix.

Petit bonhomme, tu joue tous les jours.
Avec ton soldat à la peinture écaillée.
Tu entends parler ces hommes courageux s'en aller.
Excité, tu attends ton tour.

Petit homme, tu auras appris la vérité.
De cette lutte endiablée, ton père ne s'est jamais éveillé.
Cœur broyé, visage inondé.
Tu jettes ce stupide jouet, il l'a bien mérité.

Petit soldat, tu as dix-huit ans.
Malgré ton traumatisme, tu te portes volontaire.
Sur le quai, tu serres dans tes bras, ta pauvre mère.
Ton petit soldat, tu ne l'as pas, il n'est pas là maintenant.

Petit soldat, si jeune mais dévoué.
Tu découvre l'horreur que ton père a enduré.
Par haine et vengeance, tu t'acharne sur l'ennemi.
Plus d'enfance, plus d'innocence, tout ça, c'est fini.

Petit soldat, tu t'es endormi.
Un repos bien mérité, honoré comme il se doit.
Petit jouet pour faire rêver les petits.
Qui, à tout jamais, oublieront ce qu'on était, toi et moi.
Rayan.
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Chaltimbanque
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Re: Poème (non MCO)

Message par Chaltimbanque »

Je suis contente que mon voyage dans le temps vous ait plu, Raang & Akar ! ;)
(Moi, avec quelques années supplémentaires, je suis plus critique sur certains passages mais bon... ^^)

J'aime vraiment beaucoup ton dernier poème, Rayan, je vais même le garder pour le relire de temps à autres ! :D
Et comme je te le disais, je trouve "marrant" que toi et mon moi de 15/16 ans allons nous retrouver sur certains points. Je te laisse regarder ça par toi-même !

Petit homme

Que fais-tu là, petit homme aux mains enduites de sang ?
Tes mains, si minces, expriment une force désespérée face au rictus de la Mort qui, chaque jour, te dévisage avec envie.
Que fais-tu ici, perdu au beau milieu de la folie déchaînée des adultes ?
Tu n’es pas plus haut que trois pommes, mais, déjà, tu fais face avec orgueil à tes frères ennemis.

Dans tes yeux noirs, plus rien ne peut désormais y être lu hormis la haine, la peur, la tristesse et la fierté empoisonnée d’avoir accompli avec succès la tâche écœurante qui t’a été octroyée.
Tu n’as jamais voulu agir de la sorte, bien sûr, mais tu n’as pas non plus eu la possibilité de refuser. Il faut bien vivre, en ce bas monde…
Même s’il faut vivre de la mort.
Le jour, tu t’évertues à survivre en tuant. La nuit, tu es hanté par les tâches écarlates dont ton visage est recouvert.
Elles te rappellent, impitoyables, tes actes terrifiants et tu te prends à rêver que plus jamais tu n’auras à agir ainsi. Que tu pourras te racheter et vivre normalement. Seulement, même les étoiles ne te consolent plus ; pour toi, elles sont comme autant d’âmes fauchées par ta main.
Elles brillent pour toi, mais, de leur lumière, te plongent dans les abîmes de l’obscurité la plus totale.

Et lorsque les rayons du soleil viennent lécher ton visage, ils ne t’éclairent pas davantage. Le soleil, pour toi, n’est jamais qu’une étoile plus cruelle que toutes les autres. Il ne fait rien d’autre que t’envoyer exécuter ton exécrable besogne sans t’accorder la moindre douceur. Qu’est-ce que la douceur ? Il te semble l’avoir su, un jour, il y a longtemps. Si longtemps.
Tu te souviens vaguement d’une femme, belle et douce, dont le rire suave résonne parfois aux confins de ton âme tourmentée.
Une femme…celle que tu as chéri plus que tout au monde, celle qui, avant que tu ne t’endormes, déposait un baiser gracile et tendre sur ta joue.
Celle qui t’a donné la vie, cette vie que tu t’acharnes à défendre dans le sang.

Hier te semble déjà loin. Aujourd’hui n’est jamais qu’un jour de plus. Demain ne sera peut-être pas. De toute façon, quelle importance ?
Tu défends ta vie, mais tu ne crains plus la mort. A chaque instant, elle te nargue, rit de tes efforts, te laisse t’échapper pour mieux te rattraper.
Tu sais que tu n’es rien d’autre qu’une machine à tuer, et que le jour où les rouages de ton corps déjà meurtri seront rouillés, ce jour-là, tu seras détruit à tout jamais.

Tu as fauché plus de vies que n’importe lequel des enfants qui t’ont rejoint. Ils ne savent pas encore l’ampleur terrifiante du rôle que les hommes de ton camp leur ont confié. Ils sont incapables de viser correctement, et ratent leur cible à moins d’un mètre. Leurs petits corps n’arrivent pas à supporter le recul de leurs armes à feu.
Pourtant, ils partent à l’assaut, aussi fiers que fous. Certains sont déjà tombés dans la boue ; ils ne se sont pas relevés. Tu as été obligé d’aller chercher leurs minuscules cadavres sanguinolents, de tremper tes mains endurcies dans leurs entrailles encore chaudes, et de tenter d’apaiser l’ultime spasme d’agonie qui les faisait trembler aussi violemment que le flot écarlate que leurs bouches vomissaient par à-coups.

L’un de ces pauvres petits soldats, tu l’as contemplé, du haut de ton impuissance.
Il a dardé ses yeux vitreux vers toi, son dernier rempart avant la mort, et a murmuré à ton oreille : « Merci.»
Sa petite tête a soudainement basculé en arrière. Il n’avait pas 10 ans.
Et tu as souhaité hurler, pleurer, mais tu n’y es pas parvenu. Cela n’aurait fait que gâcher l’eau de tes larmes taries. Alors, tu lui as fermé les paupières, à ce gamin. Et soudain, tu as vu le reflet de ton propre corps se fondre dans le sien.

Tout autour de toi, le vacarme des salves tirées martèle tes oreilles, mais tu ne l’entends plus vraiment.
Tu ne vois plus que ce corps, frêle et brisé, arrosé de haine et d’ignorance. Tu trembles sous la caresse du vent, et tu en as assez. Tu te relèves, droit et fier, pour te retourner et continuer à te battre. Tu te retrouves alors face à la gueule béante du canon d’un fusil pointé sur ton cœur. Des fusils comme celui-là, tu en as déjà vu des centaines. Tu les as même manipulés.
Mais ce n’est qu’à cet instant, cet instant seulement, que tu entrevois sa respiration fumante, ce filet chaud, gris, presque évaporé qui a suivi la balle meurtrière qu’il vient de cracher.
Tu regardes le visage de celui que tu sais être ton meurtrier, et tu n’y vois rien d’autre que toi. Tu te dis que c’est étrange, qu’il te ressemble vraiment beaucoup, cet ennemi.
« Cet ennemi ?» te souffle ta conscience, plus aiguisée que jamais.
Et alors, tu comprends : ton meurtrier n’est pas ton ennemi, mais ton sauveur : il va te délivrer, et tu vas pouvoir lui donner ton dernier souffle à vivre. Tu le contemples encore un peu, et tu ne bouges pas d’un pouce lorsque tu ressens la morsure de la balle pénétrer tes artères.
Tu sens vaguement un filet de sang courir sur ton torse endolori, mais tu n’y prêtes pas vraiment d’attention.

Ton meurtrier, lui, baisse son fusil, et t’observe curieusement. L’instant d’après, tu entends un sanglot percer sa gorge nouée par le désespoir.
Tes jambes se dérobent sous ton poids, et tu t’affaisses lentement vers la terre, sans plus chercher à te battre. Tout est presque fini.

Étendu, tu respires tranquillement, apaisé, et pour une fois, le soleil semble te sourire.
Tu t’aperçois alors que deux mains, moites et tremblantes, te soutiennent.
Tu te concentres avec peine, et comprends que l’enfant qui t’a donné la mort se tient près de toi, plein d’humilité et de chagrin. Ses lèvres bougent, mais tu n’entends pas les mots qu’elles articulent. Tu arrives à peine à distinguer les larmes qui se ruent sur ses joues.
Tu remarques enfin que tes vêtements sont trempés, enduits d’une couleur rouge sombre.
Alors, tu décides de fermer tes yeux sur l’horreur du monde et de le quitter pour de bon.

Les yeux levés vers le ciel bienveillant, plein d’allégresse, tu souris à ton assassin, ton sauveur, ton frère de haine et de mort, un enfant soldat parmi tant d’autres.
Modifié en dernier par Chaltimbanque le 28 mars 2017, 20:01, modifié 4 fois.
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Re: Poème (non MCO)

Message par Raang »

Je...woaw...c'est un chef d'oeuvre !!!
Mon Dieu, tout est tellement bien retranscrit, les sentiments, la guerre, la délivrance.
Tu était déja exellente quand tu avais 15 ans...je suis jaloux.

En effet, c'est cocasse de voir qu'entre deux générations, deux textes soient aussi semblbles dans le fond et le thème, et se complètent
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Re: Poème (non MCO)

Message par Akaroizis »

Le commentaire précédent d'un certain "Akaroizis" (:tongue:) sur ton précédent texte est le même qu'ici : c'est superbe, faut avoir un talent fou pour faire ça ! Dis-moi que t'en as d'autres steuplé ! :-@ c'est trop bien je parle comme Manon ça va pas :x-):
Le présent, le plus important des temps. Profitons-en !

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Re: Poème (non MCO)

Message par manonallemende »

Akaroizis a écrit : 28 mars 2017, 19:49 Le commentaire précédent d'un certain "Akaroizis" (:tongue:) sur ton précédent texte est le même qu'ici : c'est superbe, faut avoir un talent fou pour faire ça ! Dis-moi que t'en as d'autres steuplé ! :-@ c'est trop bien je parle comme Manon ça va pas :x-):
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